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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 22 septembre 2017, n° 15-13322

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Loginfo (SARL)

Défendeur :

Atlantique Stade Rochelais (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mme Lis Schaal, M. Thomas

Avocats :

Mes Boccon Gibod, Garrigues, Lagraue, Delay Peuch, Drageon

T. com. Rennes, du 28 mai 2015

28 mai 2015

Faits et procédure

Le 1er octobre 2004, la société Atlantique Stade Rochelais (ASR), qui gère et exploite le club de rugby de La Rochelle, et la société de communication Logiciel Informatique Services (Loginfo), ont signé un contrat de partenariat et de régie. Par cette convention, la société Loginfo s'engageait à concevoir et héberger un site Internet (www.staderochelais.com), la société ASR s'engageant à mettre à jour le site Internet deux fois par semaine, à fournir six places en tribune partenaire, à mettre à disposition à ses frais deux panneautiques autour du terrain, à présenter la société Loginfo par annonce sonore pendant les matchs à domicile, à lui présenter les partenaires du club et à la consulter pour toutes communication ayant trait aux nouvelles technologies de l'information et de la communication.

En juin 2010, l'ASR qui était un club de Pro D2 a été promu en Top 14.

Le 30 juin 2011, le contrat du 1er octobre 2004 a été résilié.

En juillet 2011, la société Loginfo a transmis les bons de commande de la saison 2010/2011 à la société ASR.

Le 19 août 2011, la société ASR a établi une facture d'un montant de 7 945,63 euros représentant 30 % de rétribution pour l'utilisation d'espaces publicitaires sur le site officiel de la société ASR.

Cette facture n'ayant pas été payée malgré plusieurs relances, une première mise en demeure est intervenue le 10 février 2012, suivie d'une seconde le 22 mars 2012.

Par acte introductif d'instance du 16 janvier 2013, la société ASR a assigné la société Loginfo devant le Tribunal de commerce de La Rochelle en condamnation au paiement de la facture du 19 août 2011.

Loginfo a reconventionnellement demandé la condamnation d'ASR pour rupture brutale de la relation commerciale et pour utilisation, par ASR, de photographies sans son autorisation.

Le Tribunal de commerce de La Rochelle s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Rennes qui, par jugement en date du 19 juin 2015, a :

- condamné la société Loginfo à payer à la société ASR la somme de 4 357,63 euros TTC, outre intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2013 ;

- s'est déclaré incompétent en matière de propriété intellectuelle et a renvoyé la société Loginfo a mieux se pourvoir ;

- débouté les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- condamné la société Loginfo aux entiers dépens de l'instance.

La société Loginfo a interjeté appel de cette décision le 19 juin 2015.

Prétentions des parties

La société Loginfo, par conclusions signifiées par le RPVA le 19 janvier 2016, demande à la cour de :

- dire l'acte du 2 septembre 2010, intitulé "transaction", nul et de nul effet ;

- dire que la société Loginfo ne peut être redevable que d'une somme de 4 357,63 euros TTC envers la société ASR ;

- débouter la société ASR de ses entières, demandes fins et conclusions contraires ;

A titre reconventionnel,

- condamner la société ASR à payer à la société Loginfo une indemnité de 100 000 euros en réparation de la rupture fautive des relations commerciales de prestations de service et de 38 000 euros en réparation de la rupture fautive des relations commerciales liées au contrat de régie publicitaire et de partenariat ;

A titre subsidiaire,

- condamner la société ASR à payer à la société Loginfo une indemnité de 38 000 euros en réparation de la violation de ses obligations au titre de la transaction ;

- ordonner la compensation des condamnations prononcées et l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

- condamner la société ASR à payer à la société Loginfo une indemnité de procédure de 5 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile comme à supporter les entiers frais et dépens d'instance et d'appel.

La société Loginfo fait d'une part valoir que l'acte transactionnel est nul sur la forme car il a été signé pour l'ASR, qui est une SAS, par un simple administrateur de la société, Monsieur Merling, et que ce dernier, à défaut d'être mandataire social, n'avait pas qualité pour engager la société ASR. Elle soutient d'autre part que sur le fond, l'acte est nul à défaut d'une quelconque contrepartie réelle de la part de l'ASR, la seule contrepartie accordée s'étant limitée à la poursuite du contrat jusqu'en juin 2011, or, le contrat liant les parties était renouvelable par tacite reconduction par période de deux années ; à la date de la transaction, le contrat signé était donc en cours jusqu'en 2012. La contrepartie se trouve donc en réalité être lésionnaire des droits de Loginfo. Or, une transaction implique l'existence de concessions réciproques des parties et d'une contrepartie réelle conformément à article 2044 du Code civil.

La société Loginfo invoque par ailleurs le non-respect par l'ASR de ses obligations :

- ainsi que Loginfo l'a reproché à l'ASR par courrier dès les 30 juin 2011 et 14 mai 2012, il est démontré que le logo et la simple mention du nom de Loginfo ont disparu de la communication de l'ASR avant 30 juin 2011, notamment sur les affiches des matchs ;

- la plaquette commerciale de la saison 2010/2011, durant laquelle le contrat devait donc encore s'appliquer, est anormalement totalement vierge du logo de Loginfo ;

- l'ASR a directement effectué la régie publicitaire du site Internet dès le 7 juin 2011, soit avant la date prévue par la " transaction " pour la fin de la relation contractuelle, se targuant auprès des clients de Loginfo des excellents chiffres du site Internet sans faire aucune mention de Loginfo mais avec les tarifs de sa nouvelle offre Internet ;

- Loginfo ne s'est pas non plus vue attribuer les places convenues pour les quatre premiers matchs de la saison ;

- son panneau fixe en bord de terrain a été supprimé. L'album de la " saison magique " réalisé sans cession de droit avec des photos de la concluante ne sera pas retiré.

Sur la rupture des relations commerciales, Loginfo expose que le contrat de partenariat et de régie exclusive, qui liait les parties depuis le 1er octobre 2004, prévoyait un renouvellement par tacite reconduction pour des périodes successives de deux ans, sauf résiliation par l'une ou l'autre des parties, signifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception deux mois avant l'expiration de la période en cours ; or, le contrat a été rompu brutalement et sans préavis à compter du 30 juin 2011. Elle soutient que plus aucune prestation de service n'a été passée à Loginfo à compter du 30 juin 2011, que la relation commerciale liée à ces prestations était établie et constante depuis 2008, et cette relation n'entrait pas dans l'objet de la "transaction" et n'a donné lieu à aucun préavis.

La société Loginfo soutient que ces résiliations sont intervenues en violation des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, qu'au regard de la durée de la relation commerciale, en l'espèce presque sept années pour le contrat et quatre pour les prestations de services, un préavis de deux saisons aurait dû être respecté.

Elle prétend enfin, sur le montant de la créance invoquée par l'ASR, que, si cette dernière réclame le paiement une somme de 7 945,63 euros TTC par application du contrat, il convient soustraire de la somme revendiquée celle de 3 000 euros HT que l'ASR avait précédemment indûment soustrait sur les factures dues à Loginfo pour un partenariat "maillots" qui n'a pas été respecté. L'ASR ne peut donc utilement opposer à Loginfo qu'une créance éventuelle de 4 357,63 euros TTC, de sorte que le jugement doit, sur ce point, être confirmé.

La société ASR, appelante à titre incident, par ses conclusions signifiées par le RPVA le 20 novembre 2015, demande à la cour de :

- déclarer recevable l'appel incident de la société ASR

- débouter purement et simplement la société Loginfo de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions

- confirmer les dispositions du jugement entrepris, à l'exception de celle relative à la compensation de la somme de 3 000 euros ayant réduit la somme réclamée à la somme de 4 357,63 euros ;

Statuant à nouveau de ce chef,

- condamner la société Loginfo à verser à la société ASR la somme de 7 945,63 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2013 ;

- condamner la société Loginfo au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle soutient que le contrat entre les deux sociétés a été résilié à compter du 30 juin 2011 par voie de transaction signée entre les parties le 2 septembre 2010, que cette transaction prévoyait une période de sortie contractuelle échelonnée dans le temps : l'article 2 de cette convention réglait en effet le sort de la collaboration entre les parties sur la saison 2010/2011. La société Loginfo a transmis en juillet 2011 les bons de commande, de la saison 2010-2011 à la société ASR. Sur cette base, la société ASR a établi une facture d'un montant total de 7 945,63 euros TTC correspondant au 30 % de rétribution pour l'utilisation d'espaces publicitaires sur le site officiel de l'ASR.

La société ASR soutient par ailleurs que la société Loginfo n'a apporté aucune prévision, ni aucune pièce aux débats quant à la soustraction qui aurait été opérée par la société ASR. L'examen du courriel du 15 juillet 2010, intitulé "erreur facturation", n'apporte aucun élément permettant de faire droit à la demande de compensation ; ce courriel ne démontre nullement que la société Loginfo aurait indûment réglé un montant de 6 000 euros, au lieu de 3 000 euros, puisque tout au contraire elle a résisté en demandant le 15 juillet 2010 que la facture émise par la société ASR soit refaite. Elle ajoute que la transaction signée entre les parties a réglé toutes les réclamations existantes au 2 septembre 2010, soit postérieurement au courriel du 15 juillet 2010, et ce inclus le montant litigieux de 3 000 euros.

Sur les demandes reconventionnelles de la société Loginfo :

Sur la prétendue nullité de la rupture de la convention initiale, ASR fait valoir que la transaction en date du 2 septembre 2010 évoque le contrat initial et la grave mésentente intervenue entre les parties et les lettres qu'elles s'échangèrent entre elles, que cette transaction a tranché le débat et a autorité de chose jugée puisque - connaissance prise de ces lettres et de leur contenu - et alors que les parties étaient assistées l'une et l'autre de leur conseil, elles ont décidé de solder et résoudre toutes les réclamations existantes entre les parties à ce jour sur l'exécution mutuelle de leurs obligations contractuelles telles que décrites en préambule selon l'article 1er de la transaction.

Sur le prétendu non-respect de la transaction, ASR soutient que les pièces versées aux débats ne permettent pas de dater une quelconque contestation de Loginfo alors que la transaction est datée du 2 septembre 2010 et porte sur une résolution amiable des accords au terme de la saison 2010/2011 soit au 30 juin 2011 ; or, les pièces adverses soit sont non datées, soit relèvent d'une période antérieure ou concomitante à la transaction.

ASR prétend que, si Loginfo demande, sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, une indemnisation à hauteur de deux ans de chiffre d'affaires, elle ne justifie nullement d'un tel montant, ne versant aucune pièce aux débats sur ses comptes sociaux, étant par ailleurs précisé qu'elle ne dépose pas ses comptes sociaux.

ASR expose enfin que la demande reconventionnelle de Loginfo se heurte à la transaction qui a autorité de chose jugée. Le jugement, après avoir rappelé les critères jurisprudentiels de la rupture brutale a considéré que la transaction qui prévoyait une date de cessation des relations a valeur de préavis écrit d'une durée d'une saison entière, ce qui semble raisonnable et adapté au cas d'espèce.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.

MOTIFS

Considérant que la disposition du jugement entrepris par laquelle le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent en matière de propriété intellectuelle et a renvoyé la société Loginfo a mieux se pourvoir, n'est pas contestée ; qu'elle sera confirmée sur ce point ;

Sur la demande principale de la société ASR

Sur la nullité de la transaction

Considérant que le contrat conclu le 1er octobre 2004 entre les sociétés ASR et Loginfo a été résilié à compter du 30 juin 2011 par voie de transaction ; que la transaction signée entre les parties le 2 septembre 2010 stipule, en son article 1er

- en son article 2, que "le site tel qu'installé par Log Info service est accepté et les parties conviennent de prolonger la convention initiale jusqu'en fin de saison 2010/2011, date à laquelle la convention sera résolue." ;

Considérant que Loginfo invoque la nullité de la transaction du 2 septembre 2010 en ce que Monsieur Merling, signataire de l'acte au nom d'ASR, n'avait pas qualité et pouvoir, à défaut d'être mandataire social, pour engager l'ASR ;

Considérant qu'il est constant que Monsieur Merling a reçu, sur autorisation donnée par le conseil d'administration de l'ASR le 13 septembre 2010, un pouvoir daté du 15 septembre 2010 aux fins de signature du protocole ;

Mais considérant que les tiers ne peuvent invoquer les statuts d'une personne morale pour critiquer la régularité de la désignation de son représentant, en vue de contester le pouvoir d'agir de celui-ci ; que Loginfo est, dans ces conditions, dépourvue d'intérêt à contester la validité de la délégation de pouvoir accordée à Monsieur Merling ; que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;

Considérant que Loginfo n'est pas davantage fondée à contester le caractère transactionnel de l'acte du 2 septembre 2010 en ce qu'il serait dépourvu de contrepartie réelle de la part de l'ASR ; qu'en effet si, conformément à l'article 2044 du Code civil, une transaction implique l'existence de concessions réciproques des parties, tel est bien le cas en l'espèce, dès lors que :

- Loginfo a opposé à ASR plusieurs manquements exposés dans sept courriers recommandés avec accusé de réception des 8, 14 et 16 août 2010, cités en préambule de l'acte ;

- le grief d'ASR concernait la qualité du site Internet ;

- l'engagement de "solder et résoudre toutes les réclamations existantes entre les parties à ce jour sur l'exécution mutuelle de leurs obligations contractuelles telles que décrites en préambule" vaut concessions réciproques ;

Que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;

Sur la résolution de la transaction

Considérant que Loginfo n'est pas davantage fondée à conclure à la résolution de la transaction au motif que cet acte n'aurait pas été exécuté ; qu'en effet, si elle invoque :

- l'absence d'attribution les places convenues pour les quatre premiers matchs de la saison, elle n'en rapporte nullement la preuve ;

- la disparition du logo et de la mention de son nom sur les affiches des matchs, de la communication de l'ASR avant le 30 juin 2011, ce seul élément est, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, insuffisant à caractériser un manquement grave d'ASR propre à justifier la résolution de la transaction ;

Sur le fond

Considérant que la société ASR sollicite la condamnation de la société Loginfo au paiement de la facture n° 11120127 d'un montant total de 7 945,63 euros TTC, correspondant à 30 % de rétribution pour l'utilisation d'espaces publicitaires sur le site officiel de l'ASR au titre de la saison 2010-2011 ;

Considérant que le contrat du 1er octobre 2004 stipule :

- en son article 2 : "le tarif des encarts publicitaires sera identique, peu importe la société vendeuse. La répartition devra clairement apparaître sur le contrat : 30 % pour utilisation du support du club de la SAS Atlantique Stade Rochelais, 30 % de frais technique pour Loginfo Services, 40 % de frais commerciaux pour la structure vendeuse." ;

- en son article 5 : "les bons de commande, la facturation et les encaissements seront établis au nom de la structure vendeuse qui fournira chaque mois un relevé des ordres d'insertion et reversera à son partenaire le montant défini à l'article 2." ;

Considérant que le montant réclamé n'est pas contesté par Loginfo ; que, si cette dernière prétend qu' "il faut soustraire de la somme revendiquée une somme de 3 000 euros HT que l'ASR avait précédemment indûment soustrait sur les factures dues à Loginfo pour un partenariat " maillots " qui n'a pas été respecté", elle ne rapporte pas la preuve d'avoir payé indûment la somme de 3 000 euros ; qu'en conséquence, la cour infirmera le jugement entrepris en ce qu'il a opéré une compensation avec la somme de 3 000 euros et condamnera Loginfo à payer à ASR la somme de 7 945,63 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2013 ;

Sur la demande reconventionnelle de la société Loginfo

Considérant que Loginfo ne peut invoquer une rupture brutale de la relation commerciale dès lors que :

- en signant le protocole transactionnel, qui, conformément à l'article 2052 du Code civil, a l'autorité de la chose jugée, elle a accepté les conditions de fin de la relation qui ne peuvent, en conséquence, avoir aucun caractère de brutalité ;

- en tout état de cause, en prévoyant la cessation des relations à l'issue d'une durée d'une saison entière (du 2 septembre 2010 au 30 juin 2011), la transaction a fixé un préavis d'une durée raisonnable ;

Que la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a débouté Loginfo de sa demande de ce chef ;

Considérant que l'équité commande de condamner Loginfo à payer à ASR la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, confirme le jugement entrepris, sauf sur le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la SARL logiciel informatique services ; statuant à nouveau du chef infirmé ; condamne la SARL logiciel informatique services à payer à la sa atlantique stade rochelais la somme de 7 945,63 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2013 ; condamne la SARL logiciel informatique services à payer à la sa atlantique stade rochelais la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel condamne la SARL logiciel informatique services aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.