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Décisions

CA Riom, 3e ch. civ. et com. réunies, 13 septembre 2017, n° 16-00666

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Axa France Iard (SAS)

Défendeur :

Whirlpool France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Riffaud

Conseillers :

MM. Juillard, Kheitmi

Avocats :

SCP T.-P.-V, SCP L. G. & Associes, SELARL M. & Associes

T. com. Clermont-Ferrand, du 11 fév. 201…

11 février 2016

Exposé du litige :

Le 11 janvier 2007, Mme Malika A. a acheté un lave-linge de marque Indesit type Mod Witl120 auprès des établissements Géant Casino.

Le 27 juillet 2012, un incendie a pris naissance dans la buanderie, située au rez-de-chaussée de la maison occupée par Mme A. et dont elle est propriétaire.

Il résulte des déclarations de l'intéressée et des constatations opérées par le Cabinet d'expertise ELEX, mandaté par la SA Axa France Iard, assureur multirisque habitation de Mme A., en date des 27 juillet 2012 (rapport de reconnaissance) et 26 décembre 2012 (rapport définitif) que l'incendie aurait pris naissance au niveau du bandeau de commandes du lave-linge : 15 à 20 minutes après avoir mis en marche son lave-linge, alertée par un bruit sourd, Mme A. indique s'être rendue au rez-de-chaussée et avoir constaté qu'il était envahi d'une épaisse fumée. Pénétrant dans la pièce, elle a constaté qu'un incendie prenait naissance au niveau de son lave-linge ; réussissant à débrancher ce dernier, elle a alerté les pompiers qui sont intervenus immédiatement.

Il résulte du procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages imputables à l'incendie en date du 21 décembre 2012, que ceux-ci ont été chiffrés à la somme de 24 465 euros vétusté déduite.

Suivant une quittance en date du 15 janvier 2014 Mme A. a reconnu avoir reçu de la SA Axa France Iard (la société Axa), la somme globale de 25 410,92 euros, et lui en a donné quittance pour la subroger dans tous ses droits et actions à l'encontre d'un éventuel responsable.

La société Axa a vainement demandé paiement de la somme de 25 410,92 euros à la SAS Indesit Company France (la société Indesit) qui, selon elle, est responsable des dommages subis par son assurée, avant par d'huissier de justice en date du 15 mai 2014, de faire assigner cette société devant le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand, au visa des articles 1386-1 à 1386-18 du Code civil et aux fins de voir :

- dire la société Indesit responsable de plein droit des conséquences dommageables causées aux biens de Mme A. du fait du défaut de sécurité (incendie au niveau du bandeau de commande) ayant affecté le 22 juillet 2012 le lave-linge de marque Indesit type Mod Witl120 acquis par cette dernière ;

- condamner la société Indesit à lui rembourser la somme de 25 410,92 euros réglée à ou pour le compte de Mme A. au titre des dommages, tels que résultant de la quittance subrogative du 15 janvier 2014, avec intérêts de droit à compter de cette date ;

- condamner la société Indesit à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Par jugement du 11 février 2016, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a débouté la société Axa de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens et à payer à la société Indesit la somme de 1 500 au titre de ses frais de procès.

Suivant déclaration reçue au greffe de la cour le 8 mars 2016, la société Axa a interjeté appel total de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 15 mars 2017 au moyen de la communication électronique elle demande à la cour, au visa des articles 1386-1 à 1386-18 du Code civil, de réformer le jugement entrepris et de :

- dire la société Indesit responsable de plein droit des conséquences dommageables causées aux biens de Mme A. du fait du défaut ayant affecté le 22 juillet 2012 le lave-linge acquis le 11 janvier 2007 auprès du magasin GEANT LE BREZET à Clermont-Ferrand ;

- condamner la société Indesit à lui rembourser la somme de 25 410,92 euros réglée à Madame A. au titre des dommages, tels que résultant de la quittance subrogative du 15 janvier 2014, avec intérêts de droit à compter de cette date ;

- à titre infiniment subsidiaire, voir ordonner une mesure d'expertise du produit litigieux ;

- condamner la société Indesit à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP T. & associé, avocat.

Elle soutient que s'il incombe au demandeur, sur fondement de l'article 1386-9 du Code civil, de rapporter la preuve d'un dommage, d'un défaut et d'un lien de causalité entre eux cette preuve peut résulter de présomptions si elles sont suffisamment précises, graves et concordantes.

A cet égard, elle estime que les éléments factuels du dossier convergent de façon précise et concordante vers un défaut interne de l'appareil localisé plus particulièrement au niveau du bandeau de commande. Cet élément ressortant tant de la déclaration de Mme A. que de l'attestation du service départemental d'incendie et de secours du Puy-de-Dôme.

Elle prétend que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la preuve du lien de causalité entre les dommages et le défaut du lave-linge n'était pas rapportée et que celui-ci aurait dû être retenu par présomption, sachant que les possibles causes externes invoquées par la société Indesit ne coïncident pas avec le faisceau d'indices évoqué.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 13 juillet 2016 au moyen de la communication électronique, la société Whirlpool France SAS, venant aux droits de la société Indesit Company France, intimée, demande à la cour au visa des articles 1386-1 et suivants du Code civil, 6 et 9 du Code de procédure civile, 1315 du Code civil et du rapport du CNPP en date du 23 février 2015, de :

- confirmer le jugement entrepris ;

- débouter la société Axa de l'ensemble de ses demandes ;

- la condamner au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP L. & associés, avocat.

Elle considère que l'expertise amiable pratiquée par le Cabinet Elex ne respecte pas la méthodologie de recherche des causes d'incendie et que les carences de cette expertise ne permettent pas de déterminer le fait générateur de l'incendie. Elle ajoute que les experts ont d'ailleurs porté la mention " incendie interne au lave-linge Indesit, cause indéterminée " au procès-verbal de constatations.

Elle précise qu'il ressort du mode d'emploi de cet appareil que celui-ci doit être branché selon des consignes et prescriptions précises et qu'il n'est pas possible d'affirmer que l'origine du feu est bien interne à la machine à laver et non pas communiquée par une rallonge proscrite, une multiprise également interdite et défaillante ou à d'autres éléments de branchements non adaptés.

Elle rappelle que la charge de la preuve pèse sur le demandeur et, qu'en l'espèce, ce dernier ne démontre ni que le produit était dangereux ni qu'il était atteint d'un défaut lorsqu'il a pris feu. Elle ajoute que la seule implication du produit dans la réalisation du dommage ne suffit pas à établir son défaut ni le lien de causalité.

Elle s'oppose à la demande d'expertise formée à titre subsidiaire par la société adverse en indiquant qu'une telle mesure ne serait plus en mesure d'apporter les observations utiles à l'environnement immédiat de la machine car si la machine a été conservée, des travaux de remise en état ont été effectués et ne permettent plus de s'assurer d'un environnement identique, ni même de permettre le repérage des différents éléments d'installation et de leur état.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 mars 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Subrogée dans les droits de son assurée, la société Axa a fait choix de fonder son action sur les règles relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux.

En application des dispositions de l'article 1386-1 du Code civil dans sa rédaction en vigueur lors du sinistre et à la date de l'introduction de l'instance le producteur d'un appareil est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime. Et l'article 1386-4 ancien du même Code précise qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.

Conformément aux dispositions de l'article 1386-9 de ce Code il incombe au demandeur de prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage, la simple implication du produit dans la réalisation du dommage ne suffit pas à établir son défaut au sens des articles 1386-1 et suivants du Code civil (à cet égard Civ. 1e - 22 octobre 2009 - pourvoi n° 08-15171) et l'intervention causale de l'appareil dans la production du dommage ne vient pas dispenser le demandeur de la preuve du caractère défectueux de ce produit.

En l'espèce, la société Axa produit au soutien de son action, d'une part, la déclaration de sinistre de Mme A. qui, en date du 22 juillet 2012, décrit les circonstances de la découverte du sinistre : perception d'un bruit sourd 15 à 20 mn après la mise en route du lave-linge ce qui a provoqué sa venue auprès de cet appareil et la constatation d'une importante émission de fumée qui l'a conduite à débrancher l'appareil et à disjoncter le réseau électrique et, d'autre part, un rapport dit " d'expertise de reconnaissance " établi le 27 juillet 2012 par un technicien du cabinet Elex.

Le rapport de cet examen technique, réalisé en présence de l'assurée de la société Axa et de l'expert du vendeur, mentionne le fabricant du lave-linge et précise qu'il a vainement été convoqué par lettre recommandée aux opérations d'expertise. Il reproduit les conditions de découverte du sinistre par Mme A. dans les mêmes conditions que celles énoncées dans sa déclaration et s'agissant des causes du sinistre il se borne à mentionner dans une annexe (pièce n° 6) intitulée " Procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages " que " Tous les experts présents apprennent et constatent que : Incendie interne au lave-linge Indesit au niveau du bandeau de commande, cause indéterminée ".

S'il est constant et ressort également de l'attestation établie par le SDIS du Puy-de-Dôme que le sinistre a pris naissance au niveau du lave-linge, c'est à juste titre que les premiers juges ont stigmatisé les carences de cet examen technique, qui ne précise pas même dans quelles conditions cet appareil était relié au réseau domestique de distribution électrique ce qui ne permet pas de déterminer qu'il était seul en cause. C'est également à bon escient qu'ils ont retenu qu'un tel document, qui se borne à énoncer les conséquences du sinistre sans un quelconque début d'analyse de ses causes, ne peut établir la preuve, qui incombe à la société Axa, de la défectuosité du lave-linge et, en particulier, de son bandeau de commande et il ne saurait être considéré qu'une preuve suffisante de la défectuosité du produit serait rapportée par des présomptions précises et concordantes qui ne reposeraient que sur la description du sinistre faite par la seule assurée.

Par ailleurs, cinq années après la survenance du sinistre et alors même qu'aucune constatation utile ne peut plus désormais être effectuée sur les lieux de son déclenchement, c'est en vain que la société Axa qui, en sa qualité de professionnelle des questions de responsabilité civile, ne pouvait que discerner les insuffisances du rapport du technicien par elle mandaté lorsqu'elle a introduit son instance, vient réclamer l'organisation d'une expertise judiciaire.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé et la société Axa, qui supportera les dépens de l'appel, sera condamnée à payer à la société Whirlpool une indemnité complémentaire de 1 500 euros au titre de ses frais de procès.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile sera accordé à la SCP L. & associés, avocat.

Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ; Confirme le jugement déféré ; Condamne la Axa France Iard (SA) aux dépens d'appel et à payer à la Whirlpool France (SAS) une indemnité complémentaire de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Accorde à la SCP L. & associés le droit de recouvrer directement ceux des dépens dont elle aura fait l'avance sans en avoir reçu provision.