CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 26 septembre 2017, n° 16-06240
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Chambre Syndicale des Eaux Minérales, Fédération Nationale des Eaux Conditionnées et Embouteillées
Défendeur :
Brita Wasser Filter Système France (SARL), Brita GmbH (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rajbaut
Conseillers :
M. Peyron, Mme Douillet
Avocats :
Mes Vaisse, Grappotte-Benetreau, Nin
Exposé du litige
La Fédération Nationale des Eaux Conditionnées et Embouteillées (ci-après, la FNECE) est une union de syndicats constituée en 1966 sous le régime de la loi du 21 mars 1884, relative à la création de syndicats professionnels, modifiée et complétée par la loi du 12 mars 1920 sur l'extension de la capacité civile des syndicats professionnels et les dispositions du Code du travail.
Elle regroupe les syndicats de producteurs d'eaux conditionnées et embouteillées et a notamment pour objet " d'étudier toutes les questions communes à l'industrie et au commerce des eaux conditionnées et embouteillées, de défendre les intérêts de ces deux branches de l'activité économique ".
La Chambre Syndicale des Eaux Minérales (ci-après, CSEM) est également un syndicat professionnel constitué en conformité de la loi du 21 mars 1884 modifiée, qui regroupe des propriétaires et concessionnaires d'eaux minérales. Elle est membre de la FNECE.
La société allemande Brita (la société Brita Allemagne) fondée en 1966, est en charge des orientations marketing du groupe et de la commercialisation, en Allemagne, des produits de marque Brita. Elle est devenue un groupe international qui est, selon ses dires, " l'un des leaders du secteur de l'optimisation de l'eau du robinet dans plus de 60 pays dans 5 continents à travers 17 filiales nationales et internationales ".
La société Brita Allemagne holding et maison mère du groupe, est titulaire de la marque internationale semi-figurative, visant la France, "Brita", qu'elle a notamment déposée dans la classe 32 pour désigner les "produits destinés à la fabrication d'eau minérale, eau de table, eau de source, eaux minérales".
La filiale française de la société allemande Brita la société Brita Wasser Filter Système France BRF (la société Brita France) commercialise en France les produits Brita (carafes filtrantes et filtres).
En novembre 2012, le groupe Brita a lancé, notamment en France, un nouveau produit filtrant se présentant sous la forme d'une gourde transparente hermétique de 600 ml comportant un filtre intégré, dénommée " Brita Fill & Go ".
Dans le cadre du lancement de ce nouveau produit Brita, ont été lancées en France des campagnes promotionnelles, notamment sur le site www.brita.fr, basées sur la comparaison de cette gourde filtrante avec les bouteilles d'eau en plastique, et ce, sur plusieurs plans : environnement, coût, composition...
Le 22 novembre 2012, la FNECE a adressé à la société Brita une mise en demeure dans laquelle elle estimait que cette campagne dénigrait les eaux embouteillées.
Le 30 novembre 2012, la société Brita a répondu à la FNECE que les griefs allégués déformaient le " propos choisi par Brita dans sa présentation ", qui, selon elle, " à aucun moment ne remet en cause les qualités substantielles de leur contenu, à savoir les différentes eaux disponibles sur le marché ".
Dans les jours qui ont suivi cette réponse, la FNECE a constaté la présence d'une campagne d'affichage (4 x 3 et Métrobus) intitulée " Brita Fill & Go : la bouteille filtrante nomade " dont l'accroche était " Tout le reste n'est que bouteilles plastique ", suivie de l'adresse du site www.brita.fr.
Parallèlement, la presse (notamment le numéro de 20 Minutes du 6 décembre 2012 et le numéro de Voici du 14 décembre 2012) diffusait un autre visuel accompagné de la même accroche prédominante " Tout le reste n'est que bouteilles plastique ", renforcée par l'affirmation " C'est la solution alternative pour réduire vos dépenses et vos déchets plastique ".
Le 19 décembre 2012, la FNECE a fait adresser par son conseil une nouvelle mise en demeure, informant notamment la société Brita France de ce qu'elle avait " donné pour instruction de prendre toutes mesures de nature à préserver ses droits aux fins d'engager toute procédure judiciaire ".
La campagne publicitaire par voie de presse et d'affichage qui avait été dénoncée ayant alors cessé, la FNECE a fait établir, le 27 décembre 2012, un constat d'huissier portant sur la rubrique litigieuse du site internet Brita.
Le 2 janvier 2013, la société Brita a répondu que les campagnes de presse et d'affichage avaient duré chacune sept jours et étaient restées circonscrites à l'Île-de-France et qu'il n'y avait plus de campagne en cours.
A partir de fin mai 2013, la FNECE et la CSEM ont constaté qu'était diffusée une nouvelle campagne d'affichage, y compris dans le métro et sur les autobus parisiens, reprenant l'accroche " Tout le reste n'est que bouteilles plastique ".
Le 10 juin 2013, la FNECE et la CSEM ont obtenu du président du Tribunal de grande instance de Nanterre, l'autorisation de faire constater par huissier les éléments de visibilité Brita présents dans le magasin Darty de Boulogne.
Le 11 juin 2013, a été dressé un procès-verbal de constat portant, d'une part, sur les présentoirs et affichette Brita Fill & Go, et d'autre part, sur la publicité sur les lieux de vente (PLV) du filtre à robinet Brita. Le 18 juin, l'huissier a procédé à un constat concernant un " flash code " figurant sur l'affichette Brita Fill & Go, renvoyant à un film diffusé sur le site www.brita.fr, dans lequel on voit une jeune femme vantant les mérites du produit Brita Fill & Go avant de rejeter, d'un revers de la main, des bouteilles d'eau en plastique vides.
C'est dans ces conditions que la FNECE et la CSEM ont assigné les sociétés Brita devant le TGI de Paris pour voir juger que celles-ci se sont rendues les auteurs de publicité comparative trompeuse et illicite, d'actes de concurrence déloyale et parasitaire et de dénigrement.
Par jugement du 25 février 2016, le TGI de Paris a notamment :
rejeté la demande de mise hors de cause formée par la société Brita Allemagne
déclaré la FNECE et la CSEM mal fondées en leurs demandes de concurrence déloyale du fait de publicité comparative illicite, de publicité comparative dénigrante et de parasitisme et les en a déboutées,
condamné in solidum la FNECE et la CSEM à payer à la société Brita Allemagne la somme de 3 000 euros et à la société Brita France celle de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
condamné in solidum la FNECE et la CSEM aux dépens,
ordonné l'exécution provisoire.
Le 11 mars 2016, la FNECE et la CSEM ont interjeté appel de ce jugement.
Dans leurs dernières conclusions numérotées 2, transmises par RPVA le 20 février 2017, poursuivant l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, elles demandent à la cour :
de juger que :
la société Brita France a diffusé par voie d'affichage, de presse, de publicité sur les lieux de vente en magasin (PLV) et conjointement avec la société Brita Allemagne sur le site internet www.brita.fr édité par cette dernière et que les intimées diffusent toujours, notamment sur ledit site internet, des publicités en faveur de la gourde filtrante Brita " Fill & Go ", comportant des slogans, allégations, photographies et films discréditant les eaux embouteillées,
cette campagne constitue une campagne comparative illicite car ne répondant pas aux trois conditions cumulatives fixées à l'article L. 128 du Code de la consommation,
cette campagne discrédite les eaux embouteillées et viole donc également l'article L. 121-9 du Code de la consommation,
que cette campagne de désinformation et de discrédit des eaux embouteillées viole l'interdiction des pratiques déloyales et trompeuses posée aux articles L. 120-1 et L. 121-1 du Code de la consommation et est constitutive d'agissements de concurrence déloyale et parasitaire au sens de l'article 1382 du Code civil,
d'ordonner aux sociétés Brita, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de supprimer de tous leurs supports publicitaires et notamment du site internet de la société Brita GmbH l'accroche " Tout le reste n'est que bouteilles plastiques " et tous visuels représentant des bouteilles d'eau, vides ou pleines,
d'ordonner également aux sociétés Brita de supprimer les autres mentions présentes sur le site internet www.brita.fr présentant la gourde Fill & Go, comme " l'alternative écologique aux bouteilles d'eau - pratique, saine et économique. Et elle réduit vos déchets plastiques ",
d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir sur le site internet www.brita.fr, sous astreinte de 500 euros par jour de retard,
d'ordonner la publication judiciaire aux frais des sociétés Brita de l'arrêt à intervenir dans trois revues et/ou journaux périodiques à leur choix à concurrence de 2 500 euros par publication ;
de débouter les sociétés Brita de toutes leurs demandes,
de les condamner à payer chacune, et à chacune d'entre elles :
la somme symbolique d'un euro en réparation de leur préjudice,
la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
de les condamner aux entiers dépens, en ce compris les frais afférents aux quatre procès-verbaux de constat qu'elles ont dû faire établir.
Dans ses dernières conclusions numérotées 3, transmises par RPVA le 7 avril 2017, la société Brita France demande à la cour, au-delà des demandes de " constater, dire et juger " qui ne saisissent pas la cour de prétentions au sens de l'article 6 du Code de procédure civile :
à titre principal : de confirmer le jugement, de débouter la FNECE et la CSEM de l'ensemble de leurs demandes et de les condamner à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
à titre subsidiaire, de dire que la publication de l'arrêt à intervenir sur le site internet www.brita.fr durera 4 semaines.
Dans ses conclusions transmises par RPVA le 26 juillet 2016, la société Brita Allemagne demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter la FNECE et la CSEM de l'ensemble de leurs demandes et de les condamner solidairement à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 avril 2017.
Motifs de l'arrêt
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées ;
Sur le chef du jugement non critiqué
Considérant que le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a rejeté la demande de la société Brita Allemagne tendant à sa mise hors de cause ;
Que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef par adoption de ses motifs pertinents et exacts tant en fait qu'en droit ;
Sur les pratiques de concurrence déloyale et de parasitisme dénoncées
Considérant que sont reprochées aux sociétés Brita des annonces diffusées sur les lieux de vente (PLV), sur des affiches ainsi que sur le site internet brita.fr ; que ces annonces sont les suivantes :
* annonce entendue pendant que le bandeau défile : " Tout le reste n'est que bouteille plastique. Boire une eau au goût agréable n'a jamais été aussi simple. La nouvelle Brita Fill&Go filtre l'eau au moment où vous la buvez : découvrez ainsi une eau agréable à boire et qui vous accompagne dans vos déplacements ! Brita Fill&Go, la solution pratique pour réduire vos déchets plastiques mais aussi vos dépenses. "
* annonces mentionnées sur les affiches :
" Fill&Go la bouteille filtrante nomade et tout le reste est bouteilles plastique ".
" Pour vos déplacements - Brita Fill&Go "
" Une nouvelle bouteille Brita qui filtre l'eau lorsque vous buvez "
" Brita la solution pratique pour réduire vos déchets plastiques mais aussi vos dépenses "
* annonces publiées sur le site internet :
" Brita Fill&Go transforme chaque robinet en source d'eau au goût agréable "
" Brita Fill&Go transforme l'eau du robinet en une eau fraîchement filtrée au goût agréable "
" Brita Fill&Go filtre l'eau du robinet au moment où vous la buvez et réduit les substances qui en altèrent le goût et l'odeur "
" Brita Fill&Go la solution pratique pour réduire vos déchets plastique mais aussi vos dépenses "
" Chaque disque filtrant Brita Fill&Go vous permet d'économiser de nombreuses bouteilles en plastique en une semaine. Imaginez ce que cela peut représenter en un mois et même en un an. Il n'a jamais été aussi simple et agréable de contribuer à la protection de l'environnement ".
" L'hydratation tendance - Bon pour vous, bon pour l'environnement "
" La bouteille d'eau filtrante Brita Fill&Go deviendra vite votre compagnon idéal d'hydratation au quotidien ! Elle sera toujours à vos côtés pour vous procurer une eau agréable tout en réduisant vos déchets et elle est bien sûr sans Bisphénol A "
Sur la concurrence déloyale résultant du caractère illicite ou dénigrant de la campagne comparative Brita
Sur l'illicéité de la campagne comparative au regard de l'article L. 122-1 (précédemment L. 121-8) du Code de la consommation
Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-1 du Code de la consommation : " Toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n'est licite que si :
1° Elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ;
2° Elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ;
3° Elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie " ;
Considérant que les appelantes soutiennent, pour l'essentiel, que les campagnes comparatives Brita ne respectent aucune de ces trois conditions cumulatives dès lors que i) les gourdes filtrantes ou non sur lesquelles porte la campagne de publicité Brita, qui constituent des contenants vides, ne répondent pas aux mêmes besoins et n'ont pas le même objectif que les eaux embouteillées minérales ou de source qui constituent des denrées alimentaires conditionnées, ii) la campagne litigieuse ne procède pas à une comparaison objective en gardant le silence sur les propriétés caractérisant les eaux minérales et de source embouteillées dont seuls les défauts, notamment environnementaux, sont mis en scène et en vantant le goût agréable de l'eau filtrée Brita et iii) la campagne Brita est de nature à induire en erreur le consommateur qui est conduit à penser qu'il doit préférer le produit Brita s'il veut une bouteille " saine " car sans bisphénol A, ce qui ne serait pas le cas des bouteilles plastique, et que le contenu respectif de la gourde et des bouteilles est similaire, l'eau du robinet pouvant être indifféremment substituée à l'eau minérale ou de source ;
Que les sociétés Brita opposent, en substance, que la campagne promotionnelle en cause répond aux critères exigés par les dispositions de l'article L. 122-1 du Code de la consommation, exposant notamment qu'il ne s'agissait aucunement de promouvoir l'idée que l'eau du robinet filtrée est " assimilable " à de l'eau minérale ou à de l'eau de source et que n'ont été mis en avant que des éléments objectifs de la Fill&Go ;
Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal, après avoir estimé que les annonces des sociétés Brita n'avaient pas de caractère trompeur, concernaient des biens répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif - permettre au consommateur d'étancher sa soif ou de s'hydrater en tous lieux et en toutes circonstances - et ne portaient que sur le moyen de transporter l'eau du robinet filtrée grâce à la gourde Fill&Go et non sur le goût de l'eau filtrée par rapport à l'eau embouteillée, a estimé que les trois conditions posées par l'article L. 122-1 du Code de la consommation étaient remplies et que les annonces publicitaires étaient par conséquent licites au regard de l'article précité ;
Qu'il y a lieu d'ajouter que la condition tenant à l'absence de tromperie n'est pas absente du seul fait que les annonces indiquent que la bouteille filtrante Fill&Go " est bien sûr sans Bisphénol A " car, contrairement à ce qui est soutenu, cette affirmation n'amène pas le consommateur à penser que les bouteilles en plastique contenant des eaux minérales ou de source en contiendraient ; qu'au demeurant, la société Brita a modifié son annonce, en bornant finalement à fournir au consommateur une information sur le bisphénol A sans indiquer que sa bouteille filtrante en est dépourvue ;
Que par ailleurs, la condition relative à l'identité des besoins ou des objectifs visés par les biens ou services en comparaison n'exige pas que ces biens ou services soient assimilables mais seulement qu'ils présentent un degré suffisant d'interchangeabilité pour le consommateur ; qu'en l'occurrence, si, comme le soulignent les appelantes, les eaux embouteillées sont des denrées préemballées et les gourdes Brita des contenants vides, les produits en comparaison dans les annonces incriminées sont, d'une part, l'eau filtrée par le système Fill&Go et, d'autre part, l'eau embouteillée - cette dernière étant d'ailleurs présentée sans étiquette -, ces deux produits répondant au même besoin et au même objectif - permettre au consommateur de s'hydrater en buvant de l'eau - et présentant dès lors un degré suffisant d'interchangeabilité pour le consommateur ;
Qu'il sera enfin ajouté qu'il ne peut être reproché à la société Brita dont les campagnes visaient à promouvoir sa gourde filtrante, de n'avoir pas mis en avant dans ses annonces les mérites de l'eau embouteillée, ce qui relèverait davantage, comme le tribunal l'a souligné, de la mission des appelantes, et que l'allégation selon laquelle l'eau filtrée selon le système Fill&Go est de goût agréable est rattachée au goût de l'eau du robinet et n'est nullement comparée au goût des eaux minérales ou de source en bouteille ;
Que pour l'ensemble de ces motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la FNECE et la CSEM fondées sur l'article L. 121-8 (devenu L. 122-1) du Code de la consommation ;
Sur l'illicéité de la campagne comparative au regard de l'article L. 122-2 (précédemment L. 121-9) du Code de la consommation
Considérant que l'article L. 122-2 du Code de la consommation prévoit :
" La publicité comparative ne peut :
(...)
2° Entraîner le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activité ou situation d'un concurrent " ;
Considérant que les appelantes font valoir que les sociétés Brita ont illustré leur campagne comparative de visuels de bouteilles d'eau en plastique vides, et donc à l'état de déchets, sans mentionner ni représenter les déchets générés par l'utilisation de la gourde Fill&Go, donnant ainsi une image exclusivement et excessivement dépréciée des eaux embouteillées par rapport aux produits promus ;
Que les sociétés Brita objectent que leurs visuels ne recèlent aucune image dévalorisante des bouteilles d'eau présentées et que l'image unique d'une bouteille plastique compressée est utilisée par les producteurs d'eaux embouteillées eux-mêmes ;
Considérant que le tribunal, par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, a estimé que les annonces litigieuses ne présentaient pas de caractère dénigrant pour les eaux embouteillées ;
Qu'il sera seulement ajouté que, comme l'affirment les sociétés intimées, les images d'eaux embouteillées figurant dans les annonces litigieuses ne sont pas dénigrantes ni dévalorisantes, s'agissant de bouteilles vides ou pleines, posées droites, ne présentant nullement l'aspect de déchets allégué et que l'unique image, sur la PLV, au demeurant de petite dimension 5x5 cm, d'une bouteille plastique compressée renvoie au compactage des bouteilles plastiques que les promoteurs d'eaux embouteillées ont eux-mêmes mis en valeur lors de campagnes promotionnelles et n'est donc pas davantage dénigrante ou dévalorisante pour les eaux minérales ou de source embouteillées ;
Que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la FNECE et la CSEM fondées sur l'article L. 121-9 (devenu L. 122-2) du Code de la consommation ;
Sur la concurrence déloyale résultant du caractère déloyal et trompeur de la campagne
Considérant que l'article L. 121-1 (précédemment L. 120-1) du Code de la consommation dispose que : " Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.
Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service.
(...).
Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L.121-2 à L.121-4 (...) " ;
Que l'article L. 121-2 (précédemment L. 121-1 I) du même code dispose que :
" Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :
1° lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d'un concurrent ;
2° lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :
a) l'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;
b) les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ;
c) le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ;
d) le service après-vente, la nécessité d'un service, d'une pièce détachée, d'un remplacement ou d'une réparation ";
Considérant que les appelantes soutiennent que les campagnes litigieuses usent de la désinformation et du discrédit ; qu'elles expliquent qu'en utilisant le vocable " bouteille d'eau " associé à des images de bouteilles d'eaux minérales ou de source pour désigner une simple gourde vide, elles visent à modifier le comportement économique du consommateur d'eau en bouteille en lui laissant croire qu'il pourrait bénéficier d'une eau de même qualité que celle commercialisée en bouteille grâce à la bouteille d'eau filtrante Brita et qu'elles réduisent les eaux embouteillées à des déchets nuisibles et sans valeur ajoutée ;
Que les intimées plaident que les campagnes litigieuses sont dénuées d'allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et qu'il n'est pas démontré une quelconque altération substantielle du comportement économique du consommateur ;
Considérant que les premiers juges ont justement retenu qu'il ne peut être reproché aux sociétés Brita d'utiliser les termes " bouteille d'eau " sur lesquels la FNECE et la CSEM ne peuvent revendiquer aucun monopole et qui, dans les campagnes promotionnelles Brita, ont revêtu un sens générique désignant un récipient contenant un liquide ;
Qu'en outre, les appelantes ne font pas la démonstration d'une modification substantielle, réelle ou simplement potentielle, du comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé des biens concernés, lequel, à suivre la FNECE et la CSEM, serait amené à croire que l'eau filtrée par le procédé Fill&Go est de " même qualité " que l'eau commercialisée en bouteille ; que les annonces litigieuses ne portent pas sur le goût ou les qualités de l'eau filtrée au moyen de la gourde Fill&Go par rapport aux eaux minérales ou de source mais met en avant les avantages de la gourde filtrante Fill&Go par rapport à l'eau du robinet, d'une part, et aux bouteilles en plastique prises en tant que contenants, d'autre part ;
Qu'enfin, pour les raisons exposées supra, les annonces des sociétés Brita ne présentent pas le caractère dénigrant allégué ;
Que le jugement sera donc également confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la FNECE et la CSEM fondées sur les articles L. 120-1 et L. 121-1 I (devenus L. 121-1 et L. 121-2) du Code de la consommation ;
Sur le parasitisme
Considérant que les appelantes affirment que le caractère déloyal et trompeur de la campagne litigieuse caractérise également un acte de concurrence déloyale et parasitaire, reprochant à cet égard aux sociétés Brita d'avoir qualifié leur gourde filtrante de " bouteille d'eau " pour se placer dans le sillage des eaux embouteillées et bénéficier ainsi de leur image ;
Que les intimées contestent le grief qui leur est adressé ;
Considérant que, comme il a été dit, les appelantes ne sauraient se prévaloir d'un droit exclusif sur le terme " bouteille d'eau " ;
Qu'en outre, comme l'a relevé le tribunal, les sociétés Brita ont développé leur produit " Brita Fill&Go " et réalisé des investissements pour le promouvoir, lesquels sont précisément l'objet du présent litige, et que n'est démontrée aucune copie de la valeur économique défendue par la FNECE et la CSEM ;
Que le jugement déféré doit donc être également confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la FNECE et la CSEM fondées sur le parasitisme ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Considérant que la FNECE et la CSEM qui succombent seront condamnées aux dépens d'appel et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées ;
Considérant que les sommes mises à la charge de la FNECE et la CSEM solidairement, au titre des frais non compris dans les dépens exposés par les sociétés intimées, peuvent être équitablement fixées, respectivement, à 8 000 euros (pour la société Brita France) et 2 000 euros (pour la société Brita Allemagne) ces sommes complétant celles allouées en première instance ;
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Condamne solidairement la FNECE et la CSEM aux dépens d'appel, ainsi qu'au paiement, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, à la société Brita France de la somme de 8 000 euros et à la société Brita Allemagne de celle de 2 000 euros.