CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 27 septembre 2017, n° 15-24236
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sabet Persepolis (SARL)
Défendeur :
Magasins Galeries Lafayette (Sasu) , Immobilière du Marais (Sasu) , Galeries Lafayette Haussmann (Sasu) , BHV Exploitation (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas
Avocats :
Mes Teytaud, Bretzner, Boccon Gibod, Decoux Laroudie
Faits et procédure
La société Sabet Persepolis, fondée en 1978, est spécialisée dans la sélection, l'importation et la vente de tapis d'Orient noués à la main, en gros et en détail. Elle dispose d'un magasin situé rue du Faubourg Saint Honoré à Paris.
Le groupe Galeries Lafayette est spécialisé dans la vente de produits haut de gamme exposés par marque. La société Magasins Galeries Lafayette (MGL) qui s'est substituée en 2010 à la Société Anonyme des Galeries Lafayette (SAGL) et a pour activité la gestion et l'exploitation de 53 grands magasins sous l'enseigne "Galeries Lafayette" en France Métropolitaine, à l'exclusion du magasin situé boulevard Haussmann à Paris, la société Les Galeries Lafayette Haussmann (GLH) qui assure la gestion du magasin Galeries Lafayette à Paris Haussmann, et la société BHV Exploitation qui exploite sous l'enseigne BHV le magasin BHV situé rue de Rivoli à Paris et vient aux droits de la société Immobilière du Marais anciennement dénommée Bazar de l'Hôtel de ville, sont trois filiales du groupe Galeries Lafayette.
Pendant plusieurs années, la société Sabet Persepolis a exploité un stand dans deux magasins exploités par la société Magasins Lafayette (MGL) et situés dans le centre commercial Cap 3000 à Saint-Laurent-du-Var et à Toulouse, dans le magasin du boulevard Haussmann géré par la société Les Galeries Lafayette Haussmann (GLH) à Paris et dans le magasin exploité par la société BHV à Paris-Rivoli.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 septembre 2010, la société MGL a résilié le contrat d'exploitation de la société Sabet Persepolis dans le magasin de Saint-Laurent-du-Var à compter du 30 juin 2011.
Par deux lettres recommandées avec accusé de réception du 18 juillet 2011, sur papier à en-tête de la société BHV, la société Sabet Persepolis a été informée de la résiliation des contrats de présentation de ses produits dans les magasins de Paris Haussmann à effet au 18 juillet 2013 et du BHV Paris Rivoli à effet au 18 avril 2012. Par une troisième lettre recommandée avec accusé de réception du même jour, il lui a été confirmé un accord pour une résiliation du contrat pour le magasin de Toulouse à effet au 31 juillet 2011.
Par exploit du 2 août 2011, la société Sabet Persepolis a assigné la société MGL devant le Tribunal de commerce de Paris sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce en indemnisation à hauteur de la somme de 493 000 pour rupture brutale des relations commerciales établies relatives au magasin de Cap 3000 à St Laurent-du-Var. Elle a ensuite sollicité, par conclusions additionnelles, l'allocation de cette même somme en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales concernant les quatre stands.
Par ordonnance du 4 octobre 2012, l'affaire a été renvoyée devant le Tribunal de commerce de Lille-Métropole. La société Sabet Persepolis a alors assigné en intervention forcée la société BHV et la société GLH afin de les voir condamner in solidum avec la société MGL à lui verser la somme de 511 795 pour rupture brutale des relations commerciales établies avec le groupe Galeries Lafayette.
Par jugement du 22 septembre 2015, le Tribunal de commerce de Lille-Métropole a:
- débouté la société Sabet Persepolis de l'ensemble de ses demandes au titre de la rupture brutale des relations commerciales avec la sociétés Bazar de l'Hôtel de Ville - BHV, Galeries Lafayette Haussmann - GL Haussmann et Magasins Galeries Lafayette,
- condamné la société Sabet Persepolis à payer aux sociétés Bazar de l'Hôtel de Ville " BHV, Galeries Lafayette Haussmann " GL Haussmann et Magasins Galeries Lafayette une indemnité de 5 000 euros chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société Sabet Persepolis aux dépens de l'instance.
LA COUR
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 28 juin 2016 par la société Sabet Persepolis, appelante, par lesquelles il est demandé à la cour de':
- dire recevable et fondé l'appel interjeté par Sabet Persepolis, y faisant droit,
- infirmer le jugement entrepris en toutes ces dispositions,
- dire que la relation commerciale nouée par Sabet Persepolis avec les sociétés Magasins Galeries
Lafayette, GL Haussmann et BHV constitue au sens du droit positif une seule et unique relation commerciale établie, dont le point de départ correspond à 1989,
- dire que les quatre ruptures partielles de la relation commerciale litigieuse qui ont été successivement notifiées en l'espèce à Sabet Persepolis en 2010 et 2011 ont été précédées de préavis insuffisants et constituent par conséquent des ruptures brutales partielles de la relation commerciale établie litigieuse,
- dire que Sabet Persepolis est fondée à solliciter la réparation des conséquences dommageables de ces ruptures brutales partielles,
en conséquence :
- condamner in solidum les sociétés Magasins Galeries Lafayette, Galeries Lafayette Haussmann et BHV à s'acquitter entre les mains de Sabet Persepolis d'une somme de 511 795 euros en réparation des préjudices générés par leur comportement fautif,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- condamner in solidum les sociétés Magasins Galeries Lafayette, GL Haussmann et BHV à verser à Sabet Persepolis la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouter les sociétés BHV Exploitation, Magasins Galeries Lafayette, Galeries Lafayette Haussmann de l'intégralité de leurs demandes,
- les condamner in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ceux le concernant au profit de Maître Teytaud, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 9 mai 2017 par les sociétés Magasins
Galeries Lafayette (MGL), Galeries Lafayette Haussmann (GLH) et BHV, intimées, et la société BHV exploitation, intervenante volontaire, par lesquelles il est demandé à la cour de:
- recevoir les sociétés Immobilière du Marais, anciennement dénommée Bazar de l'Hôtel de Ville - BHV, BHV exploitation, Galeries Lafayette Haussmann GL Haussmann et Magasins Galeries Lafayette en leurs conclusions, les en dire bien fondées et, en conséquence :
à titre liminaire
ajoutant au jugement de première instance,
- dire que par l'effet de la transmission universelle de patrimoine intervenue à son profit à effet du 1er janvier 2015, la société BHV exploitation vient aux droits et obligations de la société Immobilière du Marais, anciennement dénommée Bazar de l'Hôtel de Ville - BHV,
- par conséquent, donner acte à la société BHV exploitation de son intervention volontaire à l'instance et de la constitution, dans son intérêt, de la Selarl Lexavoue Paris - Versailles, prise en la personne de Maître Matthieu Boccon-Gibod,
- prononcer la mise hors de cause de la société Immobilière du Marais, anciennement dénommée Bazar de l'Hôtel de Ville BHV.
à titre principal
confirmant le jugement de première instance,
- dire que les préavis consentis par la société Bazar de l'Hôtel de Ville - BHV, aux droits et obligations de laquelle se trouve la société BHV exploitation, et par les sociétés Galeries Lafayette Haussmann - GL Haussmann et Magasins Galeries Lafayette à la société Sabet Persepolis avant la fermeture des stands exploités par la société Sabet Persepolis dans les magasins CAP 3000, à Saint-Laurent du Var, BHV à Paris, et Haussmann à Paris, ont été raisonnables et suffisants au regard de la durée des relations commerciales afférentes à chacun de ces magasins,
- constater que la société Sabet Persepolis a elle-même mis un terme à la relation commerciale portant sur le stand situé dans le magasin de la place du Capitole à Toulouse,
- constater que la société Sabet Persepolis n'a pas donné suite à la proposition de la société Magasins Galeries Lafayette tendant à la réouverture d'un stand dans ce magasin,
en conséquence
- dire que la société Bazar de l'Hôtel de Ville - BHV, aux droits et obligations de laquelle se trouve la société BHV exploitation, et les Galeries Lafayette Haussmann GL Haussmann et Magasins Galeries Lafayette ont respecté les obligations qui leur incombaient aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et débouter la société Sabet Persepolis de l'intégralité de ses demandes, en toutes fins, moyens et prétentions qu'elles comportent,
à titre subsidiaire
- constater que l'" estimation du préjudice financier subi par la société Sabet Persepolis du fait de la rupture des relations contractuelles avec le groupe Galeries Lafayette" dont se prévaut la société Sabet Persepolis est non contradictoire,
- dire qu'il y a lieu de tenir compte de la tendance constamment baissière du chiffre des ventes réalisées par la société Sabet Persepolis et de ne prendre en considération dès lors que ses résultats de 2010,
- constater que rien ne permet d'établir l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre les licenciements auxquels a procédé la société Sabet Persepolis et les prétendues ruptures brutales de relations commerciales établies reprochées à la société Bazar de l'Hôtel de Ville - BHV, aux droits et obligations de laquelle se trouve la société BHV exploitation, et les sociétés Galeries Lafayette Haussmann - GL Haussmann et Magasins Galeries Lafayette,
en conséquence
- écarter l'" estimation du préjudice financier subi par la société Sabet Persepolis du fait de la rupture des relations contractuelles avec le groupe Galeries Lafayette " dont se prévaut la société Sabet Persepolis et débouter cette dernière de l'intégralité de ses demandes, en toutes fins, moyens et prétentions qu'elles comportent,
en tout état de cause
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Sabet Persepolis à payer à la société Bazar de l'Hôtel de Ville - BHV, aux droits et obligations de laquelle se trouve la société BHV exploitation, et aux sociétés Galeries Lafayette Haussmann GL Haussmann et Magasins Galeries Lafayette une indemnité de 5 000 euros chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
y ajoutant
- condamner la société Sabet Persepolis à payer aux sociétés BHV exploitation, Galeries Lafayette Haussmann GL Haussmann et Magasins Galeries Lafayette la somme de 8 000 euros chacune en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,
- la condamner aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, dont distraction s'agissant de ces derniers au profit de Maître Matthieu Boccon-Gibod par application de l'article 699 du Code de procédure civile ;
SUR CE
Il résulte de l'instruction du dossier les éléments suivants :
- dans le cadre d'une convention-cadre du 5 juillet 1989 (pièce appelante n° 1) conclue avec la société Française des Nouvelles Galeries Réunies, aux droits de laquelle est venue en 1991 la Société anonyme des Galeries Lafayette (SAGL) puis la société Magasins Galeries Lafayette (MGL), et remplacée par un accord de coopération commerciale (contrat-cadre) du 15 novembre 1994 (pièce appelante n° 2), la société Sabet Persepolis a exploité un stand d'exposition de tapis d'Orient dans le magasin GL du centre commercial Cap 3000 situé à Saint-Laurent-du-Var ainsi qu'en 2006, dans le magasin GL de Toulouse,
- suivant contrat du 2 avril 1998 (pièce appelante n° 4), la société Sabet Persepolis a obtenu un stand permanent de présentation d'un rayon tapis d'Orient dans le magasin GL du boulevard Haussmann,
- par courrier du 30 avril 2002, la société MGL a notifié à la société Sabet Persepolis la cessation du contrat d'exploitation du stand de Saint-Laurent-du-Var à compter du 30 mars 2003 du fait de la suppression de l'offre " Meubles et Maison " ; par ordonnance du 11 juin 2003, l'expulsion de la société Sabet Persepolis a été ordonnée et cette dernière a quitté les lieux jusqu'à sa réintégration, suivant convention du 1er juin 2006, du fait de l'ouverture d'un rayon " Lafayette Maison ",
- le 23 décembre 2009, la société Sabet Persepolis et la société BHV ont conclu un contrat de commission à la vente pour un stand permanent dans le magasin du BHV Rivoli (pièce appelante n° 14),
- bien que ce contrat mentionne que la société BHV agit tant en son nom qu'au nom de la société SAGL et de la société MGL, il ne concerne que le seul magasin BHV visé à l'annexe 1 de sorte que c'est à tort que la société Sabet Persepolis soutient qu'il constituerait le seul et unique contrat l'unissant aux trois sociétés intimées et ce d'autant que les factures qu'elle produit aux débats mentionnent des taux de commission différents pour chaque magasin (31,50 % pour Paris Haussmann, 29,90 % pour Toulouse, 37,08 % pour Saint-Laurent-du-Var, 38,28 % pour le BHV Rivoli) et non le taux unique de 38,28 % prévu au contrat du 23 décembre 2009,
- le 20 septembre 2010 (pièce appelante n° 15), la société BHV agissant pour le compte de la société MGL a résilié le contrat d'exploitation dans le magasin de Saint-Laurent-du-Var à compter du 30 juin 2011, soit avec un préavis de 9 mois et 10 jours,
- le 18 juillet 2011 (pièce appelante n° 16 ter), la société BHV agissant pour le compte de la société GLH a informé Sabet Persepolis de la résiliation du contrat d'exploitation dans le magasin de Paris Haussmann à effet au 18 juillet 2013, soit avec un préavis de 24 mois,
- le 18 juillet 2011 (pièce appelante n° 16 bis) la société BHV a informé Sabet Persepolis de la résiliation du contrat d'exploitation dans le magasin BHV Paris-Rivoli à effet au 18 avril 2012, soit avec un préavis de 9 mois, prolongé à 11 mois,
- par lettre du même jour (pièce appelante n° 16), elle lui a confirmé son accord pour une résiliation du contrat pour le magasin de Toulouse à effet au 31 juillet 2011, soit avec un préavis de 13 jours.
La société Sabet Persepolis soutient en substance avoir noué avec les entités du Groupe Galeries Lafayette, depuis 1989, en dépit de l'existence de contrats différents avec quatre magasins, une relation commerciale unique établie caractérisée par la durée, la stabilité et l'intensité du flux d'affaires entre les parties, qui était gérée de façon centralisée par une même personne physique, et que les ruptures partielles qui lui ont été successivement notifiées, l'ont rompue de concert et de manière brutale. Elle se réfère au contrat du 23 décembre 2009, rédigé par les sociétés du groupe GL et qui matérialiserait l'existence d'une relation commerciale unique entre les parties en ce qu'il a eu pour objet de définir le cadre unique de la relation entre les parties et traduit l'existence d'une politique concertée entre les sociétés du groupe GL. Elle affirme que les sociétés du groupe GL ont résilié les différents contrats de manière concertée, traduisant ainsi l'existence d'une relation commerciale unique. Elle relève à cet égard que les lettres de résiliation des contrats ont toutes été rédigées et notifiées par Madame Lacoste, sur du papier à en-tête de la société BHV, au nom et pour le compte des trois entités intimées.
Les intimées répliquent qu'il n'existait pas une relation commerciale unique entre les parties mais quatre relations commerciales devant être individualisées magasin par magasin. Elles considèrent que le contrat du 23 décembre 2009 ne s'est pas substitué aux autres contrats unissant les parties.
Elles affirment qu'en présence de contrats distincts, les relations entre les parties ne doivent pas s'apprécier de manière globale mais individuelle. Elles ajoutent que la seule exception résidant dans une action concertée n'existe pas en l'espèce. En effet, elles soulignent que les quatre magasins sont exploités et gérés par trois sociétés distinctes, que si la centrale d'achats est commune aux trois sociétés, chacune met en œuvre sa propre politique commerciale, que les relations commerciales de la société Sabet Persepolis avec chacune des sociétés du groupe ont débuté et ont pris fin à des dates différentes, que les taux de commission n'étaient pas identiques pour les quatre magasins et que la facturation était effectuée magasin par magasin.
L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dispose qu'engage sa responsabilité et s'oblige à réparer le préjudice causé, celui qui rompt brutalement une relation commerciale établie, sans préavis tenant compte de la durée de la relation commerciale.
La société Sabet Persepolis entend rechercher la responsabilité in solidum de trois sociétés appartenant au Groupe Galeries Lafayette, les sociétés BHV Exploitation, Magasins Galeries Lafayette, Galeries Lafayette Haussmann, comme ayant rompu brutalement et de concert, une relation commerciale unique qu'elle avait nouée avec le groupe Galeries Lafayette depuis 1989.
Mais, c'est par de justes motifs que la cour adopte, aucun moyen nouveau n'étant produit en cause d'appel de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le tribunal, que les premiers juges ont considéré que la société Sabet Persepolis ne pouvait se prévaloir d'une relation seule et unique avec le groupe Galeries Lafayette. En effet, la société Sabet Persepolis a noué des relations commerciales avec chacune des trois sociétés qui, bien qu'appartenant à un même groupe et ayant la même activité, sont des personnes morales distinctes et autonomes. Ces relations initiées à des époques différentes (1989/2002 puis 1er juin 2006 pour le stand d'exposition de Saint-Laurent-du-Var, 1998 pour celui du boulevard Haussmann, 2006 pour celui de Toulouse, 23 décembre 2009 pour celui du BHV Rivoli), concernaient quatre magasins distincts à Nice, Toulouse et Paris suivant quatre contrats autonomes comportant des conditions d'exploitation spécifiques (emplacements, taux de commission, redevances annuelles, facturation, personnel...) de sorte que l'ancienneté, leur contexte, les lettres de rupture et les préavis accordés sont propres à chacun des magasins, peu important à cet égard que la société BHV Exploitation soit intervenue lors de la notification de la résiliation de deux des quatre contrats en cause (Paris Haussmann et Toulouse) en qualité de mandataire des sociétés GLH et MGL.
Il sera ajouté que la notion de relation commerciale établie visée à l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce s'entend d'échanges commerciaux conclus directement ou indirectement entre partenaires commerciaux de sorte que c'est bien la qualité de partenaire commercial qui la caractérise et non pas l'enseigne des magasins dans lesquels les produits en cause sont vendus. Il s'en déduit qu'un groupe de sociétés qui n'a pas la personnalité morale (et ne peut donc s'engager par contrat) et qui ne peut être qualifié d'entité unique, ne peut constituer un partenaire commercial au sens du texte susvisé.
Par suite, la société Sabet Persepolis ne justifie pas de l'existence d'une relation commerciale établie unique qu'elle aurait nouée avec le groupe Galeries Lafayette par l'intermédiaire de sociétés le composant et qui aurait été rompue par la notification de quatre ruptures partielles.
Par ailleurs, il ne ressort d'aucun élément l'existence d'une politique concertée des trois sociétés du groupe Galeries Lafayette comme allégué par la société appelante laquelle, au demeurant, se garde de la caractériser. L'existence d'une centrale d'achats commune, la présence d'interlocuteurs rattachés à une même direction (celle des achats groupe), et le fait que trois des quatre lettres concernant la résiliation des contrats soient intervenues le même jour, ne constituent pas des éléments suffisants à établir une action concertée.
Il en ressort que la rupture des relations commerciales doit être examinée au regard des relations entretenues par la société Sabet Persepolis avec chacune des trois sociétés.
La société Sabet Persepolis prétend que le groupe GL a rompu de manière partielle et brutale cette relation commerciale établie. Selon elle, la rupture des contrats présentait un caractère imprévisible en ce qu'elle pouvait légitimement anticiper la poursuite de la relation litigieuse. Elle ajoute qu'elle n'a pas disposé d'un délai suffisant pour rechercher et mettre en œuvre une solution alternative au regard de l'ancienneté de la relation commerciale et de la fraction très élevée du chiffre d'affaires qu'elle réalisait avec le groupe GL (50 % en 2007, 62 % en 2008, 80 % en 2009, 83 % en 2010 et 2011 et 66 % en 2012). Elle considère que le groupe GL aurait dû lui accorder un préavis de 30 mois pour chacun des magasins de Toulouse, Saint-Laurent-du-Var et du boulevard Haussmann à Paris et de 15 mois pour celui du BHV rue de Rivoli à Paris.
Les sociétés intimées répliquent que les préavis qui ont été accordés à la société Sabet Persepolis ont une durée suffisante au regard de la relation commerciale entre les parties (pour le magasin Cap 3000, préavis de 9 mois et 10 jours pour une relation commerciale de quatre ans et quatre mois, pour le BHV préavis de 11 mois et 10 jours pour une relation commerciale d'un an et 7 mois, pour le magasin du boulevard Haussmann, préavis de 24 mois pour une relation commerciale de 13 ans et 3 mois) et que concernant le magasin de Toulouse, c'est la société Sabet Persepolis qui est à l'origine de la rupture des relations commerciales.
Il ressort de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures. L'évaluation de la durée du préavis à accorder est fonction de toutes les circonstances de nature à influer son appréciation au moment de la notification de la rupture, notamment de l'ancienneté des relations, du volume d'affaires réalisé avec l'auteur de la rupture, du secteur concerné, de l'état de dépendance économique de la victime, des dépenses non récupérables dédiées à la relation et du temps nécessaire pour retrouver un partenaire sur le marché de rang équivalent.
La société GLH
Concernant le magasin du boulevard Haussmann, il a été vu ci-dessus qu'en 1998, la société Sabet Persepolis y a obtenu un stand permanent et que le 18 juillet 2011, la société BHV agissant pour le compte de la société GLH, l'a informée de la résiliation du contrat d'exploitation, à effet au 18 juillet 2013, soit avec un préavis de 24 mois pour des relations commerciales établies d'une durée de 14 ans. La société Sabet Persepolis soutient que ce préavis a été dans les faits " vidé de sa substance " puisqu'au cours de ce préavis, un déplacement de son stand afin de le rendre peu visible et difficilement accessible lui été imposé. Elle se prévaut à cet égard de deux pièces. Or, la pièce n° 19 fait seulement état d'un projet de déplacement vers un autre emplacement et il ressort de la pièce n° 20 qui est constituée d'un constat d'huissier auquel sont annexées des photographies, que le stand demeure au même endroit et n'a donc pas été déplacé. Si ce constat atteste que l'environnement du stand a changé, en ce que le stand est peu visible de l'allée qui y mène et que l'accès au stand se fait en passant par deux autres stands et /ou bureaux, ces circonstances ne constituent pas une modification substantielle des conditions d'exécution du contrat d'exploitation, lors du préavis octroyé. Par suite, il y a lieu de retenir la réalisation d'un préavis effectif de 24 mois.
Par ailleurs, il ne ressort d'aucun élément que la société Sabet Persepolis ait pu raisonnablement croire à une continuité des relations commerciales pour l'avenir et c'est à juste titre que les premiers juges, relevant que son chiffre d'affaires a nettement et régulièrement décru dans chacun des magasins en raison des tendances lourdes du marché de l'ameublement et du tapis et qu'elle avait été alertée, dans un courriel du 28 décembre 2010, sur le risque encouru du fait de cette chute quant à la poursuite des relations commerciales, ont considéré que la rupture ne présentait aucun caractère d'imprévisibilité.
Compte tenu de la durée des relations commerciales entre les parties de 14 ans, du volume d'affaires généré non sérieusement contesté, de l'existence de relations d'exclusivité réciproques (vente et approvisionnement - article 12 du contrat du 2 avril 1998) et du secteur d'activité concerné, la cour estime que le préavis de 24 mois octroyé par la société GLH, est suffisant pour permettre à la société Sabet Persepolis de trouver des solutions de remplacement et par suite, prive la rupture de caractère brutal. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
La société BHV Exploitation
Le 23 décembre 2009, la société Sabet Persepolis et la société BHV ont conclu un contrat de commission à la vente pour un stand permanent dans le magasin du BHV Rivoli, à compter du 1er janvier 2010. Le 18 juillet 2011, la société BHV Exploitation a informé la société Sabet Persepolis de la résiliation du contrat à effet au 18 avril 2012. Il a donc été accordé un préavis de 11 mois pour une relation commerciale de 19 mois et 18 jours.
Compte tenu des pièces produites et eu égard à l'ancienneté des relations commerciales d'une durée de 19 mois et 18 jours, au volume d'affaires généré, à la réalité du marché concerné mais en l'absence d'accord d'exclusivité entre les parties (le contrat du 23 décembre 2009 ne fait aucunement état d'un accord d'exclusivité) et à défaut de justification d'une dépendance économique imposée par l'intimée, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le préavis octroyé de 11 mois, dont l'exécution n'est pas contestée, était suffisant afin de pallier les incidences de la perte du contrat d'exploitation. Le jugement entrepris sera donc également confirmé sur ce point.
La société MGL
Dans le cadre de conventions conclues successivement les 5 juillet 1989 et 15 novembre 1994 avec la société MGL, la société Sabet Persepolis a exploité deux stands d'exposition de tapis d'Orient dans deux magasins situés à Saint-Laurent-du-Var et à Toulouse.
- Cap 3000 à Saint-Laurent-du-Var
Il a été rappelé ci-dessus qu'initiée en 1989, l'exploitation d'un stand dans ce magasin a cessé du 30 mars 2003 au 1er juin 2006 du fait de la suppression de l'offre " Meubles et Maison ". Elle a repris suivant convention du 13 mai 2006. Par lettre recommandée du 20 septembre 2010 dont Monsieur Sabet a accusé réception, la société Sabet Persepolis a été informée, sans ambiguïté, de la résiliation du contrat d'exploitation par la société à compter du 30 juin 2011, peu important à cet égard que la lettre soit parvenue au siège social de la société Centre Français des Tapis d'Orient dont Monsieur Sabet est également le gérant et qui abrite le principal point de vente exploité par la société Sabet Persepolis. La durée des relations à prendre en compte est de 4 ans et 4 mois et le préavis accordé de 9 mois et 10 jours. Il n'est pas justifié que ce délai de préavis n'ait pas été effectif, la preuve que le nouvel emplacement, attribué en février 2011, soit, comme la société Sabet Persepolis l'affirme, " encloisonné " et que par suite, il manque de visibilité n'étant pas rapportée, l'unique pièce produite au soutien de cette affirmation (pièce appelante n° 18) étant insuffisante à cet égard.
Au vu de ce qui précède, compte tenu de la durée des relations commerciales entre les parties, du volume d'affaires généré, de l'absence de relation d'exclusivité réciproque et du défaut de justification de dépendance économique imposée par l'intimée et du secteur d'activité concerné, et à défaut de justification d'une dépendance économique imposée par l'intimée, le préavis de 9 mois et 10 jours octroyé apparaît suffisant de sorte qu'il prive la rupture de caractère brutal.
- Toulouse
L'exploitation de ce stand a commencé en mai 2006. Les parties sont en désaccord sur la fin des relations commerciales. Selon la société Sabet Persepolis, c'est la société MGL qui est à l'initiative de la rupture et qui a résilié le contrat avec un préavis de 2 semaines par courrier du 18 juillet 2011.
Selon la société MGL, c'est la société Sabet Persepolis qui a souhaité mettre fin aux relations commerciales entre les parties en lui faisait part, quelques jours plus tôt, de sa volonté de quitter ce magasin compte tenu des résultats désastreux qu'elle y enregistrait, ce dont elle aurait pris acte dans son courrier du 18 juillet 2011.
C'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que compte tenu de la faible activité enregistrée dans ce stand, la société Sabet Persepolis avait décidé de cesser de l'exploiter antérieurement au courrier du 18 juillet 2011, de sorte que la société MGL n'était pas à l'initiative de la rupture. En effet, d'une part, ce courrier fait état d'un entretien du 9 juin 2011, dont l'existence n'est pas contestée par la société appelante, au cours duquel la société Sabet Persepolis a fait part de sa décision de mettre fin à la présentation de ses produits dans ce magasin à effet au 31 juillet 2011, et d'autre part, en l'état des pièces produites aux débats, le manque de rentabilité de ce stand est démontré par la faiblesse du chiffre d'affaires que la société Sabet Persepolis y a réalisé en 2010 (45 000 ). Par suite, et peu important à cet égard que par lettre du 29 juillet 2011, elle ait refusé la fermeture du stand " dans un délai si court ", la société Sabet Persepolis n'est pas fondée à soutenir l'existence d'une rupture brutale des relations commerciales par la société MGL.
En définitive le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions. La société Sabet Persepolis qui succombe en appel, en supportera les dépens et devra verser à chacune des sociétés, MGL, GLH et BHV Exploitation, la somme supplémentaire de 2 500 .
Par ces motifs, LA COUR, constate l'intervention volontaire de la société BHV Exploitation venant aux droits de la société Immobilière du Marais, anciennement dénommée Bazar de l'Hôtel de Ville-BHV ; confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; et y ajoutant, condamne la société Sabet Persepolis aux dépens de l'appel ; autorise Maître Matthieu Boccon-Gibod, avocat, à recouvrer les dépens dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ; condamne la société Sabet Persepolis à verser à chacune des sociétés Magasins Galeries Lafayette, Galeries Lafayette Haussmann et BHV Exploitation, la somme de 2 500 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.