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Décisions

Cass. com., 27 septembre 2017, n° 14-25.100

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Torelli (ès qual.), AGL (SARL)

Défendeur :

DBT pro climatisation (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Laporte

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan

Nîmes, 2e ch. com. B, du 19 juin 2014

19 juin 2014

LA COUR : - Donne acte à M. Torelli de sa reprise d'instance en qualité de liquidateur judiciaire de la société AGL ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après avoir résilié le contrat d'agence commerciale, sans convention écrite, qui la liait à la société DBT pro climatisation (la société DBT), la société AGL, qui a imputé la rupture aux manquements de la mandante à ses obligations, l'a assignée en paiement d'indemnités de cessation de contrat et de préavis ; que la société DBT a demandé reconventionnellement réparation du préjudice résultant d'une perte de clientèle détournée par l'agent ;

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour dire la rupture du contrat imputable à la faute grave de la société AGL et rejeter ses demandes d'indemnité de cessation de contrat et de préavis, l'arrêt retient, d'un côté, que la société DBT a traité directement avec le sous-agent, M. Beltra, quatre commandes, dès le début septembre 2010, et, d'un autre côté, que la transmission par M. Beltra de ces commandes a été précédée et provoquée par les fautes de l'agent qui a retenu et détourné au profit de sa filiale certaines commandes passées au nom de sa mandante de septembre à décembre 2010, la première étant du 28 septembre 2010 ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Sur le même moyen, pris en sa troisième branche : - Vu l'article L. 134-9, alinéa 2, du Code de commerce ; - Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore qu'à défaut de stipulation contractuelle plus favorable à l'agent, la société DBT pouvait s'acquitter des commissions, qui étaient acquises dès le mois de décembre 2010 jusqu'au 31 janvier 2011, de sorte que, lors de la rupture du contrat le 24 janvier 2011, le manquement invoqué à cet égard par la société AGL n'était pas constitué ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les parties n'avaient pas entendu déroger, dans un sens favorable à l'agent, à la règle légale prévue pour le paiement des commissions, selon un usage constant de règlement des commissions par la société DBT à la société AGL au fur et à mesure de l'encaissement des ventes, de sorte que, pour les ventes litigieuses, les commissions auraient dû être versées avant la fin de l'année 2010, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le même moyen, pris en ses cinquième et sixième branches : - Vu les articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce, ensemble l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient aussi que la société AGL a négligé la représentation des produits de la société DBT à partir du mois de septembre 2010, comme l'établit la chute anormale du volume des ventes aux particuliers qu'elle a réalisées, peu important la progression du chiffre d'affaires de la mandante en 2010 ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société AGL qui faisait valoir que, non seulement, en 2010, le chiffre d'affaires de la société DBT avait fortement progressé, mais que la marge brute partagée entre la mandante et son agent avait augmenté également, passant de 1 227 174,88 euros en 2009 à 1 641 608,66 euros l'année suivante, ni rechercher, comme elle y était invitée, si l'insuffisance d'activité reprochée à l'agent ne pouvait s'expliquer par l'activité des sociétés Azura et Chaud froid varois, qui commercialisaient les produits de la société DBT dans le même secteur géographique, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le même moyen, pris en sa septième branche : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient enfin que le détournement de la prospection par la société AGL au profit de sa filiale, la société AGL Technic, est illustré par le cas du chantier El Aïdi ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société AGL qui faisait valoir que son ancien sous-agent, M. Beltra, avait, à son insu, fait signer le même jour deux bons de commande au client, l'un au nom de la société DBT pour trente-huit tuiles photovoltaïques, l'autre au nom de la société AGL technic, pour vingt-quatre tuiles photovoltaïques, et qu'en réalité, la vente n'avait pas été exécutée, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 4 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour condamner la société AGL à payer à la société DBT une indemnité de 352 000 euros en réparation des pertes de clientèle résultant du non-développement de la prospection, l'arrêt retient que le préjudice indemnisable de la société DBT correspond, outre à la compensation du volume d'affaires effectivement détourné, déjà arbitrée, à la perte de marge consécutive au manque de prospection de l'agent ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la société DBT demandait réparation du seul préjudice résultant du détournement de clientèle par la société AGL et qu'elle avait constaté que ce préjudice était indemnisé, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu qu'en condamnant la société AGL à payer à la société DBT la somme de 100 878 euros en remboursement des sommes détournées, sans répondre à ses conclusions qui faisaient valoir que la rémunération des parties sur chaque vente était constituée par un partage par moitié de la marge brute réalisée, laquelle était de l'ordre de 50 %, de sorte que le préjudice résultant des détournements éventuellement subis par le mandant, qui était constitué par la marge brute de 50 329 euros divisée par deux, s'évaluait à la somme de 25 219,50 euros, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il déclare la rupture unilatérale du mandat d'agence commerciale imputable à la faute grave de la société AGL, qui a pris l'initiative de la rupture, rejette ses demandes en paiement d'indemnités de cessation de contrat et de préavis et la condamne à payer à la société DBT pro climatisation les sommes de 100 878 euros en remboursement des sommes détournées et de 352 000 euros en réparation des pertes de clientèle en relation avec les manquements de l'agent commercial dans le non-développement de la prospection, l'arrêt rendu le 19 juin 2014, entre les parties, par la Cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Montpellier.