CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 27 septembre 2017, n° 15-24526
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Op'Team (SARL)
Défendeur :
Vulcain Ingenierie (SARL) , GRT Gaz (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas
Avocats :
Mes Bem, Montbobier, Ingold, Belloc
Faits et procédure
La société anonyme GRT Gaz (filiale du groupe GDF Suez) est propriétaire et gestionnaire d'un réseau de transport de gaz naturel à haute pression sur le territoire français. Afin de répondre à un besoin d'appui technique pour certaines activités spécifiques, le centre d'ingénierie de cette dernière, qui a pour mission de concevoir, construire et rénover les infrastructures et de stockage de gaz naturel du groupe GDF Suez, a recours à des sociétés de prestations de services.
En 2006, la société GRT Gaz a lancé une consultation à l'issue de laquelle elle a retenu la société à responsabilité limitée Op'Team, spécialisée dans le conseil, la formation et l'assistance technique en managements de projets, pour des missions d'assistance aux chefs de projet. Le 27 avril 2007, les sociétés Op'Team et GRT Gaz ont signé un premier contrat de prestation de services d'une durée de dix mois se terminant le 15 janvier 2008 au prix forfaitaire de 217 000 euros HT s'inscrivant dans le cadre du projet: Divers Projets. Par la suite, d'autres conventions de prestation de services ont été signées, notamment le 17 novembre 2009 se rapportant à des activités de secrétariat (orientées logistique de fonctionnement et gestion documentaire) au prix forfaitaire de 14 059,50 euros HT, ainsi que de nombreux contrats individuels engageant divers prestataires de services de la société Op'Team, suivis de multiples avenants.
Suivant courriel du 15 décembre 2011, Monsieur Anselme (responsable du service des ingénieurs Projet du Centre d'Ingénierie de GRT Gaz) a lancé un appel d'offres dans le cadre d'une réorganisation du plateau " assistantes projet ", auquel la société Op'Team a participé en deux temps, par un premier envoi, le 20 janvier 2012 émanant de Monsieur Ellogoet, directeur général, d'une proposition technique et commerciale de 25 pages, puis par une seconde proposition du 17 février 2012 conforme aux souhaits de sa partenaire et contenant son offre de prix. Mais cet appel d'offres a été remporté par la société CLC, laquelle s'est ensuite désistée, de sorte qu'un second appel d'offres a été lancé en avril 2012, aux termes duquel la société Vulcain Ingénierie (dite par abréviation Vulcain) a été retenue ; celle-ci a embauché plusieurs salariés de la société Op'Team. Reprochant à la société GRT Gaz d'avoir rompu abusivement leurs relations commerciales et à la société Vulcain d'avoir débauché de manière déloyale ses salariés avec la complicité de la première, la société Op'Team les a fait assigner par actes des 27 septembre et 4 octobre 2012 devant le Tribunal de commerce de Paris, lequel par jugement du 9 octobre 2015 a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- déclaré infondée l'exception d'incompétence soulevée par la société GRT Gaz au profit du Tribunal de commerce de Nanterre,
- rejeté l'exception d'irrecevabilité de la demande de la société Op'Team invoquée par la société GRT Gaz,
- pris acte de ce que la société Vulcain n'est pas concernée par les demandes relatives à la prétendue rupture brutale des relations commerciales entre les sociétés GRT Gaz et Op'Team,
- débouté cette dernière de toutes ses demandes,
- débouté la société Vulcain de sa demande en dommages et intérêts,
- condamné la société Op'Team à payer les sommes de 10 000 euros à la société GRT Gaz et de 5 000 euros à la société Vulcain Ingénierie, en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.
Selon dernières conclusions déposées et notifiées le 3 mars 2016, la société Op'Team, appelante:
- sollicite l'infirmation du jugement entrepris et la constatation de l'existence d'une relation commerciale établie entre elle et la société GRT Gaz au sens de l'article L. 442-6-I-5 du Code de commerce,
- estime qu'une rupture totale et unilatérale des relations commerciales est intervenue le 31 août 2012 à l'initiative de la société GRT Gaz,
- considère que cette rupture revêt un caractère brutal puisqu'elle n'a pas été précédée d'un préavis adapté à l'ancienneté des relations contractuelles entre les parties et à sa propre capacité à se réorganiser,
- fait valoir que son préjudice financier né de cette rupture brutale, sans respect du préavis de 6 mois doit être calculé sur la base de la moyenne du chiffre d'affaires que représente le contrat avec la société GRT Gaz sur les 3 dernières années, ou à défaut sur la base de la marge brute dégagée par le contrat avec la société GRT Gaz pendant les trois dernières années,
- soutient que la société Vulcain a débauché ses salariés, que la société GRT Gaz a participé activement à ce débauchage, qu'un préjudice financier est né de cette concurrence déloyale commise par la société Vulcain en complicité avec la société GRT Gaz,
- souhaite la condamnation :
* de la société GRT Gaz à lui payer la somme de 154 659 euros en réparation de son préjudice financier subi du fait de la rupture brutale du 31 août 2012 calculé sur la base de la moyenne du chiffre d'affaires des 3 dernières années, à défaut, de 77 747,08 euros en réparation du préjudice financier subi du fait de la rupture brutale du 31 août 2012 calculé sur la base de la marge brute dégagée par le contrat conclu avec la société GRT Gaz des 3 dernières années,
* solidaire des sociétés Vulcain et GRT Gaz à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice financier subi du fait des actes de concurrence déloyale,
* solidaire des sociétés Vulcain et GRT Gaz à lui régler la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait du contexte dans lequel s'est inscrit le débauchage de ses salariés,
* solidaire des sociétés Vulcain et GRT Gaz à lui payer la somme de 30 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile
Suivant dernières conclusions déposées et notifiées le 24 mai 2017, la société GRT Gaz, intimée, sollicite:
- à titre incident, sur la recevabilité
* l'infirmation du jugement querellé,
* l'irrecevabilité des demandes de la société Op'Team, pour n'avoir pas mis en œuvre la procédure de conciliation contractuelle,
- au fond
* la confirmation du jugement du 9 octobre 2015,
* le rejet des demandes de la société Op'Team, qui ne démontre ni rupture brutale des relations commerciales établies, ni préjudice réparable,
* le rejet des prétentions de la société Op'Team dès lors qu'elle ne démontre ni la faute de la société GRT Gaz, ni le préjudice réparable ni le lien de causalité entre ces éléments,
- en tout état de cause
* la condamnation de la société Op'Team à lui payer la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par dernières conclusions déposées et notifiées le 27 avril 2016, la société Vulcain, intimée formant appel incident, demande :
- la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa réclamation en dommages et intérêts,
- qu'il soit donné acte de ce qu'elle n'est pas concernée par les prétentions relatives à la prétendue rupture brutale des relations commerciales entre les sociétés GRT Gaz et Op'Team et donc par les demandes indemnitaires de 154 659 euros à titre principal et de 77 747,08 euros pour le préjudice financier et de 20 000 euros au titre du préjudice moral lié à la rupture,
- le rejet des prétentions de la société Op'Team à son endroit,
- la condamnation de la société Op'Team à lui payer les sommes de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 5 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION:
Sur la recevabilité des demandes de la société Op'Team
La société GRT Gaz soulève une fin de non-recevoir des demandes de la société Op'Team tirée de la clause de conciliation préalable obligatoire à la saisine du juge, incluse dans la clause attributive de juridiction, telle que stipulée à l'article 20 du contrat du 17 novembre 2009.
A juste titre, la société Op'Team réplique que son action étant de nature quasi délictuelle, la clause de conciliation n'est pas applicable. L'argument invoqué par la société GRT Gaz, selon lequel nonobstant le caractère délictuel de l'action fondée sur l'article L. 442-6, I, 5 du Code de commerce, la clause attributive de juridiction est applicable, ne saurait s'étendre à une clause de conciliation préalable obligatoire, qui n'a pas un caractère d'ordre public comme la règle de compétence visée à l'article D. 442-3 du Code de commerce. De surcroît, la société GRT Gaz ne saurait se prévaloir de cet argument sans se contredire, dès lors qu'elle prétend que le contrat du 17 novembre 2009 est indépendant et d'une durée limitée de deux mois, de sorte qu'il ne pouvait régir que ces relations ponctuelles.
Sur la rupture brutale des relations commerciales
Reprochant à la société GRT Gaz d'avoir rompu abusivement leurs relations commerciales, la société Op'Team fait valoir que leurs rapports commerciaux ont duré de manière continue de 2006 à 2012, ont été matérialisés par des contrats de prestation de services tant globaux qu'individuels, caractérisant la régularité de leur relation d'affaires. Elle soutient que la société GRT Gaz était un de ses clients les plus importants, que ce partenariat représentait un quart de son chiffre d'affaires, ce qui démontrerait le caractère significatif de leur échange. Elle excipe également de la stabilité de leurs rapports commerciaux et de son adaptabilité aux besoins de la société GRT Gaz.
La société GRT Gaz soulève, pour sa part, l'absence de relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6-I-5 du Code de commerce, dans la mesure où leur relation n'était constituée que de contrats ponctuels et successifs, de courte durée, sans renouvellement tacite et sans engagement de renouvellement, de sorte que le critère de stabilité fait défaut. Elle objecte également que les contrats les liant sont indépendants, qu'aucun contrat-cadre n'a été signé par les parties, qu'aucun chiffre d'affaires n'a été garanti, qu'aucune exclusivité n'a été consentie, qu'elle avait recours dans le même temps à deux autres prestataires, de sorte que l'appelante ne pouvait s'attendre à la stabilité de leur relation ou croire à une relation pérenne. Enfin, elle se prévaut de l'irrégularité du chiffre d'affaires, en nette diminution en 2010.
Il ressort de l'analyse des pièces versées aux débats qu'en 2007 à la suite d'un premier appel d'offres, la relation commerciale entre les sociétés GRT Gaz et Op'Team s'est inscrite dans la durée, puisqu'au contrat de prestation de services en date du 27 avril 2007 d'une durée de 10 mois pour des prestations d'un prix de 217 000 euros HT, a succédé un contrat en date du 27 avril 2009 de 6 mois pour des prestations d'un coût de 165 100 euros HT (pièce 34 de l'appelante), ainsi que de nombreux contrats individuels portant sur l'engagement de divers prestataires de la société Op'Team, suivis de multiples avenants. A titre d'exemple la commande n° E 21-4500565205 (pièce 7 de l'appelante) conformément à une proposition du 11 décembre 2009 de la société Op'Team a été suivie de huit avenants successifs dont la durée a été ininterrompue du 1er novembre 2009 au 30 mai 2012 pour des prestations d'un montant global de 222 089,20 euros HT. De même, la commande initiale n E 22-4500565214 a été suivie de neuf avenants d'une durée ininterrompue du 1er novembre 2011 au 30 août 2012 pour des prestations d'un prix total de 292 887,25 euros HT et la commande n° E 22-4500632652 a été suivie par quatre avenants se succédant sans interruption du 1er mars 2011 au 22 juin 2012 pour un montant de 114 380 euros HT.
Contrairement aux allégations de la société GRT Gaz, l'appréciation du caractère établi de la relation commerciale s'effectue au regard de la durée totale de la relation - peu important le cadre juridique dans lequel elle a pu se nouer - de la régularité du partenariat, de l'importance des échanges et de la stabilité des rapports de nature à faire croire légitimement aux parties que le partenariat va se poursuivre. Au cas particulier, l'antériorité, la constance des missions successives et ininterrompues, l'importance de leur coût, l'absence de toute critique apportent la preuve du caractère établi de la relation commerciale entre les deux sociétés pendant cinq ans.
La société Op'Team se prévaut également d'une rupture totale des relations commerciales incombant à la société GRT Gaz, qui a mis brutalement fin de manière simultanée aux missions des quatre " assistantes projet ", qui étaient à sa disposition au sein de ses équipes. Elle conteste que le simple appel d'offres du 15 décembre 2011 rédigé en termes généraux puisse être assimilé à un préavis de rupture, dans la mesure où la société GRT Gaz, selon elle, n'a pas manifesté clairement et explicitement sa volonté de rompre la relation commerciale préexistante ; elle avait pour sa part réajusté les tarifs de ses prestataires de services suite aux remarques de sa partenaire et, le 21 février 2012, cette dernière a confirmé la prolongation des contrats de ses quatre assistantes jusqu'au 30 mars 2012. Elle fait valoir qu'en dépit de ses nouvelles propositions, elle n'a pas été choisie et que l'intimée ne lui a pas communiqué le second appel d'offres, suite à la renonciation de la société CLC qui avait remporté le premier appel d'offres pour finalement s'en désister. Elle en déduit que la société GRT Gaz ne l'a jamais informée par écrit de sa décision de ne pas poursuivre les relations, de façon claire et non équivoque. Elle invoque encore un état de dépendance économique vis-à-vis de la société GRT Gaz et le fait que le débauchage simultané de trois salariées a engendré pour elle d'importantes difficultés de réorganisation, puisqu'elle ne pouvait plus proposer des salariés aussi compétents dans le cadre de l'assistance de chef de projet.
La société GRT Gaz conteste avoir rompu brutalement les relations commerciales, les contrats étant simplement, selon elle, arrivés à leur terme. Elle estime également que son appel d'offres écrit du 15 décembre 2011 valait préavis, qu'il était suffisant au regard de l'antériorité de leur partenariat et que la société Op'Team avait parfaitement conscience qu'elle pouvait ne pas être retenue à l'issue de cet appel d'offres.
La notification du recours à un appel d'offres à l'égard de ses divers prestataires manifeste l'intention de son auteur de ne pas poursuivre les relations contractuelles aux conditions antérieures et fait, en principe, courir le délai de préavis. Au cas particulier, la société GRT Gaz a clairement informé sa partenaire par courriel du 15 décembre 2011, dont l'objet est ainsi libellé : " Appel d'offre " en vue d'une " réorganisation du plateau assistantes projet " (constituant exactement leur partenariat), pour un marché dont le commencement est prévu au 1er février 2012; elle y a joint les éléments techniques ainsi que le bordereau de prix type nécessaire à l'étude et à l'élaboration de l'offre de la candidate. La teneur des courriers en réponse de Monsieur Ellogoet, directeur général de la société Op'Team (courriels des 20 décembre 2011 et 8 mars 2012) démontre la conscience claire de celui-ci de sa participation à un appel d'offres et en conséquence du risque de ne pas être retenu, ainsi que le suggère la possibilité " d'une solution de repli ", selon ses propres termes. Il a communiqué le 20 janvier 2012 une proposition technique et commerciale complète de 26 pages. Dans une seconde correspondance du 17 février 2012, il a transmis sa " nouvelle proposition commerciale après alignement technique " et a remercié Monsieur Chevallier (société GRT Gaz) de lui avoir permis de la faire.
Par courrier du 16 mars 2012 (pièce 7 de la société GRT Gaz), cette société a bien informé de manière non équivoque la société Op'Team de ce que sa proposition n'avait pas été retenue, après examen de son offre de prix, contrairement aux allégations de celle-ci. Ainsi la société GRT Gaz n'a pas abusé de la confiance de sa partenaire en lui laissant croire à la conclusion d'un nouveau contrat, puisque le fait de ne pas remporter un appel d'offres ne pouvait raisonnablement laisser espérer à cette dernière une continuité de la relation commerciale pour l'avenir.
Selon la société Op'Team elle-même, les relations commerciales entre les deux sociétés ont pris fin au 31 août 2012 ; en effet les avenants relatifs aux contrats de Mesdames Hemery, Banani et Metzger ont pris fin respectivement les 29 juin, 30 juillet et 31 août 2012. Ainsi, la société Op'Team a bénéficié entre la notification de l'appel d'offres et le dernier contrat d'un délai de prévenance de 8 mois, ce qui constitue au regard de la durée des relations commerciales, du chiffre d'affaires et de l'absence de clause d'exclusivité, un délai suffisant, de sorte que l'appelante n'est pas fondée en sa demande. La décision des premiers juges sera confirmée de ce chef.
Sur les actes de concurrence déloyale
La société Op'Team fait grief, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, dans leur version applicable au moment des faits, à la société Vulcain d'avoir commis à son égard des actes de concurrence déloyale, et ce, avec la complicité de la société GRT Gaz.
Elle reproche à la société Vulcain d'avoir débauché à son préjudice ses quatre salariées pour s'en approprier le savoir-faire et la compétence, en connaissance de cause, alors que dans leurs contrats de travail figurait une clause de non concurrence; cette société se serait ainsi rendue complice de la violation par ses salariées de leur obligation contractuelle. En tout état de cause, la société Op'Team estime que l'imprudence de la société Vulcain est fautive dans la mesure où il lui appartenait de se renseigner sur la situation des personnes qu'elle souhaitait recruter. Elle fait valoir qu'il en est résulté pour elle une désorganisation, puisqu'elle ne pouvait plus proposer de salariés aussi compétents dans le cadre de son activité principale d'assistance de chef de projet.
Elle dénonce également le rôle actif de la société GRT Gaz dans la commission des actes de concurrence déloyale en ce qu'elle a exercé une incitation déloyale au débauchage de ses salariées, en leur proposant de manière insistante et répétée, par des pressions quotidiennes, de poursuivre leurs prestations en son sein sans discontinuité. En conséquence, elle souhaite la condamnation solidaire des sociétés Vulcain et GRT Gaz à lui payer les sommes de 100 000 euros en réparation de son préjudice financier et de 20 000 euros au titre de son préjudice moral du fait desdits actes de concurrence déloyale.
La société Vulcain objecte qu'elle n'a commis aucune faute, que la preuve de manœuvres déloyales qu'elle aurait accomplies pour débaucher les salariées de la société Op'Team n'est pas rapportée, que le principe et le quantum du préjudice allégué n'est pas démontré.
A juste titre, les premiers juges ont retenu que la société Op'Team, sur laquelle pèse la charge de la preuve conformément aux dispositions de l'article 1315 du Code civil, dans sa version alors en vigueur, ne justifie par aucune pièce de l'existence de manœuvres dolosives et déloyales commises par la société Vulcain dans le but de détourner la clientèle de la première société ou d'utiliser les connaissances acquises par ces salariées. La circonstance que trois salariées ont démissionné dans un temps très rapproché ne peut suffire à établir l'existence de procédés déloyaux commis par cette intimée pour capter les employées, dès lors qu'un salarié peut librement démissionner s'il a retrouvé un emploi. Par ailleurs, le moyen tiré de la clause de non-concurrence figurant sur les contrats de travail des salariées de la société Op'Team est inopérant, puisque de telles clauses ne sont pas valables pour n'être pas limitées dans l'espace et être sans contrepartie financière. De surcroît, aucun élément comptable objectif ne corrobore la demande indemnitaire formée par la société Op'Team pour établir son préjudice, qui doit être réel et certain. Enfin le lien de causalité entre faute et préjudice n'est pas davantage démontré, de sorte que cette prétention ne saurait être accueillie.
La société Op'Team n'apporte pas davantage la preuve, qui lui incombe, de l'existence de pressions ou d'incitations déloyales, qui auraient été exercées par la société GRT Gaz sur ses propres salariées ; en effet, le courriel du 5 avril 2012 (pièce 25 de la société Op'Team) qu'elle produit au soutien de cette dernière une continuité de la relation commerciale pour l'avenir.
Selon la société Op'Team elle-même, les relations commerciales entre les deux sociétés ont pris fin au 31 août 2012 ; en effet les avenants relatifs aux contrats de Mesdames Hemery, Banani et Metzger ont pris fin respectivement les 29 juin, 30 juillet et 31 août 2012. Ainsi, la société Op'Team a bénéficié entre la notification de l'appel d'offres et le dernier contrat d'un délai de prévenance de 8 mois, ce qui constitue au regard de la durée des relations commerciales, du chiffre d'affaires et de l'absence de clause d'exclusivité, un délai suffisant, de sorte que l'appelante n'est pas fondée en sa demande. La décision des premiers juges sera confirmée de ce chef.
Sur les actes de concurrence déloyale
La société Op'Team fait grief, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, dans leur version applicable au moment des faits, à la société Vulcain d'avoir commis à son égard des actes de concurrence déloyale, et ce, avec la complicité de la société GRT Gaz.
Elle reproche à la société Vulcain d'avoir débauché à son préjudice ses quatre salariées pour s'en approprier le savoir-faire et la compétence, en connaissance de cause, alors que dans leurs contrats de travail figurait une clause de non concurrence; cette société se serait ainsi rendue complice de la violation par ses salariées de leur obligation contractuelle. En tout état de cause, la société Op'Team estime que l'imprudence de la société Vulcain est fautive dans la mesure où il lui appartenait de se renseigner sur la situation des personnes qu'elle souhaitait recruter. Elle fait valoir qu'il en est résulté pour elle une désorganisation, puisqu'elle ne pouvait plus proposer de salariés aussi compétents dans le cadre de son activité principale d'assistance de chef de projet.
Elle dénonce également le rôle actif de la société GRT Gaz dans la commission des actes de concurrence déloyale en ce qu'elle a exercé une incitation déloyale au débauchage de ses salariées, en leur proposant de manière insistante et répétée, par des pressions quotidiennes, de poursuivre leurs prestations en son sein sans discontinuité. En conséquence, elle souhaite la condamnation solidaire des sociétés Vulcain et GRT Gaz à lui payer les sommes de 100 000 euros en réparation de son préjudice financier et de 20 000 euros au titre de son préjudice moral du fait desdits actes de concurrence déloyale.
La société Vulcain objecte qu'elle n'a commis aucune faute, que la preuve de manœuvres déloyales qu'elle aurait accomplies pour débaucher les salariées de la société Op'Team n'est pas rapportée, que le principe et le quantum du préjudice allégué n'est pas démontré.
A juste titre, les premiers juges ont retenu que la société Op'Team, sur laquelle pèse la charge de la preuve conformément aux dispositions de l'article 1315 du Code civil, dans sa version alors en vigueur, ne justifie par aucune pièce de l'existence de manœuvres dolosives et déloyales commises par la société Vulcain dans le but de détourner la clientèle de la première société ou d'utiliser les connaissances acquises par ces salariées. La circonstance que trois salariées ont démissionné dans un temps très rapproché ne peut suffire à établir l'existence de procédés déloyaux commis par cette intimée pour capter les employées, dès lors qu'un salarié peut librement démissionner s'il a retrouvé un emploi. Par ailleurs, le moyen tiré de la clause de non-concurrence figurant sur les contrats de travail des salariées de la société Op'Team est inopérant, puisque de telles clauses ne sont pas valables pour n'être pas limitées dans l'espace et être sans contrepartie financière. De surcroît, aucun élément comptable objectif ne corrobore la demande indemnitaire formée par la société Op'Team pour établir son préjudice, qui doit être réel et certain. Enfin le lien de causalité entre faute et préjudice n'est pas davantage démontré, de sorte que cette prétention ne saurait être accueillie.
La société Op'Team n'apporte pas davantage la preuve, qui lui incombe, de l'existence de pressions ou d'incitations déloyales, qui auraient été exercées par la société GRT Gaz sur ses propres salariées ; en effet, le courriel du 5 avril 2012 (pièce 25 de la société Op'Team) qu'elle produit au soutien de cette allégation émane d'un ex-salarié de la société CLC qui propose une solution de reprise et ses services pour appuyer cette solution si la société Op'Team est intéressée, de sorte que la preuve d'une complicité fautive de la part de la société GRT Gaz n'est nullement rapportée. L'appelante ne justifie pas non plus de la réalité de la désorganisation alléguée. Dans ces conditions, la décision des premiers juges sera également confirmée de ce chef.
Sur l'appel incident formé par la société Vulcain et l'article 700 du Code de procédure civile
La société Vulcain réclame la condamnation de la société GRT Gaz à lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour avoir été attraite de façon abusive, sans apporter aucune preuve et en continuant de procéder par voie de simples affirmations en appel.
La décision des premiers juges sera confirmée en ce qu'ils ont rejeté cette demande en l'absence de démonstration d'un abus.
Succombant au principal, la société Op'Team sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel ainsi qu'à payer à la société GRT Gaz et à la société Vulcain respectivement une indemnité complémentaire de 8 000 euros et de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, statuant contradictoirement, confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 octobre 2015 par le Tribunal de commerce de Paris ; y ajoutant, déboute les parties de leurs autres demandes ; condamne la société Op'Team à verser respectivement aux sociétés GRT Gaz et Vulcain Ingéniérie les sommes de 8 000 euros et 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; condamne la société Op'Team aux dépens d'appel.