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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 21 septembre 2017, n° 16-02634

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Crédit Foncier De France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Grasso

Conseillers :

Mmes Jeanjaquet, Mongin

TI Paris, du 7 déc. 2015

7 décembre 2015

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 15 février 2013, dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. Marc G. et Mme Florence N. ont signé auprès de la société Ecouest Energie un bon de commande pour l'achat d'une installation solaire photovoltaïque pour un montant de 16 900 euro. Un crédit du même montant leur a été consenti par le Crédit Foncier de France pour financer cette acquisition.

Le 21 mai 2013, M. G. a signé un document par lequel il autorisait le Crédit Foncier de France à procéder au déblocage des fonds au profit de la société Ecouest Energie ainsi qu'une facture de cette société après y avoir apposé la mention " bon pour paiement ".

Par jugement en date du 12 juin 2013, le Tribunal de commerce de Laval a prononcé la liquidation judiciaire de la société Ecouest Energie.

Par actes d'huissier en date des 16 et 17 octobre 2015, les consorts G.-N. ont fait assigner la société Ecouest Energie, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, Me Isabelle G. et le Crédit Foncier de France, devant le Tribunal d'instance du 1er arrondissement de Paris, aux fins de voir prononcer la résolution du contrat pour inexécution, l'annulation du contrat de vente et en conséquence celle du contrat de prêt affecté.

Par jugement en date du 7 décembre 2015, le Tribunal d'instance du 1er arrondissement de Paris a prononcé la nullité du contrat conclu le 15 février 2013 entre Ecouest Energie et les consorts G.-N. et a constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté conclu avec le Crédit Foncier de France, condamnant le Crédit Foncier de France à restituer aux consorts G.-N. les sommes déjà versées au titre du contrat de prêt et dispensant ces derniers de restituer le montant du crédit affecté.

Le Crédit Foncier de France a été en outre condamné au paiement d'une somme de 1 000euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Par déclaration en date du 21 janvier 2016, la SA Crédit Foncier de France a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 10 août 2016, il demande à la cour, infirmant le jugement, de débouter les consorts G.-N. de toutes leurs demandes et, subsidiairement, de dire et juger que la nullité éventuellement encourue par le contrat de vente et de prestation de services est une nullité relative qui a été couverte par le comportement ultérieur de M. G. et Mme N..

Encore plus subsidiairement, si la cour devait confirmer l'annulation du prêt en conséquence de l'annulation du contrat principal, il lui est demandé de condamner les consorts G.-N. à lui verser la somme de 15 485,16 euro arrêtée au 10 août 2016 et de dire que les sommes déjà versées doivent demeurer acquises à la banque en contrepartie de la mise à disposition des fonds.

En tout état de cause, il sollicite la condamnation des consorts G.-N. au versement d'une indemnité de 3 000 euro sur le fondement des dispositions de l'articles 700 du Code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de Maître Thierry S., avocat au Barreau de PARIS, dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Il fait tout d'abord valoir que le mandat d'intermédiaire en opérations de banque qu'il a signé avec Ecouest Energie mentionne que chacune des parties sera seule responsable de tout manquement à ces dispositions et devra répondre seule et directement vis-à-vis de l'autre partie et des tiers, des dommages de toute nature, survenus à l'occasion de l'exécution de ses obligations contractuelles ou résultant de son activité professionnelle.

Sur l'inexécution contractuelle alléguée par les consorts G.-N., il soutient que les panneaux ont bien été installés et qu'ils produisent de l'électricité, le raccordement de l'installation à ERDF ayant été effectué le 13 novembre 2013, suite à une demande complète de raccordement au réseau public en date du 23 mai 2013 et que rien ne permet de justifier d'une promesse et d'une garantie d'autofinancement de l'opération par le prestataire puisque de tels engagements ne ressortiraient d'aucune pièce contractuelle ou pré-contractuelle, qu'en tout état de cause, le raccordement ne pouvant être effectué que par ERDF, et dans des délais fixés par cette dernière, l'exécution de cette prestation ne pouvait entrer dans le champ contractuel, étant rappelé qu'ERDF a reçu le dossier complet le 23 mai 2013, soit 48h après la signature de la facture par M. G..

Sur la demande de nullité du contrat de vente pour absence de mentions obligatoires sur le bon de commande, il allègue que les caractéristiques des biens acquis étaient mentionnées et que si dans leurs conclusions d'intimés, les consorts G.-N. font désormais état de l'absence du prix unitaire du matériel, ce niveau de détail n'est pas présent à l'article L. 121-23 du Code de la consommation.

Sur son absence de responsabilité, il fait observer que les intimés ont apposé leur signature sur la clause d'acceptation de l'offre le 15 mars 2013, comme en bas de la fiche d'informations précontractuelles européennes en matière de crédit au consommateur, qu'il a rempli toutes ses informations légales, que l'installation a été complètement réalisée de sorte qu'il n'y a eu aucune faute dans la libération des fonds entre les mains de la société installatrice et que sur le devoir de mise en garde, il a pris soin de vérifier la capacité de remboursement en sollicitant la communication des avis d'imposition et bulletins de paie.

Subsidiairement, en cas de confirmation de l'annulation du contrat de vente, il demande restitution du capital prêté non encore remboursé.

Dans leurs dernières conclusions d'intimés signifiées le 17 juin 2016, Mme Florence N. et M. Marc G. demandent à la cour de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé l'annulation des contrats de vente et de crédit et dit qu'ils ne seraient pas tenus de rembourser le crédit et que la banque sera tenue de rembourser les sommes versées.

Réformant le jugement, il est demandé à la cour de prononcer la résolution du contrat de crédit affecté pour faute de la banque.

En toutes hypothèses, les intimés sollicitent de la cour qu'elle juge qu'il ne pourra y avoir de rétroactivité et de remboursement du capital et déboute l'appelant de toutes ses demandes et condamne le Crédit Foncier de France à leur verser 3500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Ils font valoir que la preuve de l'obtention des documents administratifs permettant le raccordement au réseau n'a pas été apportée et serait la preuve du manquement par la société Ecouest Energie à ses obligations alors qu'au sein des conditions particulières du contrat de vente était stipulé que la société Ecouest Energie prendrait en charge les démarches administratives, incluant le devis de raccordement ERDF et demandent donc à la cour d'infirmer la décision rendue en premier ressort et de prononcer cette fois la résolution du contrat de vente et par conséquent celle du contrat de crédit affecté.

Ils soutiennent que le manquement aux obligations d'informations pré contractuelles sont sanctionnés par la nullité du contrat pour erreur sur les qualités essentielles et qu'en l'espèce, le bon de commande de la société Ecouest Energie ne mentionne pas la marque des onduleurs qui constituent l'élément essentiel du système photovoltaïque, qu'en outre, plusieurs mentions obligatoires énoncées à l'article L. 121-21 du Code de la consommation seraient manquantes comme la désignation précise de la marque, du type et du nombre de matériels vendus, du prix unitaire du matériel et de la référence au tarif de revente de l'électricité à ERDF.

Ils soutiennent que le dol supposant la réunion de manœuvres provoquant une erreur déterminante du consentement est en l'espèce caractérisé par une réticence dolosive dont Ecouest Energie serait l'auteur en ce qu'elle a procédé à de la rétention d'informations en ne divulguant pas des informations capitales aux acquéreurs et tenu des promesses sur la marge annuelle réalisée pendant le remboursement du crédit et sur le gain important dès la fin de cette période.

Sur la faute de la banque, ils font valoir que l'acceptation du prêt a été délivrée sans que le Crédit Foncier de France soit en possession de l'attestation de fin de travaux, que le déblocage des fonds a eu lieu trois mois après la signature du bon de commande et que la banque ne pouvait ignorer que le raccordement est long et prend au minimum quatre à six mois.

Par ordonnance du 31 mai 2016, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement d'appel du CFF à l'égard de la société Ecouest Energie, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, Me Isabelle G..

SUR CE,

Il est établi que les panneaux sont posés raccordés et produisent de l'électricité, Mme Florence N. et M. Marc G. produisant eux-mêmes une pièce numéro 2 de contrat d'achat de l'énergie électrique par Electricité de France.

Mme Florence N. et M. Marc G. reconnaissent dans leurs écritures qu'ils ne disposent d'aucune preuve des manœuvres dolosives alléguées et des promesses tenues par le vendeur sur le rendement de l'installation.

Procédant par affirmation, ils n'établissent ni le non-respect des obligations contractuelles ni le dol.

Par suite, leur demande de résolution du contrat de vente et du contrat de crédit affectée ne peut qu'être rejetée.

Le contrat principal est soumis aux dispositions des articles L. 221-1 et suivants du code de la consommation issus de la loi du 1er juillet 2010.

" Les opérations visées à l'article L. 221-5 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion du contrat et comporter à peine de nullité, les mentions suivantes:

1) nom du fournisseur et du démarcheur

2) adresse du fournisseur

3) adresse du lieu de conclusion du contrat

4) désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés

5) conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens ou d'exécution de la prestation de service

6) prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1

7) faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de la faculté et de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 ".

Si le premier juge a estimé que le bon de commande ne respectait pas les dispositions de l'article L. 111-1 du Code de la consommation auquel renvoie l'article L. 221-5 du même code et était donc entaché de nullité, il apparaît en réalité que tout en constatant que les caractéristiques des biens étaient mentionnées sur le bon de commande, il a retenu une absence de précision des "détails techniques de la pose de ces matériels" ou encore "un planning détaillé de l'installation des panneaux" alors que ces exigences techniques extrêmement précises ne sont pas prévues par le texte.

Si les Consorts G.-N. reprochent au bon de commande de ne pas avoir mentionné "le prix unitaire du matériel et la référence au taux de revente de l'électricité à ERDF", ces mentions ne sont pas non plus exigées par l'article L. 121-23 du Code de la consommation, lequel ne vise que le prix global à payer et ne mentionne aucunement les tarifs de revente à ERDF.

Le bon de commande versé aux débats par les intimés ne comporte pas de verso censé contenir les conditions générales comme indiqué au recto par mention sur leur signature.

Il contient en réalité toutes les mentions prévues par le texte.

Par suite, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente et celle du contrat de crédit affecté.

Au vu des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

Par ces motifs, Infirme le jugement rendu le 7 décembre 2015 par le Tribunal d'instance du 1er arrondissement de PARIS en toutes ses dispositions, Y substituant, Déboute M. G. et Mme N. de toutes leurs demandes formées à l'encontre du Crédit Foncier De France, Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne M. G. et Mme N. aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.