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Décisions

Cass. com., 27 septembre 2017, n° 15-20.291

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Président de l'Autorité de la concurrence

Défendeur :

Electricité de France (Sté), Solaire direct (Sté), Ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocat général :

Mme Beaudonnet

Avocats :

SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, SCP Piwnica, Molinié, SCP Célice, Soltner, Texidor, Périer

Cass. com. n° 15-20.291

27 septembre 2017

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Solaire direct, qui opère dans le secteur de la production d'électricité photovoltaïque, a saisi le Conseil de la concurrence, devenu l'Autorité de la concurrence (l'Autorité), de pratiques d'abus de position dominante mises en œuvre par la société Electricité de France (la société EDF) ainsi que par ses filiales, les sociétés EDF Energie nouvelle (la société EDF EN) et EDF Energies nouvelles réparties (la société EDF ENR) sur le marché des services aux particuliers souhaitant devenir producteurs d'électricité photovoltaïque ; que, par une décision n° 13-D-20 du 17 décembre 2013, l'Autorité a dit établi, à l'article 1er de sa décision, que la société EDF avait enfreint les dispositions des articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), pour avoir, d'une part, entre novembre 2007 et avril 2009, mis à la disposition de ses filiales actives dans le secteur photovoltaïque, au surplus dans des conditions financières avantageuses, des moyens matériels et immatériels permettant à ces dernières de bénéficier de son image de marque et de sa notoriété et, d'autre part, utilisé les données dont elle disposait en sa qualité de fournisseur historique d'électricité pour faciliter la commercialisation des offres de sa filiale, la société EDF ENR ; Qu'à l'article 2, l'Autorité a dit établi que la société EDF avait enfreint ces mêmes dispositions en mettant à la disposition de ses filiales, actives dans ce secteur, la marque et le logo EDF ENR qui leur ont permis, compte tenu des caractéristiques du marché, de bénéficier de son image de marque et de sa notoriété, entre le mois de mai 2009 et le 31 mars 2010 ; qu'elle a, en conséquence, infligé à la société EDF une sanction pécuniaire au titre de chacune de ces infractions ; Que saisie d'un recours par la société EDF, la cour d'appel l'a rejeté en ce qu'il tendait à l'annulation de l'article 1er de la décision, sauf en ce qui concerne le montant de la sanction infligée, qu'elle a réduit, et a dit non établie l'infraction visée à l'article 2 ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° 15-20.291 : - Attendu que la société EDF fait grief à l'arrêt du rejet de son recours en annulation de l'article 1er de la décision alors, selon le moyen : 1°) que seul un grief clair, précis, préalablement notifié dans les mêmes termes et sur lequel la société a pu présenter ses observations peut être retenu à son encontre par la formation de jugement de l'Autorité de la concurrence ; qu'ainsi cette dernière ne peut ni compléter, ni modifier, ni regrouper les griefs reprochés aux entreprises au stade du jugement de l'affaire ; qu'en considérant qu'aux termes du premier grief les services d'instruction ont clairement reproché à la société EDF la mise à disposition, anticoncurrentielle en tant que telle, de moyens matériels et immatériels au bénéfice de ses filiales qui ont conféré à ces dernières un avantage concurrentiel non réplicable dans la concurrence qu'elles livrent aux autres opérateurs présents dans la filière photovoltaïque, tout en constatant qu'il résulte sans la moindre ambiguïté du libellé même du grief, que les conditions financières avantageuses n'interviennent dans la qualification de la pratique en cause qu'au surplus en amplifiant l'avantage concurrentiel que procure déjà la simple mise à disposition des moyens matériels et immatériels en cause, ce dont il résulte que les conditions financières de l'opération ont bien été prises en considération dans la qualification de la pratique, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles 6 § 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et L. 463-2 du Code de commerce ; 2°) que seul un grief clair, précis, préalablement notifié dans les mêmes termes et sur lequel la société a pu présenter ses observations peut être retenu à son encontre par la formation de jugement de l'Autorité de la concurrence ; qu'ainsi cette dernière ne peut ni compléter, ni modifier, ni regrouper les griefs reprochés aux entreprises au stade du jugement de l'affaire ; qu'en considérant qu'aux termes du premier grief les services d'instruction ont clairement reproché à la société EDF la mise à disposition, anticoncurrentielle en tant que telle, de moyens matériels et immatériels au bénéfice de ses filiales qui ont conféré à ces dernières un avantage concurrentiel non réplicable dans la concurrence qu'elles livrent aux autres opérateurs présents dans la filière photovoltaïque, tout en prenant en considération " l'effet anticoncurrentiel des conditions financières de mise à disposition de certains actifs " pour confirmer l'article 1er de la décision déférée déclarant la société EDF coupable d'abus de position dominante, ce dont il résulte que les conditions financières de l'opération ont bien été prises en considération dans la qualification de la pratique, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles 6 § 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et L. 463-2 du Code de commerce ; 3°) que seul un grief clair, précis, préalablement notifié dans les mêmes termes et sur lequel la société a pu présenter ses observations peut être retenu à son encontre par la formation de jugement de l'Autorité de la concurrence ; qu'ainsi cette dernière ne peut ni compléter, ni modifier, ni regrouper les griefs reprochés aux entreprises au stade du jugement de l'affaire ; qu'en affirmant, pour considérer que les griefs notifiés étaient autonomes, qu'ils visaient chacun à appréhender des pratiques distinctes quand il ressort expressément de la décision déférée que la première branche du premier grief et le second grief ont ensuite été réunis par l'Autorité de la concurrence elle-même pour caractériser une infraction unique sanctionnée par une seule et même amende, ce dont il résulte que les pratiques visées par chacun des griefs n'étaient pas totalement distinctes l'une de l'autre, la cour d'appel a violé de plus fort les articles 6 § 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et L. 463-2 du Code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir rappelé le libellé du premier grief notifié à la société EDF, l'arrêt retient que les services d'instruction lui ont reproché, de manière claire, la mise à disposition, en tant que telle, de moyens matériels et immatériels au bénéfice de ses filiales qui ont conféré à ces dernières un avantage concurrentiel non réplicable dans la concurrence qu'elles livrent aux autres opérateurs présents dans la filière photovoltaïque ; qu'il relève que la précision apportée dans le corps de la notification des griefs, selon laquelle aucune subvention de la part de la société EDF au profit de sa filiale EDF ENR n'a été identifiée, confirme que la référence aux conditions financières dans lesquelles cette mise à disposition est intervenue avait pour seule finalité de souligner l'importance des avantages conférés ; qu'en l'état de ces motifs, dont il ressort que la référence à ces circonstances permettait d'apprécier l'ampleur de la perturbation occasionnée, mais restait sans incidence sur la qualification de la pratique reprochée, fondée sur un abus de position dominante, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu les conséquences légales de ses constatations, a pu retenir que la société EDF avait été en mesure de déterminer la portée du premier grief qui lui a été notifié ;

Et attendu, en second lieu, que la cour d'appel ayant retenu que chacun des griefs avait été notifié et était dépourvu d'ambiguïté et que la société EDF avait été en mesure de présenter ses observations, la troisième branche, qui critique leur regroupement dans la décision au sein d'un même article, est sans portée ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du même pourvoi : - Attendu que la société EDF fait grief à l'arrêt de lui infliger une sanction au titre de l'infraction visée par l'article 1er de la décision alors, selon le moyen : 1°) que tout justiciable doit être mis en mesure de connaître, à l'avance, à partir du libellé de la disposition pertinente et, au besoin, à l'aide de son interprétation par les tribunaux, quels actes ou omissions sont susceptibles d'engager sa responsabilité pénale ou quasi-pénale ; qu'en reprochant à la société EDF d'avoir mis en œuvre des actions en elles-mêmes licites mais qui constitueraient un abus de position dominante en raison de leur seul cumul, la cour d'appel qui a méconnu les principes de légalité des délits et des peines et de sécurité juridique, a violé les articles 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 49 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 102 du TFUE et L. 420-2 du Code de commerce ; 2°) que constitue une subvention croisée le fait pour un opérateur historique d'utiliser la rente générée par son activité exercée en monopole pour conquérir des parts de marché ou compenser des pertes sur un segment d'activité ouvert à la concurrence ; que le juge ne peut établir qu'un opérateur historique a utilisé les moyens de son monopole à des conditions avantageuses qu'en se livrant à des tests de coûts précis admis par la doctrine économique ; qu'en refusant d'appliquer le standard de preuve applicable en cas de subventions croisées, en se fondant exclusivement, sur la notification des griefs et le rapport pour considérer que les conditions financières de la mise à disposition par la société EDF au profit de sa filiale photovoltaïque de moyens matériels et immatériels ayant permis à cette dernière d'utiliser son image de marque et sa notoriété pour commercialiser ses offres photovoltaïques " ne constituent (...) pas des éléments constitutifs de l'infraction " quand l'article 1er de la décision de l'Autorité de la concurrence confirmée par l'arrêt attaqué reproche in fine expressément à la société EDF d'avoir commis un abus de position dominante en mettant " à la disposition de ses filiales actives dans le secteur photovoltaïque, au surplus dans des conditions financières avantageuses, des moyens matériels et immatériels qui ont permis à ces dernières de bénéficier de son image de marque et de sa notoriété ", ce qui suffit à démontrer que les conditions financières prétendument avantageuses de cette mise à disposition ont bien été prises en compte au titre des éléments constitutifs de l'infraction pour laquelle la société EDF a été condamnée, sans pour autant appliquer le test économique permettant d'établir l'existence d'une subvention croisée, la cour d'appel a violé les articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du TFUE ; 3°) qu'en affirmant que les conditions financières avantageuses de la mise à disposition par la société EDF au profit de sa filiale photovoltaïque de moyens matériels et immatériels ayant permis à cette dernière d'utiliser son image de marque et sa notoriété pour commercialiser ses offres photovoltaïques " ne constituent (...) pas des éléments constitutifs de l'infraction " mais sont seulement appréhendées en ce qu'elles amplifient les effets des pratiques tout en considérant par ailleurs que ces conditions financières avaient eu un effet anticoncurrentiel sur le marché, ce qui ôte tout caractère surabondant à ces constatations, la cour d'appel a violé les articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du TFUE ; 4°) qu'en affirmant que les conditions financières de la mise à disposition de moyens par la société EDF sont seulement appréhendées en ce qu'elles amplifient les effets des pratiques, tout en constatant au sujet des conditions financières de la mise à disposition de la marque après mai 2009, que la société EDF " requérante ne peut être sérieusement contredite lorsqu'elle affirme que la mise à disposition d'actifs qui vient nécessairement la compenser ne saurait, en soi, l'amplifier ", la cour d'appel a violé les articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du TFUE ; 5°) que commet un abus de position dominante par octroi de conditions financières avantageuses l'opérateur historique qui utilise la rente générée par son activité exercée en monopole pour conquérir directement ou par l'intermédiaire de ses filiales, des parts d'un marché distinct ouvert à la concurrence en proposant des prix prédateurs ;qu'en confirmant l'article 1 er de la décision déférée ayant dit que la société EDF avait commis un abus de position dominante en mettant notamment à la disposition de ses filiales actives dans le secteur photovoltaïque, au surplus dans des conditions financières avantageuses, des moyens matériels et immatériels qui ont permis à ces dernières de bénéficier de son image de marque et de sa notoriété, tout en admettant que les prix pratiqués par les filiales photovoltaïques de la société EDF étaient supérieurs à ceux de la concurrence si bien qu'aucun prix abusivement bas ne pouvait leur être reproché, ce qui suffit à démontrer que la mise à disposition de moyens dans des conditions prétendument avantageuses n'avait pas été utilisée à des fins de prédation, la cour d'appel a violé les articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du TFUE ; 6°) qu'en reprochant à la société EDF d'avoir permis à sa filiale active dans la filière photovoltaïque, EDF ENR, de bénéficier, entre novembre 2007 et avril 2009 de son image de marque et de sa notoriété en entretenant la confusion dans l'esprit des consommateurs entre son activité de fournisseur d'électricité et celle de ses filiales, leur procurant ainsi un avantage non réplicable par les concurrents de ces filiales, tout en admettant que " l'utilisation de l'image de marque et de la notoriété de l'opérateur historique ne constitue pas un abus en soi ", la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du TFUE ; 7°) qu'en se bornant à reprocher à la société EDF d'avoir permis à sa filiale active dans la filière photovoltaïque, EDF ENR, de bénéficier, entre novembre 2007 et avril 2009 de son image de marque et de sa notoriété en entretenant la confusion dans l'esprit des consommateurs entre son activité de fournisseur d'électricité et celle de ses filiales, leur procurant ainsi un avantage non réplicable par les concurrents de ces filiales, tout en admettant que " l'utilisation de l'image de marque et de la notoriété de l'opérateur historique (...) ne peut devenir anticoncurrentielle qu'au vu des circonstances particulières de sa mise en œuvre ", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du TFUE ; 8°) qu'en affirmant que " l'Autorité a exactement constaté (...) que l'avantage concurrentiel des marques et logos du groupe EDF est accru par les caractéristiques du marché en cause, dès lors que le secteur de l'énergie photovoltaïque est essentiellement composé de petites et moyennes entreprises qui ne sont pas en mesure d'acquérir, dans un horizon temporel raisonnable, une notoriété susceptible de concurrencer celle du groupe EDF, lequel détient celle-ci non du fait des mérites de ses services sur la filière photovoltaïque mais du fait de sa position d'opérateur historique sur le marché de la fourniture d'électricité ", avant d'admettre que " s'agissant des caractéristiques de l'offre, (...) l'Autorité ne démontre pas que les opérateurs de petite et moyenne taille ne disposant pas d'une marque notoire auraient rencontré des difficultés spécialement au regard de leurs parts de marchés comprises entre 85 et 99 % depuis 2007 et alors qu'à partir du moratoire de 2010, ainsi que le reconnaît la décision les consommateurs se sont orientés vers les artisans locaux ", la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du TFUE ; 9°) que l'utilisation par un opérateur historique des informations relatives aux seules coordonnées de ses clients obtenues dans le cadre de son ancien monopole ne lui procure pas un avantage concurrentiel indu lorsque ces informations sont commercialisées pour un coût raisonnable par de nombreux acteurs sur le marché des bases de données librement accessibles notamment sur internet ; qu'en affirmant, pour reprocher à la société EDF d'avoir abusé de sa position dominante, que les seuls noms et coordonnées des clients de la société EDF communiqués à sa filiale photovoltaïque constituaient des données stratégiques non réplicable dans des conditions économiquement raisonnables, la cour d'appel a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du Code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt relève qu'en mettant à la disposition de ses filiales un ensemble de moyens matériels et immatériels entre novembre 2007 et avril 2009 et en permettant à celles-ci de bénéficier de l'image de marque et de la notoriété de l'opérateur historique, la société EDF a entretenu la confusion dans l'esprit des consommateurs entre son activité de fournisseur d'électricité et celles de ses filiales, leur procurant ainsi un avantage non réplicable par leurs concurrents ; qu'il ajoute que l'utilisation des informations privilégiées, détenues de manière exclusive par la société EDF au titre de son ancien monopole et de ses missions de service public, a constitué un avantage concurrentiel significatif pour la société EDF ENR en lui permettant d'assurer la promotion de ses offres auprès d'un nombre élevé de prospects dans des conditions non réplicable par ses concurrents ; qu'il retient enfin que le nombre, le cumul et l'interaction des comportements anticoncurrentiels mis en œuvre en même temps constituent un facteur devant être pris en compte au titre de la gravité des faits ; qu'en l'état de ces motifs, dont il résulte que le cumul des pratiques n'a pas été pris en considération au stade de la qualification de la pratique prohibée mais de la détermination de la sanction pour en apprécier la gravité, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes et principes invoqués ;

Attendu, en deuxième lieu, que, la cour d'appel ayant constaté que la notification des griefs n'avait pas identifié de pratique de subventions croisées et que le rapport avait confirmé qu'une telle pratique n'était pas reprochée à la société EDF, le moyen, qui, en ses deuxième, troisième et quatrième branches, procède du postulat contraire, est inopérant ;

Attendu, en troisième lieu, que, la cour d'appel n'ayant pas dit que la mise à disposition des moyens matériels et immatériels par la société EDF à ses filiales avait été utilisée à des fins de prédation, le moyen manque en fait en sa cinquième branche ;

Attendu, en quatrième lieu, que l'arrêt énonce que l'utilisation de l'image de marque et de la notoriété de l'opérateur historique ne constitue pas un abus en soi, mais peut devenir anticoncurrentielle au vu des circonstances particulières de sa mise en œuvre ; qu'il constate l'existence d'un avantage intrinsèque associé à l'appartenance au groupe EDF de ses filiales actives dans la filière photovoltaïque, résultant de la qualité d'opérateur historique de la société EDF, accru par les caractéristiques d'un marché composé de petites et moyennes entreprises, incapables d'asseoir, en un délai raisonnable, une notoriété susceptible de concurrencer celle de la société EDF ; qu'il relève qu'à l'époque des pratiques, la marque "EDF" jouait un rôle déterminant dans le choix, par un particulier, de son prestataire de services photovoltaïques, l'image de marque de ce prestataire constituant, plus que le prix, un élément déterminant ; qu'il relève encore, par motifs adoptés, qu'a été mis en place un système de commercialisation des offres photovoltaïques dans lequel l'ensemble des moyens de communication à la disposition de la société EDF ont été mobilisés pour orienter les particuliers susceptibles d'être intéressés par le photovoltaïque vers l'offre de service "Conseil Energie Solaire" proposée par ses filiales ;

Qu'en cet état, la cour d'appel a pu retenir que la mise à disposition litigieuse, qui entretenait la confusion dans l'esprit des consommateurs entre son activité de fournisseur d'électricité et celle de ses filiales et procurait ainsi à ces dernières un avantage concurrentiel non réplicable par leurs concurrents, caractérisait un abus de position dominante ;

Attendu, en cinquième lieu, qu'il ne peut être reproché à la cour d'appel, qui a retenu que le changement de cadre réglementaire avait joué un rôle important dans l'évolution du marché à partir de la fin de l'année 2009, de ne pas avoir tenu compte de cette modification pour analyser la pratique incriminée sur une période antérieure ;

Et attendu, en sixième lieu, que, la cour d'appel n'ayant pas dit que les informations relatives aux clients acquises par la société EDF ENR étaient commercialisées pour un coût raisonnable par de nombreux acheteurs sur le marché des bases de données, ni que ces données étaient librement accessibles, le moyen, en sa neuvième branche, manque en fait ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen du même pourvoi : - Attendu que la société EDF fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen : 1°) qu'en affirmant, pour considérer que l'abus de position dominante reproché à la société EDF avait eu des effets anticoncurrentiels sur le marché qu'il " a été établi que la société EDF a asséché le marché des prospects en se servant de moyens non réplicable par ses concurrents, ce qui a entraîné une croissance très significative de la société EDF ENR ne reflétant pas une croissance par les mérites ", après avoir constaté que " s'agissant des caractéristiques de l'offre, que l'Autorité ne démontre pas que les opérateurs de petite et moyenne taille ne disposant pas d'une marque notoire auraient rencontré des difficultés spécialement au regard de leurs parts de marchés comprises entre 85 et 99 % depuis 2007 ", la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du Code de commerce; 2°) qu'en refusant expressément de vérifier si les actifs mis par la société EDF à la disposition de sa filiale étaient ou non indispensables aux autres concurrents, après avoir admis que " s'agissant des caractéristiques de l'offre, que l'Autorité ne démontre pas que les opérateurs de petite et moyenne taille ne disposant pas d'une marque notoire auraient rencontré des difficultés spécialement au regard de leurs parts de marchés comprises entre 85 et 99 % depuis 2007 " la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du Code de commerce ; 3°) qu'en considérant que si les pratiques relevées à l'encontre de la société EDF ne présentaient pas d'objet anticoncurrentiel, l'Autorité de la concurrence avait caractérisé à suffisance de droit les effets anticoncurrentiels réels des pratiques incriminées, tout en déniant à la société EDF le droit de chercher à établir le nombre de clients qui se seraient effectivement tournés vers les concurrents de la société EDF ENR en l'absence des pratiques reprochées à la société EDF, ce qui interdisait toute analyse des effets anticoncurrentiels réels ou avérés, la cour d'appel a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du Code de commerce ; 4°) qu'en se bornant à affirmer, pour dénier à la société EDF le droit de déterminer le nombre de clients qui se seraient effectivement tournés vers les concurrents de la société EDF ENR en l'absence des pratiques reprochées " qu'un tel calcul est, d'un côté, impossible à réaliser avec des résultats fiables et, de l'autre, inutile pour l'appréciation des effets des pratiques ", la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence des effets anticoncurrentiels réels des pratiques en cause, a privé sa décision de base légale au regard des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du Code de commerce ;

Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt relève que la société EDF ENR, bien qu'ayant été presque totalement absente du marché en 2007, a connu une forte progression en dix-huit mois pour devenir, en 2010, le premier acteur sur le marché, tandis que les parts de marché de ses concurrents sont demeurées très inférieures aux siennes et leur progression comparativement moins rapide ; qu'il retient que, sans qu'il soit utile de rechercher le nombre de clients qui se seraient tournés vers les concurrents en l'absence de ces pratiques, la société EDF a asséché le marché des prospects par des moyens non replicables par ses concurrents, ce qui a entraîné une croissance significative de la société EDF ENR non fondée sur ses mérites ; que de ces constatations et appréciations, justifiant légalement sa décision, la cour d'appel a pu déduire l'existence d'effets tant réels que potentiels de restriction de concurrence ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le quatrième moyen du même pourvoi : - Attendu que la société EDF fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen : 1°) qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué que le paragraphe 37 du communiqué sanctions du 16 mai 2011 précité ne permet à l'Autorité de la concurrence de déroger à la règle du dernier exercice comptable complet de participation à l'infraction pour évaluer la valeur des ventes que lorsque celui-ci ne constitue manifestement pas une référence représentative ; qu'en affirmant, pour valider la dérogation appliquée en l'espèce par l'Autorité de la concurrence que " l'année 2008 ne semble pas représentative ", la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à établir que le dernier exercice comptable complet 2008 ne constitue manifestement pas une référence représentative, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; 2°) que la société EDF avait précisément fait valoir dans son mémoire en réplique que la gravité de l'infraction relative à la première branche du premier grief et au second grief ne peut pas être appréciée sans tenir compte, comme le souligne le ministre, de l'absence d'objet anticoncurrentiel de cette pratique, ce qui ne permet pas de la ranger parmi les infractions les plus graves ; qu'en se bornant à affirmer, pour apprécier la gravité du comportement à sanctionner que les pratiques en cause sont traditionnellement qualifiées par les autorités de concurrence et les juridictions européennes et nationales de graves, voire de très graves lorsqu'elles sont mises en œuvre par une entreprise en situation de position dominante et a fortiori, en situation de monopole ou de quasi-monopole, sans répondre à ces conclusions déterminantes démontrant la nécessité absolue d'apprécier la gravité de la pratique selon qu'elle présente ou non un objet anticoncurrentiel, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) que les pratiques d'éviction les plus graves sont les pratiques d'éviction tarifaire consistant pour le titulaire d'un monopole légal à utiliser sa rente financière pour pratiquer un prix abusivement bas sur un marché connexe ouvert à la concurrence ; qu'en affirmant péremptoirement que les pratiques d'éviction sont traditionnellement qualifiées par les autorités de concurrence et les juridictions européennes et nationales de graves, voire de très graves lorsqu'elles sont mises en œuvre par une entreprise en situation de position dominante et a fortiori, en situation de monopole ou de quasi-monopole, sans distinguer selon la pratique en cause bien qu'elle ait admis en l'espèce qu'il ne pouvait pas être reproché à la société EDF une quelconque éviction tarifaire, la cour d'appel qui a statué par des motifs généraux impropres à établir la gravité de la pratique en cause, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; 4°) que le dommage à l'économie ne peut pas être présumé ; qu'il incombe donc à l'Autorité de concurrence de démontrer l'existence du dommage à l'économie et d'en déterminer l'importance par une analyse concrète de la situation concurrentielle du secteur en cause ; qu'en se bornant, en ce qui concerne les caractéristiques économiques du secteur, à confirmer la motivation de l'Autorité de la concurrence ne faisant état que du caractère émergent du secteur photovoltaïque, de l'atomicité de l'offre et de l'irréversibilité de l'investissement à réaliser, la cour d'appel qui a statué par des considérations générales insuffisantes à caractériser le dommage à l'économie, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; 5°) que la société EDF avait expressément fait valoir, dans son mémoire en réplique, que pour déterminer le dommage à l'économie, l'ampleur des pratiques visées par la première branche du premier grief et le second grief, devait être examinée en tenant compte non seulement du nombre de destinataires de la Lettre Bleu Ciel mais aussi des effets bénéfiques et pro concurrentiels de la présence de la société EDF dans le développement de la filière photovoltaïque en France ; qu'en se bornant à affirmer sur l'ampleur des pratiques reprochées, que l'impact de la Lettre Bleu Ciel qui avait pu toucher tous les consommateurs a été parfaitement caractérisée par l'Autorité de la concurrence, sans répondre au moyen déterminant précité démontrant que la présence de la société EDF sur le marché photovoltaïque avait également été bénéfique au développement du secteur, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 6°) que les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient ; qu'en considérant que la première branche du premier grief et le second grief, formaient en réalité une infraction unique après avoir affirmé que chacun de ces griefs visaient à appréhender des pratiques distinctes, la cour d'appel qui a artificiellement aggravé la pratique incriminée et la sanction pécuniaire encourue par la société EDF, a méconnu le principe de proportionnalité des peines et violé l'article L. 464-2 du Code de commerce ; 7°) que la seule puissance économique de la société EDF et du groupe auquel elle appartient ne constitue pas par elle-même une cause personnelle d'aggravation de la sanction ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du Code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir retenu, par motifs propres et adoptés, que les effets des pratiques sont davantage caractérisés en 2009, les ventes de la société EDF ENR ayant triplé entre 2008 et 2009, l'arrêt relève qu'un délai de quatre mois existe entre la vente et l'installation d'un projet photovoltaïque, tandis que le chiffre d'affaires est retenu, en comptabilité, à la date de l'installation du projet ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a approuvé l'Autorité d'avoir écarté le dernier exercice comptable complet de participation à l'infraction pour retenir celui d'une année, plus approprié, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les pratiques reprochées à la société EDF ont consisté à mettre en œuvre un cumul d'actions visant à favoriser l'activité de ses filiales opérant sur le marché des services aux particuliers souhaitant devenir producteurs d'électricité photovoltaïque, ayant eu pour effet, au moins potentiel, d'entraver le développement des opérateurs concurrents sur le marché en cause, voire de les évincer ; qu'il relève que les pratiques d'éviction sont traditionnellement qualifiées de graves, voire de très graves lorsqu'elles sont mises en œuvre par une entreprise en position dominante, et a fortiori en situation de monopole ou de quasi-monopole, et que la pratique en cause, ayant consisté à utiliser des bases de données commerciales issues d'une situation de monopole légal, est d'une particulière gravité ; qu'il constate que les comportements litigieux procèdent d'une volonté délibérée de bâtir une stratégie marketing globale et cohérente ; qu'il ajoute que ces pratiques ont été mises en œuvre par l'opérateur historique de l'électricité en France, qui avait, par son statut, la responsabilité particulière de ne pas entraver l'entrée et le développement d'opérateurs concurrents sur un marché connexe émergent ;

Qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a répondu, en les écartant, aux conclusions invoquées par la deuxième branche, a légalement justifié sa décision au titre de la gravité des pratiques retenues ;

Attendu, en troisième lieu, que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt énonce que, pour apprécier l'importance du dommage causé à l'économie, il convient de tenir compte notamment de l'ampleur de l'infraction, caractérisée par sa couverture géographique ou par la part de marché cumulée des participants sur le secteur ou le marché concerné, sa durée, ses conséquences conjoncturelles ou structurelles, ainsi que les caractéristiques économiques pertinentes du secteur ou du marché concerné ; qu'il relève que l'ampleur des pratiques résulte tant de la lettre "Bleu ciel" que des factures d'électricité, qui font état du service "Conseil Energie Solaire" et du numéro auquel il est accessible, qui ont été adressées à l'ensemble des clients de la société EDF résidant en France, soit la quasi-totalité des clients potentiels de la société EDF ENR ; qu'il ajoute que les campagnes de communication radiophoniques ou télévisuelles relatives à ce service ont été diffusées sur tout le territoire national et ont donc pu toucher tous les consommateurs ; qu'il retient que le secteur en cause est un marché émergent, caractérisé par l'atomicité de l'offre et la prépondérance d'acteurs de petite taille ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, procédant d'une analyse concrète de l'incidence économique de la pratique en cause, la cour d'appel, qui a répondu, en les écartant, aux conclusions invoquées à la cinquième branche, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en quatrième lieu, que sous le couvert du grief infondé de violation de la loi, le moyen, en sa sixième branche, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des éléments propres à déterminer la proportionnalité de la sanction ;

Et attendu, enfin, que, la société EDF n'ayant pas contesté, dans ses écritures d'appel, l'ajustement à la hausse, au titre de sa puissance économique et de celle du groupe auquel elle appartient, de la sanction pécuniaire qui lui a été infligée, le moyen, en sa septième branche, est nouveau, et mélangé de fait et de droit ; d'où il suit que le moyen, irrecevable en sa dernière branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi n° 15-20.087 : - Vu l'article L. 464-2 du Code de commerce ; - Attendu que la circonstance aggravante fondée sur la réitération de pratiques anticoncurrentielles peut être retenue pour de nouvelles pratiques identiques ou similaires, par leur objet ou leurs effets, à celles ayant donné lieu au précédent constat d'infraction, sans que cette qualification n'exige une identité quant à la pratique mise en œuvre ou quant au marché concerné ;

Attendu que pour écarter la circonstance aggravante tirée de la réitération et dire qu'il n'y a pas lieu de procéder, de ce chef, à une majoration de la sanction infligée au titre du premier grief, l'arrêt retient que les pratiques mises en œuvre, par leur combinaison et leur ampleur, ont permis à la société EDF ENR d'acquérir très rapidement une position significative sur le marché grâce à des moyens que ne pouvaient répliquer ses concurrents, faussant ainsi la concurrence par les mérites, de sorte qu'elles ne sont ni identiques ni similaires, par leur objet ou leur effet, à celles pour lesquelles la société EDF avait été précédemment sanctionnée pour avoir proposé, dans le cadre de l'obtention de la concession de la distribution d'électricité de la ville de Tourcoing, une offre concernant l'éclairage public de la ville à un prix particulièrement bas ; qu'il ajoute que la ville a été dissuadée de procéder à un appel d'offres et que la société EDF a emporté ce marché ; qu'il relève encore que cette dernière a été sanctionnée pour avoir, en outre, conclu avec des communes, pour l'entretien et la maintenance de leur éclairage public, des conventions d'une durée excessive par rapport à l'importance des prestations en cause et des investissements concernés et qui comportaient des clauses de dénonciation, rendant le recours à un autre prestataire plus difficile ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que la société EDF avait été sanctionnée par une décision n° 00-D-47 du 22 novembre 2000 pour avoir enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce au titre de pratiques ayant, également, eu pour effet de permettre à un opérateur dominant d'évincer des concurrents d'un marché, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi n° 15-20.291 ; Et sur le pourvoi n° 15-20.087 : casse et annule, mais seulement en ce que, écartant la circonstance aggravante tirée de la réitération, il réforme le montant de la sanction prononcée au titre de l'article 1er de la décision de l'Autorité de la concurrence n° 13-D-20 du 17 décembre 2013 et inflige, en conséquence, à la société EDF une sanction de 7 882 736 euros au titre de l'infraction visée par cet article 1er, l'arrêt rendu le 21 mai 2015, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.