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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 4 octobre 2017, n° 15-03041

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Equipement de la Maison (SAS)

Défendeur :

Aquilia (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas

Avocats :

Mes Olivier, Beaumont, Pimor, Sourd

T. com. Paris, du 26 janv. 2015

26 janvier 2015

FAITS ET PROCÉDURE

La société Aquilia, constituée en février 1999 et bénéficiant d'un apport de matériels et stocks achetés par un de ses fondateurs dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SARL Studio du Papier Peint, est spécialisée dans la fabrication industrielle de papiers peints et peintures murales. Depuis 1999, elle est le fournisseur de la société Equipement de la Maison (EM), précédemment dénommée " SCA Déco & Jardin ", filiale du groupe des Mousquetaires, qui exerce une activité de distribution au détail dans des points de vente en France arborant l'une ou l'autre des enseignes de ce groupement, telles que Intermarché, Ecomarché ou Bricomarché. A partir de 2003, les relations d'affaires entre les deux parties ont été formalisées par des contrats de référencement d'une durée d'un an, non renouvelable automatiquement.

Par lettre recommandée du 14 juin 2012, la société EM a mis fin à cette relation commerciale en octroyant un préavis de 13 mois.

Reprochant à la société Equipement de la Maison une rupture brutale de leurs relations commerciales établies, la société Aquilia l'a fait assigner, par acte du 16 janvier 2013, ainsi que la société civile des Mousquetaires et la société ITM Entreprises par acte du 7 août 2013, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, en indemnisation de son préjudice devant le Tribunal de commerce de Paris, lequel par jugement du 26 janvier 2015 a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, :

- mis hors de cause la société civile des Mousquetaires et la SA ITM Entreprises,

- condamné la société Equipement de la Maison, exerçant sous le sigle EM (anciennement dénommée SCA Déco & Jardin) à payer à la SARL Aquilia la somme de 411 541 € à titre de dommages et intérêts et débouté la société Aquilia du surplus de sa demande de ce chef,

- condamné la société Aquilia à payer à la société civile des Mousquetaires et à la société ITM Entreprises la somme de 5 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Equipement de la Maison exerçant sous le sigle EM (anciennement dénommée SCA Déco & Jardin) à payer à la société Aquilia la somme de 10 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

LA COUR

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 29 mai 2017, par lesquelles la société EM, appelante :

À titre principal,

- estime que la baisse des commandes à la société Aquilia entre 2009 et 2010 a résulté de la baisse des commandes à elle-même de la part de ses propres clients, à savoir des points de vente indépendants,

- considère que la baisse de commandes à la société Aquilia de sa part entre 2009 et 2010 ne constitue pas une rupture brutale partielle de ses relations commerciales avec cette dernière,

- sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à verser à la société Aquilia la somme de 411 541 € au titre d'une rupture brutale partielle des relations commerciales établies entre les parties, outre la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et, la confirmation du surplus,

À titre subsidiaire,

- fait valoir que l'indemnisation octroyée à la société Aquilia par le Tribunal de commerce de Paris n'est pas valablement fondée,

- soutient que les relations commerciales entre les parties étaient au jour de la diminution des commandes de sa part de 10 années,

- prétend que la durée de préavis pour rupture brutale partielle qui pourrait être accordée ne saurait être supérieure à 4 mois,

- argue que la crise drastique et continue du marché du papier peint doit être prise en compte dans l'évaluation du préjudice subi par la société Aquilia,

- évalue l'indemnisation à laquelle pourrait prétendre la société Aquilia à un montant ne pouvant être supérieur à la somme de 41 083,10 €,

En toute hypothèse,

- réclame le rejet de l'appel incident de la société Aquilia, sa condamnation à lui verser la somme de 20 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 2 juin 2017, par lesquelles la société Aquilia, intimée ayant formé appel incident, demande :

À titre principal,

- la confirmation du jugement querellé,

- la condamnation complémentaire de la société Equipement de la Maison, anciennement dénommée SCA Déco & Jardin, à lui payer la somme de 1 238 000 € en réparation de son préjudice sauf à parfaire,

À titre subsidiaire,

- la fixation du préjudice minimal de la société Aquilia à la somme de 763 114,76 € à titre infiniment subsidiaire,

- la condamnation de la société Equipement de la Maison à lui régler conformément à ses calculs les sommes de :

* 534 080,20 € = (1 046/12) x 13 x 47,10 % au titre du déréférencement 2009/2010

* 184 538 € au titre du déréférencement 2013,

Soit une somme totale de 718 618,20 €,

En tout état de cause,

- la condamnation de la société Equipement de la Maison à lui verser la somme de 20 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

SUR CE

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

A titre principal, la société EM conteste la décision des premiers juges qui lui ont imputé la brutalité d'une rupture partielle des relations d'affaires avec la société Aquilia en raison de la diminution du chiffre d'affaires entre elles de 2009 à 2010, alors que cette baisse de commandes selon elle, ne résultait que de la mévente du papier-peint traditionnel auprès des consommateurs dans un contexte avéré de déclin constant de ce marché.

La société Aquilia, pour sa part, se plaint d'une chute brutale et significative de son chiffre d'affaires passant de 1 427 561 € en 2009 à un montant de 380 859 € en 2010, puis en 2011 d'un chiffre d'affaires toujours bas plafonnant à 631 659 €, alors que sa partenaire n'a argué d'aucun défaut de ses produits basiques qui sont, au surplus, peu sujets aux effets de mode ; elle rétorque également que cette dernière n'a pas apporté la preuve de la baisse de ses propres commandes et met en cause un changement de politique et de stratégie commerciale de la société EM, correspondant à l'arrivée d'un nouvel acheteur, Monsieur Bobault, en son sein, qui a délaissé ses produits au profit de ceux de son concurrent allemand la société Pickart & Siebert.

L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dispose que:

" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au registre des métiers (...) de rompre brutalement, même partiellement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce par des accords interprofessionnels. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".

Il ressort des pièces versées aux débats que le chiffre d'affaires entre les deux parties, a été en quasi constante progression depuis 2000 (pièce n° 25 de l'intimée) ; ainsi en 2007 il était de 1 179 000 €, en 2008 de 1 030 000 €, en 2009 de 1 427 561 € jusqu'à la chute brutale de 2010 passant alors à un montant de 380 859 €, soit une diminution de 73,32 % par rapport à l'année précédente. En 2011, il a plafonné à 632 000 € et en 2012 il a de nouveau baissé jusqu'à la somme de 326 000 €.

Si, comme le soutient justement la société EM, le marché global des papiers peints a effectivement diminué dans la période 2008 à 2010, ainsi qu'il ressort du rapport Xerfi (pièce n° 57 de l'intimée), de la décision de l'Autorité de la concurrence (pièce n° 53 de l'appelante), des statistiques de la Fédération des Magasins de Bricolage et de l'Aménagement de la Maison ou d'une étude du marché des revêtements muraux en France (pièce n° 29 de l'appelante), cette baisse n'a été en 2008 que de 2,27 %, en 2009 de 5,25 %, en 2010 de 4,25 % et en conséquence, cette évolution défavorable du marché des papiers peints est sans commune mesure avec la baisse très importante de 73,32 % du chiffre d'affaires de la société Aquilia en 2010. Ainsi, l'argument revendiqué par la société EM selon lequel elle n'aurait fait que répercuter sur la société Aquilia la baisse de commandes de ses propres clients (points de vente arborant l'enseigne Bricomarché) ne saurait être retenu ; par ailleurs, l'appelante ne verse aux débats aucune pièce comptable lui permettant de corroborer ses allégations et n'apporte aucunement la preuve de la baisse de son chiffre d'affaires de distributeur.

Elle invoque également un désintérêt particulier des consommateurs pour les produits de la société Aquilia en ce que le papier peint traditionnel "entrée de gamme" vendu par celle-ci aurait été démodé et ne correspondrait plus au goût de ces derniers, plus attirés par de nouvelles gammes de produits, tels que les papiers peints intissés ou vinyle, qui sont des produits haut de gamme. A cet égard, elle soutient que les 15 nouvelles références de papier peint traditionnel mises sur le marché en 2009 par la société Aquilia n'ont obtenu aucun succès commercial, de sorte qu'elle s'est retrouvée avec de nombreux invendus dans ses entrepôts et a dû se résoudre en septembre 2014 à leur destruction pour un montant de 46 958 €. Elle prétend également que la société Aquilia, seule décisionnaire du choix des papiers peints, n'a pas su adapter ses produits aux tendances du marché dans le circuit de la grande distribution.

Toutefois, il ressort de la pièce n° 21 de l'intimée, émanant de la société Bricomarché et intitulée " Questionnaire commercial " pour le fournisseur " Aquilia ", que ce questionnaire est " confidentiel/à partir des résultats 2009 & programmes communs discutés pour l'année 2010 " ; ainsi il apparaît des mentions qui y sont portées que la société Bricomarché établit ses commandes à partir des résultats de l'année passée et que la production fait l'objet d'une réflexion commune avec le fabricant sur les caractéristiques de la gamme (à titre d'exemple: ultra courte et basique en 2010), que les objectifs suivants ont été fixés: " réactualisation de 50 réf. Aquilia stockées sur la plateforme de Garancières selon le protocole (...) dans un contexte marché 2010 favorisant les produits basiques, essentiels et incontournables à prix serrés ". En conséquence, la société EM n'est pas fondée à attribuer à la seule société Aquilia le choix inadéquat des produits en 2010 qui s'est fait, à tout le moins, d'un commun accord entre les parties.

Par ailleurs, il n'est pas contesté que les produits de la société Aquilia étaient des produits standard, " d'entrée de gamme " pour la grande distribution, donc pour l'essentiel des papiers peints unis, de sorte que leur caractère démodé invoqué par l'appelante pour expliquer leur manque d'attractivité à l'égard de la clientèle, n'est pas établi. Il est par ailleurs peu crédible que ces mêmes clients aient pu préférer des produits haut de gamme, beaucoup plus chers, comme le prétend l'appelante.

De même, la circonstance que le chiffre d'affaires de la société Aquilia avec un autre distributeur, la société Leroy Merlin, a augmenté pendant la période 2009-2010 tend à démontrer le manque de sérieux de l'argument du caractère démodé des produits fournis par la société Aquilia, dans la mesure où cette société tierce vend des produits basiques similaires à ceux de cette dernière au profit d' une clientèle semblable à celle de l'intimée.

En outre, l'appelante ne saurait contester qu'elle fixe unilatéralement les moyens à mettre en œuvre pour communiquer sur les produits de ses fabricants, les budgets publicitaires et le rythme des opérations, de sorte qu'elle peut ainsi favoriser l'un ou l'autre d'entre eux. Or, elle a refusé de produire tout élément pouvant permettre de déterminer si la baisse de chiffre d'affaires perdu par la société Aquilia aurait été récupérée par la société Pickart & Siebert, fabricant allemand et concurrent direct de cette dernière, si les commandes passées à la société Aquilia n'ont pas été simplement transférées à ce distributeur allemand.

Enfin, à supposer même qu'en 2009, 15 nouvelles références de la société Aquilia n'aient pas obtenu le succès commercial escompté, ainsi que le prétend la société EM - ce qui n'est pas au demeurant démontré - elles représentent en tout état de cause un chiffre d'affaires non significatif ne justifiant pas une rupture ; en effet, cette société ne produit aucune pièce comptable relative à la période considérée justifiant d'une perte financière. Sur le seul document comptable qu'elle verse aux débats (pièce n° 49) apparaît en 2012 un bénéfice de 3 935 889 €. En tout état de cause, le risque de stock doit être assumé par le distributeur aux termes du contrat le liant au fabricant.

Dans ces conditions, la société EM ne saurait justifier la baisse drastique de ses commandes à l'égard de la société Aquilia par la seule conjoncture économique défavorable et la supposée désaffection des consommateurs pour les produits de la société Aquilia, qui auraient été en inadéquation avec la demande. A juste titre en conséquence les premiers juges ont imputé à faute à la société EM la rupture brutale partielle des relations commerciales avec la société Aquilia, sans aucun avertissement préalable de cette dernière, sans aucun délai de prévenance et sans qu'aucun cas de force majeure ou d'inexécution ne soit démontré ; leur décision sera confirmée de ce chef.

A titre subsidiaire, la société EM conteste l'évaluation du préavis raisonnable de 13 mois retenu par le tribunal qui ne correspond, selon elle, ni aux usages professionnels ni aux principes et estime que la durée de préavis ne pouvait être supérieure à 4 mois, puisque les produits en cause ne sont pas des produits sous marque de distributeur (MDD) et que la société Aquilia ne se trouve nullement en situation de dépendance au sens de l'article L. 420-2 du Code de commerce ; elle s'oppose de plus fort à la demande de la société Aquilia visant à obtenir une indemnisation correspondant à un préavis de 24 mois.

La société Aquilia justifie sa demande d'un tel préavis par les conditions commerciales imposées par sa partenaire (prix, pénalités, choix des produits), qui abuserait de sa position dominante. Elle explique également que par mail du 24 novembre 2009, Monsieur Bobault a pris un engagement sur un volume de commandes de 1 400 000 € pour l'année 2010. Elle évoque les nombreux investissements notamment humains déployés par elle en 2009, qui expliqueraient les licenciements auxquels elle a dû procéder par la suite. Elle critique l'absence de préavis donné par sa partenaire en 2009/2010 ainsi que l'insuffisance de préavis en 2012, puisque le préavis de 13 mois n'a en définitive pas été respecté, en ce que le chiffre d'affaires n'a pas été maintenu en volume et en temps (seulement sur 11 mois). Enfin, elle se fonde sur le Code de bonne conduite Unibal du 23 juin 2014 qui prévoit l'octroi d'un préavis de 15 à 24 mois en cas de relations commerciales de plus 5 ans et d'un chiffre d'affaires perdu de 50 à 70 %.

En premier lieu, sur la durée des relations d'affaires entre les parties, la société EM se prévaut de relations commerciales établies d'une durée de 13 ans jusqu'en 2012, en soutenant que la société Aquilia ne démontre pas être venue aux droits de la société Studio du Papier Peint qui était le fournisseur de papier peint depuis 1996 de la société Deco & Jardin. La société Aquilia revendique, pour sa part, une antériorité de 16 années de relations établies avec la Sca Bricomarché à la suite de la société Studio du Papier Peint, fournisseur de cette dernière depuis l'année 1996.

Il ressort de la pièce n° 7 (de la société EM) qu'à la suite de la liquidation de la société Studio du Papier Peint, Monsieur Guillard pour le compte de la société en formation Aquilia a acquis le 29 décembre 1998 du mobilier, du matériel d'occasion et du stock, moyennant le prix global de 100 000 €. Cette simple vente ne peut valoir transmission du contrat conclu avec la société Deco & Jardin au profit de la société Aquilia ou cession de clientèle du cédant au cessionnaire dans le cadre d'une reprise d'actifs, faute d'une telle mention dans un plan de cession ou dans le jugement de liquidation ; en conséquence la société Aquilia ne justifie pas d'une reprise d'ancienneté des relations du fait du seul achat d'un stock et matériel d'une société en liquidation. De même, le document n° 27 qu'elle produit comme un dossier de présentation aux banques est dénué de toute force probante puisqu'il émane d'elle-même et qu'en tout état de cause, elle ne s'y présente pas comme le successeur de la société Studio du Papier Peint.

En conséquence, la durée des relations commerciales établies entre les parties doit être fixée à 11 années de 1999 à fin 2010, date de la rupture brutale partielle.

En second lieu, il est rappelé que la finalité du délai de préavis est de permettre à la victime de la rupture de prendre ses dispositions pour réorienter ses activités en temps utile ou rechercher de nouveaux clients. Sa durée, conformément à l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, doit être appréciée au regard de l'étendue de la relation commerciale et en référence aux usages du commerce, ainsi qu'au vu des circonstances de l'espèce, telles que la progression du chiffre d'affaires, l'état de dépendance économique.

Le fait pour la société EM dans un mail de novembre 2009 d'évoquer par l'entremise de Monsieur Bobault " qu'à ce jour votre estimatif (de chiffre d'affaires) est de 1 400 000 € " ne saurait être interprété comme un engagement de cette dernière sur un volume d'achat pour l'année à venir, d'autant que les points de vente avec lesquels elle est en relation d'affaires, revendeurs des produits au consommateur final, sont indépendants, n'ont aucune obligation contractuelle de s'approvisionner auprès d'elle.

Par ailleurs la société Aquilia n'établissant pas qu'elle n'avait pas la possibilité de trouver des solutions de remplacement ou de substitution, ou n'était pas libre d'assurer la diversification de ses clients ne saurait invoquer une situation de dépendance à l'égard de la société EM. Elle reconnaît en outre que ses produits ne sont pas commercialisés sous marque de distributeur.

En revanche, il est acquis que le chiffre d'affaires réalisé par la société Aquilia avec la société EM a été en quasi constante progression depuis 2000 (193 541 € en 2000, 361 206 € en 2003, 888 858 en 2006, 1 030 067 € en 2008, 1 427 561 € en 2009), qu'en 2009, il représentait 40 % de son chiffre d'affaires pour chuter brutalement à 380 859 €, soit 10 % de son chiffre d'affaires, puis a stagné à un montant de 631 659 € en 2011 pour baisser encore à 326 065 € en 2012.

Dans ces conditions, eu égard à l'ancienneté des relations, à la progression du chiffre d'affaires, à l'important volume d'affaires, à la part prépondérante de la société EM dans le chiffre d'affaires de la société Aquilia, mais en l'absence de tout engagement sur un volume d'affaires à atteindre ou de toute clause exclusivité et à défaut de la justification d'une dépendance imposée par l'appelante, le délai de préavis qui aurait dû être donné doit être estimé à 11 mois, ce qui est similaire au demeurant au délai de prévenance accordé par l'appelante dans sa lettre du 14 juin 2012 et aux codes de bonne conduite des pratiques commerciales de 2002 et 2014 invoqués par les parties.

La société Aquilia n'a donc pu retrouver en 2011 et 2012 un chiffre d'affaires équivalent aux années précédentes (2007 à 2009). Par ailleurs, il est fait état dans les correspondances échangées par les parties à partir de 2010 de nombreux désaccords portant sur les conditions financières des référencements, les opérations promotionnelles, le déstockage ainsi que de doutes sur la continuation des rapports d'affaires par la société Aquilia (pièces 6 à 16 de l'intimée: mail du 9 mars 2010 de Madame Dupard, lettre du 31 mars 2011). Ainsi, la rupture brutale partielle intervenue en 2009/2010 comme les différends économiques entre les parties ont marqué une certaine instabilité de la relation d'affaires, qui ne permettait plus à la société Aquilia de croire légitimement au maintien d'une relation pérenne, de sorte que la signification le 14 juin 2012 de la fin des relations ne peut être considérée comme brutale, comme l'ont retenu à bon droit les premiers juges.

En troisième lieu, le préjudice résultant non de la rupture, mais du caractère brutal et sans préavis de cette rupture partielle est constitué par la perte de marge que la victime de la rupture pouvait escompter tirer pendant la durée du préavis qui aurait dû lui être accordé. L'assiette retenue doit être la moyenne du chiffre d'affaires hors taxes réalisé au cours des trois dernières années précédant la rupture, à laquelle doit être affectée la marge bénéficiaire pendant le temps de préavis.

La société EM argue d'une absence de démonstration de son préjudice par la société Aquilia dès lors que son chiffre d'affaires de 1 636 843 € en 2009 n'a quasiment pas diminué en 2010 (1 635 611 €). Elle critique également la force probante du rapport de Monsieur Martin, expert-comptable. Elle souhaite que soit prise en compte la conjoncture économique défavorable, qui représenterait 75 % du différentiel du chiffre d'affaires de la société Aquilia entre 2009 et 2010. Elle estime ainsi que l'indemnisation à laquelle cette dernière pourrait prétendre ne pourrait être que de 41 083,10 €. La société Aquilia évalue son préjudice à la somme de 1 238 000 € et subsidiairement à la somme de 718 618 € en se fondant sur le rapport remis par Monsieur Martin, expert-comptable, qui a été versé aux débats (pièce intimée n° 39) et donc soumis à la libre discussion des parties. Elle produit divers documents comptables.

Le taux de marge déterminé par Monsieur Martin n'est pas critiqué par l'appelante; il sera donc retenu à hauteur de 47,51 %. Il sera également tenu compte dans l'évaluation du préjudice de l'argument de l'appelante sur la baisse globale du chiffre d'affaires réalisé dans le secteur du papier peint - égale à 4,25 % en 2010 - ayant affecté le chiffre d'affaires de sa partenaire, sans aucune responsabilité de sa part ainsi que de la circonstance que la rupture a été partielle. La moyenne annuelle sur les trois dernières années du chiffre d'affaires hors taxes de la société Aquilia était de 1 179 000 + 1 030 000 + 1 428 000 = 1 212 333 €, soit par mois 101 027 €. Ainsi, la somme que devra payer la société EM à la société Aquilia, s'élève à 370 660,51 euros (101 027 X 47,51 % = 47 997,92 € X 73,32 % = 35 192,07 - 4,25 % = 33 696,41 € X 11 mois = 370 660,51 euros).

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société EM aux dépens de première instance et à verser à la société Aquilia la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. La société EM qui succombe également en appel en supportera les dépens et devra verser à la société Aquilia la somme complémentaire de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement rendu le 26 janvier 2015 par le Tribunal de commerce de Paris, en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la société Equipement de la Maison à verser à la société Aquilia la somme de 411 541 euros à titre de dommages et intérêts ; statuant à nouveau de ce seul chef, Condamne la société Equipement de la Maison à payer à la société Aquilia la somme de 370 660,51 euros à titre de dommages et intérêts ; y ajoutant, Condamne la société Equipement de la Maison aux dépens de l'appel ; Condamne la société Equipement de la Maison à verser à la société Aquilia la somme complémentaire de 8 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.