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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 4 octobre 2017, n° 16-06674

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ubiant (SA), Ubiant (SAS)

Défendeur :

Sony Interactive Entertainment France (SA), Sony Interactive Entertainment Europe Limited (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas

Avocats :

Mes Lazimi, Vercken, Boccon Gibod, Lecat, Philippe

T. com. Paris, du 11 déc. 2015

11 décembre 2015

Faits et procédure

A partir de 1995, de nombreux constructeurs ont proposé de nouveaux appareils de lecture dédiés aux jeux vidéos, dénommés " consoles " de jeu. En effet, en 1995, les sociétés Sony ont commercialisé leur première console, la " PlayStation 1 ", puis en 2000, la " PlayStation 2 ", qui ont connu un succès commercial considérable. Deux personnes morales du groupe Sony sont présentes dans la présente instance : la société Sony Interactive Entertainment Europe Limited et la société Sony Interactive Entertainment France SA.

La société Sony Interactive Entertainment Europe Limited (ci-après "SIEE "), (anciennement dénommée Sony Computer Entertainment Europe Limited), appartient au groupe de sociétés Sony Corporation, et détient la qualité de distributeur agréé exclusif en Europe, Afrique, Moyen Orient et Océanie des différentes consoles de PlayStation conçues, développées et fabriquées par la société Sony Interactive Entertainment Inc. (anciennement dénommée Sony Computer Entertainment Inc.).

Cette société dispose sur les territoires sur lesquels elle intervient d'une licence exclusive de la technologie PlayStation que lui a concédée la société Sony Interactive Entertainment Inc., et détient, à ce titre, le droit exclusif de sous-concéder sur ces territoires des licences de cette technologie aux développeurs et aux éditeurs de jeux vidéos, les autorisant à développer et à éditer des jeux vidéos compatibles avec les consoles PlayStation.

La société Sony Interactive Entertainment France SA (ci-après " SIEF ") est une filiale de la société Sony Interactive Entertainment Europe Limited qui l'a désignée pour la gestion de la distribution des consoles PlayStation et de ses jeux vidéos en France.

Avant les années 2000, la société Ubiant SA et la société Ubiant SAS ont produit et ont développé essentiellement des jeux vidéos d'aventure sur PC. Les éditeurs de jeux vidéo ayant été conduits à devoir systématiquement proposer leurs jeux vidéos pour les PC, mais aussi pour les supports Playstation pour pouvoir amortir leurs coûts de production, les sociétés Ubiant ont, de même, conclu des accords de technologie avec la société SIEE pour vendre des jeux vidéos d'aventure compatibles avec les consoles de la marque Sony.

La société Ubiant SAS, anciennement dénommée Olivier Partners, vient aux droits des sociétés MC2 Entertainment SAS et Wanadoo Edition SA. La société Ubiant SA, anciennement dénommée Index +, puis Index, puis Wanadoo édition, puis MC2 France, vient aux droits des sociétés Microïds SA et Microïds Distribution.

Entre 1994 et 2003, la société SIEE a conclu des contrats de licence de technologie avec les sociétés Microïds SA et Microïds Distribution, repris par la société MC2 France, devenue aujourd'hui la société Ubiant SA, puis avec la société Wanadoo Edition SA, à laquelle vient aux droits la société Ubiant SAS.

Ces contrats de licence de technologie ont consisté à permettre aux sociétés Ubiant d'exploiter la technologie PlayStation afin d'éditer et développer des jeux compatibles avec les consoles PlayStation sur le territoire géré exclusivement par la société SIEE, moyennant le versement d'une redevance.

Par courrier du 1er février 2007, Monsieur Emmanuel Olivier, dirigeant de ces sociétés Ubiant, a écrit à la société Sony Corporation, pour expliquer que les obligations tarifaires imposées par le contrat ne permettaient pas à ses sociétés de commercialiser leurs jeux vidéos dans des conditions financières normales. La société Ubiant SA et la société Ubiant SAS se sont rapprochées de la société Sony Corporation afin de réfléchir conjointement à des solutions afin de permettre la poursuite des relations commerciales. Or, cette démarche amiable a été suivie d'une fin de non-recevoir.

Les sociétés Ubiant SA et Ubiant SAS, s'estimant victimes de pratiques restrictives de concurrence et d'un abus de position dominante, ont assigné la société SIEF, le 7 juillet 2009, puis la société SIEE, le 17 septembre 2009, devant le Tribunal de commerce de Paris.

Par jugement avant dire droit en date du 14 janvier 2014, le Tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la société de droit anglais Sony Computer Entertainment Europe Limited et la société Sony Computer Entertainment France SA de leur exception d'incompétence,

- pris acte de ce que les sociétés Ubiant SAS et MC2 France déclaraient ne pas vouloir fonder leurs demandes sur la responsabilité contractuelle des défenderesses, mais sur leur responsabilité quasi délictuelle,

- renvoyé l'affaire à l'audience collégiale du 18 février 2014 pour nouvelles conclusions au fond et solution,

- réservé les indemnités au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens.

Par jugement en date du 11 décembre 2015, le Tribunal de commerce de Paris a :

- dit les sociétés Ubiant SAS et Ubiant SA recevables en leur action,

- mis hors de cause la société Sony Computer Entertainment France SCEF,

- invité la société Sony Computer Entertainment Europe Limited SCEE à faire figurer les conditions d'autorisation des jeux dans un document contractuel,

- dit qu'il n'y a lieu à attribution d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné in solidum les sociétés Ubiant SAS et Ubiant SA aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 246,24 euros dont 40,82 euros de TVA.

Par acte du 17 mars 2016, la société Ubiant SA et la société Ubiant SAS ont interjeté appel partiel, devant la Cour d'appel de Paris, du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris.

LA COUR

Vu l'appel du 17 mars 2016 interjeté par les sociétés Ubiant SA et Ubiant SAS, et leurs dernières conclusions notifiées et déposées le 12 juin 2017, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- déclarer l'appel recevable et bien fondé,

- infirmer partiellement le jugement déféré et statuant à nouveau de :

- les dire recevables à agir à l'encontre des sociétés Sony Interactive Entertainment Europe Limited (SIEE) et Sony Interactive Entertainment France SA (SIEF),

- déclarer contraires à l'article L. 442-6 du Code de commerce les pratiques restrictives de concurrence réalisées par les sociétés Sony Interactive Entertainment Europe limited (SIEE) et Sony Interactive Entertainment France SA (SIEF) à l'encontre d'Ubiant SA et d'Ubiant SAS,

- déclarer fautives les pratiques tarifaires imposées par les sociétés Sony Interactive Entertainment Europe limited (SIEE) et Sony Interactive Entertainment France SA (SIEF) aux sociétés Ubiant SA et Ubiant SAS sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, par conséquent,

- à titre principal, condamner in solidum les sociétés Sony Interactive Entertainment Europe Limited (SIEE) et Sony Interactive Entertainment France SA (SIEF) à verser à Ubiant SA et Ubiant SAS à parts égales, en réparation du préjudice des appelantes résultant du trop-perçu sur les frais de fabrication et licence :

* pour la période du 1er janvier 2000 au 31 mars 2006, la somme de 9 898 760,50 euros en raison des redevances indûment perçues compte tenu des coûts de fabrication et de licence usuels,

* pour la période du 1er avril 2006 au 31 mars 2011, la somme de 766 376,12 euros à raison des redevances indûment perçues compte tenu des frais de fabrication usuels,

* soit la somme totale de 10 665 136,62 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- subsidiairement, condamner in solidum les sociétés Sony Interactive Entertainment Europe limited (SIEE) et Sony Interactive Entertainment France SA (SIEF) à verser à Ubiant SA et Ubiant SAS à parts égales, en réparation du préjudice des appelantes résultant du trop-perçu sur les frais de fabrication et licence :

* pour la période du 1er janvier 2000 au 31 mars 2006, la somme de 9 243 743,55 euros en raison des redevances indûment perçues compte tenu des coûts de fabrication et des taux de licence usuels,

* pour la période du 1er avril 2006 au 31 mars 2011, la somme de 892 042,86 euros à raison des redevances indûment perçues compte tenu des coûts de fabrication et des taux de licence usuels,

* soit la somme totale de 10 135 796,42 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- ordonner la capitalisation des intérêts, conformément à l'article 1154 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,

- débouter la société Sony Interactive Entertainment France (SIEF) de sa demande de condamnation des sociétés Ubiant SA et Ubiant SAS au versement de dommages-intérêts au titre d'un prétendu abus du droit d'agir en appel à son égard,

- ordonner la publication judiciaire de l'arrêt à intervenir dans quatre journaux périodiques au choix d'Ubiant SA et Ubiant SAS, aux frais des sociétés Sony Interactive Entertainment Europe limited SIEE et Sony Interactive Entertainment France SA (SIEF) in solidum, sans que le coût de chacune de ces publications ne puisse excéder la somme hors taxes de 5000 euros,

- ordonner la publication judiciaire de l'arrêt à intervenir en page d'accueil du site internet http://fr.playstation.com/, en caractère d'un demi-centimètre de hauteur, de façon directement visible par les visiteurs, pendant une durée de 30 jours à compter de la signification de l'arrêt,

- débouter la société Sony Interactive Entertainment France (SIEF) de ses demandes de condamnation des sociétés Ubiant SA et Ubiant SAS au versement de sommes au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, condamner in solidum les sociétés Sony Interactive Entertainment Europe limited (SIEE) et Sony Interactive Entertainment France SA (SIEF) à verser à Ubiant SA et Ubiant SAS la somme de 110 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure où il serait inéquitable de faire supporter à ces dernières la charge des frais qu'elles ont été amenées à exposer pour assurer la défense de leurs intérêts en justice,

- condamner in solidum les sociétés Sony Interactive Entertainment Europe limited (SIEE) et Sony Interactive Entertainment France SA (SIEF) aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 19 juin 2017 par la société Sony Interactive Entertainment Europe Limited, intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 11 décembre 2015 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a déclaré les sociétés Ubiant SAS et Ubiant SA mal-fondées en leurs demandes formulées à l'encontre de Sony Computer Entertainment Limited (devenue Sony Interactive Entertainment Europe Limited), et les a déboutées de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, en ce compris leur demande de publication du jugement à intervenir,

- infirmer le jugement rendu le 11 décembre 2015 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté la société Sony Computer Entertainment Europe Limited (devenue Sony Interactive Entertainment Europe Limited) de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et statuant à nouveau,

- condamner in solidum les sociétés Ubiant SAS et Ubiant SA à payer à la société Sony Interactive Entertainment Europe Limited la somme totale de 150 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

en tout état de cause,

- condamner in solidum les sociétés Ubiant SAS et Ubiant SA à payer à la société Sony Interactive Entertainment Europe Limited la somme totale de 150 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner in solidum les sociétés Ubiant SAS et Ubiant SA aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles,

Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 19 juin 2017 par la société Sony Interactive Entertainment France, intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement rendu le 11 décembre 2015 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a mis hors de cause la société Sony Interactive Entertainment France, anciennement dénommée Sony Computer Entertainment France,

- infirmer le jugement rendu le 11 décembre 2015 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté la société Sony Interactive Entertainment France, anciennement dénommée Sony Computer Entertainment France, de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et, statuant à nouveau :

- condamner in solidum les sociétés Ubiant SAS et Ubiant SA à payer à la société Interactive Entertainment France la somme totale de 100 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

à titre subsidiaire,

- débouter les sociétés Ubiant de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions en ce compris leur demande de publication de l'arrêt à intervenir,

en tout état de cause,

- condamner in solidum les sociétés Ubiant SAS et Ubiant SA à payer à la société Sony Interactive Entertainment France la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 559 du Code de procédure civile,

- condamner in solidum les sociétés Ubiant SAS et Ubiant SA à payer à la société Sony Interactive Entertainment France la somme totale de 50 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner in solidum les sociétés Ubiant SAS et Ubiant SA aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles.

SUR CE

Sur l'abandon des demandes autres que celle relative à l'application de l'article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce

Les sociétés appelantes qualifient les griefs qu'elles maintiennent à l'encontre des sociétés Sony, à savoir l'imposition de redevances de licence excessivement élevées, du 1er janvier 2000 au 31 mars 2011, sur le fondement de la pratique restrictive de concurrence sanctionnant l'octroi d'un " avantage manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ".

Selon l'article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce, dans sa version en vigueur au moment de l'assignation, " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d'une opération d'animation commerciale, d'une acquisition ou d'un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins ou encore du rapprochement d'enseignes ou de centrales de référencement ou d'achat. Un tel avantage peut également consister en une globalisation artificielle des chiffres d'affaires ou en une demande d'alignement sur les conditions commerciales obtenues par d'autres clients ".

Cette pratique restrictive de concurrence existait dans la loi depuis le 16 mai 2001, dans une rédaction très peu différente et était codifiée jusqu'au 6 août 2008 sous le I, 2° a) de l'article L. 442-6 du Code de commerce.

Sur la recevabilité de l'action à l'encontre de la société SIEF

Les sociétés Ubiant SA et Ubiant SAS soutiennent la recevabilité de leur action à l'encontre de la société SIEF, dans la mesure où l'action n'est pas fondée sur les contrats mais sur des agissements délictuels en violation de l'article L. 442-6 du Code de commerce, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de démontrer que la société SIEF était partie aux contrats de cession de licence les liant à la société SIEE. Par ailleurs, la société Ubiant SA et la société Ubiant SAS précisent que la société SIEF, en tant que représentante du groupe Sony sur le territoire français, a agi de concert avec la société SIEE dans le but de mettre en place une politique commune et de poursuivre les mêmes objectifs. En effet, les contrats indiquaient que " Sony " désignait la société SIEE, la société Sony Corporation, mais également les sociétés affiliées ou appartenant au groupe de sociétés de sorte qu'étaient visées la société SIEE mais également la société SIEF, appartenant au groupe " Sony " ou y étant affiliée. De plus, les services rendus ayant permis de mettre en œuvre les pratiques reprochées n'auraient pas été exécutés seulement par la société SIEE mais par l'ensemble des entités du groupe " Sony ", y compris la société SIEF.

La société SIEF soutient que la société Ubiant SA et la société Ubiant SAS ont rappelé dans leurs conclusions d'appel que les contrats de cession de licence étaient " les supports des agissements délictuels de Sony ", reconnaissant donc l'existence d'un lien de dépendance entre les contrats en cause et les pratiques restrictives de concurrence, de sorte que doit être démontrée la participation de la société SIEF auxdits contrats. La responsabilité de la société SIEF ne peut être engagée, en l'absence de toute démonstration de sa participation personnelle aux pratiques de SIEE, dès lors que le principe d'autonomie des personnes morales s'oppose à ce qu'une personne morale distincte, comme la société SIEF, puisse être tenue responsable des actions d'une autre entité du groupe Sony.

La société SIEF pourrait voir sa responsabilité engagée au titre de sa participation personnelle aux faits reprochés à la société SIEE, si elle avait facilité la conclusion ou l'application des contrats litigieux, ou au titre de l'apparence, si elle s'était immiscée dans la gestion de la société SIEE, conduisant les sociétés Ubiant à croire qu'elles contractaient en réalité avec les deux sociétés.

Or, les deux sociétés ont des personnalités morales distinctes et des rôles distincts. Seule la société SIEE était partie aux contrats de cession de licence, eu égard à son rôle de distributeur agréé exclusif en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient et en Océanie des différentes consoles PlayStation, la société SIEF ayant un objet différent, celui de gérer la distribution des consoles PlayStation et des jeux vidéos de SIEE en France, sans disposer d'aucune licence exclusive de la technologie PlayStation. Gérant les relations avec les distributeurs de consoles, SIEF ne dispose d'aucun droit pour diriger ou contrôler les relations avec les éditeurs, l'accès des éditeurs aux outils de développement PlayStation ou pour autoriser la publication et la distribution par des tiers de logiciels compatibles avec les consoles PlayStation en France (ou dans d'autres pays).

Les sociétés appelantes ne démontrent aucun acte de participation de la société SIEF dans les pratiques de licences prétendûment abusivement élevées pratiquées par SIEE.

De plus, elles ne prouvent pas avoir été trompées et conduites à confondre les deux sociétés, le simple fait que les contrats de licence comportent les noms " SCEE " (devenue SIEE) et " Sony " ne pouvant les avoir induites en erreur.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a mis hors de cause la société SIEF.

Sur l'obtention d'un avantage manifestement disproportionné à la valeur du service rendu

La société Ubiant SA et la société Ubiant SAS soutiennent que les sociétés Sony ont imposé des redevances manifestement disproportionnées au regard de la valeur des services correspondants. Le prix unitaire moyen imposé aux concluantes du 1er janvier 2000 au 31 mars 2006 était de 6,32 euros par CD, puis du 1er avril 2006 au 31 mars 2011, de 6,02 euros (dont 5,02 euros en contrepartie de la licence de technologie).

Elles estiment que les sociétés Sony lui fournissent pour ce prix le pressage et le conditionnement du CD d'une part, et la licence au titre de la technologie d'autre part.

Or, le prix sur tous les marchés du pressage et du conditionnement d'un CD peut être évalué à moins de 1 euro, comme l'attestent des factures éditées par la société OK Média et le bon de commande effectué fixant un prix par unité variant de 0,44 à 0,71 euro par CD.

La licence de technologie, qui leur serait facturée, après déduction de 1 euro par CD au titre du pressage, 5,32 euros du 1er janvier 2000 au 31 mars 2006, puis 5,02 euros du 1er avril 2006 au 31 mars 2011, serait plus élevée que celle pratiquée par des éditeurs indépendants de jeux vidéos dont la technologie reste similaire.

Enfin, la société Ubiant SA et la société Ubiant SAS considèrent que le taux de redevance appliqué au titre de la licence concédée par les sociétés Sony, qui équivaut à un pourcentage de 41 à 48 % de leur chiffre d'affaires sur les jeux PlayStation (ou de 49 à 63 % en prenant en compte les invendus) est manifestement disproportionné, dans la mesure où il est couramment admis, en matière de logiciels informatiques, qu'un taux de 10 % est " raisonnable " en contrepartie d'une licence.

La société SIEE soutient que les redevances versées constituent la contrepartie justifiée de l'utilisation d'une technologie concédée aux sociétés Ubiant. A ce titre, les sociétés Ubiant rémunèrent tous les outils, matériels et informations nécessaires pour l'exploitation de la technologie, résultant des efforts de recherche et de développement mis en œuvre pour la conception et la fabrication des consoles, puis elles rémunèrent également les protections techniques intégrées aux disques de jeux.

Par ailleurs, la société SIEE considère qu'il n'est pas établi que le montant de ces redevances présenterait un caractère disproportionné au regard du service rendu aux sociétés Ubiant et des prix pratiqués sur les marchés.

Le pourcentage de 49 à 63 % prend en compte le nombre des invendus des sociétés Ubiant. Or, la société SIEE ne peut être tenue responsable de l'existence et du nombre d'invendus, qui relève de la politique commerciale des éditeurs de jeux. Les pièces versées aux débats par les sociétés Ubiant démontrent que ces dernières ont payé un prix inférieur au prix moyen qu'elles auraient dû payer pour fabriquer leurs disques pour d'autres consoles de jeux vidéos, telles celles de Nintendo. Enfin, le prix de marché de gros des disques pressés pour PC est entre cinq et dix fois plus faible que celui des disques pour consoles, de sorte que leurs prix ne peuvent être comparés.

De plus, la société SIEE prétend que les ratios de 49 % à 63 % mis en avant par les sociétés Ubiant sont dénués de pertinence car ils résultent pour l'essentiel des choix commerciaux faits par les sociétés Ubiant, de sorte que la hausse alléguée des ratios de redevances facturées serait le résultat d'un effondrement inexpliqué par les sociétés Ubiant du prix de vente des disques qu'elles fixent elles-mêmes. La société SIEE n'aurait aucun intérêt à maintenir volontairement une politique de prix élevé qui serait susceptible de provoquer une hausse des prix des jeux pour ses consoles PlayStation au succès desquelles ceux-ci contribuent.

Les parties ne discutent pas le principe même de l'application de l'article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce à des licences de logiciels.

Il s'agit donc d'apprécier si les sociétés appelantes démontrent la disproportion manifeste existant entre l'avantage consenti, ici la redevance, et la valeur des services rendus par la technologie, du point de vue des deux éditeurs.

Le caractère manifestement disproportionné des redevances peut se déduire de la comparaison du niveau des redevances supportées par les deux éditeurs de jeu avec le coût des services fournis en contrepartie par les sociétés Sony, ou encore avec le coût des services équivalents rendus par des opérateurs comparables. Il peut aussi se déduire des modalités de calcul des rémunérations litigieuses ou encore de l'appréciation in concreto du service par l'analyse de son contenu.

Le caractère manifeste, exigé par le législateur, traduit la circonstance que seuls des avantages qui apparaissent, avec un niveau d'évidence suffisant, disproportionnés aux services rendus, sont prohibés. Si la preuve en incombe à la victime prétendue, la société mise en cause doit justifier sa position. Depuis le 3 août 2005 en effet, le III de l'article L. 442-6 du Code de commerce dispose : " Dans tous les cas, il appartient au prestataire de services, au producteur, au commerçant, à l'industriel ou à la personne immatriculée au répertoire des métiers qui se prétend libéré de justifier du fait qui a produit l'extinction de son obligation ".

Les contrats conclus avec les sociétés Microïds SA, Microïds Distribution France SAS, MC2 Entertainment SAS et Wanadoo Edition SA, aux droits desquelles viennent les sociétés Ubiant, sont des licences de technologie qui octroient à ces développeurs et à ces éditeurs de jeux le droit d'exploiter la technologie PlayStation pour développer et éditer des jeux compatibles avec les consoles PlayStation (notamment les consoles PlayStation 2).

Les contrats conclus stipulent que la société SIEE doit fournir aux développeurs et aux éditeurs tous les outils, les matériels et les informations nécessaires pour qu'ils puissent exploiter la technologie PlayStation. Tous ces éléments résultent des efforts de recherche et de développement mis en œuvre lors de la conception et fabrication des consoles Sony. Ces efforts bénéficient avant tout aux développeurs et éditeurs de jeux dans la mesure où ils leur permettent de développer des jeux particulièrement sophistiqués et de ce fait, beaucoup plus attractifs pour les consommateurs. Ils prévoient également que les jeux doivent être dupliqués et les disques doivent être produits par un opérateur agréé. La société SIEE réserve en effet l'exécution de ces opérations aux opérateurs agréés, lesquels insèrent dans les disques PlayStation qu'ils fabriquent un dispositif de protection contre la contrefaçon et le piratage, préservant ainsi les intérêts des développeurs et des éditeurs de jeux.

L'opérateur agréé est Sony DADC Austria AG (Sony DADC). En contrepartie de l'autorisation d'exploiter la technologie PlayStation pour leurs jeux et de l'accès aux éléments nécessaires de cette technologie, les sociétés Microïds SA, Microïds Distribution France SAS, MC2 Entertainment SAS et Wanadoo Edition SA versent une redevance à la société SIEE.

Ces contrats prévoient également, à titre additionnel, une licence de marque autorisant les développeurs et les éditeurs de jeux à apposer certaines des marques de la société SIEE sur leurs jeux. Cette licence de marque est accessoire à la licence de technologie et consentie à titre gratuit.

Il convient de souligner que les sociétés appelantes ne contestent pas l'existence de contreparties réelles en échange des redevances. Elles contestent la disproportion entre le niveau de celles-ci et les services rendus.

Méthode d'analyse par les coûts

Elles utilisent en premier lieu la méthode de comparaison des redevances avec le coût des services équivalents rendus par des opérateurs comparables.

Les sociétés Ubiant justifient s'être acquittées auprès de Sony DADC, du 1er janvier 2000 au 31 mars 2006, de la somme globale de 14 481 520 euros, soit 6,32 euros par CD, et de la somme de 1 492 799 euros du 1er avril 2006 au 31 mars 2011, soit 4,11 euros par CD.

Ces deux attestations seront retenues, car elles sont corroborées par des factures de ventes de CD émises par la société DADC et les sociétés Sony, qui disposent pourtant des moyens de contester ces chiffres, n'apportent aucunement la contradiction.

Dans les redevances, les sociétés Ubiant identifient deux composantes :

- le prix du pressage et du conditionnement du CD contenant le jeu, par Sony ou par son entremise, qui serait de 1 euro par CD ;

- le prix de la licence Sony qui rémunère la technologie, qui leur serait facturé environ 5 euros par unité et qui, selon les sociétés Ubiant, serait manifestement disproportionné par rapport à la tarification de services comparables.

Concernant le prix du seul pressage et conditionnement du CD, les sociétés Ubiant prétendent que le prix sur tous les marchés pour un tel service est inférieur à 1 euro et versent aux débats plusieurs documents pour étayer ce fait, dont plusieurs factures éditées par la société OK Media, un bon de commande à l'attention de celle-ci pour le pressage et le conditionnement de jeux vidéo pour PC, les prix unité appliqués par cette société variant de 0,44 à 0,71 euros (pièce n° 56 de Ubiant), plusieurs extraits de sites Internet et d'autres factures, faisant état des tarifs pratiqués pour le pressage et le conditionnement de DVD (pièces n° 78, 79, 80, 81, 82, 83 et 139 de la société Ubiant). Les sociétés Ubiant exposent que ces prestations de pressage et conditionnement pour jeux vidéos pour PC ou DVD sont les mêmes, les mêmes matériaux et techniques étant requis.

Les sociétés Sony exposent que ces comparaisons ne sont pas probantes dans leurs écritures, mais se contentent de soutenir, pour démentir les assertions des appelantes, " qu'il ressort des pièces même des appelantes (Pièce n° 76) que le prix de marché de gros des disques pressés pour PC est entre cinq et dix fois plus faible que celui des disques pour consoles ", alors que le prix de gros des disques pour consoles comprend non seulement ces frais de pressage et conditionnement, mais également les redevances en cause.

Il convient donc de retenir, à l'instar des sociétés appelantes que le prix pratiqué moyen pour ces prestations demeure inférieur à 1 euro.

Il découle de la soustraction de cette composante de 1 euro du prix de gros du CD du jeu pour consoles payé à Sony que la redevance s'élève à environ 5,32 euros jusqu'en 2006, puis à 3,11 de 2006 à 2011 (et non 5,02 comme il est indiqué en page 17 des écritures d'Ubiant).

Pour apprécier la valeur d'une telle licence, les sociétés Ubiant effectuent une comparaison avec le modèle d'affaire des disques Blu-Ray pour lesquels les licences sont bien moins coûteuses, alors même que ces disques seraient dotés de technologies très similaires à la technologie licenciée par Sony, compte tenu de la présence, dans les deux technologies, d'un contrôle régional et du système de reconnaissance mutuelle.

Mais les sociétés Sony exposent à juste titre que les appelantes ne fournissent aucun élément de nature à démontrer que ces dispositifs de protection seraient comparables et soulignent que les dispositifs standardisés équipant les disques Blu-Ray sont distincts de la technologie pour l'exécution de jeux vidéo sur des consoles dédiées présentant des fonctionnalités originales et évoluées, qui explique le niveau de redevance versée à SIEE, qui rémunère ainsi des années de recherche et de développement sur les consoles de jeux.

Les redevances pour les licences de technologie Blu-Ray, fixées à moins d'un dollar pour les disques préenregistrés et à une dizaine de centimes pour les disques enregistrables, ne sauraient dès lors, servir de points de comparaison pour apprécier le caractère disproportionné des redevances des jeux sur consoles.

Méthode par comparaison avec des situations de marché comparables

La seconde méthode utilisée par les sociétés appelantes tend à démontrer que le mode de calcul des redevances en lui-même conduit à des taux supérieurs à ceux constatés sur le marché pour des redevances d'accès à des technologies de logiciels.

Elles exposent que la redevance s'élève à 30 % du prix marchand maximum, mais s'élève à 48 % du chiffre d'affaires entre 2006 et 2011 (41 % de 2000 à 2006), car les redevances sont perçues ex ante, sur chaque CD acheté à Sony et non sur les seuls CD vendus par Ubiant, de sorte qu'elles portent aussi sur les invendus. Elles soulignent également que le système de tranches choisi par Sony ignore la réalité de la vente de jeux vidéo, voire de produits de grande consommation en général, à savoir la possibilité de réduction du prix marchand après les premiers mois d'exploitation des jeux ou dans le cadre d'opérations commerciales. Elles comparent ensuite ce taux au taux " considéré comme raisonnable en contrepartie d'une licence ", soit 10 % du chiffre d'affaires tiré de l'exploitation du produit licencié.

Sony fixe des frais de plate-formes par tranches, qui sont les suivants :

Tranches Prix marchand maximum de l'éditeur Frais de plateformes par unité

1 12€ 3,50€

2 18€ 5,50€

3 27€ 7,50€

4 42€ 9,50€

5 +42€ 5,30€ + 10 % x prix marchand

Les redevances représentent en effet autour de 30 % des prix marchands fixés par les éditeurs de jeux.

Les sociétés éditrices payent des redevances sur tous les CD, y compris les invendus. Mais les sociétés Ubiant ont la maîtrise de leurs ventes et de leurs achats, puisqu'elles mènent librement leur politique commerciale ; il est donc normal qu'elles supportent le risque des invendus qui ne relèvent pas de la responsabilité de Sony. Par ailleurs, les quantités minimales de fabrication de CD sont très faibles au regard de la diffusion normale d'un jeu, ce qui permet à l'éditeur d'adapter sa demande de fabrication de jeux à ses ventes et donc de minimiser ses invendus.

De plus, les prix de vente unitaires moyens des jeux des sociétés Ubiant sont passés, d'après les pièces qu'elles produisent elles-mêmes, de 13,66 euros sur la période 2000-2006 (Pièce Sony n° 70) à 6,02 euros sur la période 2006-2011 (Pièce Sony n° 69), ce qui explique le gonflement du pourcentage représenté dans son chiffre d'affaires par les redevances en cause. L'immutabilité des redevances, nonobstant l'ancienneté des jeux, pourrait cependant être de nature à gonfler excessivement le pourcentage représenté par les redevances dans le chiffre d'affaires des éditeurs, mais la cour ne dispose pas des chiffres précis sur les politiques de prix de ventes des jeux pour consoles par les éditeurs.

Les sociétés Sony soulignent à juste titre que les références citées par les appelantes, pour démontrer que les taux de redevance ne devraient pas dépasser 10 %, se bornent à citer des taux de redevances moyens par secteurs, tels les " logiciels ", les " médias ou divertissements ", qui agrègent des redevances rémunérant des innovations de natures très différentes et s'appliquant à des biens de prix très différents. Un site internet fait ainsi état d'un taux de 9,6 % pour les logiciels, de 5,1 % pour l'électronique ou encore de 6,5 % pour les médias et divertissements (pièces et 92 d'Ubiant), quand un rapport de la Licensing Letter retient un taux de 8,5 % pour les jeux vidéo et logiciels, sans distinguer les jeux pour PC des jeux pour plate-forme (pièces n° 93 et 94 d'Ubiant).

Les appelantes versent également au dossier un article issu du site internet IPFrontline selon lequel :

" Pensez à cela, si vous demandez 10 % de redevances, vous demandez en réalité un montant égal de revenus que la marge de profit du licencié ! Un licencié générera des bénéfices à hauteur de 10 % après avoir déduit tous les coûts. Et le licencié est celui qui doit investir de manière substantielle de l'argent, du temps, des ressources humaines etc., puisqu'il crée le marché et crée la force de vente et les stocks. N'apparait-il pas absurde que l'inventeur veuille autant de profit que l'entreprise qui prend réellement tous les risques ? Demander des redevances élevées exclut en général de manière irrémédiable toute possibilité d'accord. Donc, qu'est-ce-qui est raisonnable ?". Cet article fait également état de taux parfois élevés pour les logiciels informatiques : " Il faut garder à l'esprit que les taux de redevances tendent à varier selon l'industrie, le type et le nombre de propriétés intellectuelles qui font l'objet d'une licence. [...] Pour les articles ménagers, les appareils électroménagers, l'électronique et le hardware, les taux peuvent varier de 1 % à 7 %. [...]. Les taux de redevances appliqués aux logiciels informatiques peuvent s'élever jusqu'à 25 %, mais la durée de vie de ces logiciels est généralement très courte. Dans presque tous les domaines, il y a trop de variables pour avoir " un taux standard pour tous " (pièces n° 89 et 90 d'Ubiant).

Les sociétés appelantes ne versent pas au dossier des comparaisons avec des taux de redevances exigés par d'autres éditeurs de jeu pour l'accès à leurs consoles.

Elles ont cependant produit une pièce n° 76, qui compare le prix de fabrication de plusieurs jeux de consoles différentes et fait ressortir une certaine cohérence concernant Sony, Nintendo ou Apple. Le graphique montre que le prix de fabrication d'un disque contenant un jeu pour PS3 (la console Playstation 3 de Sony), qui serait de l'ordre de 10 euros (incluant tous les coûts, y compris les royalties de technologie), est strictement équivalent au coût de production d'un disque pour Xbox 360 (de Apple), et peu éloigné du coût d'un disque pour Wii de Nintendo.

Même si ce tableau ne concerne pas les redevances appliquées sur les jeux visés par la présente procédure mais celles appliquées sur les jeux compatibles avec de nouvelles générations de consoles, apparues postérieurement, il illustre un certain alignement des comportements des trois opérateurs dominants du marché, au moins pour la période postérieure, sans que les appelantes ne démontrent qu'il résulte d'une entente anticoncurrentielle.

Par ailleurs, les sociétés Sony exposent que les redevances fixées par la société Apple pour les développeurs d'applications sur son iPhone étaient de notoriété publique de 30 % à l'époque des faits.

Même si cette technologie est différente de celle des jeux pour consoles, et si la société Apple a dû diminuer ce pourcentage, calculé sur les ventes effectives, cet exemple est intéressant, puisqu'il permet, davantage que les exemples cités par Ubiant, de cerner la problématique des redevances liées à l'accès à une technologie embarquée dans un appareil (le téléphone) ayant demandé d'importants investissements.

Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Ubiant ne démontrent pas que la société SIEE aurait bénéficié d'un avantage manifestement disproportionné au regard des services fournis aux sociétés Ubiant.

Sur le droit commun de la responsabilité

Les sociétés Ubiant SA et Ubiant SAS estiment que les sociétés SIEE et SIEF auraient commis une faute dans la mesure où leurs tarifs les auraient empêchées de se livrer à leur activité dans des conditions économiques normales, à raison des taux de redevances disproportionnés, allant de 49 à 63 % de leurs chiffres d'affaires, sans tenir compte de la commercialisation effective des jeux. Elles prétendent que, même en vendant leurs jeux au prix-plafond de chaque pallier résultant du système de fixation des redevances, les redevances ne leur permettaient pas d'exercer une activité rentable. La société SIEE soutient qu'aucune faute ne peut lui être reprochée dès lors que les sociétés Ubiant n'apportent pas la moindre preuve de la mise en œuvre de pratiques de " ciseau tarifaire ". En effet, une pratique de " ciseau tarifaire " n'est sanctionnée que si est démontrée une position dominante au sens des articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du TFUE. Or, les sociétés Ubiant ont admis qu'elles n'étaient pas en mesure de démontrer que la société SIEE occupait une position dominante sur un marché, et ne peuvent donc pas opposer à la société SIEE une pratique relevant de l'abus de position dominante.

La société SIEE estime également que les sociétés Ubiant n'apportent pas la preuve que les taux de redevances pratiqués par elle auraient présenté un caractère illicite. En effet, le fait pour la société SIEE d'asseoir le paiement des redevances qui lui sont dues sur les quantités des produits lors de la livraison aux sociétés Ubiant ne constituent pas une faute ; il s'agit d'une obligation légale. De plus, le fait que les sociétés Ubiant doivent payer dès réception les produits, alors qu'elles ne sont pas certaines de le revendre, relève du risque naturel pris par tout distributeur, de sorte que rien n'oblige la société SIEE à reprendre les invendus. Il revient aux sociétés Ubiant d'étudier le marché dans le but de déterminer les volumes qu'elles commanderont et les prix qu'elles sont libres de fixer.

Si les sociétés Ubiant ont renoncé à agir sur le fondement du ciseau tarifaire, elles pourraient toutefois soutenir que les sociétés Sony ont exécuté leurs contrats de mauvaise foi en exigeant un niveau de redevances vouant leur activité à être non rentable structurellement.

Toutefois, elles ne versent aux débats aucun élément de nature à établir cet état de fait.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes.

Sur l'appel abusif

La société SIEF soutient que l'appel est abusif dans la mesure où les sociétés Ubiant ont choisi de maintenir la société SIEF dans la cause au stade de l'appel sans répondre de manière sérieuse aux motifs retenus par le Tribunal de commerce qui considérait que la société SIEF n'était pas partie aux contrats de cession de licence conclus entre la société SIEE et les éditeurs de jeux. Ainsi, la société SIEF demande que la mauvaise foi des sociétés Ubiant soit sanctionnée par le versement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Mais les sociétés Ubiant SA et Ubiant SAS soutiennent à juste titre que leur exercice du droit d'appel n'a pas dégénéré en abus, dès lors qu'aucune malice, mauvaise foi, ou erreur grossière équipollente au dol, ou encore légèreté blâmable ne peut leur être imputée.

Cette demande sera donc rejetée.

Sur les dépens et frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

Succombant au principal, les sociétés Ubiant seront condamnées aux dépens de l'appel.

Il n'y a pas lieu, en revanche, de les condamner à verser des indemnités aux sociétés Sony au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, tant en premier ressort qu'en appel.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement entrepris ; Déboute les sociétés Sony de leurs demandes pour procédure abusive ; Condamne les sociétés Ubiant aux dépens d'appel ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.