CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 5 octobre 2017, n° 16-07193
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Groupement Assur'Habitat (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. David
Conseillers :
Mmes Mongin, Bou
Avocats :
Mes Etevenard, Taieb-Tordjman, Carpentier
Faits, Procédure et Prétentions des parties
Suivant un devis n° ASS 230115 du 23 janvier 2015, X a confié à la société Groupement Assur'Habitat des travaux portant sur la rénovation partielle de la toiture et la réfection de la salle de bains d'une maison située <adresse>, ce pour un prix de 16 790 euros TTC.
Selon un accord conclu le 12 février 2015 par les parties, il a été convenu qu'à défaut de financement de l'intégralité des travaux par la société Financo seuls les travaux de la salle de bains seraient considérés comme demandés.
Le 2 mars 2015, X a signé un nouveau devis n° ASS 2315TWA portant sur la rénovation de la toiture pour un prix de 15 223,26 euros.
X ayant finalement renoncé en mars 2015 aux travaux de rénovation de la toiture, la société Groupement Assur'Habitat l'a assignée par acte d'huissier de justice du 15 octobre 2015 devant le Tribunal d'instance de Nogent-sur-Marne en paiement avec exécution provisoire de la somme de 4 579 euros TTC au titre des frais d'annulation du devis ASS 230115, outre celle de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts. Elle a réclamé en outre la condamnation de la défenderesse au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
X s'est opposée aux demandes.
Par jugement du 16 février 2016, le tribunal a déclaré la société Groupement Assur'Habitat recevable en ses demandes, a condamné X à lui payer la somme de 3 815,91 euros à titre d'indemnité de rupture contractuelle, celle de 350 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que celle de 450 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Il a condamné X aux dépens, a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire et a débouté les parties de leurs autres demandes.
Par déclaration de son avocat du 23 mars 2016, X a relevé appel de ce jugement.
Aux termes des conclusions de son avocat notifiées le 27 juin 2017, X demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter la société Groupement Assur'Habitat de l'ensemble de ses demandes et de condamner celle-ci au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, d'une somme d'un même montant au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel avec recouvrement au profit de Maître Frédérique Etevenard en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
X conclut à la nullité des bons de commande au motif que le délai de rétractation mentionné dans les conditions générales n'est que de 7 jours, en violation de la loi Hamon en vigueur, et conteste toute exécution volontaire du contrat de sa part.
A titre subsidiaire, elle prétend avoir exercé son droit de rétractation dans les délais en se prévalant de l'article L. 121-21-1 du Code de la consommation et en faisant valoir qu'elle s'est rétractée le 18 mars 2015, avant l'indication donnée par Assur'Habitat que le délai de rétractation était expiré. Elle conteste que l'irrégularité ait été couverte par le délai mentionné dans le contrat de crédit.
Plus subsidiairement, elle soutient que le devis sur lequel se fonde la société n'est pas signé, que les conditions générales n'ont pas été communiquées, que plusieurs devis ont été établis pour des montants différents, ce qui est contraire aux dispositions légales, et que par référence à l'accord du 12 février 2015, l'intégralité des travaux n'ayant pas été financée par l'organisme de crédit, une indemnité de rupture ne peut lui être réclamée.
Elle soutient encore que le devis du 23 janvier 2015 invoqué par la société Groupement Assur'Habitat a été annulé par cette dernière de sorte qu'il ne peut servir de fondement à la demande.
Très subsidiairement, elle invoque la nullité du nouveau devis-bon de commande du 2 mars 2015 aux motifs qu'il n'est pas plus conforme quant au délai de rétractation et qu'elle n'a pas davantage procédé à une exécution volontaire.
Elle justifie sa demande de dommages et intérêts en prétendant que la société Groupement Assur'Habitat l'a harcelée et a abusé de son état alors qu'il la savait en arrêt longue maladie.
Dans ses conclusions notifiées le 3 juillet 2017, l'intimée demande à la cour de réformer le jugement quant au montant des sommes allouées, de fixer à 4 579,09 euros TTC le montant de l'indemnité de rupture contractuelle due en application du bon de commande signé le 23 janvier 2015, à titre subsidiaire de fixer à 5 643,50 euros TTC le montant de l'indemnité de rupture contractuelle due en application du bon de commande n° ASS 2315TWA signé le 2 mars 2015, en tout état de cause de fixer à 1 000 euros le montant des dommages et intérêts, de débouter l'appelante de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
A l'appui de ses prétentions, l'intimée fait tout d'abord valoir que l'intimée a été informée du délai de rétractation par le contrat de financement. A titre subsidiaire, elle se prévaut du caractère relatif de la nullité et invoque que celle-ci a été couverte par la signature du contrat de financement ainsi que l'exécution volontaire du bon de commande.
Elle conteste tout abus de faiblesse en soulignant l'absence de preuve à cet égard. Elle explique l'établissement de plusieurs devis par l'existence de plusieurs prestations et par une liste trop longue de travaux. Elle soutient aussi que seuls les travaux de rénovation partielle de la toiture faisaient l'objet d'un financement et non les travaux relatifs à la salle de bain.
Se fondant sur l'article 1156 du Code civil, elle prétend qu'il convient de s'attacher à la commune intention des parties qui, en l'espèce, était de poursuivre les travaux de rénovation partielle. En toute hypothèse, elle conteste que X puisse tout à la fois soulever la nullité du bon du 2 mars 2015 et invoquer qu'il aurait annulé et remplacé le précédent.
Elle ajoute que le bon de commande du 2 mars 2015 est valable en ce que X a entendu l'exécuter. Elle prétend aussi avoir respecté son obligation de conseil vis-à-vis de Nathalie Z.
Elle nie avoir harcelé cette dernière.
Elle estime que sa demande de paiement des frais d'annulation est justifiée par les conditions générales du contrat et, au visa de l'article 1147 du Code civil, prétend avoir subi un préjudice financier au soutien de sa demande de dommages et intérêts.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 juillet 2017.
SUR CE,
Sur l'indemnité de rupture contractuelle réclamée par la société Groupement Assur'Habitat
Pour s'opposer à la demande en paiement d'une indemnité de rupture contractuelle, qu'elle soit fondée sur le bon de commande numéroté Ass 230115 ou celui numéroté ASS 2315TWA X invoque en premier lieu la nullité de ces bons sur le fondement de la loi Hamon en ce que le délai de rétractation mentionné est de 7 jours au lieu de 14.
Il résulte des bons de commande litigieux qu'ils ont été signés à Le Perreux sur Marne, commune où demeure Nathalie Z, alors que la société Groupement Assur'Habitat a son siège à Vincennes. Les bons rappellent d'ailleurs dans leurs conditions générales les dispositions des articles L. 121-23 et suivants du Code de la consommation dans leur rédaction antérieure à la loi du 17 mars 2014, dispositions relatives au démarchage. Au demeurant, l'intimée ne conteste pas l'indication de l'appelante suivant laquelle les bons de commande ont été signés à la suite d'une visite de Groupement Assur'Habitat à son domicile et ne conteste pas davantage que les bons en cause constituent des contrats hors établissement au sens de l'article L. 121-16 du Code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi du 17 mars 2014 devenu L. 221-1 du même code en vertu de l'ordonnance du 14 mars 2016, article applicable aux contrats litigieux compte tenu de leur date de conclusion.
Il résulte des articles L. 121-17 I, L. 121-18-1 et L. 121-21 du Code de la consommation dans leur rédaction issue de la loi précitée devenus L. 221-5, L. 221-9, L. 242-1 et L. 221-18 en vertu de l'ordonnance susvisée que le contrat remis par le professionnel au consommateur comprend à peine de nullité l'information relative aux conditions, délai et modalités d'exercice du droit de rétractation ainsi que le formulaire type de rétractation, le délai de rétractation étant de quatorze jours.
Or, en l'espèce, les devis ASS 230115 et ASS 2315TWA font état chacun d'un délai de rétractation de sept jours et non de quatorze jours.
L'indication d'un délai erroné équivaut à l'absence d'information relative au délai qui est prescrite à peine de nullité, la méconnaissance des dispositions susvisées étant sanctionnée par une nullité relative.
Il résulte de l'article 1338 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 10 février 2016 que la confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l'affectant et l'intention de le réparer.
La société Groupement Assur'Habitat ne saurait sérieusement prétendre que X aurait été informée du véritable délai de rétractation attaché aux devis par l'indication du délai de rétractation de quatorze jours figurant dans l'offre préalable de crédit que X a signée par son biais le 23 janvier 2015 dès lors que le délai ainsi mentionné ne concernait précisément que les modalités de rétractation du contrat de crédit.
Si, par ailleurs, dans un courriel adressé à X le 21 mars 2015, la société Groupement Assur'Habitat a indiqué que le 18 mars 2015, lors d'une visite à domicile, X lui avait fait part de son souhait de ne pas procéder à la rénovation de la toiture, ce à quoi elle lui avait rétorqué que le délai de rétractation d'une durée de quatorze jours était expiré, il ne résulte pas de ce courriel que X ait eu connaissance du véritable délai de rétractation et, par voie de conséquence, du vice affectant les devis avant de renoncer à la rénovation de la toiture.
Ainsi, l'intimée ne justifie pas d'une exécution en toute connaissance du vice et avec l'intention de le réparer. Il s'ensuit que la nullité des contrats conclus le 23 janvier 2015 sous le n° de devis Ass 230115 et le 2 mars 2015 sous le n° de devis ASS 2315TWA doit être prononcée et que, partant, la société Groupement Assur'Habitat doit être déboutée de ses demandes d'indemnités pour rupture unilatérale après le délai de réflexion prévues par ces contrats, le jugement étant ainsi infirmé en ce qu'il a condamné X à payer la somme de 3 815,91 euros à titre d'indemnité liée au premier de ces devis.
Sur les dommages et intérêts réclamés par la société Groupement Assur'Habitat
La société Groupement Assur'Habitat fonde sa demande de dommages et intérêts sur l'article 1147 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 10 février 2016.
Or, l'intimée ne saurait justifier sa prétention par les règles de la responsabilité contractuelle dès lors que les contrats qu'elle invoque sont nuls. De surcroît, ses allégations suivant lesquelles elle aurait subi un préjudice financier en raison du fait que X ne lui aurait laissé récupérer ses matériaux chez elle que tardivement, début juillet 2015, plus de quatre mois après le début des travaux, n'apparaissent pas fondées en ce que la société Groupement Assur'Habitat ne prouve avoir elle-même sollicité à cette fin X que tardivement aussi, seulement début juin 2015.
Elle sera donc déboutée de cette demande, le jugement étant infirmé en ce sens.
Sur les dommages et intérêts réclamés par X
Le succès de cette demande suppose la preuve d'une faute commise par la société Groupement Assur'Habitat d'un préjudice subi par X et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
Or, le fait que plusieurs devis aient été soumis à X par la société Groupement Assur'Habitat et que celle-ci ait pu croire en la validité des contrats conclus ne saurait suffire à justifier d'un harcèlement. De même, l'abus de faiblesse invoqué n'apparaît pas fondé. En effet, l'appelante ne prouve pas que, comme elle le prétend, elle était en arrêt longue maladie lors des faits puisque le seul élément objectif qu'elle produit à cet égard, à savoir une décision de mise en congé, porte sur l'année 2013/2014. En toute hypothèse, la réalité d'un préjudice subi par l'intéressée n'est étayée par aucune pièce probante, étant observé du reste que X s'abstient de préciser la nature du préjudice qui lui aurait ainsi été causé. Elle doit donc être déboutée de cette demande.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
La société Groupement Assur'Habitat sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés directement par Maître Frédérique Etevenard, avocat au barreau de Paris, dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, déboutée de toute demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et condamnée sur ce fondement au paiement de la somme de 2 000 euros.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire : Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit la société Groupement Assur'Habitat recevable en ses demandes ; Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant : Prononce la nullité des contrats conclus entre X et la société Groupement Assur'Habitat le 23 janvier 2015 sous le numéro de devis Ass 230115 et le 2 mars 2015 sous le numéro de devis ASS 2315TWA ; Déboute la société Groupement Assur'Habitat de toutes ses demandes ; Déboute X de sa demande de dommages et intérêts ; Condamne la société Groupement Assur'Habitat à payer à X la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Groupement Assur'Habitat aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés directement par Maître Frédérique Etevenard, avocat au barreau de Paris, dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.