CE, 9e et 10e ch. réunies, 11 octobre 2017, n° 402268
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Umicore France (Sté) , Umicore SA/NV (Sté)
Défendeur :
Autorité de la concurrence
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Rapporteur :
M. Chassard
Commissaire du gouvernement :
M. Bénard
Avocats :
SCP Piwnica, Molinié
LE CONSEIL : - Vu la procédure suivante : - Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 août et 2 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés Umicore France et Umicore SA/NV demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, le refus des services d'instruction de l'Autorité de la concurrence de faire droit à leur demande tendant à ce que soit ouverte la procédure d'acceptation d'engagements, d'autre part, la décision de l'Autorité de la concurrence du 23 juin 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du zinc laminé et des produits ouvrés en zinc destinés au bâtiment, en tant qu'elle conclut à la compétence des services d'instruction de l'Autorité pour refuser cette ouverture et qu'elle confirme le rejet opposé à leur demande en ce sens ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative. - Vu les autres pièces du dossier ; - Vu : - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - le Code de commerce ; - le Code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Simon Chassard, auditeur, - les conclusions de M. Yohann Bénard, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Umicore France et de la société Umicore ; - Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 464-2 du Code de commerce : " I.- L'Autorité de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Elle peut aussi accepter des engagements proposés par les entreprises ou organismes et de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence susceptibles de constituer des pratiques prohibées visées aux articles L. 420-1, L. 420-2, L. 420-2-1 et L. 420-5 ou contraires aux mesures prises en application de l'article L. 410-3. / Elle peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions soit en cas de non-respect des engagements qu'elle a acceptés. (...) ". Aux termes de l'article R. 464-2 du même code : " Lorsque l'Autorité de la concurrence envisage de faire application du I de l'article L. 464-2 relatif à l'acceptation d'engagements proposés par les entreprises, le rapporteur fait connaître aux entreprises ou organismes concernés son évaluation préliminaire des pratiques en cause. Cette évaluation peut être faite par courrier, par procès-verbal ou, lorsque l'Autorité est saisie d'une demande de mesures conservatoires, par la présentation d'un rapport oral en séance. (...) ".
2. Par une décision 11-S01-01 en date du 17 janvier 2011, l'Autorité de la concurrence s'est saisie d'office de pratiques mises en œuvre dans le secteur du zinc laminé et des produits ouvrés en zinc destinés au bâtiment. Dans le cadre de l'instruction de l'affaire, la société Umicore France a demandé, par un courrier du 15 janvier 2013, à bénéficier de la procédure d'acceptation d'engagements prévue par les articles L. 464-2 et R. 464-2 du Code de commerce. Après que les services d'instruction ont refusé oralement de donner suite à cette demande, la société l'a réitérée par un courrier du 16 décembre 2013, donnant lieu à un nouveau refus oral. Le rapporteur général de l'Autorité a ensuite adressé à la société Umicore France et à sa société mère, la société Umicore SA/NV, une notification de griefs le 3 mars 2014 puis, le 14 avril 2015, un rapport indiquant notamment que les manquements reprochés aux sociétés portaient une telle atteinte à l'ordre public économique qu'ils imposaient le prononcé de sanctions pécuniaires et faisaient donc obstacle à ce que la procédure d'acceptation d'engagements puisse être appliquée.
3. Par une décision du 23 juin 2016, l'Autorité de la concurrence a infligé une sanction pécuniaire aux sociétés requérantes pour avoir enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce et celles de l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Les sociétés demandent l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, de la décision de refus des services d'instruction de l'Autorité de faire droit à leur demande d'ouverture de la procédure d'acceptation d'engagements, d'autre part, de la décision de sanction du 23 juin 2016, en tant qu'elle affirme la compétence des services d'instruction pour opposer ce refus et qu'elle confirme ce dernier.
4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 464-8 du Code de commerce : " Les décisions de l'Autorité de la concurrence mentionnées aux articles (...) L. 464-2 (...) sont notifiées aux parties en cause et au ministre chargé de l'Economie, qui peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours en annulation ou en réformation devant la Cour d'appel de Paris. ". Ces dispositions, qui codifient les dispositions de l'article 2 de la loi du 6 juillet 1987 transférant le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence, devenu l'Autorité de la concurrence, à la juridiction judiciaire, s'appliquent aux décisions que prend l'Autorité de la concurrence en matière de pratiques anticoncurrentielles.
5. Le refus opposé par les services de l'instruction de l'Autorité de la concurrence à la demande des sociétés requérantes d'ouverture de la procédure d'acceptation d'engagements leur a été opposé dans le cadre de l'instruction d'une affaire relative à des pratiques anticoncurrentielles. Ce refus, qui était en l'espèce concomitant de la décision d'engager une procédure de sanction, n'est pas détachable de cette procédure, laquelle est placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire. Il suit de là que la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître de la requête des sociétés Umicore France et Umicore SA/NV qui doit, en conséquence, être rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Décide :
Article 1er : La requête des sociétés Umicore France et Umicore SA/NV est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 2 : La présente décision sera notifiée aux sociétés Umicore France et Umicore SA/NV et à l'Autorité de la concurrence.
Copie en sera adressée pour information au ministre de l'Economie et des finances.