CA Aix-en-Provence, 1re ch. C, 5 octobre 2017, n° 16-20581
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Jaguar Land Rover France (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Touvier
Conseillers :
Mmes Leroy-Gissinger, Renou
Monsieur X est propriétaire d'un véhicule neuf de marque Land Rover de type Range qu'il a acquis le 14 avril 2014 moyennant le prix de 107 750 euros immatriculé DQ 056 HM qui lui a été livré en août 2014.
Ce véhicule a été de nombreuses fois immobilisé au garage Land Rover ABC Nice et à celui de Cannes.
Compte tenu des difficultés rencontrées, Monsieur X a fait assigner en référé devant le Tribunal de grande instance de Grasse la SAS Land Rover France aux fins de voir ordonner au visa des articles 145 et 808 du Code de procédure civile une expertise judiciaire, en précisant la mission qu'il entend voir confier à l'expert judiciaire, de la voir condamner au paiement d'une provision de 6 000 euros et d'une indemnité de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il a demandé également au juge des référés d'enjoindre à la société défenderesse de lui remettre tous documents listant les interventions réalisées sur le véhicule et d'indiquer si des personnes extérieures aux garages agréés de Canne et de Nice sont intervenues, directement ou indirectement, compte tenu des multiples pannes.
Par ordonnance de référé en date du 2 novembre 2016, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Grasse a:
- dit n'y avoir lieu à référé s'agissant des demandes d'expertise et de provision, et renvoyé X à se pourvoir ainsi qu'il avisera ;
- débouté la SAS Land Rover France de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
- laissé les dépens de l'instance à X conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile ;
- condamné X à payer à la SAS Lange Rover France la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
- débouté X de sa demande formée de ce chef.
Le juge des référés a indiqué que l'urgence n'était pas une condition de l'application de l'article 145 du Code de procédure civile ; que toutefois, le véhicule provient de Gibraltar et a été acheté en Angleterre ; que la société Land Rover France n'est ni le constructeur, ni l'importateur, ni le vendeur du véhicule ; qu'elle est étrangère à la chaîne de vente et qu'il n'y a pas de lien de droit entre elle et Monsieur X ; que la société n'est pas davantage intervenue dans le cadre de la garantie constructeur ni pour réparer le véhicule.
Il a donc jugé que Monsieur X n'a pas de motif légitime au sens de l'article 145 pour solliciter une expertise.
Il a estimé que la société Land Rover France a communiqué les pièces qu'elle pouvait joindre,
Il a jugé que la demande de provision était sérieusement contestable.
Monsieur X a interjeté appel de l'ordonnance selon déclaration en date du 17 novembre 2016.
Dans ses dernière conclusions du 2 mars 2017, il demande à la cour :
- d'infirmer l'ordonnance déférée ;
- de désigner un expert avec pour mission de :
* se faire remettre tout document utile intéressant les travaux déjà réalisés sur le véhicule par les garages agréés Land Rover de Nice et Cannes ;
* procéder aux opérations d'expertise ;
* procéder à la recherche des éventuels vices cachés ;
* faire toutes observations utiles suite aux opérations quant à l'état mécanique du véhicule présentant des pannes récurrentes nécessitant des immobilisations ;
* se faire assister de tout sachant ;
- d'enjoindre à la société défenderesse de remettre à Monsieur X tout document listant les interventions réalisées sur le véhicule et d'indiquer si des personnes extérieures aux garages agréés de Nice et de Canne ont dû intervenir ;
- de condamner la SAS Land Rover France à lui payer la somme de 6 000 euros à titre de provision ;
- à titre subsidiaire d'ordonner l'expertise et de réserver les droits à provision de Monsieur X dans l'attente du dépôt du rapport ;
- de condamner la SAS Land Rover à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Ses moyens consistent à dire que la société Land Rover France a accepté de diligenter une expertise amiable et a envoyé un de ses experts techniques, Monsieur Y aux fins de rechercher la panne du véhicule ; que l'expert a gardé le véhicule pendant une semaine lequel a prêté un véhicule au demandeur. Monsieur X en déduit que la société intimée n'est pas étrangère aux difficultés rencontrées.
Il ajoute que l'urgence est caractérisée par une autre expertise amiable, celle de Monsieur Z, qui indique qu'au vu du bruit en virage à gauche sur l'arrière, le propriétaire peut ne pas se sentir en sécurité.
La société Land Rover France, dans ses dernières conclusions du 2 août 2017, conclut quant à elle à la confirmation de l'ordonnance pour les motifs retenus par le juge des référés.
Elle sollicite également la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamnation de Monsieur X aux dépens dont distraction au profit de Maître A en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Motifs
Attendu qu'aux termes de l'article 1641 du Code civil, "le vendeur est tenu de la garantie des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus" ;
Attendu que la jurisprudence admet que l'action puisse être dirigée à l'encontre du fabricant, de l'importateur et du vendeur du véhicule ;
Attendu qu'en l'espèce, il est constant et non contesté que le véhicule vient de Gibraltar et a été acheté en Angleterre à un vendeur anglais ;
Que la société Land Rover n'est intervenue à aucun titre dans la chaîne de vente ;
Qu'à terme, l'action en garantie des vices cachés ne pourra prospérer à son encontre ;
Que, de même, la société Land Rover France n'est pas le constructeur du véhicule, et qu'il ne lui a jamais été confié aux fins de réparation ; qu'elle n'est à aucun titre le co-contractant de Monsieur X et que le seul fait qu'elle ait pu proposer à l'acquéreur, dans le cadre d'un geste commercial, d'expertiser le véhicule ne suffirait pas au fond à engager sa responsabilité sur le terrain de la responsabilité contractuelle de droit commun ;
Attendu qu'il en ressort que, comme l'a justement jugé le premier juge, Monsieur X n'a pas de motif légitime à voir ordonner une mesure d'expertise par rapport à la société Land Rover France sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile ;
Que, sur le fondement de l'article 808 du même Code, d'une part, l'urgence de la situation ne saurait résulter du simple bruit qui affecte le véhicule, et d'autre part, pour les motifs sus-indiqués, la mesure d'expertise demandée se heurte à une contestation sérieuse ;
Attendu que la demande en paiement d'une provision de 6 000 euros ne peut aboutir et se heurte en l'état à une contestation sérieuse sur le terrain de l'article 809 alinéa 2 du Code de procédure civile;
Qu'enfin, sur la communication de pièces, il ressort du dossier-même de l'appelant qu'il a obtenu tous les renseignements demandés ;
Attendu qu'il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance déférée dans son intégralité ;
Attendu, sur l'article 700 du Code de procédure civile, que l'équité commande de condamner Monsieur X à payer à la SAS Land Rover France la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a eu à engager en cause d'appel et de laisser à la charge de Monsieur X ses propres frais irrépétibles ;
Par ces motifs, LA COUR : Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ; Condamne Monsieur X à payer à la SAS Land Rover France la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû engager en cause d'appel ; Laisse à la charge de Monsieur X ses propres frais irrépétibles ; Condamne Monsieur X aux dépens dont distraction au profit de Maître A en application de l'article 699 du Code de procédure civile.