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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 11 octobre 2017, n° 12-05251

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

N A Studio (EURL)

Défendeur :

Xavier Dumont (SAS) , Canet (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Rivet, Fisselier, Milhaud

T. com. Paris, du 12 mars 2012

12 mars 2012

Faits et procédure

En février 2007, la société Nathalie Auzepy Design Studio (Nads), qui est une agence de conception et de création de décors et de vitrines de magasins, a confié à la société Xavier Dumont, laquelle fabrique et commercialise des décors de magasins et de publicités sur les lieux de vente, la mission de fabriquer l'agencement et le décor des vitrines de ses clients dont la société Petit Bateau.

Le 5 novembre 2008, la société Xavier Dumont a informé la société Nads qu'elle lui réglera chaque année un bonus de fin d'année égal à 5 % du chiffre d'affaires réalisé avec elle au cours de l'année écoulée.

Le 26 avril 2010, la société Xavier Dumont a mis en demeure la société Nads de lui payer la facture n° 10.016 d'un montant de 83 455,68 euros, payable au 4 avril 2010, avec copie à la société Petit Bateau exigeant de cette dernière qu'elle immobilise la somme en application de la loi sur la sous-traitance du 31 décembre 1975. Le même jour, la société Xavier Dumont a adressé à la société Petit Bateau une seconde correspondance aux termes de laquelle elle lui a demandé d'accepter un paiement direct pour des factures d'un montant respectif de 51 022 et de 38 238 euros TTC payables les 18 et 26 juillet 2010.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 avril 2010, la société Nads a notifié à la société Xavier Dumont la fin immédiate de leur collaboration.

Lui reprochant la brutalité de la rupture de leurs relations commerciales établies, la société Xavier Dumont a assigné la société Nads, par acte du 15 juin 2010, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, en indemnisation de son préjudice devant le Tribunal de commerce de Paris, lequel a, par jugement du 12 mars 2012 et sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- condamné l'EURL Nathalie Auzepy Design Studio (Nads) à payer à la société Xavier Dumont les sommes de :

* 147 975 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies,

* 70 080,22 euros représentant le solde restant dû sur deux factures avec intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2010 à capitaliser dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,

* 3 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Xavier Dumont à payer à la société Nads la somme de 75 080,22 euros correspondant au bonus de fin d'année 2009,

- ordonné la compensation des sommes au paiement desquelles sont condamnées les parties,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Selon ordonnance de référé du 4 mars 2014, le Président du Tribunal de commerce de Compiègne a refusé de rétracter l'ordonnance sur requête rendue le 10 octobre 2012, aux termes de laquelle il avait désigné, sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile, Maître Picy-Maquin, huissier de justice, afin de rechercher et se faire remettre une copie de tout échange entre la société Xavier Dumont et la société Petit Bateau, Mesdames Kerjean et Cauquil, anciennes collaboratrices de la société Nads, et la société Vingt Quatre Avril (constituée par ces deux dernières), depuis l'année 2010.

Suivant ordonnance du 29 avril 2014 la conseillère de la mise en état du pôle 5, chambre 4 de la présente cour a:

- désigné Monsieur Gabriel Grosjean, en qualité d'expert

- enjoint à Maître Picy-Maquin de remettre à ce dernier en qualité d'expert judiciaire, l'intégralité des fichiers et documents séquestrés et écarter de l'analyse tout fichier et document couverts par le secret des affaires ou par le respect de la vie privée, qui seraient sans rapport avec les faits objets du présent litige,

- a donné pour mission à l'expert

* d'établir la date de commencement des relations commerciales entre les sociétés Xavier Dumont et Petit Bateau, leur durée et le chiffre d'affaires généré,

* de relever tout élément pouvant caractériser un dénigrement de la société Nads permettant de caractériser toute action préméditée à l'encontre de celle-ci de la part des sociétés Xavier Dumont et Petit Bateau,

- fournir tous éléments permettant à la cour de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer les préjudices subis.

L'expert a déposé son rapport le 2 septembre 2015.

Par dernières conclusions déposées et notifiées le 19 mai 2017, la société Nads, appelante :

- sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu la brutalité de la rupture de la relation commerciale entre les parties,

- estime bien fondée sa décision de mettre fin à la relation commerciale établie aux torts exclusifs de la société de la société Xavier Dumont,

- réclame la condamnation de cette dernière société à lui payer la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil en réparation du préjudice causé par la mise en œuvre fautive de son action en paiement direct vis à vis de la société Petit Bateau,

- demande la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la compensation judiciaire entre les sommes de 70 080,22 euros et 75 080,22 euros et la condamnation de la société Xavier Dumont à lui payer la différence de 5 000 euros TTC, outre la somme de 20 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Suivant dernières conclusions du 27 juin 2017 la SCP Canet, prise en la personne de Maître Canet, désigné par jugement du 8 mars 2017 du Tribunal de commerce de Paris en qualité de liquidateur de la société Nads, devenue Na Studio, est intervenue volontairement à la procédure pour reprendre à son compte l'ensemble de l'argumentation et des demandes de cette dernière.

Selon dernières conclusions déposées et notifiées le 29 août 2017, la société Xavier Dumont, intimée, demande:

- la confirmation du jugement querellé en ce qu'il a

* retenu le caractère brutal de la rupture contractuelle aux torts de la société Na Studio, anciennement dénommée Nads,

* condamné la société Na Studio à lui payer des dommages et intérêts, le solde des factures restant dû, une somme en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,

* débouté la société Na Studio de ses demandes,

- la constatation de l'exécution des condamnations prononcées par le paiement de la somme de 150 975euros et la déclaration que cette somme lui est acquise,

- la réformation du jugement entrepris,

* sur le quantum des condamnations,

* en ce qu'il n'a pas prononcé de condamnation pour sanctionner le caractère abusif de la rupture et réparer le préjudice moral subi par elle-même,

* en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre de la restitution du bonus de fin d'année 2008 et de l'annulation du bonus de fin d'année 2009,

- le rejet des demandes de la SCP Canet en qualité de liquidateur judiciaire de la société Na Studio, anciennement Nads,

- la fixation au passif de la société Na Studio, anciennement dénommée Nads en sa faveur, à titre complémentaire

* en réparation du caractère brutal de la rupture, de la somme de 234 025 euros complémentaire à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des gains manqués pendant la durée du préavis, augmentée des intérêts au taux légal courant de la date du 15 juin 2010; de la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par elle, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2010,

* en réparation du caractère abusif de la rupture, de la somme de 382 000 euros à titre de dommages et intérêts augmentée des intérêts au taux légal compter du 15 juin 2010,

- la fixation au passif de la société Na Studio, anciennement dénommée Nads en sa faveur de la somme de 75 080,22 euros TTC au titre du solde des factures restées impayées avec intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2010,

- la capitalisation des intérêts sur chaque poste de demande de condamnation,

- la nullité de l'accord forcé du 7 novembre 2008 au titre de la mise en place des bonus de fin d'année,

- la fixation au passif de la société Na Studio, anciennement dénommée Nads, en sa faveur de la somme de 2 022,68 euros TTC au titre des bonus de fin d'année 2008 en répétition de l'indu, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2010,

- la constatation que la société Na Studio, anciennement dénommée Nads, a émis une facture de 75 080,22 euros à son ordre au titre des bonus de fin d'année 2009,

- la nullité de la facture émise par la société Na Studio, anciennement dénommée Nads sous le n° 2010/33 au titre des bonus de fin d'année 2009,

- le rejet des demandes de la SCP Canet en qualité de liquidateur judiciaire de la société Na Studio anciennement dénommée Nads,

- très subsidiairement sur les bonus de fin d'année,

- la confirmation de la compensation opérée par le tribunal entre le solde des factures qui lui sont dues et la facture de bonus de fin d'année 2009 en remédiant à son erreur de calcul,

en tout état de cause

- la fixation au passif de la société Na Studio, anciennement dénommée Nads en sa faveur de la somme de 15 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la mise à la charge de la société Na Studio, anciennement dénommée Nads, des frais d'expertise judiciaire,

- la fixation au passif de la société Na Studio, anciennement dénommée Nads des dépens.

SUR CE

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

La société Nads, devenue Na Studio, représentée par son liquidateur, critique la décision des premiers juges en ce qu'ils lui ont imputé la brutalité de la rupture des relations commerciales établies avec la société Xavier Dumont sans retenir l'inexécution par cette dernière de ses obligations. L'appelante reproche à l'intimée d'avoir mis en œuvre, irrégulièrement, en sa qualité de sous-traitante l'action directe en paiement prévue par la loi d'ordre public du 31 décembre 1975 auprès de la société Petit Bateau, sa plus importante cliente, en omettant sciemment d'attendre l'expiration du délai légal d'un mois et en exigeant le paiement de sommes non échues, la privant ainsi de la possibilité de s'acquitter de sa dette à son échéance. L'appelante fait ainsi grief à l'intimée d'avoir agi avec intention de lui nuire en la présentant comme un mauvais payeur et plus généralement comme un partenaire défaillant, ce qui constitue selon elle une faute au sens des articles 1240 et 1241 du Code civil, de sorte qu'elle était en droit de mettre un terme à leur relation commerciale sans préavis ni indemnité.

La société Xavier Dumont se prévaut, pour sa part, du caractère brutal de la rupture caractérisé par l'absence de mise en demeure ou préavis préalable à la lettre du 27 avril 2010, laquelle rupture lui a occasionné un grave préjudice qu'elle estime à la somme de 234 025 euros au titre d'une indemnité compensatrice du non-respect d'un préavis de 12 mois et à la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral. Elle forme également une demande en paiement complémentaire d'une somme de 382 000 euros en réparation du préjudice résultant du caractère abusif de la rupture, toutes sommes à fixer au passif de la liquidation de la société Nads. Elle conteste avoir commis une faute en demandant la mise en place d'un paiement direct auprès de la société Petit Bateau, dès lors que la facture de 83 455,68 euros aurait dû être réglée le 4 avril 2010 au plus tard, que ses relances téléphoniques étaient demeurées vaines, qu'elle était créancière d'un encours global de 275 319,35 euros, que la société Nads ne publiait pas ses comptes au Bodacc, de sorte qu'elle a cru légitimement sa société en péril, et qu'en tout état de cause, la société Petit Bateau n'a pas répondu à sa demande en paiement direct. Elle soutient également que l'application de la loi sur la sous-traitance est discutable en l'absence de contrat d'entreprise, d'agrément et d'exclusivité d'intervention et que la fin des relations entre les sociétés Nads et Petit Bateau est sans rapport avec sa demande de paiement direct.

L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce prévoit qu' " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au registre des métiers (...) de rompre brutalement, même partiellement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce par des accords interprofessionnels. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ";

Dans un premier courrier recommandé avec accusé-réception du 26 avril 2010 adressé à la société Petit Bateau, la société Xavier Dumont a :

- joint copie de la mise en demeure envoyée le même jour à la société Nads faisant mention d'une facture impayée n° 10.016 du 4 février 2010 d'un montant de 83 455,68 euros, d'un encours de 186 058,28 euros, d'une commande en cours de traitement pour 51 022,56 euros et d'une autre à démarrer pour 38 238,51 euros, soit un total de 275 319,35 euros, des risques financiers de nature à mettre en péril sa société et nécessitant la mise en place d'une procédure de paiement direct par la société Petit Bateau,

- exigé en vertu des articles 12 et 13 de la loi du 31 décembre 1975, dès réception de la présente, l'immobilisation à son profit des sommes dues à la société Nads au titre de l'action directe qui sera exercée en cas de non-paiement dans le délai d'un mois.

Par une seconde lettre recommandée avec accusé-réception du même jour 26 avril 2010, la société Xavier Dumont a :

- informé la société Petit Bateau de la réalisation en sous-traitance par elle-même des commandes de celle-ci à savoir : " soldes volantes " suivant devis de 51 022,56 euros TTC en cours de fabrication et " soldes pérennes " suivant devis de 38 238,51 euros, se rapportant à des factures payables respectivement les 18 et 26 juillet 2010,

- réclamé, en raison du non-règlement de la somme due au 4 avril 2010, un paiement direct en sa faveur des factures correspondant aux deux commandes avant de poursuivre la réalisation de la commande " soldes volantes " et de démarrer la commande " soldes pérennes ".

Il convient, en premier lieu, de retenir que la société Xavier Dumont ne peut, sans contradiction, mettre en cause l'application de la loi sur la sous-traitance, alors qu'elle l'a revendiquée impérativement dans ses deux courriers recommandés auprès de la société Petit Bateau et en a recherché sa mise en œuvre.

En second lieu, il doit être constaté que la société Xavier Dumont n'a pris aucune précaution élémentaire avant d'envoyer lesdites lettres recommandées, alors même qu'elle avait reçu, en réponse à sa demande en paiement formée par courriel du 23 avril 2010, deux courriels du même jour émanant de Madame Auzepy, Présidente de la société Nads, aux termes desquels celle-ci invoquait un règlement RFA dû par celle-là pour l'année 2009 en compensation, un retard dans le paiement de son propre client, le règlement immédiat d'un chèque de 31 130,68 euros et une solution dès le lundi suivant, " le but étant de rester en bons termes ". La société Xavier Dumont se devait, en conséquence, de chercher à tout le moins à régler amiablement la difficulté avec son donneur d'ordre, d'autant qu'elle ne justifie aucunement d'autres retards en paiement et d'autres relances pour l'année 2010, ainsi qu'il résulte de la pièce n° 3 de l'appelante, ou encore de ses propres difficultés de trésorerie.

En outre, l'intimée n'a respecté ni les dispositions de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975 qui disposent que l'action directe du sous-traitant contre le maître de l'ouvrage n'est ouverte que si l'entrepreneur principal ne paie pas un mois après avoir été mis en demeure, ni celles de l'article 13 qui prévoient que le sous-traitant ne peut demander au maître de l'ouvrage que le paiement de la somme réclamée à l'entrepreneur dans sa mise en demeure. En effet, la société Xavier Dumont n'a pas attendu l'expiration du délai légal d'un mois à compter de la mise en demeure et a réclamé la mise en place immédiate d'un paiement direct pour des sommes non encore exigibles et non visées dans la mise en demeure. Elle a ainsi commis une grave faute en ignorant volontairement les conditions de mise en œuvre de l'action en paiement direct revendiquée par elle et en privant la société Nads de régulariser sa situation dans le délai légal.

De surcroît, la teneur des deux correspondances ci-dessus évoquées a laissé largement entendre à la société Petit Bateau (qui constituait la plus importante cliente de la société Nads au travers du contrat du 25 juin 2008 à durée indéterminée applicable en France et à l'international, représentant 55 % de son chiffre d'affaires) que cette dernière ne s'acquittait pas de ses obligations financières, ne remplissait pas ses obligations contractuelles vis-à-vis de son sous-traitant et en conséquence était un mauvais payeur et n'était pas un partenaire fiable. Par cette demande de paiement direct inappropriée, intempestive et hors cadre de la loi, elle a porté une grave atteinte à la réputation et à la crédibilité commerciale de la société Nads, justifiant la perte de confiance de cette dernière à son égard et en conséquence la rupture immédiate de leurs relations commerciales sans indemnité et préavis.

Dans ces conditions, la société Xavier Dumont ne saurait exciper ni du caractère brutal ni du caractère abusif de la rupture pour réclamer en réparation la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Na Studio d'un préjudice de 234 025 euros correspondant aux gains manqués pendant la durée du préavis et de 100 000 euros en réparation d'un préjudice moral ainsi que d'un préjudice distinct constitué par une somme complémentaire de 382 000 euros représentant une année de marge brute moyenne calculée sur la base de 3 ans et demi de collaboration. La décision des premiers juges sera en conséquence infirmée, en ce qu'ils ont à tort imputé la brutalité de la rupture des relations commerciales entre les parties à la société Nads et l'ont condamnée à payer à la société Xavier Dumont la somme de 147 975 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice, tous chefs confondus.

En revanche, il n'y a pas lieu d'allouer à l'appelante, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, la somme de 200 000 euros réclamée à titre de dommages et intérêts, en l'absence de démonstration par cette dernière du préjudice qu'elle aurait subi en lien de causalité avec la faute retenue. En effet, la résiliation du contrat signé par les sociétés Nads et Petit Bateau, à effet du 31 mars 2012, s'est inscrite dans une nouvelle orientation stratégique de cette dernière alliant réduction des coûts et internalisation de l'aspect créatif ainsi qu'il ressort des correspondances de cette dernière des 14 février et 29 septembre 2011 et se trouve sans rapport avec la demande de paiement direct formée par la société Xavier Dumont. L'expert judiciaire, M. Grosjean, a également constaté dans son rapport l'absence de tout dénigrement et de tout acte de concurrence déloyale commis par la société Xavier Dumont à l'encontre de son donneur d'ordre.

Sur le solde des factures

La société Xavier Dumont réclame la fixation au passif de la société Nads d'une somme de 75 080,22 euros TTC correspondant au solde des factures impayées.

Au vu des pièces versées aux débats, cette somme représente le montant de deux factures: la première de 88 629,58 euros TTC échue au 20 juin 2010 et la seconde de 51 022,55 euros TTC échue au 18 juillet 2010, de laquelle il convient de soustraire le paiement de deux acomptes de 51 089,47 euros TTC par chèque du 21 juin 2010 et de 13 482,44 euros TTC par chèque du 16 juillet 2010.

Le tribunal de commerce de Paris dans sa décision du 12 mars 2012 n'a retenu que la somme de 70 080,22 euros au lieu de 75 080,22 euros par simple erreur de calcul. La société Nads n'est donc pas fondée à se prévaloir de cette erreur mathématique pour réclamer la condamnation de la société Xavier Dumont à lui verser la différence égale à 5 000 euros TTC. Elle sera déboutée de cette prétention.

La décision des premiers juges sera infirmée sur le quantum de cette condamnation et sur le principe de la condamnation et la somme de 75 080,22 euros TTC sera seulement fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société Na Studio intervenue en cours d'instance, au titre du solde des factures restant dues. La décision sera confirmée sur l'allocation des intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2010 et la capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code civil.

Sur les bonus de fin d'année

La société Xavier Dumont sollicite la nullité de l'accord relatif au paiement de bonus de fin d'année, sur le fondement des articles 1109, 1111 et 1112 du Code civil en invoquant l'emprise économique de la société Nads sur elle-même qui lui aurait permis de lui imposer, sous couvert de menace de changer de sous-traitant et par harcèlement déployé par la dirigeante Madame Auzepy le principe d'un bonus de fin d'année égal à 5 % HT du chiffre d'affaires réalisé.

La société Na Studio, représentée par son liquidateur, se contente de rappeler que les premiers juges ont débouté l'intimée de sa demande en nullité de cet accord en application des dispositions de l'article L. 442-6-II a du Code de commerce, dès lors que la proposition de la société Xavier Dumont du 27 octobre 2008, confirmée le 8 novembre 2008 n'avait pas de caractère rétroactif.

Il ne ressort nullement de l'analyse des pièces 1, 2, 2 bis, 40 et 41 produites par la société Xavier Dumont la preuve que cet accord sur le principe d'un bonus annuel a été obtenu sous la contrainte ou extorqué par violence. En effet, la teneur de ces correspondances caractérise des tractations commerciales habituelles entre deux partenaires; en conséquence, cette prétention ne saurait être accueillie.

Au titre de l'année 2008 la société Xavier Dumont était donc redevable envers la société Nads d'une somme de 2022,68 euros au titre du bonus, de sorte qu'il n'y a pas lieu à répétition d'un indu. Pour l'année 2009, les parties ne contestent pas le montant du bonus de 75 080,22 euros dû par la société Xavier Dumont.

Dans ces conditions, il convient de confirmer la décision des premiers juges sur la compensation à opérer entre les factures dues par la société Na Studio à la société Xavier Dumont et le bonus dont reste redevable cette dernière à l'égard de la première, en application de l'article 1289 du Code civil.

Sur les autres demandes

Chacune des parties qui succombe dans ses prétentions, conservera la charge de ses propres dépens et les frais d'expertise judiciaire seront partagés par moitié entre chaque partie.

En équité, les demandes formées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile seront rejetées.

Enfin, il convient de rappeler que le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à restitution des sommes versées en exécution du jugement rendu le 12 mars 2012 par le tribunal de commerce de Paris et les sommes restituées porteront intérêts au taux légal à compter de la notification valant mise en demeure de la décision ouvrant droit à restitution. En conséquence la société Xavier Dumont n'est pas fondée à réclamer que la somme de 150 975 euros lui soit déclarée acquise.

Par ces motifs, LA COUR, Infirme la décision rendue le 12 mars 2012 par le Tribunal de commerce de Paris sauf en ce qui concerne le principe du paiement du solde des factures et du bonus (étant précisé que la condamnation à paiement est devenue du fait de la liquidation judiciaire de la société Nads en cours d'instance une simple fixation au passif de la liquidation judiciaire de celle-ci), ainsi que la compensation entre ces sommes et l'allocation des intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2010 avec capitalisation ; Statuant à nouveau, Dit que la rupture des relations commerciales établies entre les sociétés Nads, devenue Na Studio et Xavier Dumont n'a été ni brutale ni abusive ; Déboute en conséquence la société Xavier Dumont de ses demandes en indemnisation ; Déboute la société Na Studio, représentée par son liquidateur, de sa demande en paiement sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil ; Déboute les parties du surplus de leurs demandes ; Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens et que les frais de l'expertise judiciaire de M. Grosjean seront partagés par moitié entre chaque partie ; Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile et du surplus de leurs autres demandes