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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 18 octobre 2017, n° 15-18283

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Idhéa (SAS)

Défendeur :

Stolpi (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Buret, Bedoiseau, Hugon, Margot, Reymond

T. com. Marseille, du 29 janv. 2015

29 janvier 2015

Faits et procédure

La SAS Stolpi, appartenant au groupe Vincyplast, a pour principale activité la fourniture et les prestations d'emballages divers.

La SAS La case aux épices, nouvellement dénommée Idhéa et ci-après appelée la SAS Idhéa, a pour activité principale la fabrication et le conditionnement de condiments et d'assaisonnement.

A compter du mois d'août 2004, la SAS Stolpi a fourni régulièrement la SAS La case aux épices, en salières et poivrières.

Par courrier du 22 septembre 2011, la SAS La case aux épices a indiqué à la SAS Stolpi sa volonté de mettre un terme à l'ensemble de leurs relations commerciales à compter du 1er janvier 2012, lui reprochant d'une part, le défaut de certification, contrairement à ce qu'elle avait annoncé, d'autre part, les nouvelles modalités de livraison de produits et enfin l'augmentation de ses tarifs.

Par courriel du 7 novembre 2011, la SAS La case aux épices a fait part à la SAS Stopli de la cessation à effet immédiat de leurs relations commerciales, au motif qu'elle a démarché ses clients.

Par acte du 21 décembre 2012, la SAS Stopli a assigné devant le Tribunal de commerce de Marseille la SAS Idhéa, pour rupture brutale des relations commerciales.

Par jugement du 29 janvier 2015, le Tribunal de commerce de Marseille a :

- dit que la société La case aux épices a mis un terme de manière brutale aux relations commerciales établies qu'elle entretenait avec la société Stopli,

- fixé la durée du préavis de résiliation à cinq mois,

- condamné la société La case aux épices à payer à la société Stolpi la somme de 101 956 euros ainsi que la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté la société La case aux épices de sa demande reconventionnelle,

- condamné la société La case aux épices aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement.

La société Idhéa a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe de la Cour d'appel de Paris le 9 septembre 2015.

La procédure devant la cour a été clôturée le 20 juin 2017.

LA COUR

Vu les conclusions du 19 janvier 2016 par lesquelles la société Idhéa, appelante, invite la cour, au visa des articles L. 442-6 I 5° du Code de commerce et 1382 du Code civil, à :

- infirmer l'ensemble des dispositions du jugement du Tribunal de commerce de Marseille du 29 janvier 2015,

à titre principal,

- débouter la société Stolpi de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire,

- débouter la société Stolpi de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

à titre reconventionnel,

- condamner la société Stolpi à lui payer la somme de 43 338 euros au titre du préjudice subi,

en tout état de cause,

- condamner la société Stolpi à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Joëlle Vallet-Pamart ;

Elle fait valoir que :

* la société Stolpi a commis des manquements graves à ses engagements justifiant une rupture des relations commerciales sans préavis, pour avoir modifié unilatéralement les conditions de vente de ses produits et détourné sa clientèle, pour lui avoir laissé croire qu'elle engageait une procédure de certification demandée par certains de ses clients, pour avoir modifié unilatéralement les modalités de livraison de marchandises, et augmenté ses prix, ainsi que pour avoir démarché directement un de ses clients, la société Flunch,

* la certification IFS est une condition essentielle de son engagement,

* elle conteste le préjudice invoqué par la société Stolpi, celle-ci ne produisant que les bilans et comptes de résultat pour les exercices 2009 à 2011, et ne versant aux débats aucun élément permettant de justifier du chiffre d'affaires annuel moyen de 380 000 euros réalisé avec elle sur leurs 3 dernières années de relation,

* la société Stolpi n'a subi aucune baisse de son chiffre d'affaires,

* l'image et la renommée de la société Stolpi n'ont subi aucune atteinte du fait de la brutalité de la rupture de ses relations avec elle,

* la société Stolpi n'a pas engagé d'investissement attaché à l'exécution spécifique de ses commandes,

* la société Stolpi n'a subi aucune atteinte du fait de la rupture de ses relations avec elle,

* la société Stolpi ne justifie donc pas des préjudices subis du fait de la brutalité de la rupture invoquée, ni même du quantum présenté,

* la société Stolpi a commis des actes de concurrence déloyale, caractérisés par le démarchage et le détournement fautifs de la société Flunch.

Vu les conclusions du 20 novembre 2015, par lesquelles la SAS Stolpi, intimée ayant formé appel incident, demande à la cour, au visa de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, de :

* confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Marseille le 29 janvier 2015 en ce qu'il a :

- dit que la SAS Idhéa a mis un terme de manière brutale aux relations commerciales établies qu'elle entretenait avec la société Stolpi,

- fixé la durée du préavis de résiliation à cinq mois,

- condamné la SAS Idhéa à payer à la société Stolpi la somme de 101 956 euros ainsi que la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté la société La case aux épices de sa demande reconventionnelle,

- condamné la SAS Idhéa aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement,

* condamner la société Idhéa à lui payer la somme de 46 044,84 euros, soit au total la somme de 148 000,84 euros, au titre de l'intégralité du préjudice subi par elle,

* condamner la société Idhéa à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Alix Margot en vertu de l'article 699 du Code de procédure civile,

* condamner la société Idhéa à toutes sommes perçues par l'huissier chargé du recouvrement de créance, en ce y compris les sommes au titre de l'article 10 du décret 96-1080 du 12 décembre 1996, modifié par le décret 2001-212 du 8 mars 2001, et le décret 2001-373 du 27 avril 2001, en sus de l'application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Elle explique que :

* la société Idhéa a rompu leurs relations commerciales par courrier du 22 septembre 2011 avec effet au 1er janvier 2012, puis le 7 novembre 2011, avec effet immédiat, ne lui faisant ainsi bénéficier que d'un délai de préavis de 15 jours, alors que leurs relations commerciales ont commencé en 2004 et qu'elle n'a commis aucune faute,

* la certification IFS n'a jamais été prévue contractuellement entre les parties,

* aucun engagement de prix ou de modalités de livraison des marchandises n'avait été convenu entre les parties,

* son préjudice est constitué par le gain manqué du fait de la rupture découlant de l'insuffisance de préavis,

* elle réalisait auprès de la société Idhéa près de 12% de son chiffre d'affaires, soit environ 380 000 euros par an,

* la brutalité de la rupture des relations commerciales a eu pour principales conséquences, la baisse de son chiffre d'affaires, une diminution de la valeur de la société, une perte d'image et de renommée, une perte importante des investissements et l'obligation de devoir mettre fin à certains contrats de travail directement attachés à l'exécution des commandes de la société Idhéa,

* le détournement de clientèle n'est pas établi.

SUR CE

LA COUR se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Sur la rupture brutale des relations commerciales entre la SAS Idhéa et la SAS Stolpi

Aux termes de l'article L. 442-6, I-5° du Code de commerce :

" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".

Le principe des relations commerciales établies entre la SAS Idhéa et la SAS Stolpi n'est pas contesté par les parties : depuis l'année 2004, la SAS Idhéa commande régulièrement des salières et des poivrières à la SAS Stolpi.

Il ressort des éléments du dossier que:

- par courrier du 22 septembre 2011, la SAS Idhéa a signifié à la SAS Stolpi cesser leurs relations commerciales à compter du 1er janvier 2012 aux motifs que "vous ne souhaitiez pas faire la démarche [d'une certification IFS ou ISO 2000] et que la visite de votre installation par nos clients serait payante soit : 1 600 euros par visite aux dates que vous fixeriez, ce qui est totalement inacceptable ", que " vous changez votre palettisation sans tenir compte de nos impératifs " et que " votre tarification ne nous permet plus d'être compétitifs sur nos marchés, et sommes au point de vendre à perte ",

- par courriel du 7 novembre 2011, la SAS Idhéa a signifié à la SAS Stolpi cesser leurs relations commerciales immédiatement au motif que " vous avez démarché nos clients en direct afin de leur vendre des salières et des poivrières ".

Les parties s'opposent d'une part sur la brutalité de la rupture, la société Idhéa invoquant des fautes pour justifier d'avoir cessé, dès le 7 novembre 2011, sans préavis, leurs relations commerciales, et la SAS Stolpi, qui réfute l'existence de toute faute, sollicitant un délai de préavis de 5 mois, et d'autre part sur le principe comme sur le quantum du préjudice de la SAS Stolpi.

Sur le délai du préavis

Pour justifier la rupture des relations commerciales dès le 7 novembre 2011 et non le 1er janvier 2012 comme annoncé dans le courrier du 22 septembre 2011, la SAS Idhéa explique que la SAS Stolpi a commis 3 fautes justifiant la rupture des relations commerciales en octroyant un préavis de plus de 3 mois jusqu'au 1er janvier 2012. Elle lui reproche alors de ne pas avoir mené à terme la procédure de certification en 2011 comme elle s'y était engagée en 2010 à son égard, d'avoir modifié les nouvelles modalités de livraisons de produits sur palettes, et d'avoir augmenté ses tarifs. Elle invoque une quatrième faute commise après la réception du courrier du 22 septembre pour justifier une rupture immédiate sans préavis le 7 novembre 2011, à savoir la démarchage de certains de ses clients par la SAS Stolpi.

La SAS Stopli soutient avoir bénéficié d'un délai de préavis de 15 jours et que ce délai était insuffisant au regard de l'ancienneté de leurs relations commerciales. Elle conteste les griefs invoqués par la SAS Idhéa aux motifs qu'aucun contrat ne les liait et qu'aucune obligation contractuelle ne l'obligeait à procéder à cette certification, ce d'autant qu'elle a toujours proposé un audit de ses installations aux clients de la SAS Idhéa, qu'elle n'a pas réclamé à cette dernière la moindre indemnisation préalable à hauteur de 1 600 euros avant d'accepter toute opération d'audit de la part d'un quelconque de ses clients, qu'aucun engagement de prix ni de modalités de livraison des marchandises n'était imposé contractuellement alors qu'une discussion s'opérait régulièrement entre elles sur ces sujets, et qu'enfin aucune preuve de démarchage des clients de la SAS Idhéa n'est apportée.

Il appartient à la SAS Idhéa d'établir des fautes de la SAS Stolpi d'une gravité suffisante pour justifier la rupture de leurs relations commerciales dès le 7 novembre 2011.

Il convient au préalable de relever qu'aucun contrat définissant les obligations respectives des parties dans le cadre de leurs relations commerciales n'a été signé entre la SAS Idhéa et la SAS Stolpi.

S'il ressort des différents échanges courriels soumis à la cour que la SAS Stolpi a d'abord indiqué au mois de novembre 2010 à la SAS Idhéa engager une procédure de certification, il apparaît que cette absence de certification était compensée dans le cadre de leurs relations commerciales habituelles par la réalisation d'audit par les clients de la SAS Idhéa au sein des locaux de la SAS Stolpi. Il n'était pas relevé dans le cadre de leurs échanges que cette certification était impérative, et ce pour l'ensemble des clients de la SAS Idhéa, alors que seule Metro Cash and Carry France l'avait sollicitée et qu'entre le courriel du 5 mai 2011 annonçant l'abandon de la procédure de certification et le courrier du 22 septembre 2011, la SAS Idhéa n'a pas réagi auprès de la SAS Stolpi sur ce point. Il n'est en outre aucunement démontré que la SAS Stolpi avait annoncé facturer à la SAS Idhéa les visites des clients lors des audits, ce fait ne ressortant pas des échanges sur le sujet, et la preuve que les conditions générales de vente produites aient été appliquées à la SAS Idhéa sur ce point n'est pas rapportée. Ainsi, au regard de l'absence d'engagement contractuel sur le sujet, de la réalisation habituelle d'audits par les clients de la SAS Idhéa dans les locaux de la SAS Stolpi, et de ce que la SAS Idhéa n'a pas prévenu préalablement la SAS Stolpi que cette absence de certification compromettait l'intégralité des commandes, ce grief ne peut être considéré comme d'une gravité suffisante pouvant justifier une rupture sans préavis des relations commerciales de la part de la SAS Idhéa à l'égard de la SAS Stolpi.

Il n'est également pas établi que la SAS Stolpi avait augmenté ses prix ni dans quelles proportions ni que la modification des modalités de palettisation des salières posait une difficulté majeure à la SAS Idhéa. En outre, il doit être relevé qu'aucune doléance préalable n'a été envoyée par la SAS Idhéa à la SAS Stolpi. Ces griefs ne sont donc pas établis.

Enfin, la seule annulation d'une commande par un ancien client de la SAS Idhéa ne peut suffire à établir des actes positifs de démarchage de la SAS Stolpi. Ce grief n'est donc pas démontré.

La SAS Idhéa ne justifie donc pas de fautes d'une gravité suffisante imputables à la SAS Stolpi pouvant justifier la rupture immédiate des relations commerciales au 7 novembre 2011.

En conséquence, la SAS Idhéa se devait d'octroyer à la SAS Stolpi un délai de préavis suffisant permettant à cette dernière de se réorganiser.

En l'espèce, il apparaît que la SAS Stolpi a bénéficié d'un délai de préavis d'un mois et demi, soit entre le 22 septembre et le 7 novembre 2011, et non de 15 jours comme elle l'indique, aucun élément ne permettant de considérer qu'elle n'a eu connaissance du courrier daté du 22 septembre qu'à la fin du mois d'octobre.

Il convient ainsi de déterminer si le délai de préavis effectif d'un mois et demi laissé à la SAS Stolpi est suffisant.

L'évaluation de la durée du préavis à accorder est fonction de toutes les circonstances de nature à influer son appréciation au moment de la notification de la rupture, notamment de l'ancienneté des relations, du volume d'affaires réalisé, du secteur concerné, de l'état de dépendance économique de la victime, des dépenses non récupérables engagées par elle et du temps nécessaire pour retrouver un partenaire.

La SAS Idhéa conteste le chiffre d'affaires annoncé par la SAS Stolpi relatif à leurs échanges commerciaux depuis l'année 2004. Or, il ressort de l'ensemble des factures émises par la SAS Stolpi à la SAS Idhéa, produites et non contestées, ainsi que des bilans comptables de la SAS Stolpi, que le chiffre d'affaires annuel entre 2009 et 2011 de la SAS Stolpi avec la SAS Idhéa s'est élevé respectivement aux sommes de 239 300 euros, 337 824 euros et 318 099 euros (soit un chiffre d'affaires moyen de 298 407 euros), pour un chiffre d'affaires annuel total de 2 609 921 euros, 2 873 872 euros, 3 145 510 euros (soit un chiffre d'affaires total moyen de 2 876 434 euros) sur les trois derniers exercices de la SAS Stolpi, correspondant à une part de la SAS Idhéa dans la réalisation du chiffre d'affaires de la SAS Stolpi de 10,37 % sur les 3 dernières années de relations commerciales.

En l'espèce, compte tenu des pièces produites, eu égard à l'ancienneté des relations commerciales d'une durée de 7 ans, au volume d'affaires, à la nature de l'activité considérée et à la réalité du marché concerné, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la SAS Stolpi aurait dû bénéficier d'un préavis total effectif de cinq mois afin de pallier les incidences de la perte des prestations qu'elle prodiguait à la SAS Idhéa.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement sur ce point.

Sur le préjudice causé par la brutalité de la rupture

La SAS Idhéa conteste le préjudice subi par la SAS Stolpi aux motifs qu'elle ne prouve pas que son chiffre d'affaires a baissé après la rupture de leurs relations commerciales, que les montants avancés par la SAS Stolpi sont contradictoires, que les bilans communiqués sont incohérents, et que la marge annoncée n'est pas de 82 % mais de 68,80 %.

La SAS Stolpi demande à ce que l'expertise comptable de ses comptes réalisée par un expert-comptable à la demande de la SAS Idhéa soit écartée des débats pour ne pas avoir été débattue contradictoirement et au motif que cette dernière ne peut se constituer de preuve à elle-même.

Il est constant que le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture est constitué par la perte de la marge dont la victime pouvait escompter bénéficier pendant la durée du préavis qui aurait dû lui être accordé. La référence à retenir est la marge sur coûts variables, définie comme la différence entre le chiffre d'affaires dont la victime a été privée sous déduction des charges qui n'ont pas été supportées du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture.

La circonstance que la preuve de la baisse de son chiffre d'affaires par la SAS Stolpi n'est pas rapportée est sans incidence sur l'issue du litige, en ce que cet élément ne constitue pas le préjudice indemnisé sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales. En l'espèce, la SAS Stolpi doit être indemnisée de la marge qu'elle n'aurait pu percevoir dans le cadre de ses relations commerciales avec la SAS Idhéa pendant la durée du préavis, et dont elle a été privée en raison de la rupture desdites relations commerciales.

En l'espèce, les relations commerciales ont été rompues le 7 novembre 2011 et le préavis devait avoir une durée de 5 mois, alors que celui-ci a commencé à courir à compter du 22 septembre 2011. Dans ces conditions, celui-ci devait normalement expirer le 22 février 2012. Il n'est pas soutenu par ailleurs que le délai de préavis dont elle a bénéficié effectivement n'a pas été exécuté par la SAS Idhéa. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer qu'entre le 22 septembre et le 7 novembre 2011, la SAS Stolpi a bénéficié d'un préavis effectif pendant cette période de la part de la SAS Idhéa. Ainsi, la SAS Stolpi a été privée d'un préavis entre le 7 novembre 2011 et le 22 février 2012, soit correspondant à une durée de 3 mois et demi.

Le rapport d'analyse comptable des comptes de la SAS Stolpi, produit par la SAS Idhéa, est communiqué contradictoirement dans le cadre de cette instance, et ses conclusions peuvent être discutées par la SAS Stolpi, ce qu'elle a d'ailleurs fait. En outre, ce document est corroboré par d'autres pièces de la procédure, celui-ci ayant été réalisé sur la base de celles-ci. Il n'y a donc pas lieu d'écarter des débats cette pièce.

Les éléments relatifs au chiffre d'affaires moyen de la SAS Stolpi sur les 3 dernières années des relations commerciales avec la SAS Idhéa ont été évoqués ci-dessus, et n'ont été retenus par la cour que sur la base des factures communiquées et non contestées par cette dernière. Ces chiffres correspondent à ceux avancés par la SAS Stolpi en page 8 de ses conclusions.

S'agissant de la marge brute demandée par la SAS Stolpi, de 82 %, celle-ci ne tient compte que du coût d'achat des matières premières utilisées pour produire les salières et les poivrières. Les autres coûts inhérents à la production de tels produits ne sont pas pris en compte alors qu'ils ont une incidence sur le taux de marge sur les produits et impliquent que celui-ci est inférieur à ce chiffre. En outre, la pièce n° 4 communiquée par elle pour établir une marge indemnisable à hauteur de 82 % ne peut être considérée comme probante, ces chiffres n'étant étayés par aucune pièce et émanant d'un seul document interne à la SAS Stolpi.

L'étude comptable communiquée par la SAS Idhéa, et réalisée sur la base de l'ensemble des pièces soumises à la cour, et non contredit par aucun élément contraire probant de la société Stolpi, sur qui pèse la charge de la preuve de son préjudice et donc de son taux de marge, conclut à un taux de marge de 68,80 %.

Ainsi, au regard de l'ensemble de ces éléments, de la nature de l'activité, de la part de la SAS Idhéa dans le chiffre d'affaires de la SAS Stolpi, le coût des charges devant être partagé avec le reste de l'activité de la société, il y a lieu de fixer le taux de marge de la SAS Stolpi sur la vente des seules salières et poivrières à 68,80 %.

La SAS Stolpi soutient aussi avoir subi, du fait de la rupture brutale des relations commerciales, une baisse considérable du chiffre d'affaires et de son résultat, une diminution certaine de sa valeur accompagnée d'une perte d'image et de renommée, une perte importante de ses investissements mis en place afin de permettre et de favoriser l'exécution des commandes régulières de salières et de poivrières passées par la SAS Idhéa ainsi que l'obligation de devoir probablement mettre fin à certains contrats de travail directement attachés à l'exécution des commandes de la SAS Idhéa. Cependant, elle n'apporte aucun élément de preuve justifiant d'un préjudice de ces chefs.

En conséquence, le préjudice de la SAS Stolpi lié à la rupture brutale des relations commerciales par la SAS Idhéa, correspondant à la perte de marge, s'élève à la somme de 59 880 euros (68,80 % x [298 407 euros x 3,5/12]).

Il y a lieu de réformer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS Idhéa à payer à la société Stolpi la somme de 101 956 euros.

Statuant à nouveau, il y a lieu de condamner la SAS Idhéa à verser à la SAS Stolpi la somme de 59 880 euros en réparation de son préjudice en raison de la rupture brutale des relations commerciales et de débouter la SAS Stolpi du surplus de ses demandes.

Sur les actes de concurrence déloyale reprochés à la SAS Stolpi

La SAS Idhéa reproche à la SAS Stolpi des actes de concurrence déloyale caractérisés par le démarchage et le détournement fautifs de la société Flunch.

En vertu des dispositions conjuguées des articles 1353 du Code civil et 9 du Code de procédure civile, il appartient à la SAS Idhéa de prouver les actes fautifs qu'elle reproche à la SAS Stolpi.

Il a déjà été relevé supra que la seule production d'une annulation de commande à la SAS Idhéa de la société Flunch au mois de novembre 2011 ne peut justifier des actes de démarchage de clients et de détournement de clientèle imputables à la SAS Stolpi.

Cette demande doit donc être rejetée. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SAS Idhéa, partie perdante, doit être condamnée aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la SAS Stolpi la somme supplémentaire de 3 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du Code de procédure civile formulée par la SAS Idhéa.

Il y a lieu de rejeter la demande de condamnation de la SAS Idhéa à toutes sommes perçues par l'huissier chargé du recouvrement de créance, en ce y compris les sommes au titre de l'article 10 du décret 96-1080 du 12 décembre 1996, modifié par le décret 2001-212 du 8 mars 2001, et le décret 2001-373 du 27 avril 2001, en sus de l'application de l'article 700 du Code de procédure civile, aux motifs que les dispositions de l'article 10 du décret 96-1080 du 12 décembre 1996, modifié par le décret 2001-212 du 8 mars 2001 ont été abrogées par décret du 29 février 2016, et que le bien-fondé de la demande n'est pas exposé par la SAS Stolpi.

Par ces motifs, LA COUR, confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné la SAS Idhéa à payer à la société Stolpi la somme de 101 956 euros, l'infirme sur ce point, et, statuant à nouveau, condamne la SAS Idhéa à verser à la SAS Stolpi la somme de 59 880 euros en réparation de son préjudice en raison de la rupture brutale des relations commerciales, Y ajoutant, condamne la SAS Idhéa aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la SAS Stolpi la somme supplémentaire de 3 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, rejette toutes autres demandes.