CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 18 octobre 2017, n° 16-14003
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Galec (SC)
Défendeur :
Distribution Casino France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mmes Mouthon Vidilles, Comte
Avocats :
Mes Olivier, Parleani, Ianniello, Fisselier, Djavadi
Faits et procédure
La société Galec est la centrale coopérative de référencement du mouvement E. Leclerc.
La société Distribution Casino France exploite sur le territoire national des hypermarchés sous l'enseigne Géant Casino.
En février 2015, la société Distribution Casino France a diffusé, sur son site Internet, une publicité contenant le message " Géant Casino l'enseigne la moins chère de France " accompagnée de la mention " vu dans que Que Choisir sur un panier composé de 80 produits Parution Février 2015 ".
Cette publicité comportait par ailleurs un onglet intitulé " La preuve ", qui renvoyait à un extrait de l'" enquête prix grande surface ", publiée dans la revue de l'UFC Que choisir de février 2015, reposant sur une comparaison de prix portant sur 6 enseignes de la grande distribution et sur un panier composé de 80 produits.
Par courrier en date du 30 janvier 2015, la société Galec a mis en demeure la société Distribution Casino France de lui communiquer différents justificatifs des relevés de prix ainsi que la liste des magasins et des produits comparés et enfin la méthodologie suivie pour relever les prix.
Le 3 février 2015, la société Distribution Casino France a renvoyé la société Galec au site internet de l'UFC Que Choisir et à son magazine du mois de février 2015.
Le 17 mars 2015, estimant que les données de l'enquête n'étaient ni accessibles sur le site de l'UFC Que Choisir, ni sur son magazine de février 2015, le Galec a fait assigner la société Distribution Casino France devant le Tribunal de commerce de Créteil aux fins de la voir condamner pour diffusion d'une publicité comparative illicite et de concurrence déloyale à son encontre.
Par jugement du 14 juin 2016, le Tribunal de commerce de Créteil a:
- dit recevable et bien fondée la fin de non-recevoir soulevée par la société Distribution Casino France et dit la société Galec irrecevable en son action à son encontre,
- dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes au fond, qu'elles soient initiales ou incidentes,
- condamné la société Galec à payer à la société Distribution Casino France la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, débouté la demanderesse du surplus de sa demande et débouté la société Galec de sa demande formée de ce chef.
- condamné la société Galec aux dépens.
LA COUR
Vu l'appel interjeté par la société Galec et ses dernières conclusions signifiées le 12 janvier 2017, par lesquelles il est demandé à la cour de:
- recevoir le Galec en son appel, et l'y disant bien fondé,
y faisant droit,
- débouter la société Distribution Casino France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- infirmer, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 14 juin 2016 par le Tribunal de commerce de Créteil,
statuant à nouveau,
vu les articles 7 a), 4 a) et 2 b) de la directive 2006/114 du 12 décembre 2006 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative portant harmonisation exhaustive,
vu les anciens articles L. 121-8 et suivants du Code de la consommation transposant la directive (nouveaux articles L. 122-1 et suivants),
vu l'ancien article 1382 du Code civil (nouvel article 1240),
vu la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne interprétant pour droit la directive 2006/114,
vu les articles 31, 32 et 46 du Code de procédure civile,
à titre liminaire,
- dire que le Galec dispose d'un intérêt à agir,
en conséquence,
à titre principal,
- dire le Galec bien fondé en toutes ses demandes,
- dire que la société Distribution Casino France a manqué à son obligation de communiquer à bref délai les éléments requis par le Galec, en violation de l'ancien article L. 121-12 du Code de la consommation (nouvel article L. 122-5),
- dire que la publicité comparative de la société Distribution Casino France, diffusée sur son site internet http://geantcasino.fr et affichée dans les magasins Géant Casino reprenant l'enquête réalisée et publiée en février 2015 par l'UFC Que Choisir ne satisfait pas aux conditions de fond requises ensemble par les dispositions de l'ancien article L. 121-8 du Code de la consommation (nouvel article L. 122-1), et par celles de l'article 7 a) de la directive 2006/114 du 12 décembre 2006 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative, et qu'elle est illicite car invérifiable,
- dire que la publicité comparative précitée de la société Distribution Casino France est trompeuse et de ce fait encore illicite,
en conséquence,
- enjoindre à la société Distribution Casino France de cesser toute diffusion sur tout support, de la publicité litigieuse dans un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard,
- interdire à la société Distribution Casino France toute publication de la publicité litigieuse sur tous supports (presse, TV, internet, radios etc.), sous astreinte définitive de 10 000 euros par support et par infraction constatée,
- condamner la société Distribution Casino France à verser au Galec la somme de 600 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale auxquels elle s'est livrée,
- ordonner la publication dans cinq journaux au choix du Galec et aux frais de la société Distribution Casino France, dans la limite de 5 000 euros par insertion, dans les 15 jours suivant la publication du jugement à intervenir du message suivant: "par jugement du XX, le Tribunal de commerce de Créteil a condamné la société Distribution Casino France au titre d'actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société SC Galec pour avoir diffusé une publicité comparative illicite",
- ordonner la publication de la décision à intervenir sur le site internet aux frais de la société Distribution Casino France http://geantcasino.fr, pendant une période ininterrompue d'un mois, dans un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard,
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
- condamner la société Distribution Casino France à verser au Galec la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Distribution Casino France aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 30 juin 2017 par la société Distribution Casino France, intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de :
vu les articles L. 121-1, L. 121-8 et L. 121-12 du Code de la consommation,
vu l'article 1382 du Code civil,
vu les articles 688 et 700 du Code de procédure civile,
vu les articles 31, 32 et 32.1 du Code de procédure civile,
vu les pièces produites et la jurisprudence versées aux débats,
à titre principal,
- dire la société Galec mal fondée en son appel,
- confirmer le jugement rendu le 14 juin 2016 par le Tribunal de commerce de Créteil en toutes ses dispositions,
en conséquence,
- déclarer la société Galec irrecevable et la débouter de son action,
à titre subsidiaire,
- débouter la société Galec de l'ensemble de ses demandes et déclarer la publicité comparative de la société Distribution Casino France licite,
- condamner la société Galec à supporter les frais de constat de la retranscription des propos de Michel-Edouard Leclerc, soit la somme de 380 euros,
à titre reconventionnel,
- condamner la société Galec à payer la somme de 1 euro pour procédure abusive et diffusion déloyale de l'assignation,
- ordonner la publication du jugement à intervenir dans cinq publications (LSA, L'express, Le Figaro, l'Obs, le Monde aux frais de la société Galec, dans la limite de 20 000 euros par insertion,
en tout état de cause,
- condamner la société Galec à payer la somme de 18 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;
SUR CE
Sur la recevabilité des demandes de la société Galec
La société Galec estime qu'en tant que société anonyme coopérative de commerçants détaillants, elle dispose du droit à agir en son nom propre, sans requérir mandat de ses adhérents, car elle conçoit et diffuse légalement les publicités de l'enseigne E. Leclerc. La société Galec rappelle également que conformément à l'article L. 124-1, 6°, 3e tiret, les sociétés coopératives peuvent, pour le compte de leurs associés, définir et mettre en œuvre par tous moyens une politique commerciale commune propre à assurer le développement de l'activité de leurs associés notamment par la réalisation d'opérations commerciales publicitaires ou non pouvant comporter des prix communs. Ainsi, la société Galec estime disposer d'un intérêt légitime à voir juger l'illicéité d'une publicité d'un concurrent du mouvement E. Leclerc, surtout lorsqu'elle contredit le message véhiculé par ses propres publicités. Par ailleurs, la société Galec soutient, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal de commerce, que son objet n'est pas limité par l'article 2 de ses statuts à " grouper les commandes de marchandises de ses membres et les transmettre aux fournisseurs en vue d'obtenir des prix de revient plus bas " puisque ses statuts prévoient également que " les services que la société se propose de rendre à ses membres ne seront ni limités ni en nature, ni en quantité " et qu'elle peut à ce titre utiliser toutes les potentialités offertes par l'article L. 124-1 du Code de commerce.
La société Galec rappelle également qu'étant une société de commerçants sous forme anonyme, elle est soumise aux dispositions de l'article L. 225-64 du Code de commerce et dispose à ce titre d'un pouvoir propre de représentation en justice.
En somme, la société Galec estime que les premiers juges ont opéré une confusion entre recevabilité de l'action et preuve du préjudice en lui reprochant de ne fournir aucune preuve que la publicité comparative invoquée avait porté atteinte à ses intérêts propres, alors que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.
La société Distribution Casino France estime qu'en matière de publicité comparative, c'est la société exploitant l'enseigne concurrente qui fait l'objet de la comparaison qui dispose seule d'un intérêt à agir à l'encontre de l'opérateur ayant procédé à la comparaison.
En outre, elle expose que l'irrecevabilité de la demande de la société Galec résulte de l'absence de mention dans son objet statutaire d'une mission relative à la création de publicités comparatives et qu'elle ne pouvait donc pas, de ce fait, valablement représenter ses membres et donc avoir intérêt à agir en contestation d'une publicité comparative d'une enseigne concurrente.
Enfin, la société Distribution Casino France ajoute que la société le Galec ne démontre pas qu'elle conçoit des publicités comparatives pour le compte de ses adhérents en application de l'article L. 124-1, 6°, 3e tiret du Code de commerce, d'autant plus que ses statuts ne lui offrent pas cette possibilité.
La société Distribution Casino France prétend en tout état de cause que même si la société Galec concevait des publicités comparatives, elle ne pourrait être considérée que comme un simple prestataire qui réalise des publicités pour ses clients qui ne saurait pouvoir agir en justice pour se prétendre victime d'une publicité comparative préjudiciable.
En vertu de l'article 31 du Code de procédure civile : " l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ". L'intérêt est une condition d'existence de toute action en justice.
La société Galec prétend agir en son nom propre en concurrence déloyale pour réparer son propre préjudice. Elle ne prétend donc pas agir au nom de ses adhérents. Elle doit démontrer un intérêt personnel à agir sur ce fondement.
Il résulte de l'article L. 124-1 du Code de commerce, que " Les sociétés coopératives de commerçants détaillants ont pour objet d'améliorer par l'effort commun de leurs associés les conditions dans lesquelles ceux-ci exercent leur activité commerciale. A cet effet, elles peuvent notamment exercer directement ou indirectement pour le compte de leurs associés les activités suivantes :
1° Fournir en totalité ou en partie à leurs associés les marchandises, denrées ou services, l'équipement et le matériel nécessaires à l'exercice de leur commerce, notamment par la constitution et l'entretien de tout stock de marchandises, la construction, l'acquisition ou la location ainsi que la gestion de magasins et entrepôts particuliers, l'accomplissement dans leurs établissements ou dans ceux de leurs associés de toutes opérations, transformations et modernisation utiles; (...)
6° Définir et mettre en œuvre par tous moyens une politique commerciale commune propre à assurer le développement et l'activité de ses associés, notamment : (...)
- par la réalisation d'opérations commerciales publicitaires ou non pouvant comporter des prix communs ;
- par l'élaboration de méthodes et de modèles communs d'achat, d'assortiment et de présentation de produits, d'architecture et d'organisation des commerces (...).
Les statuts du Galec ne contredisent pas cet objet publicitaire, puisqu'ils prévoient qu'il a pour objet d'obtenir des avantages pour ses membres et de grouper les commandes de marchandises de ses membres en vue d'obtenir des fournisseurs les prix de revient les plus bas, mais également que les services que la société se propose de rendre à ses membres ne seront limités ni en nature, ni en quantité.
Il résulte de ce qui précède que la société Galec peut, notamment, exercer directement une politique commerciale publicitaire propre à assurer le développement de ses associés. De facto, le Galec développe notoirement une activité de communication publicitaire et est en charge de la publicité de l'enseigne Leclerc. Le Galec verse aux débats, pour illustrer cette activité dans la présente affaire, la preuve qu'elle est l'éditeur du site Internet http://www.quiesestlemoinscher.com et de l'application smartphone correspondante.
Le Galec a donc un intérêt légitime personnel à voir juger l'illicéité d'une publicité d'une enseigne concurrente au groupement Leclerc, qui contredit ses propres publicités.
Son action est donc recevable.
Le Galec peut donc parfaitement, dans le cadre de son activité, agir en justice sans requérir un mandat de ses associés. Par ailleurs, il résulte de l'article 17 des statuts du Galec que le président du directoire peut valablement accomplir tout acte engageant la société. Celui-ci avait donc capacité à saisir le tribunal.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action du Galec.
Sur la licéité de la publicité comparative
La société Galec estime que la société Distribution Casino France, en tant qu'annonceur, est incapable, conformément à l'article L. 121-12 du Code de la consommation (L. 122-5 nouveau) d'apporter les preuves concernant l'exactitude matérielle des données de fait contenues dans la publicité et ce, à bref délai, rendant de facto la publicité comparative illicite.
La société Galec estime en effet que le renvoi de la société Distribution Casino France au site internet et au magazine de février 2015 de l'UFC Que Choisir est insuffisant, dès lors que n'y figurent pas :
- les relevés de prix effectués chez Géant Casino et chez E. Leclerc,
- la liste des magasins E. Leclerc et Géant Casino dans lesquels auraient été relevés les prix comparés,
- la liste exacte des produits comparés,
- la méthodologie du relevé et le traitement pour relever les prix.
Concernant les conditions de fond requises pour la licéité de la publicité comparative, la société le Galec soutient que la publicité est illicite dès lors qu'elle n'est pas vérifiable et qu'elle est, en outre, trompeuse.
La société Galec expose qu'elle n'est pas vérifiable dès lors qu'aucune indication explicite ne permet au consommateur de savoir où il doit s'adresser pour vérifier les allégations qui y sont contenues, qu'un renvoi à un magazine et à un site internet est insuffisant et qu'aucune méthodologie véritable n'est encore présentée dans ledit magazine ni même sur son site internet.
La société Galec prétend en outre que la publicité litigieuse est trompeuse dès lors qu'elle est extrapolative et que l'utilisation du logo de l'UFC Que Choisir fait croire à tort que la publicité est sérieuse et parfaitement vérifiable alors que l'UFC Que Choisir n'est pas tenue de respecter les règles applicables en matière de publicité comparative, car cette association n'est pas un " concurrent ", ni un offreur, sur le marché de la grande distribution.
La société Casino Distribution France réplique avoir parfaitement respecté l'article L. 121-12 du Code de la consommation, dès lors que les informations sollicitées par la société Galec étaient à portée de connaissance, dans la mesure où la publicité comparative se fonde explicitement sur l'enquête de prix menée par l'association de consommateur UFC Que Choisir dont le détail était consultable sur le magazine d'UFC Que Choisir de février 2015 et sur son site internet.
Elle ajoute à ce titre que, contrairement à ce que prétend l'appelante, l'ensemble des magasins comparés est parfaitement identifiable sur le site internet de l'UFC Que Choisir tout comme la méthodologie des relevés de prix et que les exigences en matière de publicité comparative n'imposent pas de préciser les calculs statistiques qui ont permis d'obtenir un prix moyen.
Concernant les conditions de fond de la licéité de la publicité comparative, la société Distribution Casino France estime que la référence identifiant l'auteur de l'enquête est largement suffisante et explicite pour le respect du caractère vérifiable de la publicité comparative.
Concernant le caractère prétendument trompeur de la publicité comparative, la société Distribution expose que l'utilisation d'une mention extrapolative qui reprend le résultat de l'enquête d'UFC Que Choisir n'est aucunement mensongère, ni déloyale et rappelle que l'utilisation de superlatifs n'est pas nécessairement incompatible avec l'exigence d'objectivité requise par les dispositions légales dès lors qu'elle n'est pas de nature à induire en erreur un consommateur d'attention moyenne.
Enfin, la société Distribution Casino France prétend que la référence à l'UFC Que Choisir et l'utilisation de son logo a été faite dans le but de délivrer une information claire et complète aux consommateurs sur la source ayant établi que Géant Casino était l'enseigne la moins chère de France et qu'il s'agit d'un procédé usuel permettant de délivrer une information claire et loyale au consommateurs et in fine, de stimuler la concurrence.
Selon l'article L. 122-5 du Code de la consommation (ancien article L. 121-12) :
"L'annonceur pour le compte duquel la publicité comparative est diffusée doit être en mesure de prouver dans un bref délai l'exactitude matérielle des énonciations, indications et présentations contenues dans la publicité".
Il résulte des éléments versés aux débats qu'en réponse aux demandes de la société Galec lui demandant de prouver l'exactitude matérielle des énonciations de la publicité litigieuse, la société Distribution Casino France a, par courrier du 3 février 2015, renvoyé à l'enquête prix réalisée par l'association UFC - Que Choisir, figurant dans le magazine du mois de février et sur le site Internet de l'association.
Or l'enquête n'était pas accessible en février 2015 sur le site de l'UFC - Que Choisir, seuls les abonnés y ayant accès, ainsi qu'il résulte d'un constat d'huissier du 5 février 2015.
Si la société Distribution Casino France prétend que ces informations étaient librement disponibles du 15 mars 2015 au 12 avril 2015 sur le site de l'UFC - Que Choisir, il résulte des éléments communiqués par la société intimée que seule était accessible à ces dates la carte interactive des supermarchés et non les détails de l'enquête qui a donné lieu à la publicité comparative litigieuse.
La seule mention figurant sur le site Internet était la suivante : " la méthodologie de notre comparateur : entre le 20 septembre et le 4 octobre 2014, Que Choisir a enquêté 3 833 magasins et relevé 307 000 prix dans les principaux réseaux de distribution alimentaire, hors hard discount. Les prix de 80 produits de marques nationales et de marques de distributeurs (MDD) achetés régulièrement par les consommateurs (épicerie, boissons, viandes, etc.) ont été relevés en magasin par nos enquêteurs ou par Internet sur les services drive. Le prix du panier moyen de référence s'élève à 377 euros mais comporte de fortes disparités d'un magasin à l'autre. Grâce à notre carte interactive, accédez aisément aux résultats à côté de chez vous. Sur cette carte vous trouverez pour chaque magasin enquêté, le prix du panier moyen mais aussi l'indice des prix de chaque rayon ".
Or, la vérifiabilité des informations suppose que le consommateur puisse avoir, au seul vu de chacune des publicités, connaissance du lieu ou du site où il peut accéder à la méthodologie. Les informations ci-dessus ne permettent pas de vérifier la véracité de la publicité litigieuse, aucun relevé de prix effectué au sein des enseignes ne figurant, ni dans la revue de l'UFC Que Choisir, ni sur son site Internet. Par ailleurs la liste des magasins dans lesquels les prix ont été relevés, la liste des produits comparés, et la méthodologie des relevés n'y sont pas davantage indiquées.
L'intimée ne peut se retrancher, pour échapper à sa responsabilité, derrière l'existence d'un moteur de recherche figurant sur le site Internet de l'UFC - Que Choisir, permettant aux consommateurs d'identifier les magasins comparés les plus proches de chez eux et, parmi eux, d'obtenir par zone leur classement selon le prix du panier moyen, et donc de mettre en évidence le magasin présentant le panier le moins cher. En effet ce moteur de recherche ne dit rien de la façon dont est calculé ce panier de 80 produits.
Elle ne peut davantage se retrancher derrière la liberté commerciale des opérateurs pour choisir les articles faisant l'objet de la publicité comparative, car ce qui est en cause dans le présent litige n'est pas le choix des articles en soi, mais la transparence dans ce choix, afin de permettre la comparaison entre les produits des diverses enseignes faisant l'objet de la publicité comparative.
La circonstance que le Galec ait pu utiliser localement à son profit l'étude d'UFC - Que Choisir ne saurait davantage exonérer la société Distribution Casino France.
Enfin, le label UFC-Que Choisir ne saurait dispenser l'enseigne qui diffuse la publicité comparative et reprend à son compte les résultats de l'étude de l'UFC Que Choisir de satisfaire aux prescriptions de l'article L. 121-12 du Code de la consommation auquel cette association n'est elle-même pas soumise.
Il ne peut en revanche être prétendu que la publicité comparative litigieuse constitue une tromperie par " mention extrapolative ". En effet la mention " Géant Casino l'enseigne la moins chère de France " est aussitôt tempérée par la mention selon laquelle cette qualité est limitée à un panier composé de 80 produits, ce qui vient nuancer l'affirmation générale. Enfin, l'utilisation du logo de l'UFC - Que Choisir ne peut en soi tromper le consommateur en donnant un label de qualité à l'étude de référence. En effet, cette étude n'est pas critiquée en soi ; seule l'absence de transparence de la méthodologie est en cause.
Il y a donc lieu de déclarer illicite la publicité comparative litigieuse pour défaut de vérifiabilité.
Cette pratique est susceptible d'avoir altéré temporairement le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard des biens vendus par le groupe Leclerc.
Sur le préjudice
La société Galec estime avoir subi un préjudice en termes d'attractivité globale, compte tenu de la vive concurrence entre les enseignes de la grande distribution. Elle sollicite à ce titre la réparation de son préjudice à hauteur de 600 000 euros.
La société Casino Distribution France réplique que la société Galec ne justifie pas avoir subi un quelconque préjudice directement imputable à des pratiques mises en œuvre par la société Distribution Casino France, dès lors que la société Galec ne saurait être considérée comme un concurrent des magasins Géant Casino.
Lorsque la pratique de concurrence déloyale alléguée est constituée par la commission de pratiques commerciales déloyales, ou la violation d'une réglementation, le demandeur doit démontrer que cette pratique lui cause un préjudice personnel en résultant directement.
Or, si le GIE demande, en dédommagement des détournements potentiels de clients résultant de la pratique litigieuse, l'allocation de la somme de 600 000 euros, il ne justifie d'aucun préjudice en lien direct avec la pratique litigieuse, car il n'est pas lui-même dans une situation de concurrence avec la société Distribution Casino France, s'agissant de la distribution de biens et services, seuls ses adhérents du groupement Leclerc étant dans une telle position. Il relève par ailleurs un effet indirect potentiel sur les prix qu'il négocie avec les fournisseurs, en page 34 de ses observations, mais n'expose pas davantage en quoi cette pratique lui serait personnellement préjudiciable. Il y a donc lieu de rejeter sa demande de condamnation de la société Distribution Casino France à lui payer la somme de 600 000 euros.
Sur les demandes d'injonction et de publication
Faute de démontrer son préjudice personnel résultant de la pratique, ses demandes d'injonction et de publication seront de même rejetées.
Sur les demandes reconventionnelles de la société Distribution Casino France
La société Distribution Casino France sollicite la condamnation de la société Galec au paiement d'une somme de 1 euro pour procédure abusive et une publication de la décision à intervenir dans cinq publications aux frais de la société Galec, dans la limite de 20 000 euros par insertion.
Mais la société intimée ne démontre pas que l'action de la société Galec ait dégénéré en abus de droit. Par ailleurs, la mention dans l'Express selon laquelle " Leclerc assigne Casino en justice ", dont il n'est pas démontré qu'elle soit imputable à la société Galec elle-même, ne saurait à elle seule fonder une demande d'indemnisation pour communication déloyale de son intention de saisir la justice.
Enfin, en l'absence de démonstration de toute faute de la part de la société Galec, la demande de publication de la société Distribution Casino France sera rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les deux parties succombant partiellement, il sera fait masse des dépens de première instance et d'appel et chacune d'entre elles en supportera la moitié. Il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes de chacune d'elles fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, infirme le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, déclare la société Le Galec recevable à agir, y ajoutant, déclare illicite la publicité comparative litigieuse, déboute la société Distribution Casino France de ses demandes de réparation de son préjudice, rejette les demandes reconventionnelles de la société Distribution Casino France, fait masse des dépens de première instance et d'appel, condamne la société Distribution Casino France et la société Le Galec à en supporter la moitié chacune, rejette les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile.