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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 1, 12 octobre 2017, n° 16-03078

DOUAI

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ah Ah (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mmes Vercruysse, Aldigé

TGI Saint-Omer, du 8 avril 2016

8 avril 2016

Faits et procédure

Par acte authentique du 21 novembre 2012, reçu par Me B., notaire à Hardelot, l'EURL AH AH a acheté à Mme Van L. une péniche dénommée " Vaporetto ", moyennant le prix de 90 000 euros, cette vente étant concomitante à l'acquisition par l'EURL AH AH d'un fonds de commerce de discothèque qui est exploité au sein de celle-ci sous le nom " L'amiral ".

Suivant la visite de la commission de contrôle et de sécurité de la commune de Saint-Omer, intervenue le 4 juillet 2013, il a été précisé à l'EURL AH AH que la péniche devait faire l'objet d'un examen approfondi de sa coque tous les 10 ans et que le prochain contrôle devait être effectué avant le 16 janvier 2014.

Par acte d'huissier en date du 21 avril 2015, l'EURL AH AH a fait assigner Mme Van L. près le Tribunal de grande instance de Saint-Omer aux fins de la voir condamner, sur le fondement des articles 1116 et 1147 du Code civil, au paiement des sommes de 103 272,14 euros en réparation du préjudice matériel et à la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral.

Par jugement contradictoire en date du 8 avril 2016, le Tribunal de grande instance de Saint-Omer a :

- débouté l'EURL AH AH de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté Mme Van L. de sa demande reconventionnelle et de sa demande de condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné l'EURL AH AH aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Me G. conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

L'EURL AH AH a interjeté appel de ce jugement le 18 mai 2016.

Aux termes de ses conclusions d'appel récapitulatives signifiées par voie électronique le 19 décembre 2016, l'EURL AH AH demande à la cour d'appel, au visa des articles 1116,1135, 1184, 1382, 1604, 1641 et 1645 du Code civil, de :

Sur la réticence dolosive,

- constater le défaut d'information par Mme Van L. de la nécessité de passer un contrôle périodique ;

- juger que Mme Van L. a fait preuve d'une réticence dolosive à son égard en ne révélant pas la nécessité de passer un contrôle périodique, et en ne communiquant pas le " certificat bateau " ;

- juger que la réticence dolosive lui a fait subir un préjudice financier et moral ;

- condamner Mme Van L. à lui payer les sommes de :

- 19 548 euros pour procéder à la mise en cale sèche de la péniche pour qu'il soit procéder au contrôle de la coque,

- 3 312,36 euros au titre des frais de reprise des installations électriques qui n'étaient pas aux normes,

- 3 180 euros pour sortir la péniche,

- 3 816 euros pour sortir la péniche,

- 2 640 euros pour les frais de sondage de la coque et examen de l'électricité,

- 36 764,40 euros pour les frais de remise en état de la péniche,

- 733,95 euros pour la facture de résiliation de l'abonnement EDF durant les travaux,

- 749,43 euros pour les travaux réalisés sur la péniche afin qu'elle puisse passer sous un pont (démontage de la cabine),

- 32 528 euros au titre de la perte de chance de l'exploitation de son fonds de commerce ;

- 20 000 euros en réparation du préjudice moral,

Sur la garantie des vices cachés,

- constater l'existence de vices cachés ;

- juger que Mme Van L. avait connaissance de ces vices avant la vente conclue le 21 novembre 2012 ;

- condamner Mme Van L. à lui payer les sommes de :

- 19 548 euros pour procéder à la mise en cale sèche de la péniche pour qu'il soit procéder au contrôle de la coque,

- 3 312,36 euros au titre des frais de reprise des installations électriques qui n'étaient pas aux normes,

- 3 180 euros pour sortir la péniche,

- 3 816 euros pour sortir la péniche,

- 2 640 euros pour les frais de sondage de la coque et examen de l'électricité,

- 36 764,40 euros pour les frais de remise en état de la péniche,

- 733,95 euros pour la facture de résiliation de l'abonnement EDF durant les travaux,

- 749,43 euros pour les travaux réalisés sur la péniche afin qu'elle puisse passer sous un pont (démontage de la cabine),

- 32 528 euros au titre de la perte de chance de l'exploitation de son fonds de commerce ;

- 20 000 euros en réparation du préjudice moral,

Sur l'absence de délivrance conforme,

- constater l'absence de délivrance conforme de la chose vendue ;

- condamner Mme Van L. à lui payer les sommes de :

- 19 548 euros pour procéder à la mise en cale sèche de la péniche pour qu'il soit procéder au contrôle de la coque,

- 3 312,36 euros au titre des frais de reprise des installations électriques qui n'étaient pas aux normes,

- 3 180 euros pour sortir la péniche,

- 3 816 euros pour sortir la péniche,

- 2 640 euros pour les frais de sondage de la coque et examen de l'électricité,

- 36 764,40 euros pour les frais de remise en état de la péniche,

- 733,95 euros pour la facture de résiliation de l'abonnement EDF durant les travaux,

- 749,43 euros pour les travaux réalisés sur la péniche afin qu'elle puisse passer sous un pont (démontage de la cabine),

- 32 528 euros au titre de la perte de chance de l'exploitation de son fonds de commerce ;

- 20 000 euros en réparation du préjudice moral,

Sur les accessoires,

- condamner Mme Van L. à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP D.F. par application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

L'EURL AH AH soutient :

- sur la réticence dolosive,

- qu'elle n'a appris qu'elle devait faire procéder périodiquement à un examen approfondi de la coque que lors d'une visite de la commission de contrôle et de sécurité de la ville de Saint-Omer, et qu'en ces circonstances Mme Van L. a manqué à ses devoirs de conseil et d'information ; que Mme Van L. ne conteste pas avoir eu connaissance de ces informations ;

- que le certificat bateau n'a pas été annexé à l'acte de cession authentique dressé par Me B., qui n'était pas informé de l'obligation de visite périodique ;

- qu'elle ne sollicite pas l'annulation du contrat mais la réparation du préjudice qu'elle a subi en raison des travaux nécessaires pour ce contrôle périodique ainsi que du manque à gagner résultant de l'indisponibilité de la péniche ;

- sur la garantie des vices cachés,

- que la demande qu'elle formule sur le fondement de la garantie des vices cachés ne constitue pas une prétention nouvelle puisqu'elle tend également à la réparation du préjudice qu'elle a subi ;

- qu'elle était profane en matière d'acquisition de bateau et que les vices dont était affectée la péniche n'ont été décelés que suivant une expertise qu'elle a diligentée ;

- que le pré-rapport d'expertise dressé le 25 avril 2014 a révélé de nombreuses anomalies affectant la péniche de sorte qu'elle a dû effectuer des travaux tendant à la remise en état (conformité) de celle-ci ; que le rapport établi le 2 juin 2014 fait état desdits travaux ;

- que Mme Van L. ne pouvait pas ignorer l'état réel de la péniche et l'importance des travaux de remise en état et que si elle avait eu connaissance de ces éléments, elle se serait intéressée aux données techniques utiles de la péniche ;

- sur l'absence de délivrance conforme,

- que l'activité pour laquelle elle avait fait l'acquisition de la péniche a été interrompue en raison de la remise en état de celle-ci afin d'obtenir le certificat bateau ;

- sur la réparation du préjudice,

- qu'elle est fondée à demander la réparation des préjudices qu'elle a subis décomposés comme suit :

- 19 548 euros pour procéder à la mise en cale sèche de la péniche pour qu'il soit procéder au contrôle de la coque,

- 3 312,36 euros au titre des frais de reprise des installations électriques qui n'étaient pas aux normes,

- 3 180 euros pour sortir la péniche,

- 3 816 euros pour sortir la péniche,

- 2 640 euros pour les frais de sondage de la coque et examen de l'électricité,

- 36 764,40 euros pour les frais de remise en état de la péniche,

- 733,95 euros pour la facture de résiliation de l'abonnement EDF durant les travaux,

- 749,43 euros pour les travaux réalisés sur la péniche afin qu'elle puisse passer sous un pont (démontage de la cabine),

- 32 528 euros au titre de la perte de chance de l'exploitation de son fonds de commerce ;

- 20 000 euros en réparation du préjudice moral.

Aux termes de ses conclusions d'appel récapitulatives signifiées par voie électronique le 4 avril 2017, Mme Van L. demande à la cour d'appel, au visa des articles 1116 et suivants, 1382 et suivants, 1641 et suivants et 1604 anciens du Code civil, 564 du Code de procédure civile, de:

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté l'EURL AH AH de ses demandes à son encontre ;

- déclarer irrecevables les demandes de l'EURL AH AH au titre de la garantie des vices cachés et de la délivrance conforme comme constituant des prétentions nouvelles ;

- Subsidiairement, les déclarer mal fondées ;

- débouter l'EURL AH AH de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Reconventionnellement, condamner l'EURL AH AH à lui verser la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner l'EURL AH AH à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens tant de première instance que d'appel, dont distraction au profit de Me G..

Mme Van L. fait valoir :

- sur la réticence dolosive,

- que l'EURL AH AH ne saurait soutenir que l'information relative à l'existence d'une obligation périodique de contrôle n'a pas été portée à sa connaissance dès lors qu'à l'occasion des visites de la péniche ainsi que lors de la réalisation de la vente, il a été indiqué à Mme P., gérante, le fait que la coque du navire avait été contrôlée en 2009 et que le certificat de bateau était valable jusqu'en 2014 ; qu'en outre, il n'existe pas d'obligation légale pour le vendeur personne physique non professionnel d'un bateau de communiquer pareille information ;

- que l'EURL AH AH ne rapporte pas la preuve de la réticence dolosive qu'elle invoque, ni que l'information litigieuse avait un caractère déterminant sans laquelle elle n'aurait pas contracté ;

- sur la garantie des vices cachés,

- que la demande de l'EURL AH AH fondée sur la garantie des vices cachés constitue une prétention nouvelle de sorte qu'elle est irrecevable ;

- que l'EURL AH AH ne démontre pas l'existence de vices cachés affectant la péniche antérieurement à la vente ; qu'en outre, les éléments qu'elle invoque pour fonder sa demande sont des éléments apparents et qu'elle a pu en prendre connaissance lors des visites de la péniche ;

- sur la délivrance conforme,

- que la demande de l'EURL AH AH fondée sur la délivrance conforme constitue une prétention nouvelle de sorte qu'elle est irrecevable ;

- que la péniche délivrée était conforme à l'usage auquel elle était destinée dès lors que l'activité entreprise a pu être exercée préalablement au contrôle et à sa réouverture ;

- qu'elle est recevable à prétendre au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive eu égard à la mauvaise foi de l'EURL AH AH.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

Motifs de la décision

Sur la recevabilité des prétentions de l'EURL AH AH

Selon l'article 564 du Code de procédure civile, " à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelle prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ".

L'article 565 du même code dispose que " les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendant aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ".

Il résulte du dispositif et des motifs développés en première instance par l'EURL AH AH, tels que relatés dans le jugement déféré, que l'appelante, au visa de l'article 1116 ancien du Code civil et en reprochant Mme Van L. une réticence dolosive aux motifs qu'elle ne lui a pas indiqué au moment de la vente la nécessité de repasser une visite périodique peu de temps après la conclusion du contrat de vente, avait notamment demandé au Tribunal de grande instance de condamner cette dernière au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

En cause d'appel, l'EURL AH AH se fonde également sur l'article 1116 du Code civil, ainsi que sur les articles 1604 et suivants et 1641 et suivants du Code civil pour prétendre à l'allocation de dommages et intérêts.

Dès lors, que sa demande tend aux mêmes fins que celle soumise au premier juge, à savoir la réparation de son préjudice par l'allocation de dommages et intérêts, les demandes de l'appelante qui ne fait qu'ajouter des fondements juridiques au stade de l'appel sont au visa de l'article 565 Code de procédure civile recevables.

Au fond

À titre liminaire, il y a lieu de préciser qu'il sera fait application des dispositions du Code civil dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l'obligation.

Sur la réticence dolosive

Aux termes de l'article 1108 du Code civil, quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention: le consentement de la partie qui s'oblige, sa capacité de contracter, un objet certain qui forme la matière de l'engagement, une cause licite dans l'obligation.

Il ressort de l'article 1109 du Code civil, qu'il n'y a point de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

Aux termes des dispositions de l'article 1116 du Code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit se prouver.

En vertu des dispositions de l'article 1134 du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Ainsi, le dol suppose :

- une manœuvre, un mensonge ou une réticence dolosive : le dol peut ainsi être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter,

- que l'auteur des manœuvres, mensonge ou réticence doit avoir agir intentionnellement pour tromper le cocontractant,

- que la victime du dol doit avoir commis une erreur dans son consentement.

Les manœuvres, les mensonges, ou la réticence du créancier doivent avoir été déterminants du consentement et doivent émaner du cocontractant.

Il appartient à celui qui se prévaut du dol, d'en apporter la preuve.

L'EURL AH AH affirme que Mme Van L. s'est gardée de délivrer toutes les informations précises relatives à la vente de la péniche, notamment de lui avoir dissimulé l'existence du certificat bateau et de la nécessité d'effectuer à court terme un contrôle de l'état de la péniche.

Le certificat bateau est versé aux débats et a été tenu à jour, la dernière visite de la coque de la péniche ayant été effectuée le 22 juin 2009. Il est indiqué que la prochaine visite à sec devra être réalisée le 16 janvier 2014. La preuve n'est pas rapportée que ce document ou des éléments relatifs à l'entretien de la péniche n'a pas été remis à l'EURL AH AH lors de la transaction même s'il n'est pas amené à l'acte de vente.

En tout état de cause, ce document ne révèle pas d'anomalie susceptible d'affecter la vente. La révision de la coque devait avoir lieu 14 mois plus tard, avec une périodicité quinquennale ce qui ne traduit pas une révision à proximité de la vente.

Les parties produisent des attestations sur les informations délivrées lors de la vente mais celle-ci ne seront pas retenues compte tenu de leur propos contradictoires.

Il n'est pas contesté que les parties étaient profanes en ce domaine, Mme Van L. n'étant soumise à aucune obligation d'information et de conseil renforcée, elle n'était donc pas tenue de délivrer d'autres informations que celles communiquées lors de la vente. Ainsi, l'acheteur qui entendait faire l'acquisition de la péniche à titre professionnel pour exploiter un fonds de commerce de discothèque, ne pouvait ignorer que dans le cadre d'une vente de cette nature, les établissements chargés de recevoir du public, au surplus sur un navire, obéissent à des règles de sécurité renforcées et font l'objet de visites périodiques.

Enfin, il y a lieu d'observer que la vente de la péniche a été établie par acte authentique en date du 21 novembre 2012, reçu par Me B., notaire à Hardelot et que tant les caractéristiques du bateau que les informations relatives aux parties ont été formellement mentionnées.

Force est de constater que, l'EURL AH AH ne caractérise pas de manœuvres ou réticences commises par Mme Van L. afin qu'elle demeure dans l'ignorance de l'état du bateau sur des points qu'elle savait déterminants pour son cocontractant et qui l'auraient conduite à contracter ledit contrat.

En conséquence, l'EURL AH AH sera déboutée de sa demande d'allocation de dommages et intérêts sur ce fondement juridique.

Sur la garantie des vices cachés

Aux termes de l'article 1641 du Code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, " le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rende impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un prix moindre, s'il les avait connus ".

Il en résulte que la mise en jeu de la garantie des vices cachés est subordonnée aux conditions suivantes :

- le défaut affectant la chose est caché, l'article 1642 du même code précisant que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre ; le caractère caché ou apparent d'un vice s'apprécie in concreto;

- ce défaut doit rendre la chose impropre à l'usage auquel on la destine, ou en diminuer tellement l'usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou en aurait donné un moindre prix s'il l'avait connu. Le vice s'apprécie par rapport à la destination de la chose selon une conception fonctionnelle, la destination pouvant être immuable ou varier selon la perspective retenue par les parties,

- le vice doit être existant lors de la vente elle-même, précisément à l'instant du transfert de propriété.

Aucune indication n'a été fournie sur la présentation de la péniche lors de la vente ; il résulte de l'acte notarié que le bien vendu est un bateau de navigation, établissement flottant recevant du public.

En l'espèce, il résulte du procès-verbal dressé par la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité, après la visite de la péniche réalisée le 4 juillet 2013, soit sept mois après la transaction, qu'elle a émis un avis favorable à l'exploitation de la discothèque l'Amiral.

Elle a formulé les observations suivantes : fournir sans délai le rapport de climatisation ; changer les carreaux/vitres fissurées ; fixer les extincteurs ; s'assurer du bon fonctionnement des portes des issues de secours ; interdire toute coupure de l'alimentation générale en cas de déclenchement d'alarme ; vérifier que l'inclinaison légère de la péniche ne s'aggrave pas et en déterminer la cause ; verrouiller les accès aux bords de la péniche situés à l'extérieur ; ne jamais installer de fauteuils devant ou à proximité de radiateur électrique.

Il résulte du rapport de visite de la péniche réalisée par la société Vnfd le 25 avril 2014, que les travaux à réaliser, en vu de l'obtention du certificat communautaire plaisance, sont les suivants :

- rendre la cloison de peack (réservoir d'eau) avant étanche,

- nettoyer le peack en prévoyant une cuve pour les eaux usées,

- obturer le bouteur,

- faire fonctionner le treuil avant,

- couronner les rivets défectueux au droit des bordés,

- sécuriser les zones de travail,

- rendre étanche la cloison des salles de machines,

- démotoriser la salle des machines ou la mettre en conformité,

- sécuriser les entrées et sorties d'eaux à charge de les supprimer si elles ne sont pas utiles,

-pose d'une tôle d'usure " plat bord " sous fond devant la cloison de salle des machines comme indiqué sur le plan de sondage.

- remplacer la partie plate du fond de la salle des machines, doubler les parties arrondies

- réaliser un traitement anticorrosion efficace du fond et des bordés pour la partie immergée,

- traiter les bordés intérieurs contre la corrosion et l'humidité. Voir ultérieurement leur remplacement.

Si l'EURL AH AH a été contrainte de faire procéder à un contrôle de la coque de la péniche en avril 2014 et à des travaux de remise en état, elle ne démontre pas que lors de la vente, la péniche présentait un ou plusieurs défauts la rendant impropre à l'usage auquel elle était destinée, ou en diminuait réellement son usage.

A la suite de ces constatations, l'EURL AH AH a fait réaliser des travaux de mise en sécurité pour 3312,36 euros, des travaux de remise en état d'une péniche sans précision pour un montant de 28 237 euros. Sont également versées aux débats des factures d'achat de matériel.

Si l'EURL AH AH justifie avoir été amenée à effectuer des travaux sur la péniche notamment pour consolider sa coque, elle ne rapporte pas la preuve que lorsqu'elle l'a acquise18 mois auparavant, celle-ci était impropre à sa destination ou que son usage en était diminué alors même que la commission de sécurité avait donné un avis favorable à son exploitation et qu'elle a réellement exploité une activité de discothèque sur la péniche, immédiatement après son acquisition.

En conséquence, l'EURL AH AH sera déboutée de sa demande tendant à l'allocation de dommages et intérêts sur ce fondement juridique.

Sur la délivrance non conforme

L'article 1604 du Code civil énonce que la délivrance est le transport de la chose en la puissance et possession de l'acheteur.

Sur ce fondement le vendeur est tenu de livrer une chose conforme à l'usage auquel les parties ont convenu entre elles.

L'EURL AH AH a acquis une péniche afin d'y exercer une activité de discothèque. Elle se plaint d'avoir été amenée à interrompre son activité afin de faire procéder aux travaux indispensables à l'obtention du certificat permettant la poursuite de celle-ci

Comme il a été rappelé, l'EURL AH AH a obtenu le 4 juillet 2013 un avis favorable à l'exploitation de la discothèque l'Amiral et a exercé son activité durant 18 mois avant d'entreprendre des travaux de consolidation de la péniche.

L'EURL AH AH se prévaut de l'absence de délivrance du certificat bateau pour justifier de la non-conformité de la péniche. Il est versé aux débats un certificat de bateau en date du 22 juin 2009. Il est indiqué que la prochaine visite à sec devra être réalisée le 16 janvier 2014. Lors de la vente du bateau par acte du 21 novembre 2012, le certificat avait été régulièrement délivré à la date du 22 juin 2009.

Il est mentionné sur le certificat de bateau qu'il s'agit d'un bateau non motorisé, de type établissement flottant discothèque.

Il résulte des éléments comptables versés aux débats qu'au 31 décembre 2013, l'exploitation avait duré 13 mois ce qui signifie qu'elle a débuté au mois de décembre 2012, la péniche ayant été acquise le 21 novembre 2012.

L'EURL AH AH ne démontre pas qu'elle a acquis une péniche non conforme aux caractéristiques convenues entre les parties. Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts formulée par l'intimée pour procédure abusive

Il résulte de l'article 1382 du Code civil, qu'une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s'être défendue que si l'exercice de son droit a dégénéré en abus. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas, en soi, constitutive d'une faute, l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par le tribunal.

En l'espèce, l'appréciation inexacte de la situation par l'appelante n'a pas dégénéré en abus, et il y a lieu de débouter l'intimée de sa demande de dommages et intérêts formulée à ce titre.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

En l'espèce, L'EURL AH AH qui succombe en ses prétentions, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

Il convient d'allouer à Mme Van L. la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

Par ces motifs, Déclare recevables les demandes de l'EURL AH AH au titre de la garantie des vices cachés et de la délivrance non conforme, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté l'EURL AH AH de ses demandes tendant à constater la réticence dolosive de Mme Van L. et à la condamner à lui payer les sommes de 103 272,14 euros en réparation de son préjudice matériel et 20 000 euros en réparation de son préjudice moral et Mme Van L. de sa demande reconventionnelle, sur les dispositions relatives à l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens, Y ajoutant, Déboute l'EURL AH AH de ses demandes d'indemnisation sur le fondement de la délivrance non conforme et des vices cachés, Condamne l'EURL AH AH à payer à Mme Van L. la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties du surplus de leurs demandes ; Condamne l'EURL AH AH aux dépens de la procédure d'appel.