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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 6 octobre 2017, n° 16-12522

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ferrero (Sté), Ferrero France Commerciale (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mmes Renard, Douillet

TGI Paris, du 10 dec. 2015

10 décembre 2015

Faits, procédure et prétentions des parties

La société de droit italien Ferrero Spa se présente comme leader sur le marché de la confiserie de chocolat en France, en Italie et en Allemagne. Elle indique être à l'origine de produits de renommée mondiale tels que les produits Kinder initiés en Italie en 1968 et en France en 1975.

Ses produits sont distribués, et pour certains, fabriqués, en France par la société Ferrero France aux droits de laquelle se trouve la société Ferrero France Commerciale.

La société Ferrero Spa est notamment titulaire de la marque internationale n° 857 928, désignant la France, enregistrée le 6 juin 2005 pour désigner les " biscuits, gâteaux, pâtisserie et confiserie, chocolat " de la classe 30 de la classification internationale, et régulièrement renouvelée selon publication du 25 juin 2015.

La société Ferrero Spa indique avoir constaté lors du salon International de l'Agroalimentaire ayant lieu à Villepinte, au mois d'octobre 2014, que la société turque Elvan Gida Sanayii Ve Ticaret Anonim Sirketi exposait, proposait et offrait en vente un produit de biscuiterie /pâtisserie au chocolat dont elle estime la présentation contrefaisante de ses droits sur la marque invoquée.

Dûment autorisée par ordonnance présidentielle obtenue sur requête le 21 octobre 2015, la société Ferrero Spa a fait procéder le 22 octobre 2014 à une saisie contrefaçon sur le stand de la société turque Elvan Gida Sanayii Ve Ticaret Anonim Sirketi tenu au salon international de l'Agroalimentaire Villepinte avant de faire assigner cette dernière le 19 novembre 2014 devant le Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marque et concurrence déloyale et parasitaire.

Par jugement contradictoire en date du 10 décembre 2015, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de grande instance de Paris a :

- débouté la société Ferrero Spa de ses demandes fondées sur la contrefaçon,

- débouté la société Ferrero France de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale,

- dit que la société Elvan Gida Sanayii Ve Ticaret Anonim Sirketi a commis des agissements parasitaires fautifs au préjudice des sociétés Ferrero Spa et Ferrero France,

- condamné la société Elvan Gida Sanayii Ticaret Anonim Sirketi à verser à chacune des deux sociétés Ferrero Spa et Ferrero France, la somme de 2 000 euros, soit la somme de 4 000 euros au total, en réparation de leur préjudice,

- débouté les sociétés Ferrero Spa et Ferrero France du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Elvan Gida Sanayii Ticaret Anonim Sirketi à verser à chacune des deux sociétés Ferrero Spa et Ferrero France, la somme de 2 000 euros, soit la somme de 4 000 euros au total, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Elvan Gida Sanayii Ticaret Anonim Sirketi aux entiers dépens, dont distraction dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile,

Les sociétés Ferrero SPA et SA Ferrero France ont interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 7 juin 2016.

Par conclusions contenant intervention volontaire de la société Ferrero France Commerciale venant aux droits de la société Ferrero France en date du 5 septembre 2016, les sociétés Ferrero SPA et SA Ferrero France demandent à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondée la société Ferrero France Commerciale venant aux droits de la société Ferrero France en son intervention volontaire et comme telle appelante, et y faire droit,

- déclarer recevables et fondées les sociétés Ferrero SpA et Ferrero France Commerciale en leur appel partiel et y faisant droit,

- infirmer partiellement le jugement du 10 décembre 2015, en ce qu'il n'a pas retenu la commission par l'intimée d'actes de contrefaçon de la marque internationale enregistrée sous le n° 857 928 et prise en sa partie française, en application de l'Article L. 713-3 b) du Code de la propriété intellectuelle, et par voie de conséquence d'actes de concurrence déloyale correspondants à l'endroit de la société Ferrero France Commerciale,

- infirmer partiellement le jugement du 10 décembre 2015 sur le quantum des préjudices subis par les appelantes en raison des agissements parasitaires constatés et jugés comme tels, à hauteur de 2. 000 euros chacune,

- confirmer le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau de ces seuls chefs,

- déclarer les sociétés appelantes recevables et bien fondées en toutes leurs demandes,

- dire que par les adoptions et usages incriminés, la société Elvan a commis à l'endroit de la société Ferrero SpA des actes de contrefaçon de sa marque internationale n° 857 928 et prise en sa partie française, en application de l'Article L. 713-3 b) du Code de la propriété intellectuelle,

- dire que les faits incriminés au titre de cette contrefaçon de la marque internationale n° 857 928 et prise en sa partie française constituent autant d'actes fautifs de concurrence déloyale à l'endroit de la société Ferrero France en application des articles 1382 et suivants du Code civil (devenu article 1240 du code Civil),

- dire qu'en raison des agissements parasitaires à juste titre constatés et jugés comme tels par le tribunal, la réparation des préjudices en résultant doit être réévaluée,

En conséquence,

- condamner l'intimée à verser à la société Ferrero SpA la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la contrefaçon de marque, et à la société Ferrero France Commerciale la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la concurrence déloyale,

- condamner l'intimée à verser à chacune des appelantes la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices respectivement subis au titre des agissements parasitaires,

- condamner l'intimée à verser à chacune des appelantes la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés dans le cadre de la procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner l'intimée en tous les dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de leur conseil en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La société de droit turc turque Evan Gida Sanayii Ve Ticaret Anonim Sirketi n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel, traduite en langue turque, lui a été régulièrement signifiée par acte d'huissier du 3 août 2016 remis le 22 septembre 2016 selon certificat de notification des autorités turques du 29 novembre 2016. Les conclusions d'appel du 5 septembre 2016, également traduites en langue turque, lui ont été régulièrement signifiées par acte d'huissier du 16 septembre 2016 remis le 10 novembre 2016 selon certificat de notification des autorités turques du 29 novembre 2016.

Les sociétés Ferrero SPA et SA Ferrero France ont pris de nouvelles écritures le 22 mars 2017 et 17 mai 2017 qui n'ont pas été signifiées à la société intimée défaillante. En conséquence' seules les conclusions régulièrement signifiées à la société Elvan Gida Sanayii Ve Ticaret Anonim Sirketi (ci-après la société Elvan) sont contradictoires à l'égard de cette dernière.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 mai 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la contrefaçon de la marque

Considérant qu'il a été dit que la société Ferrero SpA est titulaire de la marque internationale désignant la France, figurative, enregistrée en blanc, orangé, gris et bleu ciel le 6 juin 2005 sous le n° 857 928, pour désigner notamment en classe 30 les " biscuits, gâteaux, pâtisserie et confiserie, chocolat " et régulièrement renouvelée selon publication du 25 juin 2015 ;

Que cette marque est ainsi représentée :

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats et notamment du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé sur le stand de la société Elvan se trouvant au salon SIAL 2014 de Villepinte, et du procès-verbal de constat du même jour, que cette société présentait des produits Today dans un présentoir situé au centre du stand le long de l'allée et que 4 exemplaires du produit Today croissants étaient exposés dans ce présentoir ;

Considérant que le produit incriminé se présente comme suit :

Que les signes en présence étant différents, c'est au regard de l'article 713-3 b) du Code de la Propriété Intellectuelle qui dispose que " sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ", qu'il convient d'apprécier la demande en contrefaçon ;

Qu'il y a lieu plus particulièrement de rechercher si, au regard d'une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits désignés, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public concerné ;

Que les produits commercialisés sous le signe incriminé sont identiques, ou à tout le moins similaires, aux produits visés dans l'enregistrement de la marque n° 857 928 en ce qu'elle vise en classe 30 les " biscuits, gâteaux, pâtisserie et confiserie, chocolat " ;

Que l'appréciation de la similitude visuelle et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants ;

Que d'un point de vue visuel, la marque opposée est composée d'un élément figuratif de couleur blanche, orange, grise et bleue ciel représentant une vague dont les ondulations sont orientées vers la droite et d'où s'échappent des gouttes de lait ; que ni le caractère distinctif ni l'exploitation du signe dans la vie des affaires ne sont discutés ;

Que le signe incriminé figure quant à lui parmi différents éléments constitutifs d'un paquet de biscuits immédiatement identifié par la mention " Today " inscrite en lettres rouges et dominantes au milieu du paquet, en haut de sa partie blanche, outre la représentation des dits biscuits et de noisettes ainsi que des mentions " Croissant " et " Mini " ; que figure en bas du paquet une ligne rouge constituée d'ondulations sinusoïdales régulières qui évoque une frise, le haut du paquet étant constitué également d'une bande rouge mais qui, pour être inversée et beaucoup plus large n'en constitue pas la répétition ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que nonobstant l'identité ou la similarité des produits concernés, la faible similitude entre les signes en cause pris dans leur ensemble exclut tout risque de confusion pour le consommateur d'attention moyenne ;

Que, par ailleurs, si la notoriété de la marque antérieure est susceptible d'aggraver le risque de confusion entre les signes, encore faut-il qu'il existe des ressemblances entre eux telles que ce risque de confusion soit caractérisé ;

Que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté la société Ferrero SpA de ses demandes formées au titre de la contrefaçon de marque ;

Sur la concurrence déloyale et le parasitisme

Considérant que l'action en concurrence déloyale de la société Ferrero France Commerciale fondée sur la commercialisation par l'intimée de produits contrefaisants, doit également être rejetée et le jugement confirmé de ce chef ;

Considérant qu'au titre du parasitisme, l'appel des sociétés Ferrero est limité au quantum des sommes allouées par le tribunal soit 2 000 euros au profit de la société Ferrero SpA et 2 000 euros au profit de la société Ferrero France, aux droits de laquelle se trouve en cause d'appel la société Ferrero France Commerciale ;

Considérant que le tribunal a dit qu'en reprenant un code couleur comparable avec une prédominance de blanc et de rouge (au lieu de l'orangé de Kinder) dans le bas du paquet, une ligne ondulée séparant le bas du paquet, la reproduction du produit à consommer coupé pour en montrer le fourrage intérieur, un cartouche bleu ciel et une représentation de noisettes dont une partiellement ouverte avec des feuilles vertes, la société Elvan a cherché à profiter de la renommée des produits Kinder commercialisés par les sociétés Ferrero ;

Qu'il poursuit en indiquant que l'utilisation de codes communs pour des produits de biscuiterie/pâtisserie/chocolaterie démontre une volonté de la société Elvan de se confondre avec les produits de la gamme Kinder et, ainsi, très facilement détourner le fort pouvoir d'attraction de la gamme de produits Kinder, sa réputation, son image de qualité et sa valeur publicitaire, en profitant sans aucune compensation financière des efforts que les sociétés Ferrero ont nécessairement dû elles-mêmes déployer pour créer et entretenir le pouvoir d'attraction d'une telle gamme de produits, efforts dont elles justifient ;

Que considérant que la présentation d'un tel produit, lors d'un salon international, principalement destiné aux professionnels de la distribution, du négoce et de l'import/export, dans le but de développer leur activité, de référencer de nouveaux produits et fournisseurs, de trouver des partenaires et sous-traitants était fautive et que cette attitude avait causé un préjudice aux sociétés Ferrero SpA et Ferrero France devenue Ferrero France Commerciale en raison de l'atteinte portée à la renommée des produits Kinder, et ce même en l'absence de commercialisation avérée, il a condamné la société Elvan à réparer le préjudice subi par les sociétés Ferrero par l'octroi d'une somme de 2 000 euros chacune ;

Considérant que les sociétés appelantes, qui ne justifient devant la cour d'aucun élément supplémentaire de nature à augmenter les dommages-intérêts qui leur ont été alloués, doivent être déboutées de leurs demandes en ce sens ;

Sur les autres demandes

Considérant que les sociétés Ferrero supporteront la charge des dépens d'appel ; que leur demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ne peut prospérer ;

Par ces motifs, Donne acte à la société Ferrero France Commerciale de son intervention volontaire aux lieu et place de la société Ferrero France. Confirme le jugement rendu le 10 décembre 2015 par le Tribunal de grande instance de Paris en toutes ses dispositions. Laisse les dépens d'appel à la charge des sociétés Ferrero SpA et Ferrero France Commerciale.