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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 18 octobre 2017, n° 16-05324

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Secah (Sté); Theetten (ès qual.)

Défendeur :

Elivia Hazebrouck (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes de La Taille, Campagne, Boin, de Brosses

T. com. Lille, du 14 janv. 2016

14 janvier 2016

Faits et procédure

Vu le jugement rendu le 14 janvier 2016 par le Tribunal de commerce de Lille qui a :

- condamné la société Elivia Hazebrouck à payer à Maître Theetten, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Secah, à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale partielle des relations commerciales établies, la somme de 108.982 € outre intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2012 et avec anatocisme,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

- laissé à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'appel relevé par Maître Theetten, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Secah, et ses dernières conclusions notifiées le 21 septembre 2016 par lesquelles il demande à la cour, au visa des articles L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ainsi que des articles 1382 et 1383 du Code civil, de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel,

- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la rupture brutale des relations commerciales établies,

- le réformer sur le montant des dommages-intérêts alloués et, statuant à nouveau :

* condamner la société Elivia Hazebrouck au paiement de la somme de 1 440 000 € au titre de la perte de marge brute subie par la société Secah pour non-respect du préavis,

* juger que la faute de la société Elivia Hazebrouck est à l'origine même de la liquidation judiciaire de la société Secah engendrant un préjudice distinct né du passif arrêté au 14 juin 2012 et la condamner au paiement de la somme de 693 203,48 € en réparation de ce préjudice,

* dire que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2013, date de l'assignation,

* ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1154 du Code civil,

- débouter la société Elivia Hazebrouck de toutes ses demandes et de son appel incident,

- condamner la société Elivia Hazebrouck au paiement de la somme de 12 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 22 juillet 2016 par la société Elivia Hazebrouck qui demande à la cour, au visa de l'article L. 442-6 du Code de commerce :

- à titre liminaire, d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'assignation et, statuant à nouveau, déclarer nulle l'assignation délivrée le 8 novembre 2013,

- au fond, confirmer le jugement en ce qu'il a :

* jugé que la lettre de préavis du 19 mai 2011 constituait le point de départ de la rupture des relations commerciales et considéré qu'il n'y avait pas eu de baisse de volume en 2009 et 2010,

* consacré l'intégralité des fautes d'hygiène de la société Secah et jugé que son incapacité à respecter la législation sanitaire constituait une inexécution de ses obligations,

* jugé que la libération d'une carcasse de bovin sans attendre les résultats des tests ESB constituait une faute majeure justifiant la rupture des relations commerciales sans préavis le 21 novembre 2011,

- infirmer le jugement seulement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Secah la somme de 108 982 pour rupture partielle des relations commerciales pour la période du 19 mai 2011 au 21 novembre 2011,

- en conséquence, débouter la société Secah de toutes ses demandes,

- en tout état de cause, condamner la société Secah aux dépens et à lui payer la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Sur ce LA COUR

Considérant que la SARL Secah exploitait une chaîne d'abattage d'animaux de boucherie dans des locaux propriété de la commune d'Hazebrouck, en vertu d'un contrat d'affermage ; que la société Soviba Hazebrouck, maintenant dénommée Elivia Hazebrouck, qui exerçait dans ces locaux l'activité de découpe de viande en vue de sa commercialisation, était cliente de l'abattoir de la société Secah depuis 1999 ;

Que le 18 mai 2004, le Tribunal de grande instance d'Hazebrouck à compétence commerciale a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Secah ; que le 21 septembre 2005 ce tribunal a arrêté le plan de continuation de cette société par voie de redressement d'une durée de 10 ans ; que la société Elivia Hazebrouck, qui le 31 décembre 2004 s'était retirée du capital social de la société Secah dont elle détenait 48,9 %, a alors souscrit à une augmentation de capital à hauteur de 22,22 % et s'est engagée à soutenir la société Secah ;

Que par assemblée générale extraordinaire du 2 septembre 2009, les associés de la société Secah ont décidé de nommer, en sus de Monsieur Watel dont le mandat était confirmé, deux autres co-gérants Monsieur Braure et Monsieur Poisnel, ce dernier salarié de la société Elivia Hazebrouck ; que le mandat de Monsieur Poisnel a pris fin le 17 juin 2011 ;

Qu'entre temps, par lettre recommandée du 19 mai 2011, la société Elivia Hazebrouck a informé les co-gérants de la société Secah qu'elle cesserait son activité d'abattage, confiée en prestation à la Secah, d'ici le mois de mai 2013 ; qu'elle y précisait :

Les conditions économiques actuellement difficiles de la filière viande bovine ainsi que les exigences sanitaires et réglementaires croissantes des activités d'abattage et l'acquisition récente d'un outil d'abattage à proximité d'Hazebrouck nous ont effectivement amenés à décider de concentrer nos activités du Nord de la France sur le site de Noeux-les-Mines. Conscients du poids d'Elivia Hazebrouck dans l'activité de Secah, de l'ancienneté de notre relation établie depuis 1999 et de l'absence de contrat formel entre nos entreprises définissant un délai contractuel de dénonciation, nous avons tenu à vous faire part dès que possible de cette décision, afin de laisser à Secah le temps nécessaire à son repositionnement. Sauf cas de force majeure, Elivia Hazebrouck conservera donc un niveau d'activité moyen, équivalent à celui connu des derniers mois avec Secah jusqu'à fin décembre 2012, puis amorcera une décroissance des volumes abattus début 2013 pour cesser totalement l'activité d'abattage sur le site en mai 2013 ;

Que cependant, par lettre recommandée du 17 novembre 2011, la société Elivia Hazebrouck a averti la société Secah qu'elle cesserait tout abattage sur son site dès le 21 novembre suivant, expliquant qu'elle prenait cette décision en raison des défaillances en matière d'hygiène et de sécurité alimentaire, notamment du fait de la libération d'une carcasse bovine sans attendre le retour du résultat du test ESB ; que dans sa réponse du 21 novembre 2011, la société Secah a contesté les manquements qui lui étaient imputés et a souligné qu'elle venait d'obtenir le classement sanitaire II, ses opérations de remise en ordre étant en voie d'achèvement et permettant à tout client utilisateur d'évoluer dans un outil présentant les conformités minimales requises par la réglementation ;

Que le président du Tribunal de commerce de Dunkerque-Hazebrouck, par ordonnance du 26 janvier 2012, a désigné Maître Vandycke en qualité de mandataire ad hoc avec mission d'examiner la situation financière, économique et sociale de la société Secah ainsi que ses perspectives d'évolution, de l'assister dans ses négociations avec ses partenaires et de la conseiller en matière de réorganisation ; qu'après dépôt du rapport de ce mandataire ad hoc, la liquidation judiciaire de la société Secah a été prononcée le 15 mai 2012 ;

Que le 8 novembre 2013, Maître Theetten, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Secah, a fait assigner la société Elivia Hazebrouck devant le Tribunal de commerce de Lille aux fins d'obtenir des dommages-intérêts, d'une part sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, d'autre part en application des articles 1382 et 1383 du Code civil; que la défenderesse a contesté la régularité de l'assignation et le bien fondé des demandes ; que le tribunal, par le jugement déféré, après avoir déclaré l'assignation recevable dans ses motifs, a retenu une baisse du volume d'affaires en 2011 constituant une rupture partielle des relations mais dit qu'en raison des non-conformités et manquements postérieurs au 30 septembre 2011, la société Elivia Hazebrouck avait pu, le 21 novembre 2011, rompre sans préavis les relations commerciales ; qu'il a indemnisé le préjudice résultant de la baisse du niveau d'activité entre le 19 mai et le 21 novembre 2011 sur la base de la perte de marge brute pendant cette période ;

Sur la demande en nullité de l'assignation

Considérant que la société Elivia Hazebrouck expose que l'une des pièces communiquées par la société Secah à l'appui de son assignation est le rapport du mandataire ad hoc ; qu'elle fait valoir que - l'article L. 611-15 du Code de commerce dispose que toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance, est tenue à la confidentialité,

- par application des articles L. 621-1 et L. 641-1 du Code de commerce, le tribunal peut lors de la procédure de liquidation judiciaire, d'office ou à la demande du ministère public, obtenir communication des pièces et actes relatifs au mandat ad hoc ou à la conciliation, nonobstant les dispositions de l'article L. 611-15, cette communication ne visant que les pièces et actes relatifs au mandat ad hoc et non le rapport qui reste couvert par la confidentialité,

- du fait de l'irrégularité de la communication du rapport établi par le mandataire ad hoc, la nullité de l'assignation doit être prononcée pour violation du principe de confidentialité ;

Que pour s'opposer à cette demande, Maître Theetten, ès qualités, soutient que :

- l'article L 611-15 du Code de commerce n'édicte pas de secret professionnel, mais une simple confidentialité dans le but de favoriser la réussite du mandat ad hoc,

- la société Elivia Hazebrouck qui était la seule interlocutrice du mandataire ad hoc ne peut invoquer aucun grief,

- ce n'est pas le rapport de ce mandataire qui fonde la procédure, mais la rupture des relations commerciales sur la base de faits antérieurs,

- la confidentialité ne peut être opposée entre les parties à ce document ;

Considérant qu'il convient de relever que la société Elivia Hazebrouck ne demande pas à la cour d'écarter des débats le rapport du mandataire ad hoc, ni les pièces qui y sont annexées, mais soulève la nullité de l'assignation ; qu'elle ne justifie ni même n'allègue que l'assignation ne contiendrait pas les mentions prescrites à peine de nullité par l'article 56 du Code de procédure civile ; qu'elle ne démontre aucun grief qui résulterait de la délivrance de l'assignation pour rupture brutale de la relation commerciale établie assortie de la communication du rapport du mandataire ad hoc entre autres pièces ; qu'en conséquence, sa demande en nullité de l'assignation sera rejetée ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie

Considérant que Maître Theetten, ès qualités, reproche à la société Elivia Hazebrouck d'avoir rompu brutalement le préavis qu'elle avait elle-même fixé en diminuant de façon drastique les volumes habituellement confiés à la société Secah, à compter de juillet 2011 puis en rompant totalement leurs relations au mois de novembre 2011 ; qu'il souligne que Monsieur Poisnel, directeur administratif et financier de la société Elivia Hazebrouck, a exercé les fonctions de co-gérant de la société Secah à partir du 2 septembre 2009 et jusqu'à sa démission lors de l'assemblée générale du 17 juin 2011 et avait toute compétence et qualité pour agir en matière d'hygiène et de respect des normes sanitaires ; que Maître Theetten, ès qualités, prétend que :

- les fautes d'hygiène au second trimestre 2011 n'incombent pas à la société Secah,

- les analyses micro-biologiques insatisfaisantes communiquées par la société Elivia Hazebrouck ne sont pas contradictoires, les résultats de ceux de la société Secah étant bons,

- ce sont les préposés de la société Elivia Hazebrouck qui ont décidé de procéder à la découpe d'une carcasse de bovin sans attendre les résultats des tests ESB, l'avertissement des services administratifs ayant été notifié à cette société, preuve que le problème est intervenu pendant son temps de travail et sous sa responsabilité,

- la société Elivia Hazebrouck était débitrice d'une taxe d'abattage calculée chaque année en fonction du volume d'abattage, destinée à rembourser un prêt de la collectivité locale pour financer des travaux, et c'est par intérêt financier qu'à partir de 2009, elle a confié l'abattage de ses bovins à l'abattoir de Noeux les Mines, qu'elle allait ensuite racheter,

- le préavis de deux ans proposé par la société Elivia Hazebrouck a valeur contractuelle et doit recevoir application,

- la perte de marge brute s'élevant à 722 239 € pour l'année 2012, son préjudice doit être chiffré à la somme de 1 440 000 € ;

Considérant que la société Elivia Hazebrouck réplique que les fautes d'hygiène commises par la société Secah justifiaient la rupture de leurs relations sans préavis en faisant valoir que :

- par application de l'article L. 212-1 du Code de la consommation, la société Secah, en sa qualité d'abatteur, était responsable des carcasses mises sur le marché et tenue d'une obligation de résultat pour ce qui concerne l'innocuité de ses produits,

- Monsieur Poisnel, son salarié, n'a jamais été seul responsable des questions d'hygiène au sein de la société Secah, et n'avait aucun pouvoir pour engager financièrement la société, la direction de l'abattoir et le respect des règles d'hygiène étant confiés au directeur du site, Monsieur Mourier,

- les problèmes d'hygiène préexistaient à l'arrivée de Monsieur Poisnel et ont perduré après son départ,

- la résiliation des relations en mai 2011 s'inscrit dans ce contexte de fautes récurrentes commises de 2008 à 2011 que la société Secah n'a jamais été en mesure de régler,

- elle lui a signalé une quinzaine de manquements graves en septembre et octobre 2011,

- de nombreuses analyses micro-biologiques sur les carcasses livrées en 2011 se sont révélées non satisfaisantes, la société Secah qui les dénie ne produisant pas aux débats ses propres résultats d'analyse,

- la réalisation des tests ESB incombe à l'abattoir qui doit consigner les carcasses dans l'attente de leurs résultats et si l'avertissement des services administratifs a été notifié à elle, c'est parce que la carcasse litigieuse a été identifiée alors qu'elle se trouvait dans ses locaux,

- la rupture des relations n'a pas été brutale dans la mesure où elle s'est accompagnée de signes avant-coureurs, notamment d'avertissements préalables ;

Que la société Elivia Hazebrouck conteste toute rupture partielle des relations entre le 19 mai et le 21 novembre 2011 en invoquant la conjoncture difficile des filières viande bovine et porcine en 2011 qui explique la baisse du volume d'affaires ainsi que les fautes d'hygiène commises par la société Secah pendant cette période ;

Considérant, cela exposé, que la société Elivia Hazebrouck qui a participé à la gestion de la société Secah à partir de septembre 2009 jusqu'au 17 juin 2011, connaissait les problèmes rencontrés par cette société en matière de respect des normes d'hygiène, tels que mentionnés en particulier dans le rapport d'inspection de la Direction départementale de la protection des populations du Nord en date du 26 janvier 2010 qui avait conclu au maintien du classement de l'abattoir au niveau III en raison des non conformités relatives à l'insuffisance de la capacité de ressuyage et de refroidissement des carcasses, à une gestuelle d'abattage défectueuse ainsi qu'à une maintenance préventive inexistante ;

Que nonobstant ces problèmes, elle a décidé, le 19 mai 2011, de lui accorder un préavis courant jusqu'au mois de mai 2013 avant la cessation de leurs relations ; qu'il lui incombait de respecter ce préavis sauf à justifier d'une inexécution fautive de la société Secah à ses obligations;

Que par lettre du 30 septembre 2011, la société Elivia Hazebrouck a reproché à la société Secah des manquements qualifiés d'importants dans le suivi et le respect des règles d'hygiène depuis le printemps, mais elle a précisé que la situation n'était supportable que pour une durée limitée dans le temps et lui a signifié qu'elle déciderait la suspension d'activité si l'abattoir ne retrouvait pas un agrément de niveau II à la fin du mois d'octobre ;

Qu'il en résulte que jusqu'à cette date la société Elivia Hazebrouck a toléré les manquements de la société Secah sans revenir sur le préavis accordé précédemment ;

Que c'est seulement par la suite, le 17 novembre 2011, qu'elle a décidé de rompre les relations à effet au 21 novembre 2017 ; que cette rupture est justifiée par un manquement grave de la société Secah qui, tenue de mettre en œuvre les tests ESB (dépistage de l'encéphalite spongiforme bovine), devait consigner les carcasses dans l'attente des résultats de ces tests et n'a pas pris les mesures nécessaires pour assurer et vérifier la consignation d'une carcasse ; que c'est en vain que Maître Theetten, ès qualités, fait valoir que la société Secah a retrouvé un classement sanitaire II le 27 octobre 2011 ; qu'en effet la lettre adressée à cette date par la Direction départementale de la protection des populations du Nord mentionne expressément : " Néanmoins je vous rappelle que ce classement sera remis en cause à tout moment si vos derniers engagements n'étaient pas respectés, si les mesures qui ont été mises en place pour pallier aux défauts structurels ou matériels observés n'étaient pas maintenus dans le temps ou si d'autres non-conformités majeures devaient être constatées. Dans ce cas le déclassement sanitaire entraînera la suspension de l'agrément sanitaire avec fermeture temporaire jusqu'à la remise en conformité et constat par les services d'inspection avant toute reprise d'activité " ;

Qu'en conséquence, Maître Theetten, ès qualités, n'est bien fondé à obtenir réparation que du non-respect du préavis entre le 19 mai et le 21 novembre 2011 ; que pendant cette période, la société Elivia Hazebrouck n'a pas confié à la société Secah le même volume d'activité que précédemment alors qu'elle s'y était engagée en parfaite connaissance des difficultés de la filière bovine rappelées dans sa lettre du 19 mai 2011 ; que le tribunal a exactement retenu que la marge perdue au cours de cette période s'élevait à 108 982 €, montant non discuté en lui-même par la société Elivia Hazebrouck ; que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2013, date de l'assignation, par application de l'article 1153-1 du Code civil ; que la capitalisation des intérêts doit être ordonnée dans les conditions de l'article 1154 du Code civil;

Sur la demande de dommages-intérêts au visa des articles 1382 et 1383 du Code civil

Considérant que Maître Theetten, ès qualités, allègue que l'attitude de la société Elivia Hazebrouck dans ses relations avec la société Secah constitue une faute distincte de la rupture brutale des relations commerciales ; que selon lui, elle aurait réduit de façon drastique les volumes d'abattage dès 2010 ; qu'elle lui reproche :

- de s'être servie de la société Secah dans son intérêt,

- d'avoir repris part au capital de la société Secah parce qu'elle ne disposait pas d'un site d'abattage et dans le seul but d'attendre de pouvoir en détenir un,

- d'avoir procédé à l'acquisition de l'abattoir de Noeux les Mines en 2010 au détriment des intérêts de la société Secah,

- d'avoir agi de manière telle que la liquidation judiciaire de la société Secah a été prononcée alors que cette société se trouvait à 4 ans de la fin de son plan d'apurement présenté sur 10 ans;

Qu'il demande la somme de 693 203,48 € correspondant au passif social pour 396 544 €, à un solde d'emprunt pour 19 637 € et au solde restant dû au titre des échéances du plan soit 281 024 € ;

Que la société Elivia Hazebrouck répond que le tribunal a exactement retenu qu'elle n'avait commis aucune faute dans l'arrêt du préavis initialement prévu et qu'elle ne pouvait encourir aucune responsabilité du fait de cet arrêt quand bien même la liquidation judiciaire de la société Secah s'en est suivie ; qu'elle reproche à la société Secah de n'avoir pas cherché de solution de remplacement et à Maître Theetten de former une demande globale de dommages-intérêts d'un montant deux fois supérieur au passif de la société ;

Mais considérant qu'il n'est pas démontré une baisse du volume d'affaires confié à la société Secah en 2010 ; que la société Elivia Hazebrouck était en droit de rompre ses relations avec la société Secah sauf à consentir un préavis suffisant pour lui permettre de se réorganiser ; qu'elle n'a pas commis de faute en mettant fin le 21 novembre 2011 au préavis accordé le 19 mai 2011 ; que la société Secah n'ayant pas été en mesure de respecter les règles d'hygiène s'appliquant aux abattoirs et de conserver sa clientèle, Maître Theetten, ès qualités, ne démontre pas que la société Elivia Hazebrouck aurait eu un comportement fautif en recherchant un autre abattoir ou commis d'autres fautes en relation directe de cause à effet avec la liquidation judiciaire de la société Secah ; qu'il sera donc débouté de ce chef de demande ;

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que la société Elivia Hazebrouck, qui succombe essentiellement, devra supporter les dépens de première instance et d'appel ; qu'en application de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu d'allouer la somme de 10 000 € à Maître Theetten, ès qualités et de rejeter la demande de la société Elivia Hazebrouck à ce titre ;

Par ces motifs, LA COUR, déboute la société Elivia Hazebrouck de sa demande tendant à la nullité de l'assignation délivrée le 8 novembre 2013 ; confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Elivia Hazebrouck à payer à Me Theetten, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Secah, la somme de 108 982 € pour rupture partielle brutale des relations commerciales établies ; Dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2013 et ordonne la capitalisation dans les conditions prévues par l'article 1154 du Code civil ; déboute les parties de toutes leurs autres demandes ; condamne la société Elivia Hazebrouck aux dépens de première instance et d'appel ; condamne la société Elivia Hazebrouck à payer à Me Theetten, ès qualités, la somme de 10 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile.