CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 25 octobre 2017, n° 15-02386
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
One Loc (SAS)
Défendeur :
Milton Location de Voitures (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mmes Mouthon Vidilles, Comte
Avocats :
Mes Regnier, Bourgeon, Teytaud, Paban
Faits et procédure
La SAS Milton Location de voitures, ci-après la société Milton, filiale de la société Avis Europe, a pour activité la location de véhicules automobiles et la gestion de flotte de véhicules, sous l'enseigne Budget. L'activité de location de véhicules est exploitée directement par le biais de succursales ou indirectement par l'intermédiaire de distributeurs indépendants, qui ont conclu avec la société Milton des contrats de franchise.
La SAS One Loc, créée le 5 août 2009, a pour activité la location de véhicules automobiles. Au mois d'août 2009, elle a racheté à la société 2La Locations, un fonds de commerce de location de voiture sous l'enseigne Budget à Mâcon, dans le cadre d'un contrat de franchise signé en février 2005, pour une durée de 5 ans. Cette cession s'est réalisée avec l'accord de la société Milton.
Par courrier du 16 octobre 2012, la société Milton a reproché à la société One Loc l'exploitation d'une activité de location de véhicules sous l'enseigne ADA, à Chalon-sur-Saône par son directeur général, et ce, en contravention du contrat de franchise.
Par courrier du 7 novembre 2012, la société One Loc a informé la société Milton de la démission de Monsieur Grillot de ses fonctions de directeur général.
Le 20 décembre 2012, la société Milton a résilié le contrat de franchise Budget à effet au 31 mars 2013, au motif que Monsieur Grillot, bien que démissionnaire de ses fonctions de directeur général, demeure actionnaire de la société One Loc.
Par acte du 12 septembre 2013, la société One Loc a assigné la société Milton devant le Tribunal de commerce de Paris, pour rupture brutale des relations commerciales établies sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.
Par jugement du 19 janvier 2015, le Tribunal de commerce de Paris a :
- débouté la SAS One Loc de sa demande au titre de l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce,
- condamné la SAS One Loc à payer la somme de 10 000 euros à la SAS Milton Location de voitures au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif,
- ordonné d'office l'exécution provisoire du présent jugement,
- condamné la SAS One Loc, qui succombe, aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.
La société One Loc a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 2 février 2015.
La procédure devant la cour a été clôturée le 5 septembre 2017.
LA COUR
Vu les conclusions du 22 août 2017 par lesquelles la société One Loc, appelante, invite la cour, à:
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- condamner la société Milton Location de voitures à lui payer la somme de 282 570 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société Milton Location de voitures au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Milton Location de voitures en tous les dépens ;
Elle fait valoir que :
- la société Milton Location de voitures a rompu sans préavis suffisant la relation commerciale qu'elle poursuivait avec elle,
- la société Milton avait donné un accord exprès au transfert du contrat de la société 2La Locations à la société One Loc, en toute connaissance de la qualité d'associé fondateur et de directeur général de M. Grillot,
- la société Milton n'a pas pu ne pas prendre connaissance des statuts et du registre du commerce d'une société à laquelle elle acceptait que soit transféré le contrat la liant jusqu'alors à la société 2La Locations,
- les qualités d'associé fondateur et de directeur général de la société One Loc de Monsieur Grillot n'ont jamais été dissimulées,
- la présence de Monsieur Grillot en tant qu'actionnaire et dirigeant de la société One Loc a été confirmée à la société Milton à l'occasion des échanges intervenus fin 2010, début 2011, en vue de la régularisation d'un nouveau contrat de franchise, compte tenu de la venue à échéance en février 2010 du contrat de 5 ans, conclu en février 2005 entre la société 2La Locations et la société Milton,
- les échanges par courriers des 12, 21 et 27 avril 2011 entre les sociétés One Loc et Milton, confirment que la société Milton a toujours connu et accepté la double qualité de Monsieur Grillot,
- tant les propositions d'extension de territoire faites par la société Milton à la société One Loc au premier semestre 2011 en toute connaissance de la qualité de franchisé ADA à Chalons sur Saône de Monsieur Grillot, que son absence de réaction pendant 7 mois et demi après la réception en février 2012 du courrier de la société ADA, dont elle se prévaut, démontrent son acceptation de la double qualité de Monsieur Grillot, impliquant nécessairement sa renonciation au bénéfice de l'obligation de non-concurrence contractuelle, à supposer qu'elle ait été applicable,
- le " Territoire Franchisé " visé à l'annexe 3 du contrat du 10 février 2005 est défini par le département du Rhône (69) à l'exception de l'arrondissement de Villefranche sur Saône et par le département de la Loire (42),
- ce territoire n'a jamais englobé la totalité de la Saône et Loire,
- dans l'acte de cession du 31 juillet 2009, si la Saône et Loire figure dans le territoire attribué à la société 2La Locations, cet acte n'a pas valeur contractuelle à l'égard de la société Milton, celle-ci n'y étant pas partie,
- elles ont toujours considéré que le territoire qui lui était attribué pour la Saône et Loire se limitait à l'arrondissement de Mâcon,
- le territoire, dont elle avait la responsabilité au titre de son activité de franchisée Budget en tant que cessionnaire du contrat signé par la société 2La Locations, ne se recoupait pas avec celui dont la société Chalon Loc avait la responsabilité en tant que franchisé Budget,
- la société Chalon Loc, implantée au nord de la Saône et Loire, n'était pas en concurrence directe avec elle, implantée à Mâcon au sud de la Saône et Loire,
- l'obligation de non-concurrence stipulée à l'article 2.4.2 du contrat de franchise du 10 février 2005 impose une non-concurrence directe au franchisé et non une obligation de non-concurrence indirecte, toute clause de non-concurrence dérogeant à la liberté du commerce, s'interprétant restrictivement,
- la contrepartie logique de l'exclusivité territoriale accordée au franchisé en vertu du contrat de franchise est une obligation de non-concurrence sur ce même territoire,
- au regard des dispositions de l'article 1162 du Code civil, si la cour avait un doute sur la portée des dispositions de l'article 2.4.2 du contrat de franchise, la société Milton, étant rédactrice du contrat, l'interprétation de cette clause devrait être faite en sa faveur,
- l'absence de limitation géographique de l'obligation de non-concurrence ne peut être justifiée par la protection nécessaire du savoir-faire, puisque son originalité n'est pas démontrée et qu'aucun risque de voir ce savoir-faire détourné ne découlait de la double qualité de Monsieur Grillot,
- une clause résolutoire ne peut déterminer en elle-même quel comportement constitue un manquement grave autorisant la rupture d'une relation commerciale sans préavis,
- la société Milton ne lui a jamais adressé des reproches tirés d'un quelconque manquement à ses obligations,
- la société Milton a poursuivi la relation commerciale en parfaite connaissance de la double activité de Monsieur Grillot, envisageant une extension du territoire en 2011,
- la société Milton n'a pas remis en cause la poursuite de la relation en dépit du courrier du 1er février 2012 de la société ADA attirant son attention sur la double qualité de Monsieur Grillot,
- la notification du 26 novembre 2011, de la rupture de la relation commerciale découlait d'une modification de la stratégie de déploiement des marques Avis et Budget, et non de la double qualité de Monsieur Grillot, ce qui ne peut justifier d'une rupture sans préavis suffisant,
- la société Milton entretient avec elle une relation commerciale depuis février 2005, cette dernière ayant conditionné le transfert du contrat à la reprise des engagements en cours et antérieurs,
- du fait de l'interdiction de toute activité en concurrence directe, elle ne pouvait exercer aucune activité de location de véhicules autre que l'activité Budget,
- le bail de ses locaux de Mâcon était un bail spécialisé autorisant exclusivement une activité de location de voitures et la vente, accessoire, de véhicules d'occasion,
- elle était dans une relation de dépendance à l'égard de la société Milton,
- son appartenance au Groupe Suma Automobiles n'était pas de nature à lui permettre de réorganiser ses activités, les moyens humains et matériels affectés à son activité de location Budget étant ses moyens propres et n'étant pas reconvertibles au travers d'une activité de vente et de réparation automobiles ;
Vu les conclusions du 11 août 2017 par lesquelles la société Milton Location de voitures, intimée ayant formé appel incident, demande à la cour, au visa des articles L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, et 1315 du Code civil, de :
A titre principal:
- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 19 janvier 2015 en toutes ses dispositions,
- débouter la société One Loc de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
A titre subsidiaire:
- dire et juger que le manque à gagner mensuel au titre du préavis inexécuté de la société One Loc est tout au plus égal à 10 546,79 euros,
- débouter la société One Loc pour le surplus,
En tout état de cause:
- débouter la société One Loc de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que de sa demande tendant à la condamnation de la société Milton Location de voitures aux dépens,
- condamner la société One Loc à payer à la société Milton Location de voitures la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société One Loc aux entiers dépens dont distraction pour ces derniers au profit de Maître François Teytaud, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Elle fait valoir que :
- la difficulté qu'elle soulève réside dans le cumul des qualités de Monsieur Grillot,
- en décembre 2012, Monsieur Grillot n'était plus directeur général de la société One Loc, mais il restait un détenteur effectif du franchisé, au sens de l'annexe 9 du contrat (avec 33% des titres),
- l'obligation de non-concurrence du contrat lui interdisait clairement toute participation, et ce, de quelque façon que ce soit, dans toute entreprise concurrente,
- son accord, par lettre du 22 juin 2009, au transfert du contrat de franchise de la société 2La Locations à la société One Loc, n'implique pas qu'elle avait connaissance de l'activité concurrente exercée par Mr Grillot dans la société Chalon Loc,
- la violation de l'obligation de non-concurrence stipulée à l'article 2.4.2 du contrat de franchise n'est pas constituée par la double qualité d'actionnaire et de directeur général de Monsieur Grillot au sein de la société One Loc, mais par le fait que parallèlement à ses qualités de directeur général et d'actionnaire de One Loc, il exerçait la fonction de gérant et d'actionnaire au sein de la société Chalon Loc, franchisée ADA, ayant une activité concurrente à la franchise Budget,
- elle n'a eu connaissance de la qualité de gérant et actionnaire d'une société concurrente de Monsieur Grillot que lorsque la société ADA l'en a informée le 1er février 2012, soit postérieurement à la reprise de l'activité de la société 2La Locations par la société One Loc, montrant la volonté de la société One Loc d'occulter le lien managérial et capitalistique entre ces deux exploitations,
- elle n'a pas agréé la double position de Monsieur Grillot,
- la société One Loc ne peut se prévaloir d'une acceptation tacite,
- l'acte de cession du 31 juillet 2009 constitue le titre en vertu duquel la société One Loc a pu poursuivre le contrat avec elle, lui permettant de se prévaloir des stipulations de cet acte,
- l'extension contractuelle à la Saône et Loire était connue et reconnue par le cédant, la société 2La Locations, et acceptée par la société One Loc,
- l'information donnée par elle dans le courrier du 22 juin 2009 et reprise dans le courrier du 13 juillet 2011 ne traduit qu'une simple erreur, en aucun cas susceptible de remettre en cause les termes de l'acte de cession précité, signé par les sociétés One Loc et 2La Locations,
- l'activité de la société Chalon Loc est implantée dans le département de Saône et Loire, y exerçant son activité dans deux villes, Chalon sur Saône et Autun,
- cette activité est constitutive d'une concurrence géographique,
- la soumission des franchisés à une obligation de non-concurrence applicable durant l'exécution du contrat, dans les termes de l'article 2.4.2, est nécessaire à la protection du savoir-faire, ayant un caractère indispensable à la franchise,
- ce savoir-faire, sans une obligation de non-concurrence applicable pendant l'exécution du contrat, peut être transmis dans l'hypothèse où le franchisé, ses dirigeants ou ses actionnaires participeraient, sous quelque forme que ce soit, à l'activité d'un tiers concurrent,
- cette obligation de non-concurrence contractuelle s'inscrit dans l'exécution de bonne foi de la relation commerciale,
- par " activité qui serait en concurrence directe " (stipulée à l'article 2.4.2 du contrat de franchise), il convient d'entendre une activité de location de voitures concurrente de celle de la franchise Budget,
- la portée de l'obligation de non-concurrence est générale et ne se limite pas au ressort géographique du franchisé,
- le débiteur d'une obligation de non-concurrence d'un contrat en cours d'exécution exerce une activité et n'a nul besoin de voir sa liberté d'entreprendre protégée pour exercer une activité concurrente de celle qu'il exerce, la licéité de la portée générale de l'obligation de non-concurrence voulue par les parties au contrat ne pouvant être remise en cause,
- sans obligation de non-concurrence à la charge du franchisé, celui-ci aurait le droit de faire usage du savoir-faire du franchiseur en exerçant une activité concurrente, sans contrepartie pour ce dernier, privant ainsi le contrat de sa cause,
- la violation de l'obligation de non-concurrence par la société One Loc est un manquement suffisamment grave justifiant la rupture des relations commerciales, sans préavis,
les termes de l'article L. 442-6-I 5° visent une relation commerciale établie, au singulier, ce qui écarte les relations commerciales nouées successivement avec plusieurs parties,
- le point de départ des relations commerciales entre elle et la société One Loc est le 1er août 2009, date de transfert du contrat de franchise à la société One Loc,
- son intention de poursuivre la relation commerciale antérieure ne saurait se déduire de son seul accord sur le transfert du contrat conclu avec la société 2La Locations,
- au regard de la durée de la relation commerciale entre les deux parties, qui était, à la date du 26 novembre 2012, de 3 ans et 3 mois, le préavis raisonnable devrait être de 3 mois,
- l'état de dépendance économique n'est pas un critère légal de détermination de la durée du préavis raisonnable, l'article L. 442-6-I 5° tel que modifié par la loi NRE du 15 mai 2001, ne visant que la durée des relations commerciales,
- la société One Loc disposait d'une solution alternative pour réorganiser ses activités, étant en mesure et en droit d'exercer une activité de loueur de véhicules à titre indépendant et de la développer dans un réseau concurrent en dehors du territoire contractuel, comme l'y autorisait sa clause de non-concurrence post-contractuelle,
- la société One Loc n'a pas souhaité réorganiser ses activités puisqu'elle disposait notamment, s'inscrivant dans le Groupe Suma Automobiles, d'un réseau relationnel susceptible de lui permettre de réorganiser ses activités ;
SUR CE
LA COUR se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
Sur la rupture brutale des relations commerciales
Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce :
" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".
Le principe des relations commerciales établies entre la société One Loc et la société Milton n'est pas contesté par les parties. En revanche, elles s'opposent sur les conditions de la rupture, la durée des relations commerciales et la durée du préavis.
La rupture des relations commerciales établies peut intervenir à effet immédiat à la condition qu'elle soit justifiée par des fautes suffisamment graves imputées au partenaire commercial.
La société Milton reproche à la société One Loc de lui avoir caché la qualité concomitante de Monsieur Grillot, actionnaire et directeur général de la SAS One Loc, de gérant d'une autre société de location de voiture dans le même département de la Saône-et-Loire, franchisée auprès d'une société concurrente. Elle considère que cette double qualité viole les obligations contractuelles de non-concurrence et de non-divulgation imposées aux dirigeants et actionnaires de la société One Loc, qui ont pour objet la protection de son savoir-faire.
En l'espèce, le contrat de franchise liant les sociétés Milton et 2La Locations du mois de février 2005, dont il n'est pas contesté qu'il s'applique aux parties suite à la vente du fonds de commerce de la société 2La Locations à la société One Loc, prévoit au paragraphe 2.4 intitulé " Non-Divulgation " plusieurs obligations à la charge du franchisé, à savoir :
- à l'article 2.4.1 notamment que " Pendant la durée du présent Contrat et après celle-ci, le Franchisé s'engage tant pour lui que pour ses préposés, à ne communiquer à des tiers aucun renseignement ou document concernant le présent Contrat, le Protocole d'exploitation, le Système, et tout autre élément confidentiel (...). Ces éléments constituent des secrets professionnels d'une valeur commerciale essentielle pour Budget Us et Milton qui doivent être protégés contre toute divulgation illégale ".
- à l'article 2.4.2 intitulé " Dirigeants, Exploitants, Détenteurs Effectifs et Relations exclusives ", notamment que " Le Franchisé s'engage, sauf autorisation préalable de Milton, à ce que ni lui ni les Détenteurs Effectifs ainsi que les principaux responsables, dirigeants et tous membres de son conseil d'administration, du conseil de surveillance ou du directoire du Franchisé, ne prennent part de quelque façon que ce soit à une activité qui serait en concurrence directe avec le Système, Milton, Budget, Budget Us et l'Activité Brac ".
Par ailleurs, l'article 11.5 dudit contrat intitulé " Convention de Non-Divulgation et de Non-Concurrence " dispose que :
" Le Franchisé fera en sorte que toutes les personnes qui seront à quelque moment que ce soit les Détenteurs Effectifs du Franchisé souscrivent et se conforment à la convention standard de non-divulgation et de non-concurrence, selon ce qui est leur est applicable, telle que jointe en Annexe 6 des présentes (...). Le Franchisé s'engage à intenter toute action en justice, sur demande de Milton, pour faire appliquer ladite convention et à se conformer aux instructions ponctuelles de Milton concernant cette action en justice ".
L'Annexe 6 du contrat intitulée " Convention standard de non-divulgation et de non-concurrence " est rédigée comme suit :
" Le Franchisé s'engage, sauf autorisation préalable de Milton, à ce que ni lui, ni les Détenteurs Effectifs (tels que définis en Annexe 9) ainsi que les principaux responsables, dirigeants et tous membres du conseil d'administration, du conseil de surveillance ou du directoire du Franchisé, ne prennent part de quelque façon que ce soit à une activité qui serait en concurrence directe avec le Système, Milton, Budget Us, Budget et l'Activité Brac ".
Les " Détenteurs Effectifs " sont définis à l'Annexe 9 du contrat comme " toutes les personnes détenant une participation directe ou indirecte en pleine propriété ou en usufruit, à plus de 25 % (...) [notamment dans le capital] du Franchisé "
Il ressort de l'ensemble de ces dispositions contractuelles reproduites supra que la société Milton entend protéger son savoir-faire et les informations confidentielles communiquées aux franchisés à l'occasion de la souscription des contrats de franchise les liant, notamment par une clause de non-divulgation mais aussi par des obligations de non-concurrence directe des principaux responsables de la société franchisée.
Il convient donc de déterminer si la société Milton avait connaissance, avant la résiliation du contrat, de la double qualité de Monsieur Grillot, à savoir d'une part dirigeant et actionnaire de la société One Loc, et d'autre part gérant et actionnaire de la société Chalon Loc, sous l'enseigne franchisée concurrente ADA, et si ces griefs constituent des fautes suffisamment graves justifiant la rupture brutale des relations commerciales par la société Milton.
Lors de la signature de la vente du fonds de commerce le 31 juillet 2009 par la société 2La Locations à la société One Loc, cette dernière est représentée par Monsieur Richard Vives en qualité d'actionnaire fondateur et non pas Monsieur Grillot. En outre, dans son courrier préalable du 22 juin 2009 adressé à la société Milton, dans lequel il sollicite l'accord de la société Milton à cette cession, le gérant de la société 2La Locations n'évoque pas Monsieur Grillot, mais uniquement la société One Loc en cours de constitution. De même, dans sa réponse favorable, la société Milton indique accepter la cession à la société One Loc et ne fait pas état de Monsieur Grillot.
La société One Loc ne démontre donc pas qu'au moment de la cession du fonds de commerce par la société 2La Locations, la société Milton avait connaissance des qualités ultérieures de Monsieur Grillot, telles que les statuts déposés au greffe du Tribunal de commerce de Grenoble le 5 août 2009 l'établissent, à savoir actionnaire et directeur général de la SAS. Il n'est pas plus justifié que les statuts ou toute autre information relative à la constitution de la société One Loc aient été communiqués à la société Milton pour l'informer des modifications relatives aux " détenteurs effectifs ", suite à l'officialisation de ces derniers, en raison de la constitution de la société et de la remise des statuts au greffe du tribunal de commerce. La seule évocation de cet envoi dans le courriel du 14 janvier 2011 de Monsieur Pistoia, de la société Suma, ne peut suffire à démontrer que cet envoi a été réalisé.
En outre, les seuls échanges de courriels entre la société Milton et la société One Loc, au cours des mois de novembre 2010 à avril 2011 (pièces 18-1, 18-2, 19 et 24), établissent uniquement que le 11 janvier 2011, la société Milton était informée de ce que Monsieur Grillot était actionnaire à hauteur de 35 % de la société One Loc et qu'il serait un des exploitants aux côtés de Monsieur Pistoia. Ces courriels ne peuvent démontrer que la société Milton avait connaissance de la double qualité de Monsieur Grillot, étant par ailleurs relevé que seul Monsieur Pistoia était le contact privilégié de ces échanges.
Dès lors, il n'est pas démontré que durant la durée du contrat la société One Loc ait informé la société Milton, de la qualité de Monsieur Grillot comme gérant et actionnaire de la SARL Chalon Loc, sous contrat de franchise avec la société ADA.
Or, au regard des dispositions contractuelles pré-citées, la société Milton aurait dû donner son accord préalable à cette situation, en ce que Monsieur Grillot exerçait une activité similaire et avait des intérêts dans une société elle-même franchisée auprès d'un concurrent direct de la société Milton, à savoir la société ADA, alors qu'il était présenté comme co-exploitant, avec Monsieur Pistoia, de l'activité de location de véhicules sous la franchise Budget.
Il ne peut, en outre, pas être soutenu par la société One Loc que la société Milton pouvait avoir connaissance de la qualité de Monsieur Grillot au sein de la société One Loc comme au sein de la société Chalon Loc, alors qu'elle n'avait pas connaissance de son identité, qu'elle ne connaissait pas le numéro de Siret de la société, celle-ci étant au moment de l'accord en cours de constitution, comme le précisait le courrier de la société 2La Locations, et qu'en tout état de cause, il appartenait à la société One Loc d'informer la société Milton de la situation, au regard des dispositions de contrat de franchise les liant et de l'obligation de bonne foi dans l'exécution des contrats.
La société Milton a été informée de la double qualité de Monsieur Grillot par la société ADA par courrier du 1er février 2012.
La société One Loc ne peut pas plus déduire du délai de réaction de la société Milton, à savoir 8 mois, son acceptation tacite de la double qualité de Monsieur Grillot tant au sein de la société One Loc que de la société Chalon Loc.
La double qualité de Monsieur Grillot, en qualité de gérant et actionnaire de la société Chalon Loc, franchisée auprès d'un concurrent direct de la société Milton, alors qu'il est actionnaire et directeur général de la société One Loc, à qui la société Milton, qui n'a pas été avisée de cette situation et n'a pas pu l'approuver, a communiqué des informations confidentielles sur son réseau de franchise, caractérise une violation de l'obligation de non-divulgation de son savoir-faire et de non-concurrence imposée par le contrat. Cette seule circonstance, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'étendue et la portée du territoire de référence de la société One Loc, au regard de cette clause, constituent une faute de la société One Loc d'une gravité suffisante justifiant la résiliation sans préavis, par la société Milton, des relations contractuelles qu'elle entretenait avec la société One Loc.
Il y a donc lieu de rejeter la demande formée par la société One Loc à l'encontre de la société Milton pour rupture brutale des relations commerciales établies.
Le jugement doit être confirmé sur ce point.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société One Loc, partie perdante, doit être condamnée aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Milton la somme supplémentaire de 10 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du Code de procédure civile formulée par la société One Loc.
Par ces motifs, LA COUR, confirme le jugement en toutes ses dispositions, y ajoutant, condamne la société One Loc aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Milton Location de voitures la somme supplémentaire de 10 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, rejette toute autre demande.