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Décisions

Cass. com., 18 octobre 2017, n° 16-15.891

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Cofima (Sté), Promen (Sté), Servimen (Sté), Sonimen (Sté), Verdie (Sté), Alutec (Sté), Menuisud (Sté), Comater (Sté), Clomen (Sté)

Défendeur :

Bati-Man (Sté), Aria (Sté), Chauvat portes (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Avocats :

SCP Foussard, Froger, SCP Lyon-Caen, Thiriez

T. com. Bayonne, du 8 janv. 2015

8 janvier 2015

LA COUR : - Joint les pourvois principal et provoqué incident n° 16-15.903 et le pourvoi n° 16-15.891 qui attaquent le même arrêt ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé, que les sociétés Cofima, Promen, Servimen, Sonimen, Verdie, Alutec, Menuisud, Comater et Clomen, spécialisées dans la distribution et l'installation d'articles pour l'aménagement de la maison, ont conclu avec la société Bati-Man un contrat aux termes duquel cette dernière s'engageait à leur communiquer son savoir-faire et son assistance, leur accordait le droit d'utiliser l'enseigne " Batiman ", ainsi qu'une exclusivité territoriale, en contrepartie d'une obligation d'adhérer à une centrale de référencement gérée par la société Aria et d'un engagement d'approvisionnement exclusif auprès des fournisseurs agréés par cette centrale à hauteur de 75 %, ce moyennant une redevance annuelle ; que, reprochant aux sociétés Bati-Man et Aria de ne pas avoir satisfait à la mise en demeure qui leur avait été adressée le 23 juin 2014 aux fins d'obtenir la communication d'un certain nombre de documents et justificatifs, ainsi que différents manquements à leurs obligations contractuelles, en particulier d'avoir mis en place une nouvelle centrale de référencement confiée à la société Refero, ces sociétés leur ont notifié la résiliation unilatérale des contrats au cours de l'été 2014 ; que le 15 octobre 2014 les sociétés Bati-Man et Aria ont fait assigner ces sociétés, en référé, devant le président d'un tribunal de commerce en poursuite de l'exécution des conventions jusqu'au terme contractuellement prévu et en paiement provisionnel des sommes restant dues ; qu'à titre reconventionnel, les sociétés Cofima, Promen, Servimen, Sonimen, Verdie, Alutec, Menuisud, Comater et Clomen (les sociétés adhérentes) ont demandé une mesure d'expertise ; que la société Chauvat portes, fournisseur référencé, est intervenue en cause d'appel pour se joindre aux sociétés Bati-Man et Aria, considérant que la mesure d'expertise lui portait préjudice et que les éléments qui la concernaient ne devaient pas être rendus publics sans possibilité de contrôle de sa part ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° 16-15.891, pris en ses première et deuxième branches : - Vu l'article 873, alinéa 2, du Code de procédure civile ; - Attendu que pour condamner les sociétés adhérentes au paiement de provisions, l'arrêt constate que les sociétés Bati-Man et Aria demandent qu'elles soient condamnées à leur payer les sommes restant dues au 3 décembre 2014 au titre de l'exécution de leurs obligations contractuelles ; qu'il relève que les sociétés adhérentes étaient tenues de verser une redevance annuelle à la société Bati-Man aux termes des contrats de partenariat et qu'une rémunération de la société Aria était également prévue par les contrats d'adhésion ; qu'il constate que la durée des contrats s'achevait, pour la plupart des sociétés adhérentes, au 31 décembre 2014 ; qu'il relève que si ces dernières ont notifié leur volonté de voir résilier leurs contrats en juin ou septembre 2014, pour inexécution des obligations de leurs partenaires, leur reprochant notamment d'avoir dissimulé les avantages financiers qui ont été consentis par les fournisseurs à la centrale de référencement, sans leur être reversés, et de ne pas leur avoir communiqué les pièces nécessaires à leur information, ces actes unilatéraux de résiliation ne constituent pas, au regard de leur portée éminemment discutable, une contestation propre à s'opposer à l'exécution forcée des contrats jusqu'à leur terme contractuel et au paiement de la provision demandée ; qu'il retient en effet, d'une part, que les sociétés adhérentes ne pouvaient se prévaloir de la découverte de cette nouvelle centrale ouvrant le réseau à de nouveaux fournisseurs pour résilier les contrats, dès lors qu'elles avaient réglé, même sans convention écrite, les cotisations similaires à la société Refero et avaient bénéficié des ristournes consenties à cette société concernant des fournisseurs différents de ceux suivis par la société Aria, d'autre part, qu'elles ne pouvaient davantage se fonder sur l'absence de communication de certaines pièces, dans la mesure où les sociétés Bati-Man et Aria estiment que ces documents sont étrangers à ceux qui, selon le contrat, peuvent être réclamés au titre des éléments d'information susceptibles d'être utiles aux adhérents dans le cadre de leur activité commerciale ; qu'il ajoute que les sociétés adhérentes visent en l'espèce à rechercher les avantages financiers et confidentiels retirés par les sociétés Bati-Man et Aria dans les relations avec les fournisseurs référencés ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a tranché une contestation sérieuse relative à la portée des obligations souscrites et aux conséquences des manquements invoqués, a violé le texte susvisé ;

Sur le premier moyen des pourvois principal et incident n° 16-15.903, pris en leur première branche, rédigés en termes identiques, réunis : - Vu l'article 873, alinéa 2, du Code de procédure civile ; - Attendu que pour condamner les sociétés Comater et Clomen au paiement de provisions, l'arrêt rappelle que les sociétés Bati-Man et Aria demandent qu'elles soient condamnées à leur payer les sommes restant dues au 3 décembre 2014 au titre de l'exécution de leurs obligations contractuelles ; qu'il relève que les sociétés adhérentes étaient tenues de verser une redevance annuelle à la société Bati-Man aux termes des contrats de partenariat, et qu'une rémunération de la société Aria était également prévue par les contrats d'adhésion ; qu'il constate que la durée des contrats s'achevait, pour la plupart des sociétés adhérentes, au 31 décembre 2014 et que si ces dernières ont notifié leur volonté de voir résilier le contrat en juin ou septembre 2014, pour inexécution des obligations de leurs partenaires, leur reprochant d'avoir dissimulé les avantages financiers qui ont été consentis par les fournisseurs à la centrale de référencement sans leur être reversés, ces actes unilatéraux de résiliation ne constituent pas au regard de leur portée éminemment discutable une contestation propre à fonder un rejet des demandes de provision ; qu'il ajoute que les sociétés de référencement ont essentiellement un rôle d'intermédiaire, rapprochant le fournisseur de l'acheteur, et qu'elles peuvent être rémunérées par les deux parties, à savoir par les fournisseurs, en fonction du chiffre d'affaires qu'ils réalisent avec les membres, et par les membres, sous la forme des taxes d'adhésion, de sorte que les moyens d'illicéité des rémunérations qualifiées de " marges arrières " s'inscrivent dans un débat impropre à caractériser une contestation sérieuse pour s'opposer à l'exécution forcée des contrats jusqu'à leur terme contractuel et au paiement de la provision demandée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les sociétés Comater et Clomen faisaient valoir que les sociétés Bati-Man et Aria s'étaient placées dans une situation illicite de conflit d'intérêts et que les manquements graves dénoncés les avaient conduites à résilier les contrats, la cour d'appel, qui a tranché une contestation sérieuse, a violé le texte susvisé ;

Sur le second moyen du pourvoi n° 16-15.891, pris en ses première et deuxième branches : - Vu l'article 145 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour rejeter la demande d'expertise formée à titre reconventionnel par les sociétés adhérentes, l'arrêt relève que la mesure ne doit pas constituer un moyen, pour les parties demanderesses à l'expertise, d'accéder à bon compte et sans raison majeure à des informations confidentielles ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les sociétés adhérentes se prévalaient de la mise en demeure de fournir la justification des ristournes négociées pour leur compte, restée infructueuse, et de la méconnaissance du contrat d'adhésion qui prévoyait l'engagement de la société Aria d'obtenir les meilleures conditions d'achat possibles au profit des adhérents, de leur reverser les ristournes obtenues dans les meilleurs délais, de leur fournir une information chaque trimestre concernant l'état des négociations et actions en cours, ainsi que de mettre à leur disposition les éléments d'information susceptibles de leur être utiles dans le cadre de leur activité commerciale, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des motifs impropres à exclure l'intérêt légitime qu'avaient les sociétés adhérentes à demander cette mesure, a violé le texte susvisé ;

Et sur le même moyen du pourvoi n° 16-15.891, pris en sa troisième branche, et le second moyen des pourvois principal et incident n° 16-15.903, pris en leur quatrième branche rédigée en termes identiques, réunis : - Vu l'article 145 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour rejeter la demande d'expertise formée par les sociétés adhérentes, l'arrêt retient encore que la mesure ne saurait porter une atteinte injustifiée aux secrets commerciaux et industriels, ou plus globalement, à l'activité d'une entreprise concurrente ; qu'il constate que les sociétés adhérentes ont créé un réseau concurrent de celui du groupe Bati-Man et que, par la généralité de certaines branches de la mission confiée à l'expert et leur domaine, portant sur des relations contractuelles avec des entreprises tierces au litige, cette mesure, destinée à obtenir " des explications sur le fonctionnement de l'enseigne " aurait finalement pour conséquence de leur permettre de connaître, malgré le secret des affaires, la structure commerciale des sociétés de ce groupe ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application de l'article 145 du Code de procédure civile, dès lors que la mesure d'instruction sollicitée procède d'un motif légitime et qu'elle est nécessaire à la protection des droits des requérantes, la cour d'appel, à laquelle il appartenait de circonscrire la mesure aux éléments permettant d'atteindre cet objectif sans porter une atteinte excessive aux intérêts légitimes des autres parties, a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il condamne, à titre de provision : - la société Comater à payer à la société Bati-Man la somme de neuf mille deux cent soixante et un euros et soixante centimes et à la société Aria la somme de mille sept cent quatre-vingt quatorze euros et six centimes, - la société Clomen à payer à la société Bati-Man la somme de douze mille vingt-six euros et seize centimes et à la société Aria la somme de mille huit cent vingt-six euros et trente centimes, - la société Sonimen à payer à la société Bati-Man la somme de cinq mille quatre cents euros et à la société Aria la somme de mille cent dix-huit euros et cinquante centimes, - la société Servinem à payer à la société Aria la somme de mille deux cent vingt-sept euros et quarante-sept centimes, - la société Promen à payer à la société Aria la somme de mille deux cent dix-sept euros et trente centimes, - la société Verdie à payer à la société Bati-Man la somme de six mille cinq cent quatre-vingt onze euros et vingt-cinq centimes et à la société Aria la somme de deux mille huit cent soixante-quatre euros et quarante-cinq centimes, - la société Cofima (enseigne AZ Habitat, Compagnie financière et de management) à payer à la société Bati-Man la somme de vingt mille cent quatre-vingt euros et seize centimes et à la société Aria la somme de mille cinq cent soixante-neuf euros et cinquante et un centimes, - la société Menuisud à payer à la société Bati-Man la somme de deux mille cent quinze euros et trente-six centimes, - la société Alutec à payer à la société Bati-Man la somme de onze mille six euros et quarante-six centimes (11 006,40 €) et à la société Aria la somme de mille trois cent soixante-six euros et quatorze centimes, - rejette leur demande d'expertise, - condamne ces sociétés aux entiers dépens de première instance et d'appel et les condamne chacune à payer aux sociétés Aria, Bati-Man et SPRL Refero, ensemble, la somme de mille euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 22 février 2016 (RG n° 15/00301), entre les parties, par la Cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Toulouse.