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Décisions

Cass. com., 18 octobre 2017, n° 15-29.094

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Delta sport Handelskontor Gmbh (Sté), Lidl Belgium Gmbh & Co (Sté), Lidl Stiftung & Co.Kg (Sté), Lidl Uk Gmbh (Sté), Lidl (Sté)

Défendeur :

Décathlon (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Avocats :

SCP Hémery, Thomas-Raquin, SCP Piwnica, Molinié

Paris, 29 mai 2015

29 mai 2015

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 mai 2015), que la société Décathlon, titulaire d'un modèle communautaire enregistré sous le n° 001041560-0001 et portant sur la forme d'une tête de club de golf, a assigné les sociétés Lidl SNC, Lidl Stiftung & Co KG, Lidl UK et Lidl Belgium (les sociétés Lidl) en contrefaçon de ce modèle et concurrence déloyale, pour avoir commercialisé un kit de golf dénommé Crivit reproduisant ce modèle, ainsi que les caractéristiques d'un kit Ygolf qu'elle avait antérieurement mis sur le marché ; que la société Delta Sport Handelskontor (la société Delta sport), fournisseur des sociétés Lidl, est volontairement intervenue à l'instance ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal : - Attendu que les sociétés Lidl et la société Delta sport font grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande de la société Décathlon fondée sur la concurrence déloyale et de les condamner à diverses réparations et interdictions alors, selon le moyen : - 1°) que la demande de dommages et intérêts fondée sur une faute et un préjudice qui n'avaient pas été invoqués en première instance constitue une prétention nouvelle en cause d'appel ; qu'il importe peu que le fondement juridique des demandes soit identique, dès lors qu'elles reposent sur des faits distincts ; qu'en énonçant, pour déclarer recevable la demande en concurrence déloyale de la société Décathlon tirée de l'imitation de la tête de club de golf, qu'elle était fondée sur l'article 1382 du Code civil et qu'elle tendait aux mêmes fins de réparation d'un préjudice résultant d'un comportement déloyal, bien que l'imitation de la tête de club de golf fût invoquée pour la première fois en cause d'appel, la cour d'appel a violé les articles 564 et 565 du Code de procédure civile ; - 2°) que l'action en contrefaçon et l'action en concurrence déloyale ne tendent pas aux mêmes fins dès lors que la première sanctionne l'atteinte à un droit privatif tandis que la seconde sanctionne une faute au sens de l'article 1382 du Code civil ; qu'en l'occurrence, la demande de la société Décathlon tendant à solliciter, pour la première fois en cause d'appel, dans l'hypothèse où " la cour venait à confirmer le jugement déféré en ce qu'il a annulé le modèle communautaire (...), ou à considérer que la contrefaçon n'était pas avérée ", que soit sanctionné " sur le fondement de la concurrence déloyale, le risque de confusion issu de la reprise des caractéristiques notoires de la tête de golf Ygolf " ne tendait pas aux mêmes fins que l'action en contrefaçon formée devant les premiers juges et était donc nouvelle et irrecevable ; qu'en décidant que la demande ne revêtait pas un caractère de nouveauté sans rechercher si celle-ci tendait aux mêmes fins que l'action en contrefaçon, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 565 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que la société Décathlon ayant formé devant les premiers juges une demande en contrefaçon de modèle, ainsi qu'une demande en concurrence déloyale, cette dernière n'était pas nouvelle en cause d'appel par ce seul fait qu'elle se fondait sur des faits qui n'avaient été invoqués, en première instance, qu'à l'appui de l'action en contrefaçon ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal : - Attendu que les sociétés Lidl et Delta sport font grief à l'arrêt de les condamner pour concurrence déloyale et parasitisme alors, selon le moyen : - 1°) que les juges ne peuvent se déterminer par un motif général et abstrait, sans analyser concrètement les élémets de la cause ; qu'elles faisaient valoir, en cause d'appel, qu'elles n'opéraient pas sur le même marché que la société Décathlon et que l'apposition des marques sur les kits en présence excluait tout risque de confusion ; qu'en affirmant, par principe, pour les condamner à raison d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme, que la présence de signes distinctifs et la commercialisation par des circuits de distribution distincts étaient sans incidence sur le risque de confusion entre les produits en présence, la cour d'appel s'est prononcée par un motif général et abstrait, en méconnaissance des exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; - 2°) que les sociétés Lidl faisaient encore valoir, pour démontrer l'absence de risque de confusion entre les kits " Ygolf " et " Crivit ", qu'ils n'avaient pas la même destination, le kit " Ygolf " pouvant être utilisé dans tous les environnements, quand le kit " Crivit " était réservé à la plage ; qu'en se bornant à relever, pour condamner les sociétés Lidl et Delta sport à raison d'actes de concurrence déloyale et parasitisme, que les kits " Ygolf " et " Crivit " produisaient la même impression d'ensemble, sans répondre à ce chef de conclusions pertinent, tiré de leur destination différente, la cour d'appel a de nouveau méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé, au terme d'un examen détaillé, qu'aucun des équipements présents sur le marché ne présentait la combinaison des éléments dont elle constatait la reprise, c'est par une appréciation souveraine des circonstances concrètes de l'espèce que la cour d'appel, qui a ainsi répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées et n'a pas énoncé que, par principe, l'apposition des marques respectives ainsi que l'existence de circuits de distribution distincts ne pourraient être des facteurs pertinents d'examen, a retenu, au vu des similitudes qu'elle constatait, qu'il existait un risque de confusion que ces circonstances n'étaient pas de nature à écarter ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le quatrième moyen du pourvoi principal : - Attendu que les sociétés Lidl et Delta sport font grief à l'arrêt de les condamner à payer une somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile alors, selon le moyen : - 1°) qu'en faisant application de l'article L. 521-7 du Code de la propriété intellectuelle, qui fixe les règles d'évaluation du préjudice résultant de la contrefaçon d'un dessin ou d'un modèle, pour liquider le préjudice né des actes de concurrence déloyale et de parasitisme qui leur étaient reprochés, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ; - 2°) que le juge ne peut accorder plus que ce qui est demandé ; que la société Décathlon concluait, dans l'hypothèse d'une annulation du modèle communautaire, à la condamnation des sociétés Lidl SNC et Delta sport à lui payer la somme de 100 000 euros au titre de la "commercialisation de kits de golf dont les têtes et le conditionnement reprennent l'ensemble des caractéristiques esthétiques des têtes et du kit de golf "Ygolf" ", constitutive de " concurrence déloyale " ; qu'en allouant à la société Décathlon, après avoir annulé son modèle communautaire, la somme de 150 000 euros de dommages et intérêts, excédant ce qu'elle demandait, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ; - 3°) que le juge est tenu de réparer le préjudice, sans qu'il en résulte pour la victime ni perte ni profit ; que la société Décathlon concluait, dans l'hypothèse d'une annulation du modèle communautaire, à la condamnation des sociétés Lidl SNC et Delta sport à lui payer la somme de 100 000 euros au titre de la " commercialisation de kits de golf dont les têtes et la conditionnement reprennent l'ensemble des caractéristiques esthétiques des têtes et du kit de golf "Ygolf" ", constitutive de " concurrence déloyale " ; qu'en allouant à la société Décathlon, après avoir annulé son modèle communautaire, la somme de 150 000 euros de dommages et intérêts, excédant son préjudice, la cour d'appel a violé l'article 1382 et le principe de réparation intégrale ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir cité les termes de l'article L. 521-7 du Code de la propriété intellectuelle, dont il lui était loisible de s'inspirer pour évaluer le préjudice résultant d'actes déloyaux, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, qui n'a pas fait application de ce texte, a retenu que la reprise dans ses moindres détails des conditions de commercialisation du kit avait banalisé et vulgarisé celui-ci et permis de s'assurer d'un succès commercial sans engager de frais de conception et de promotion, affaiblissant ainsi les efforts commerciaux et promotionnels de la société Décathlon et a fixé le montant de l'indemnisation ;

Et attendu, en second lieu, que les conclusions de la société Décathlon demandant, en cas d'invalidation du modèle, une condamnation au paiement d'une somme de 100 000 euros et, en tout état de cause, de celle de 50 000 euros, c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des termes de ces conclusions rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu que la réclamation portait sur un total de 150 000 euros ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen du pourvoi principal, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi incident, qui est éventuel ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi principal.