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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 25 octobre 2017, n° 15-05101

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Boifraco (SARL)

Défendeur :

Brunet, Elaquitaine (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Fisselier, Dinety, Aymami, Babillon, Del Corte

T. com. Bordeaux, du 6 févr. 2015

6 février 2015

Faits et procédure

Depuis novembre 2000, Monsieur Brunet, élagueur depuis 1991, exerce son activité au sein de la SARL Elaquitaine spécialisée dans le domaine des services d'aménagements paysagers et dont il est le gérant.

Souhaitant diversifier ses activités, Monsieur Pierre Skawinski s'est rapproché de lui à l'effet de créer une société spécialisée dans le recyclage de copeaux de bois. Le 7 novembre 2008, Monsieur Brunet et Monsieur Skawinski ont créé la société Boifraco ayant pour objet social l'achat et la vente de copeaux de bois et de tous sous-produits découlant du bois, dont ils détiennent chacun 50 % du capital social et sont co-gérants. Le 2 novembre 2009, l'objet social de la société Boifraco a été élargi aux opérations d'élagage, d'abattage et de dessouchage des arbres afin notamment de lui permettre d'assurer le suivi commercial des chantiers d'élagage et de rechercher de nouveaux marchés dans les départements de la Charente Maritime et des Deux Sèvres, dont elle confiait la réalisation à la société Elaquitaine.

Au démarrage de la société Boifraco, la société Elaquitaine lui a apporté son aide en supportant les frais d'infrastructure administrative et technique (personnel, mémoires techniques, édition des factures, comptabilité...). A compter de novembre 2011, elle a abrité le siège social de la société Boifraco. Toutefois, les deux gérants ont convenu que les résultats étaient partagés par moitié sans imputation des frais de structure supportés par la seule société Elaquitaine.

D'avril à juin 2013, des discussions sont intervenues sur une répartition égalitaire tenant compte des charges respectives de chacune des sociétés mais les parties ne se sont pas accordées.

Le 19 novembre 2013, la société Boifraco a mis en demeure la société Elaquitaine d'avoir à lui régler une facture n° FII 001 du 3 novembre 2013 au titre de la " rétrocession marge sur affaire Niort/Nieul sur mer/Rochefort " à hauteur de la somme de 16 204,15 euros et à lui restituer le matériel lui appartenant, à savoir un escabeau et un électrocoupe. Cette mise en demeure est restée infructueuse, la société Elaquitaine contestant devoir cette somme.

Par exploits des 14 et 21 mars 2014, la société Boifraco a assigné la société Elaquitaine et M. Brunet en paiement de factures et en indemnisation pour rupture brutale des relations commerciales devant le Tribunal de commerce de Bordeaux lequel a, par jugement du 6 février 2015 :

- condamné la société Elaquitaine à payer à la société Boifraco la somme de 7 899 euros à titre d'indemnité pour rupture brutale des relations commerciales,

- débouté la société Boifraco du surplus de ses demandes à l'égard tant de la société Elaquitaine que de M. Brunet,

- condamné la société Elaquitaine à payer à la société Boifraco la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Boifraco à payer à M. Brunet la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

La cour est saisie de l'appel interjeté par la société Boifraco, du jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux du 6 février 2015.

LA COUR

Vu les dernières conclusions de la société Boifraco, appelante, déposées et notifiées le 9 septembre 2015 par lesquelles il est demandé à la cour, au visa des articles 1134, 1147, 1154, 1315 et 1382 du Code civil et L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, de :

- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux du 6 février 2015 en ce qu'il a: " débouté la société Boifraco de sa demande de paiement de sa facture de 16 204,15 euros, débouté la société Boifraco de sa demande de condamnation à l'encontre de Monsieur Guillaume Brunet au titre de son obligation de loyauté, fixé le préjudice subi par la société Boifraco au titre de la rupture brutale des relations commerciales ayant existé avec la société Elaquitaine à la somme de 7 899 euros, condamné la société Boifraco à payer à Monsieur Brunet la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, statuant à nouveau ":

- condamner la société Elaquitaine à payer à la société Boifraco la somme de 16 204,15 € TTC au titre de la dernière facture impayée avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2013,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner la société Elaquitaine à payer à la société Boifraco la somme de 57 354,18 € au titre de son préjudice financier résultant de la rupture unilatérale de la relation commerciale existant entre les deux sociétés,

- condamner Monsieur Guillaume Brunet à payer à la société Boifraco la somme de 30 000 € au titre de son préjudice financier,

- condamner la société Elaquitaine à payer à la société Boifraco la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouter les intimés de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner les intimés aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP AFG, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,

- dire qu'en cas d'exécution forcée de la décision, les sommes retenues par l'huissier de justice instrumentaire au titre de l'article 10 du décret 2001-212 du 8 mars 2001 seront mises à la charge de la société Elaquitaine ;

Vu les dernières conclusions de la société Elaquitaine et Monsieur Brunet, intimés et ayant formé appel incident, déposées et notifiées le 23 mars 2017 par lesquelles il est demandé à la cour de :

- déclarer recevables et bien fondés la société Elaquitaine et Monsieur Brunet dans l'ensemble de leurs demandes, y faisant droit,

- réformer le jugement du 6 février 2015 en ce qu'il a :

* dit que la rupture des relations commerciales était imputable à la société Elaquitaine et l'a condamnée à payer la somme de 7899 euros en réparation du préjudice en résultant,

* refusé d'annuler l'assemblée générale de la société Boifraco en date du 30 juin 2014 après avoir pourtant constaté l'irrégularité de celle-ci,

- confirmer pour le surplus la décision déférée, en conséquence,

- débouter la société Boifraco de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, reconventionnellement,

- condamner la société Boifraco à payer à la société Elaquitaine une somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, condamner la société Boifraco à payer à Monsieur Brunet une somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

SUR CE

Il ressort de l'instruction du dossier qu'au démarrage de l'activité de la société Boifraco, les parties ont convenu que la société Elaquitaine lui remette le bois collecté sur les chantiers à charge pour la première de les commercialiser, puis, cette activité étant déficitaire, que l'objet social de la société Boifraco soit étendu aux opérations d'élagage, d'abattage et de dessouchage de sorte que les deux sociétés en exerçant la même activité puissent se répartir les tâches. La société Boifraco assurait, dans les départements de la Charente et des Deux Sèvres, le suivi commercial des chantiers et prospectait de nouveaux chantiers dont elle sous-traitait l'exécution à la société Elaquitaine. Il résulte des pièces n° 54, 55 et 56 communiquées par l'appelante qu'à partir de 2010 et jusqu'à la cessation des relations commerciales en juin 2013, les bénéfices dégagés par les chantiers exploités en commun étaient partagés par moitié avant imputation des frais généraux dits de structure. La société Boifraco ne conteste pas que la répartition des bénéfices lui était très favorable en ce que la société Elaquitaine supportait des frais de structure beaucoup plus conséquents, alors qu'elle-même ne disposait d'aucun salarié, d'aucune infrastructure administrative et comptable, d'aucun matériel lourd ni même de local.

Comme, d'ailleurs, l'ont justement relevé les premiers juges, l'examen des comptes 2013 de la société Boifraco fait apparaître un chiffre d'affaires de 35 295 € dont 30 520 € au titre de commissions sur CA et des charges d'exploitation de 8 527 € dont 4 738 € au titre de frais de déplacement. En avril 2013, invoquant l'amélioration de la situation de la société Boifraco, la société Elaquitaine a contesté la clé de répartition et a souhaité redéfinir le mode de calcul des honoraires de celle-ci. En juin 2013, après échanges de mails, aucun accord n'a pu être trouvé sur le contenu et l'imputation des frais de structure. Les discussions ont alors cessé et de fait, les relations commerciales ont été rompues.

Sur la demande en paiement d'une somme de 16 204,15 euros TTC au titre d'une facture du 3 novembre 2013

Pour solliciter l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement compte tenu de l'insuffisance de détermination des éléments établissant la réalité de la prestation et d'un nombre significatif d'imprécisions de formulation qui tranche avec la minutie habituelle, la société Boifraco soutient qu'elle justifie d'une créance d'un montant de 16 204,15 euros TTC à l'encontre de la société Elaquitaine. Elle affirme que la société Elaquitaine lui devait la somme de 49 671,55 euros HT sur laquelle elle s'est acquittée de la somme de 30 501,78 € HT de sorte qu'il restait dû la somme de 19 169,97 € HT qu'elle a toutefois modérée, compte tenu des relations commerciales, à 13 548,62 € HT soit 16 204,15 € TTC suivant facture complémentaire du 3 novembre 2013.

La société Elaquitaine réplique qu'elle n'a eu connaissance de cette facture que le 19 novembre 2013, que la société Boifraco se garde d'apporter le détail chiffré de ce qu'elle sollicite et que sa demande ne repose sur aucune pièce tangible et contradictoire.

L'article 1315 du Code civil dans sa rédaction alors en vigueur dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Il appartient donc à la société Boifraco de rapporter la preuve que la facture dont elle réclame le paiement correspond à des honoraires lui revenant après déduction des frais supportés par la société Elaquitaine.

Si, en application des dispositions de l'article L. 110-3 du Code de commerce, la preuve est libre en matière commerciale, il n'en demeure pas moins que la seule production de factures est insuffisante pour justifier de l'obligation à paiement de la partie à laquelle on les oppose.

En l'espèce, la société Boifraco soutient qu'elle détient une créance à l'encontre de la société Elaquitaine qu'elle calcule en reconstituant le montant du chiffre d'affaires qu'aurait réalisé la société Elaquitaine sur les chantiers qu'elle gérait, soit 244 981,51 € HT, à partir de bons de commandes, de mails ainsi que de références de documents comptables, duquel elle déduit les frais de personnel, de déplacement et de matériel de la société Elaquitaine à hauteur de 145 638 € HT. Elle divise la somme ainsi obtenue par 2, pour retenir une créance de 49 671,55 € HT laquelle, compte tenu du versement effectué par la société Elaquitaine à hauteur de 30 501,78 € HT et après modération de sa part s'élèverait à 16 201,15 € TTC.

Mais, aucun des chiffres avancés par la société Boifraco et qui sont contestés par la société Elaquitaine, n'est justifié. Le montant du chiffre d'affaires reconstitué par la société Boifraco (244 981,51 € HT) ne correspond ni à celui qui ressort du tableau excel établi, au demeurant, par ses seuls soins (243 803 € HT), ni à celui mentionné à l'annexe de la facture F13-0002 du 17 juillet 2013 (229 829,80 € HT), ni à celui ressortant des bons de commandes et des mails communiqués (220 028,86 € HT), à supposer même que soit ajoutée à ce dernier montant la somme de 29 966,65 € HT qui, selon ses dires, serait établie par " des références comptables " lesquelles ne sauraient valoir preuve. Aucune preuve n'est donc rapportée de l'obligation au paiement de la facture litigieuse. Par suite, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Boifraco de la demande en paiement au titre de cette facture.

Sur la rupture brutale des relations commerciales

Les parties s'accordent à reconnaître que leurs relations commerciales ont cessé en juin 2013.

Elles s'imputent respectivement l'initiative de la rupture.

La société Boifraco soutient que la société Elaquitaine a mis un terme brutalement aux relations commerciales qu'elles entretenaient depuis novembre 2008, par mail du 14 juin 2013, ce dont elle a pris note par mail du 18 juin 2013. Elle fait valoir que la société Elaquitaine était son unique cliente de sorte que la proportion du chiffre d'affaires à prendre en compte pour le calcul du préjudice est de 100 %. Elle affirme que le préjudice correspond à sa marge brute commerciale estimée sur le deuxième semestre 2014, soit à la somme de 57 354,18 euros. Elle sollicite donc l'infirmation du jugement en ce qu'il a dit que le préavis qui aurait dû lui être accordé était de 4 mois et limité l'indemnité compensatrice à la somme de 7 899 euros. Elle ajoute que l'échec des renégociations des termes contractuels conduisant à la cessation des relations commerciales, ne fait pas obstacle à ce que soit reconnu le caractère brutal de la rupture des relations commerciales.

La société Elaquitaine réplique que si elle-même est à l'origine d'une renégociation de l'accord, la société Boifraco est seule à l'origine de la rupture des relations commerciales. Elle précise qu'il n'est pas interdit d'engager des discussions en cours de contrat sur ses conditions d'exécution et estime qu'il ne peut être jugé qu'elle est à l'origine de la rupture au seul motif qu'elle souhaitait renégocier.

Elle soutient que c'est la société Boifraco qui a rompu les relations commerciales par mail du 18 juin 2013, son propre mail du 14 juin 2013 ne visant que le chantier de Niort. Elle affirme que Monsieur Skawinski a souhaité instrumentaliser un simple problème de réorganisation de planning pour invoquer la rupture de la relation contractuelle. Enfin, à titre subsidiaire, elle soutient que la société Boifraco n'a subi aucun préjudice résultant de la brutalité de la rupture.

Aux termes de l'article L 442-6, I, 5° du Code de commerce, " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :.. 5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ".

Il appartient à la société Boifraco qui se prétend victime d'une rupture brutale des relations commerciales, de rapporter la preuve, à tout le moins, que la société Elaquitaine est bien l'auteur de la rupture.

La société Boifraco affirme que par mail du 14 juin 2013, la société Elaquitaine l'a informée de la rupture des relations commerciales de sorte qu'elle en est l'auteur. Mais, ce mail par lequel Madame Brunet de la société Elaquitaine se contente d'indiquer à Monsieur Skawinski " je ne te demande pas d'organiser le chantier de Niort " ne peut s'analyser comme l'annonce d'une rupture des relations commerciales, du fait de l'emploi de l'adverbe " pas " et non de celui de l'adverbe " plus " qui seul aurait signifié la cessation définitive de l'organisation du chantier de Niort par la société Boifraco.

C'est donc à tort que dans son courriel en réponse du 18 juin 2013, la société Boifraco, indiquant avoir pris " ... bonne note de la réponse d'Elaquitaine, Boifraco ne doit plus gérer et organiser les marchés de Niort et a fortiori ceux de La Rochelle et de Nieul sur mer. " en a conclu que la société Elaquitaine entendait rompre les relations commerciales qu'elles entretenaient. Par ailleurs, le fait d'entamer des pourparlers, en cours d'exécution d'un contrat, en vue d'une renégociation des modalités de répartition des honoraires, ne peut établir, à lui seul, une volonté de rompre des relations contractuelles. C'est donc à tort que les premiers juges relevant que la société Elaquitaine avait pris l'initiative de l'adoption d'une nouvelle clé de répartition et qu'il ne pouvait être reproché à Monsieur Skawinski d'avoir refusé de revenir sur les accords antérieurs avantageux pour la société Boifraco, ont conclu à une rupture du fait de la société Elaquitaine, imprévisible et brutale en l'absence de préavis suffisant.

Enfin, la société Boifraco n'excipe d'aucun autre document justifiant que la société Elaquitaine soit l'auteur de la rupture des relations commerciales qui est intervenue de fait en juin 2013. Par suite, la société Boifraco sera déboutée de la demande d'indemnisation formée à ce titre et le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur la demande d'annulation de l'assemblée générale relative à l'approbation des comptes de l'exercice 2013

Pour solliciter l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande en annulation de l'assemblée générale du 30 juin 2014 de la société Boifraco au motif que bien qu'en ayant constaté l'irrégularité, il n'était pas en mesure d'en prononcer l'annulation, Monsieur Brunet rappelle qu'il n'a jamais été convoqué par Monsieur Skawinski et ce en contravention avec l'article 19 des statuts de la société alors qu'il en avait fait la demande dès le 20 février 2014 et que ce n'est que le 1er septembre 2014 qu'il lui a présenté les documents de l'assemblée générale à ratifier de sorte que cette assemblée générale est nulle et de nul effet par application des articles 1844-14 du Code civil et L. 235-9 du Code de commerce.

La société Boifraco réplique que Monsieur Brunet ne peut prétendre à l'annulation d'une assemblée générale pour défaut de convocation alors qu'il était également co-gérant de la société. Elle ajoute que de même, en cette qualité, les prétendues fautes de gestions évoquées par Monsieur Brunet, lui seraient également imputables.

Il n'est pas contesté et il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale qui se serait tenue le 30 juin 2014 en la seule présence de Monsieur Skawinski, que Monsieur Brunet également co-gérant n'a pas été convoqué. Par suite, il y a lieu de prononcer l'annulation de cette assemblée générale.

Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef.

Sur les manquements de Monsieur Brunet à ses obligations de loyauté et de fidélité à l'égard de la société Boifraco

La société Boifraco soutient que Monsieur Brunet, son co-gérant, a violé ses obligations légales de loyauté et de fidélité à son égard lui interdisant de la concurrencer de manière directe par l'intermédiaire d'une autre société dont il est le gérant. Elle affirme que la société Elaquitaine l'a évincée des chantiers qu'elle avait négociés dans les départements des Deux Sèvres et de la Charente Maritime pour pouvoir les exploiter directement et que la participation de Monsieur Brunet à cette manœuvre ne fait aucun doute dans la mesure où elle est confirmée par des clients.

En réplique à la société Elaquitaine, elle indique que si le cumul des mandats n'est pas interdit, il ne doit pas se faire dans des sociétés concurrentes. Elle considère que l'obligation de loyauté et de fidélité du gérant implique l'interdiction de toute activité concurrentielle sans que soit nécessaire de rapporter la preuve d'actes de concurrence déloyale.

Se référant à l'article L. 223-22 du Code de commerce, la société Elaquitaine fait valoir en premier lieu qu'en cumulant les mandats, Monsieur Brunet n'a commis aucune faute. Elle relève que si la Cour de cassation a pu juger que le gérant pouvait être poursuivi au titre d'une obligation de loyauté et de fidélité, celle-ci en fait une appréciation stricte. Elle affirme que l'objet réel de la société Boifraco est différent de son objet social en ce qu'il est assimilable à une activité d'intermédiaire de commerce et non à celle d'un professionnel de l'élagage.

Il est constant qu'un gérant-associé exerçant dans deux sociétés concurrentes est tenu d'une obligation de loyauté et de fidélité qui lui interdit de négocier en qualité de gérant d'une autre société un marché dans le même domaine d'activité.

Mais, c'est par de justes motifs que la cour adopte, aucun élément nouveau susceptible de les remettre en cause n'étant produit en appel, qu'après avoir rappelé que la société Elaquitaine avait l'antériorité des opérations d'élagage, les premiers juges ont exactement relevé que la société Boifraco bien qu'ayant, postérieurement à sa création, élargi son objet social aux mêmes opérations que celles de la société Elaquitaine, s'était cantonnée, jusqu'à la rupture des relations, à des opérations de démarchage commercial et de gestion opérationnelle des chantiers de sorte qu'au regard de l'activité réelle des deux entités, il n'existait aucun comportement déloyal du seul fait du statut de Monsieur Brunet. C'est également à raison qu'ils ont estimé que la preuve d'aucun acte qualifiable de concurrence déloyale n'était rapportée. En effet, la société Boifraco qui fait état d'actes déloyaux de la part de M. Brunet, s'abstient toutefois de les caractériser, se contentant d'indiquer que la participation de ce dernier à son éviction des chantiers qu'elle avait négociés " ne fait aucun doute dans la mesure où elle est confirmée par les dires des clients " et de se référer à cet égard à une unique pièce n°7. Cette pièce qui est constituée d'un courriel adressé le 15 juillet 2013 par Monsieur Hervé Niort à Monsieur Pierre Skawinski aux termes duquel le premier indique au second " Bon, il paraît que nous n'allons plus travailler ensemble, c'est ce qui se dit chez le personnel d'Elaquitaine " n'est pas susceptible d'établir un quelconque acte déloyal commis personnellement par Monsieur Brunet. Par suite le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

La société Boifraco qui succombe essentiellement, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel. En outre, elle devra verser à la société Elaquitaine la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Boifraco de ses demandes en paiement d'une facture de 16 204,15 euros et en indemnisation pour manquement aux obligations de loyauté et de fidélité ; statuant à nouveau, Déboute la société Boifraco de sa demande en indemnisation pour rupture brutale des relations commerciales ; Prononce l'annulation de l'assemblée générale de la société Boifraco en date du 30 juin 2014 ; Condamne la société Boifraco aux dépens de première instance et d'appel ; Condamne la société Boifraco à verser à la société Elaquitaine la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.