CJUE, 3e ch., 26 octobre 2017, n° C-356/16
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
Wamo BVBA, Van Mol
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Bay Larsen (Rapporteur)
Avocat général :
M. Bot
Juges :
MM. Malenovský, Safjan, váby, Vilaras
LA COUR (troisième chambre),
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (" directive sur les pratiques commerciales déloyales ") (JO 2005, L 149, p. 22).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d'une procédure pénale engagée contre Wamo BVBA et M. Luc Cecile Jozef Van Mol, poursuivis pour avoir enfreint une réglementation nationale interdisant à toute personne physique ou morale de diffuser de la publicité relative aux actes relevant de la chirurgie esthétique ou de la médecine esthétique non chirurgicale.
Le cadre juridique
Le droit de l'Union
3 Le considérant 9 de la directive 2005/29 énonce :
" La présente directive s'applique sans préjudice des recours individuels formés par les personnes lésées par une pratique commerciale déloyale. Elle s'applique également sans préjudice des règles communautaires et nationales relatives [...] aux questions de santé et de sécurité liées aux produits [...]. Les États membres pourront ainsi maintenir ou instaurer sur leur territoire des mesures de restriction ou d'interdiction de pratiques commerciales pour des motifs de protection de la santé et de la sécurité des consommateurs, quel que soit le lieu d'établissement du professionnel, par exemple pour ce qui concerne l'alcool, le tabac ou les produits pharmaceutiques. [...] "
4 L'article 2 de cette directive, intitulé " Définitions ", dispose :
" Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
c) "produit" : tout bien ou service, y compris les biens immobiliers, les droits et les obligations ;
d) "pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs" (ci-après également dénommées "pratiques commerciales") : toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d'un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d'un produit aux consommateurs ;
[...] "
5 L'article 3 de ladite directive prévoit :
" 1. La présente directive s'applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, telles que définies à l'article 5, avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit.
[...]
3. La présente directive s'applique sans préjudice des dispositions communautaires ou nationales relatives à la santé et à la sécurité des produits.
[...]
8. La présente directive s'applique sans préjudice des conditions d'établissement ou des régimes d'autorisation ou des codes de déontologie ou de toute autre disposition spécifique régissant les professions réglementées que les États membres peuvent imposer aux professionnels, conformément à la législation communautaire, pour garantir que ceux-ci répondent à un niveau élevé d'intégrité.
[...] "
Le droit belge
6 Selon l'article 2, 6°, de la Wet tot regeling van de vereiste kwalificaties om ingrepen van niet-heelkundige esthetische geneeskunde en esthetische heelkunde uit te voeren en tot regeling van de reclame en informatie betreffende die ingrepen (loi réglementant les qualifications requises pour poser des actes de médecine esthétique non chirurgicale et de chirurgie esthétique et réglementant la publicité et l'information relative à ces actes), du 23 mai 2013 (Belgisch Staatsblad, 2 juillet 2013, p. 41511), telle que modifiée par la Wet houdende diverse bepalingen inzake gezondheid (loi portant des dispositions diverses en matière de santé), du 10 avril 2014 (Belgisch Staatsblad, 30 avril 2014, p. 35442) (ci-après la " loi du 23 mai 2013 "), on entend par " publicité " toute forme de communication ou action à destination du public qui vise, directement ou indirectement, à promouvoir la prestation des actes visés à l'article 3 de cette loi, quels que soient l'endroit, le support ou les techniques utilisés, en ce compris les émissions de télé-réalité.
7 L'article 20/1 de la loi du 23 mai 2013, lu en combinaison avec l'article 3 de celle-ci, précise qu'il est interdit à toute personne physique ou morale de diffuser de la publicité relative aux actes relevant de la chirurgie esthétique ou de la médecine esthétique non chirurgicale.
8 L'article 22/1 de cette loi prévoit que l'auteur d'une infraction visée à l'article 20/1 sera puni d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de 250 euros à 5 000 euros ou d'une de ces peines seulement, et précise que le tribunal peut, en outre, ordonner la publication du jugement dans trois journaux.
Le litige au principal et la question préjudicielle
9 Il ressort de la décision de renvoi que, à la suite d'une dénonciation effectuée par le Federale Overheidsdienst Volksgezondheid, Veiligheid van de Voedselketen en Leefmilieu (service public fédéral santé publique, sécurité de la chaîne alimentaire et environnement, Belgique) auprès du Procureur des Konings (procureur du Roi, Belgique), des poursuites pénales ont été engagées contre Wamo, société exploitant des boutiques de vêtements sous le nom commercial ZEB, ainsi que contre M. Van Mol, administrateur délégué de Mosa, société gérante de Wamo, au motif que, entre le 8 et le 13 juin 2015, ils auraient diffusé de la publicité relative à des actes relevant de la chirurgie esthétique, en violation du droit belge.
10 Le dossier répressif comprend un dépliant publicitaire promouvant un concours lié à la chirurgie esthétique que ZEB aurait diffusé parmi sa clientèle ainsi qu'une copie de la page web de Wamo, où figure une annonce publicitaire similaire.
11 Devant la juridiction de renvoi, Wamo et M. Van Mol soutiennent, notamment, que les dispositions du droit belge qui interdisent de diffuser de la publicité relative aux actes relevant de la chirurgie esthétique ou de la médecine esthétique non chirurgicale sont contraires à la directive 2005/29.
12 C'est dans ce contexte que le Nederlandstalige rechtbank van eerste aanleg te Brussel, strafzaken (tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles, section correctionnelle, Belgique) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
" Faut-il interpréter la directive [2005/29] en ce sens qu'elle s'oppose à une loi nationale qui interdit à toute personne physique ou morale de diffuser de la publicité relative à des actes de chirurgie esthétique ou de médecine esthétique non chirurgicale, comme le prévoit l'article 20/1 de la loi du [23 mai 2013] ? "
Sur la question préjudicielle
13 En vertu de l'article 99 de son règlement de procédure, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l'avocat général entendu, décider de statuer par voie d'ordonnance motivée.
14 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.
15 Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2005/29 doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui protège la santé publique ainsi que la dignité et l'intégrité des professions de chirurgien esthétique et de médecin esthétique en interdisant à toute personne physique ou morale de diffuser de la publicité relative aux actes relevant de la chirurgie esthétique ou de la médecine esthétique non chirurgicale.
16 Afin de répondre à la question posée, il convient, à titre liminaire, de déterminer si les publicités qui font l'objet de l'interdiction en cause au principal constituent des pratiques commerciales au sens de l'article 2, sous d), de la directive 2005/29, et sont, dès lors, soumises aux prescriptions édictées par cette dernière (voir, par analogie, arrêt du 4 mai 2017, Vanderborght, C339/15, EU:C:2017:335, point 22 et jurisprudence citée).
17 À cet égard, il y a lieu de relever que l'article 2, sous d), de cette directive définit, en utilisant une formulation particulièrement large, la notion de " pratique commerciale " comme " toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d'un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d'un produit aux consommateurs " (arrêts du 9 novembre 2010, Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag, C540/08, EU:C:2010:660, point 17, et du 4 mai 2017, Vanderborght, C339/15, EU:C:2017:335, point 23).
18 En outre, conformément à l'article 2, sous c), de ladite directive, la notion de " produit " vise, quant à elle, tout bien ou service.
19 Il en résulte que la publicité relative aux actes relevant de la chirurgie esthétique, telle que celle en cause au principal, que ce soit par la diffusion de dépliants publicitaires ou sur Internet, constitue une pratique commerciale, au sens de la directive 2005/29.
20 Cela étant, conformément à l'article 3, paragraphe 3, de cette directive, celle-ci s'applique sans préjudice des dispositions de droit de l'Union ou de droit national relatives à la santé et à la sécurité des produits.
21 Par ailleurs, il y a lieu de relever que, aux termes de l'article 3, paragraphe 8, de ladite directive, celle-ci s'applique sans préjudice des codes de déontologie ou de toute autre disposition spécifique régissant les professions réglementées que les États membres peuvent imposer aux professionnels conformément à la législation de l'Union, pour garantir que ceux-ci répondent à un niveau élevé d'intégrité.
22 Il découle ainsi de ces dispositions que la directive 2005/29 n'a pas pour effet de remettre en cause les règles nationales relatives à la santé et à la sécurité des produits ou aux dispositions spécifiques régissant les professions réglementées (arrêt du 4 mai 2017, Vanderborght, C339/15, EU:C:2017:335, point 28).
23 Or, il ressort de la décision de renvoi que la législation nationale en cause au principal, à savoir l'article 20/1 de la loi du 23 mai 2013, protège la santé publique ainsi que la dignité et l'intégrité des professions de chirurgien esthétique et de médecin esthétique, de sorte qu'elle relève de l'article 3, paragraphes 3 et 8, de la directive 2005/29 (voir, par analogie, arrêt du 4 mai 2017, Vanderborght, C339/15, EU:C:2017:335, point 29).
24 Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que la directive 2005/29 doit être interprétée en ce sens qu'elle ne s'oppose pas à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui protège la santé publique ainsi que la dignité et l'intégrité des professions de chirurgien esthétique et de médecin esthétique en interdisant à toute personne physique ou morale de diffuser de la publicité relative aux actes relevant de la chirurgie esthétique ou de la médecine esthétique non chirurgicale.
Sur les dépens
25 La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :
La directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (" directive sur les pratiques commerciales déloyales "), doit être interprétée en ce sens qu'elle ne s'oppose pas à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui protège la santé publique ainsi que la dignité et l'intégrité des professions de chirurgien esthétique et de médecin esthétique en interdisant à toute personne physique ou morale de diffuser de la publicité relative aux actes relevant de la chirurgie esthétique ou de la médecine esthétique non chirurgicale.