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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 2 novembre 2017, n° 17-03300

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

ACA Fiduciaire (SARL)

Défendeur :

Guerlain (SA), LVMH Fragrance Brands (SA), Parfums Christian Dior (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chevalier

Conseillers :

Mmes Bodard-Hermant, Dellelis

Avocats :

Mes de la Taille, Abadie, Botbol Lalou, Fisselier, Deurel

T. com. Paris, prés., du 7 févr. 2017

7 février 2017

La SARL ACA Fiduciaire a pour objet social le "conseil pour les affaires et autres conseils de gestion". Elle indique avoir été mandatée par la société de droit américain Distriparfum qui exerce une activité de commerce de parfums via le site internet accessible à l'adresse www.distriparfum.com pour procéder à la réception et à l'encaissement de règlements effectués par chèques par ses clients français.

Les sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain et LVMH Fragrance Brands conçoivent fabriquent et commercialisent des parfums de luxe et des produits de beauté Dior, Guerlain, Givenchy et Kenzo, de renommée mondiale.

Prétendant que la société Distriparfum avec l'aide de la société ACA Fiduciaire proposaient illicitement leurs produits à la vente, elles ont obtenu par ordonnance sur requête rendue par le président du Tribunal de commerce de Paris le 1er juin 2016 une mesure d'instruction dans les locaux de la société ACA Fiduciaire afin de connaître le ou les exploitants effectifs du site internet www.distriparfum.com et de comprendre les relations existantes entre la société ACA Fiduciaire et l'entité Distriparfum.

Cette mesure a été effectuée suivant procès-verbal de constat d'huissier du 15 juin 2016.

Une ordonnance du président du Tribunal de commerce de Paris du 21 septembre 2016, frappée d'un appel en cours, a rejeté la demande, formée par la société ACA Fiduciaire, de rétractation de l'ordonnance sur requête l'ayant ordonnée et renvoyé les parties à réaliser la mainlevée du séquestre.

Une ordonnance du président du Tribunal de commerce de Paris du 3 avril 2017 a statué sur la demande en mainlevée de séquestre, autorisant la communication de diverses pièces aux sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain et LVMH Fragrance Brands.

Entretemps, le 16 décembre 2016, les sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain et LVMH Fragrance Brands ont assigné la société ACA Fiduciaire en référé d'heure à heure devant le président du Tribunal de commerce de Paris qui, par ordonnance du 7 février 2017 a :

- interdit, sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée à compter du 8e jour de la signification de la présente décision, à la société ACA Fiduciaire d'encaisser toute somme et tout chèque en règlement de la vente de produits Dior, Givenchy, Guerlain et Kenzo ;

- ordonné, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter du 8e jour de la signification de la présente décision, à la société ACA Fiduciaire de supprimer et/ou de faire supprimer la mention dans l'onglet " informations de paiement " et plus généralement sur l'ensemble des pages du site internet accessible à l'adresse www.distriparfum.com ainsi que sur l'ensemble des documents et courriels de Distriparfum, de la possibilité de régler les commandes de produits Dior, Givenchy, Guerlain et Kenzo et ce à l'ordre de la société ACA Fiduciaire ;

- laissé au juge de l'exécution le soin de liquider les éventuelles astreintes ;

- condamné la société ACA Fiduciaire à verser à chacune des sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain et LVMH Fragrance Brands une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- condamné en outre la société ACA Fiduciaire aux dépens.

La société ACA Fiduciaire, a interjeté appel, suivant déclaration du 13 février 2017, de cette ordonnance du président du Tribunal de commerce de Paris du 7 février 2017.

Par ses dernières conclusions n° 2 transmises le 25 juillet 2017, elle demande à la cour de l'infirmer en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau :

- déclarer irrecevable la demande formée à son encontre de suppression de mentions sur le site internet Distriparfum,

- débouter les sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain et LVMH Fragrance Brands de leurs demandes d'interdiction d'encaissement, en tout état de cause,

- dire n'y avoir lieu à référé vu l'existence d'une contestation sérieuse,

A titre subsidiaire,

- dire et juger, que si une interdiction devait être prononcée, elle ne pourrait être libellée que de la manière suivante : " Interdire à la société ACA Fiduciaire d'encaisser toute somme et tout chèque identifié comme étant exclusivement un règlement de la vente de produits Dior, Givenchy, Guerlain et Kenzo "

- débouter sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain et LVMH Fragrance Brands de leur demande en fixation d'une astreinte

En tout état de cause,

- condamner les sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain et LVMH Fragrance Brands à lui payer une indemnité de procédure de 5 000 euros et aux dépens.

Elle soutient que :

- les sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain et LVMH Fragrance Brands ne démontrent pas l'existence et la licéité de leur prétendu réseau de distribution sélective :

* faute de démontrer qu'elles ne détiennent pas plus de 30 % de parts de marché,

* et en l'état de contrats types vierges dont certaines clauses violent les dispositions des règlements d'exemption n° 2790/1999 du 22 décembre 1999 et n° 330/2010 du 20 avril 2010

- la vente hors de ce réseau querellée ne constitue pas en soi un acte de parasitisme,

- la vente dans des conditions dévalorisantes pour l'image de marque des parfums n'est pas démontrée,

- il ne peut lui être ordonné d'imposer à la société Distriparfum de supprimer la mention querellée,

- les demandes des sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain et LVMH Fragrance Brands sont disproportionnées et impossibles à mettre en œuvre faute de pouvoir identifier un règlement exclusivement pour des produits des sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain et LVMH Fragrance Brands.

Les sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain et LVMH fragrance Brands, intimées, demandent à la cour, par leurs conclusions récapitulatives transmises le 19 septembre 2017, de :

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

En conséquence :

- débouter la société ACA Fiduciaire de ses demandes, une indemnité de procédure de 10 000 euros chacune et aux dépens, dont distraction.

Elles soutiennent que :

- la société ACA Fiduciaire est gérée par M. Armand Amsellem, la société Distriparfum est notamment dirigée par son fils, M. Stéphane Amsellem, et M. Armand Amsellem est indirectement actionnaire de la société Distriparfum,

- il ressort des mesures de constats autorisées dans les locaux de la société ACA Fiduciaire que celle-ci a en sa possession à Paris les bilans de la société Distriparfum ainsi que de nombreux documents de sa comptabilité,

- la société ACA Fiduciaire a réceptionné pour Distriparfum des paiements par chèques mais aussi des virements et a réalisé de nombreux paiements par chèques et virements aux clients de Distriparfum ainsi qu'à différents comités d'entreprise,

- la société ACA Fiduciaire procède également elle-même directement à l'expédition aux consommateurs des produits achetés sur le site Internet Distriparfum,

- la vente de leurs produits de parfumerie par la société Distriparfum avec l'aide de la société ACA Fiduciaire, dans des conditions dévalorisantes pour l'image de marque de leurs produits est en soi un acte parasitisme et de concurrence déloyale qui leur cause un trouble manifestement illicite,

- la vente de leurs produits de parfumerie par la société Distriparfum avec l'aide de la société ACA Fiduciaire qui n'ont pas la qualité de distributeur agréé, constitue un trouble illicite en ce qu'il désorganise leur réseau de distribution sélective dont l'existence et la licéité ne sont pas sérieusement contestées.

La cour renvoie aux décisions conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR

Sur la recevabilité de la demande de suppression par la société ACA Fiduciaire de la mention - dans l'onglet " informations de paiement " et plus généralement sur l'ensemble des pages du site internet accessible à l'adresse " www.distriparfum.com " ainsi que sur l'ensemble des documents et courriels de Distriparfum - de la possibilité de régler les commandes de produits Dior, Givenchy, Guerlain et Kenzo et ce à l'ordre de la société ACA Fiduciaire

La société ACA Fiduciaire conteste cette recevabilité dans le dispositif de ses conclusions mais ne consacre aucun développement précis à cette demande dans les motifs de celles-ci, se bornant à soutenir, au principal et au titre du paragraphe consacré à l'impossibilité de mises en œuvre des demandes formées par les intimées (conclusions p. 34-38) que par mesure de prudence elle a demandé que ses coordonnées soient ôtées du site internet de la société Distriparfum ainsi qu'elle en rapporte la preuve (pièces 3-4) et qu'elle est étrangère à l'activité de la société Distriparfum dont elle ne fait que réceptionner les paiements par chèques effectués par les clients français de son site.

Cette demande qui n'est pas étayée ne peut donc être accueillie.

Au principal,

Aux termes de l'article 873 alinéa 1er du Code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut toujours, dans les limites de la compétence de ce tribunal, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Et il est constant que le trouble manifestement illicite que constituerait la commercialisation par un intermédiaire non agréé des produits d'un promoteur d'un réseau de distribution sélective, telle que définie à l'article 1-e du règlement d'exemption n° 330/2010 susvisé, est subordonné à la licéité de ce réseau au regard des règles du droit de la concurrence qu'il incombe à ce promoteur d'établir avec l'évidence requise en référé.

Selon ces règles, la distribution sélective ne relève pas de l'article 101 § 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ni de l'article L. 420-1 du Code de commerce prohibant les ententes restrictives de concurrence, parce qu'elle ne préjudicie pas à la concurrence si elle remplit certaines exigences progressivement consacrées par les autorités de concurrence.

Ainsi, le promoteur du réseau de distribution sélective doit-il rapporter la preuve de la légitimité de la distribution sélective de ses produits afin d'en préserver la qualité et d'en assurer le bon usage, ce que l'Autorité de la concurrence a manifestement admis notamment en 2012 pour le secteur du parfum et des cosmétiques de luxe, dans son avis n° 12-A-20 du 18 septembre 2012 relatif au fonctionnement concurrentiel du commerce électronique (§ 273 et 275), ce qui n'est d'ailleurs pas expressément contesté.

Il doit en outre justifier du caractère strictement nécessaire des critères de sélection des candidats à l'agrément, ce qui là encore n'est pas expressément contesté en l'espèce.

Enfin, lorsque la preuve de la licéité d'un réseau de distribution sélective n'a été constatée par aucune décision, il appartient au promoteur du réseau d'établir que les critères de choix des distributeurs agréés ont manifestement un caractère objectif, n'ont pas pour objet ou pour effet d'exclure certaines formes déterminées de distribution et ne sont pas appliqués de manière discriminatoire.

La société ACA Fiduciaire soutient d'abord que la production de contrats-types vierges non approuvés par la Commission européenne ne met la cour en mesure de s'assurer ni de l'existence ni de la licéité du réseau de distribution sélective allégué ensuite, que ces contrats-types violent les règlements d'exemption n° 2790/1999 du 22 décembre 1999 et n° 330/2010 du 20 avril 2010, enfin, que les intimées n'établissent pas qu'à l'évidence elles ne dépassent pas le seuil de 30 % de parts de marché au-delà duquel elles ne peuvent prétendre à l'exemption prévue par l'article 3 du règlement UE n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, au vu du seul extrait de l'étude NPD intitulée " Prestige " qu'elle fournissent.

Toutefois, un arrêt de la Chambre commerciale du 27 octobre 1992 (n° 90-18.943, Bull. civ. 1992 IV n°332) a jugé qu'une cour d'appel avait pu décider que le réseau mis en place par la société Dior était licite.

En outre et surtout, au vu tant des contrats-types que des procès-verbaux de constats d'huissier du 27 septembre 2016 constatant le nombre de contrats de détaillants agréés signés pour la France soit respectivement 479, 488, 411 et 409 pour chacune des sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain, Givenchy et Kenzo (pièces intimées 91-94), l'existence du réseau de distribution sélective revendiqué est établie avec l'évidence requise en référé.

D'autre part, il résulte à l'évidence de l'extrait produit de l'étude NPD pour les parts de marché des années 2013-2015 (pièce 52), reproduit en page 32 et 33 des conclusions des sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain et LVMH Fragrance Brands, que celles-ci ne détiennent, ni séparément ni même globalement, une part de marché supérieure au seuil de 30 % fixé par l'article 3 du règlement d'exemption 330/2010 susvisé.

A cet égard, l'objection de la société ACA Fiduciaire quant à la fiabilité de cette étude dont l'intitulé " Prestige " ne permettrait pas de déterminer s'il s'agit du seul marché de la parfumerie de luxe n'est pas déterminante, dès lors que NPD constitue manifestement une autorité reconnue en la matière dont les analyses sont utilisées par l'Autorité de la concurrence et la Commission européenne dans leurs avis (pièce intimées 89) et que la société ACA Fiduciaire n'a pas cru devoir faire sommation de communiquer cette étude dans son intégralité.

Enfin, s'agissant du contenu contesté des contrats, la cour estime qu'eu égard au faisceau d'indices résultant des pièces produites et de ce qui précède, cette production suffit à mettre la cour, juge de l'évidence, en mesure de s'assurer, au provisoire, de la licéité du réseau.

Et, pour les raisons qui suivent, il ne résulte d'aucun élément en débat qu'ils contiendraient à l'évidence des clauses de restrictions caractérisées interdites par la réglementation européenne, en particulier les articles 4 b), 4 c) 4 d) du règlement d'exemption 330/2010 précité qui énoncent que sont illicites les clauses qui :

- restreignent le territoire sur lequel un distributeur peut vendre les produits, sauf exception (article 4b)),

- restreignent les ventes aux utilisateurs finals (article 4 c)),

- restreignent les ventes entre distributeurs à l'intérieur d'un réseau de distribution (article 4 d)).

En effet, s'agissant d'abord de la clause contestée comme faisant obligation aux membres des comités d'entreprise et des collectivités de se déplacer individuellement chez le distributeur pour effectuer leurs achats, telle qu'insérée aux contrats vierges en litige (pièces 2B, 2C et 2D intimées), les sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain et LVMH Fragrance Brands justifient avec l'évidence requise en référé de ce que ce type de clause est autorisé par décision de la Commission de la concurrence le 1er décembre 1983.

Ainsi, il n'est pas contesté que la Commission de la concurrence n'a soulevé aucune objection à la suite de diffusion par la Fédération française de l'industrie de la parfumerie d'un ensemble de recommandations à ses adhérents aux termes desquelles " les fabricants peuvent faire interdiction aux détaillants de laisser les collectivités, telles que les comités d'entreprise, exposer et/ou vendre leurs produits, puisque ces organismes ne répondent pas aux critères d'agrément. Cependant, il doit être précisé dans le contrat que ceci ne fait pas obstacle à la possibilité pour les détaillants agréés de consentir des conditions spéciales aux membres desdits comités d'entreprise venant effectuer personnellement, en tant que consommateurs directs, leurs achats dans le magasin faisant l'objet du contrat " (Comm. conc., 1er décembre 1983, " Produits de parfumerie " BOCCRF 28 décembre 1984, p. 393).

L'ancienneté de cette décision importe peu, dès lors que la société ACA Fiduciaire ne détaille pas en quoi les motifs retenus pour autoriser ce type de clause ne sont manifestement pas conformes aux règlements d'exemption n° 2790/1999 du 22 décembre 1999 et n° 330/2010 du 20 avril 2010 qu'elle invoque.

Les lignes directrices sur les restrictions verticales (Communication de la commission 2010/C 130/01) précisent d'ailleurs : " dans le cadre du règlement d'exemption par catégorie, le fournisseur peut imposer des normes de qualité pour l'utilisation du site internet aux fins de la vente de ses produits, comme il le ferait pour un magasin, un catalogue, une annonce publicitaire ou une action de promotion en général. Cela peut être utile en particulier pour la distribution sélective ".

Enfin, une telle réserve est motivée par la nature luxueuse des parfums, justifiant avec l'évidence requise en référé un accompagnement personnalisé et la possibilité de disposer de conseils particuliers pour en préserver l'image de marque.

S'agissant, ensuite, de la clause contestée comme interdisant au distributeur agréé la revente hors réseau, la société ACA Fiduciaire soutient en vain qu'elle constitue une restriction caractérisée prohibée par l'article 4 c) susvisé faute de justification de ce que le réseau de distribution sélective dont les intimées de prévalent couvrent " tous les territoires " (pièces 2A, 2B, 2C et 2D intimées).

En effet, cette clause est à l'évidence de l'essence même d'un réseau de distribution sélective dont elle permet d'assurer l'étanchéité et l'objection susvisée, qui concerne confusément " tous les territoires ", sans plus de précision ne suffit pas à rendre cette clause manifestement illicite au regard du texte précité.

Enfin, la société ACA Fiduciaire conteste la clause des contrats vierges faisant interdiction de revente des produits nouveaux pendant un an faite à des distributeurs agrées sur un territoire dans lesquels ces produits nouveaux n'ont pas encore été commercialisés, qui ne serait licite qu'autant qu'elle vise des campagnes de lancement échelonnées, c'est-à-dire une technique de marketing destinée à tenir compte des particularités, saisonnières, réglementaires, locales ou autres de chacun des marchés concernés (pièces 2A, 2B, 2C et 2D intimées).

Toutefois, contrairement à ce qu'elle soutient, cette clause qui énonce expressément " pour ne pas nuire aux campagnes de lancement d'un nouveau Produit " ou " desdits produits ", comporte une limitation quant à l'objectif poursuivi qui tend à tester un produit pendant une période limitée sur un territoire déterminé de sorte qu'elle est manifestement licite au regard des dispositions pertinentes du droit de la concurrence précitées.

La société ACA Fiduciaire invoque encore le caractère discriminatoire du réseau de distribution sélective de la société Guerlain dont le contrat vierge versé aux débats ne comporte pas les critères de sélection des distributeurs agréés mais renvoie à des conditions générales de vente qui ne sont pas annexées, sans que le document interne intitulé " critères d'évaluation - centre-ville " et " centre commercial " produit en pièce 64, qui ne concerne pas tout type de commerce, ne permette à des candidats de connaître les critères de sélection.

Cependant, cette pièce 64 démontre expressément que la société Guerlain met en œuvre une sélection basée sur des critères d'évaluation définis, pour l'essentiel des commerces, sur des bases non discutées quant à leur conformité aux exigences des règlements d'exemption n° 2790/1999 du 22 décembre 1999 et n° 330/2010 du 20 avril 2010.

Il s'ensuit que la licéité manifeste du réseau de distribution sélective des sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain et LVMH Fragrance Brands est établie avec l'évidence requise en référé, de sorte que l'atteinte qu'y porte la société Distriparfum qui vend hors réseau leurs produits sur son site www.distriparfum.com, avec la complicité de la société ACA Fiduciaire (pièces 3-11 intimées) qui reconnaît avoir été mandatée par elle pour procéder à la réception et à l'encaissement de règlements effectués par chèques par ses clients français sur ce site, constitue un trouble manifestement illicite.

En conséquence, il appartient au juge des référés de le faire cesser en confirmant les mesures conservatoires ordonnées par l'ordonnance entreprises.

Vu les circonstances de l'espèce et les articles L. 131-1 et suivants du Code des procédures civiles d'exécution, doivent également être confirmés les chefs de l'ordonnance entreprise relatifs aux astreintes, qui apparaissent nécessaires mais dans la limite d'une période d'un an, étant observé que les sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain et LVMH Fragrance Brands n'y consacrent aucun développement en appel.

En effet, la société ACA Fiduciaire soutient en vain que les demandes formées par les intimées sont impossibles à mettre en œuvre dès lors qu'elle produit en pièce 5 un procès-verbal de constat du 20 janvier 2017 attestant de la suppression de la mention querellée, qu'elle a manifestement connaissance du détail des commandes auxquelles doivent être jointes les factures correspondantes ainsi que le règlement (pièces 84 et 85 intimées) et qu'elle n'étaye pas son affirmation selon laquelle ces demandes aboutiraient à mettre un terme à son activité avec la société Distriparfum, étant au demeurant observé que seules 4 marques sont concernées par les injonctions querellées sur les 154 que, selon ses propres dires, cette société propose à la vente.

Il s'ensuit qu'aucune circonstance ne justifie de limiter l'injonction confirmée à l'encaissement de toute somme ou chèque " identifié comme étant exclusivement " un règlement de la vente de produits Dior, Givenchy, Guerlain et Kenzo, qu'une telle formule permettrait au demeurant facilement de contourner.

Parfums Christian Dior, Guerlain et LVMH Fragrance Brands qui font valoir sans être contredites que la société ACA Fiduciaire est gérée par M. Armand Amsellem (pièce 13) qui est indirectement actionnaire de la société Distriparfum (pièces 95-96) que dirige, notamment, son fils Stéphane Amsellem (pièce 72), la société ACA Fiduciaire ne soutient pas utilement qu'elle n'exerce aucun contrôle sur le site de cette Distriparfum pour le compte de laquelle elle encaisse des paiements.

Le premier juge a fait une application fondée de l'article 696 du Code de procédure civile et équitable de l'article 700 du même code. L'ordonnance entreprise doit donc être confirmée de ces chefs également.

En appel, la société ACA Fiduciaire qui succombe encore, doit supporter la charge des dépens et ne peut prétendre à une indemnité de procédure, conformément aux articles 696 et 700 du Code de procédure civile. Et l'équité commande de la condamner à payer aux sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain et LVMH Fragrance Brands une indemnité de procédure supplémentaire totale de 9 000 euros.

Par ces motifs, rejette la demande de la société ACA Fiduciaire tendant à l'irrecevabilité de la demande formée à son encontre " de suppression de mentions sur le site internet Distriparfum " ; confirme l'ordonnance entreprise sauf à limiter la durée des astreintes prononcées à une période d'un an ; Statuant à nouveau et y ajoutant, condamne la société ACA Fiduciaire aux dépens d'appel, distraits conformément à l'article 699 du Code de procédure civile ; condamne la société ACA Fiduciaire à payer aux sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain et LVMH Fragrance Brands une indemnité de procédure supplémentaire globale de 9 000 euros et rejette toute autre demande.