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Décisions

CA Nîmes, 1re ch. civ., 26 octobre 2017, n° 15-01505

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Roussel (ès qual.), Chehade (SARL), Renault (SAS), Verdun Aix (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Blume

Conseillers :

Mmes Hebrard, Léger

Avocats :

Mes Quesneau, Autric, Curat, Guennec, Drujon d'Astros, Divisia

TGI Avignon, du 2 févr. 2015

2 février 2015

Exposé du litige

Le 17 juin 2009, Monsieur Pascal X a acheté à la SARL Chehade, exploitant sous l'enseigne Must Automobiles à Pertuis, un véhicule Renault Espace totalisant 116 124 km au prix de 10 068 €. Des désordres étant apparus, il a obtenu, par ordonnance de référé du 16 juin 2010, une mesure d'expertise confiée à Monsieur M. qui a déposé son rapport le 13 juillet 2011, les opérations d'expertise ayant été déclarées communes et opposables à la SAS Renault France et à la société Renault Pertuis.

Par acte d'huissier des 12 et 14 mars 2012, Monsieur Pascal X a fait assigner, devant le Tribunal de grande instance d'Avignon, Maître Bernard Roussel ès qualités de liquidateur de la SARL Chehade, la SAS Renault France et la société Renault Pertuis afin d'obtenir leur condamnation in solidum, sur le fondement des articles 1147 et 1641 du Code civil et L. 211-1 à L. 211-18 du Code de la consommation, au paiement de la somme de 10 000 € au titre de la valeur de remplacement du véhicule, la somme de 2 561 € au titre des coûts d'assurance et la somme de 64 009,92 € au titre du préjudice de jouissance, outre 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens.

Par jugement du 2 février 2016, le Renault de grande instance d'Avignon a déclaré irrecevable la demande dirigée à l'encontre de l'EURL Chehade en raison de la liquidation judiciaire de cette société prononcée par jugement du 13 avril 2011 et de l'absence de déclaration de la créance au passif, a rejeté les demandes formées à l'encontre de la SAS Verdun Aix et de la SAS Renault et a condamné Monsieur Pascal X aux entiers dépens.

Monsieur Pascal X a relevé appel de cette décision le 31 mars 2015.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 septembre 2017 auxquelles il sera expressément renvoyé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, l'appelant demande à la cour de dire que la responsabilité de la SARL Chehade, en sa qualité de vendeur, et que la responsabilité de la SAS Renault France et de la société Renault Pertuis, en leur qualité de vendeur et constructeur professionnel, sont pleinement engagées et ouvrent droit à réparation. Il demande que soit ordonnée une nouvelle expertise si la cour ne s'estimait pas suffisamment éclairée et sollicite la réformation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Il réclame ainsi la condamnation in solidum de la SAS Renault France et de la société Renault Pertuis au paiement de la somme de 10 000 € de dommages et intérêts au titre de la valeur de remplacement du véhicule, de 3 073 € au titre des coûts liés à l'assurance, de 76 182 € au titre du préjudice de jouissance, outre 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamnation in solidum des sociétés Renault France et Renault Pertuis aux dépens, avec distraction au profit de Maître Autric.

Au soutien de ses prétentions, il expose que des ennuis mécaniques sont apparus sur le véhicule dès le mois de septembre 2009 alors qu'il était garanti pendant six mois et qu'il a ainsi été rapporté au vendeur, la SARL Chehade le 15 octobre 2009, le véhicule ne lui ayant jamais été restitué depuis. Il soutient être bien fondé à agir contre le fabricant et les vendeurs intermédiaires et qu'en sa qualité d'acheteur non professionnel, la clause contractuelle d'exclusion de garantie résultant de l'article 5 des conditions générales de la société Verdun Aix lui est inopposable.

Il ajoute que le rapport d'expertise a établi l'existence du vice caché en dépit du vocabulaire employé par l'expert ayant fait référence à une " quasi-certitude du vice " et que le problème technique en cause était connu du constructeur qui avait établi une note technique verte en ce sens au mois d'avril 2007.

Par conclusions notifiées le 30 juillet 2015 par voie électronique auxquelles il sera renvoyé, la SAS Verdun Aix demande à la cour de dire que les conditions d'engagement de la responsabilité ne sont pas réunies à son égard, de constater l'opposabilité à l'égard de l'appelant de la clause de non garantie des vices cachés et de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions. Elle sollicite également l'octroi d'une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamnation de l'appelant aux dépens, avec distraction au profit de la SCP Coulomb Divisia Chiarini.

Elle soutient principalement que la preuve de l'existence d'un vice au moment de la vente du véhicule litigieux à la SARL Chehade n'est pas rapportée, 8 400 kilomètres ayant été parcourus par le véhicule lors de l'apparition des désordres constatés par Monsieur X. Subsidiairement, elle se prévaut de l'opposabilité de la clause de non garantie des vices cachés au sous acquéreur compte tenu de la nature de l'action directe, celle-ci ayant son origine dans le contrat. Elle argue enfin des dispositions de l'article 1641 du Code civil selon lesquelles l'acheteur doit exercer une option entre l'action rédhibitoire et estimatoire et soutient qu'il entend obtenir en réalité une double indemnisation en l'espèce.

Par conclusions notifiées le 7 juin 2017 par voie électronique auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la SAS Renault demande à la cour de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et de déclarer irrecevable autant que mal fondé Monsieur Pascal X en son appel en ce que l'article L. 217-7 du Code de la consommation ne s'applique pas dans les rapports entre le consommateur et le constructeur et que l'action en garantie des vices cachés trouvait son fondement en l'espèce dans l'article 1641 du Code civil imposant la restitution du véhicule et écartant tout octroi de dommages et intérêts. Elle sollicite également l'allocation d'une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamnation de l'appelant aux entiers dépens, avec distraction au profit de la SCP Curat.

La déclaration d'appel et les écritures de Monsieur Pascal X n'ont pu être valablement signifiées à Maître Bernard Roussel qui a refusé les actes délivrés le 18 mai 2015 et le 10 juillet 2015 en raison de la clôture du dossier de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actifs le 30 juin 2012.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 mars 2017 avec effet différé au 8 juin 2017.

L'affaire a été appelée à l'audience du 26 juin 2017 et renvoyée au 25 septembre 2017 avec fixation d'une nouvelle clôture au 15 septembre 2017.

Appelée à l'audience du 25 septembre 2017, l'affaire a été mise en délibéré au 26 octobre 2017.

La décision sera rendue par défaut en application des dispositions de l'article 474 du Code de procédure civile dans la mesure où Me Bernard Roussel a refusé la signification des actes destinés à la SARL Chehade en raison de la clôture de la liquidation judiciaire le 30 juin 2012. A défaut de désignation d'un administrateur ad hoc, la SARL Chehade n'est ainsi pas valablement représentée dans le cadre de la présente procédure.

Motifs de la décision

Sur l'action directe introduite à l'encontre du vendeur intermédiaire (SAS Verdun Aix):

Aux termes de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.

Il est constant qu'il incombe à l'acheteur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères et que dans le cas de ventes successives d'un véhicule d'occasion, la garantie du vendeur initial peut être retenue si les vices cachés, constatés alors que la chose vendue était la propriété du dernier acquéreur, existaient lors de la première vente.

En l'espèce, le véhicule litigieux a été successivement vendu par la SAS Verdun Aix le 23 mai 2009 à la société Must Automobiles au prix de 6 500 € avec un kilométrage de 115 000 km puis le 17 juin 2009 par la SARL Chehade, exploitant sous l'enseigne Must Automobiles, à Monsieur X au prix de 10 068 € avec un kilométrage de 116 124 km. Lorsque les désordres sont apparus le 12 octobre 2009, date à laquelle un contrôle chauffe moteur a été réalisé par un garage privé, le kilométrage du véhicule était de 123 489.

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire établi par Monsieur Denis M. qu'"une avarie de circuit de refroidissement survenant sur un véhicule totalisant 123 400 km livré révisé à 116 124 km à son utilisateur est à l'évidence prématurée et anormale. Elle rend le véhicule impropre à l'usage. En l'absence de défaut d'utilisation ou d'entretien démontré, il est quasi certain qu'elle existait au moins en germe, au moment de la vente, s'agissant de surcroît d'un type de motorisation où l'apparition prématurée de désordres similaires est récurrente. L'avarie ne résulte pas d'un défaut d'entretien puisque survenue à 123 480 km, soit 7 350 km seulement après prise de possession auprès d'un professionnel d'un véhicule révisé affichant 116 124 km. Elle ne résulte pas davantage, en fonction de nos constatations sur l'état général et l'équipement du véhicule d'un usage excessif de ce dernier".

Aux termes des conclusions du rapport d'expertise, si l'expert a clairement écarté l'imputabilité de l'avarie à un défaut d'entretien et à un usage excessif du véhicule litigieux, il a cependant émis une réserve relative à la question de l'existence du vice au moment de la vente réalisée le 17 juin 2009 en concluant à l'existence d'une quasi certitude de l'existence du vice, au moins en germe.

Ce faisant, l'expert n'a pas établi l'existence certaine du vice au moment de la vente alors que cette certitude constitue un élément fondamental de mise en œuvre de la garantie légale des vices cachés. La certitude du vice caché n'ayant pas été établie pour la vente du 17 juin 2009, aucun élément ne permet d'établir que le vice allégué était déjà présent lors de la vente intervenue le 23 mai 2009 alors que le véhicule avait parcouru une distance de 1124 kilomètres entre les deux ventes.

S'agissant de la demande d'une nouvelle expertise présentée par l'appelant au motif que l'expert n'aurait pas satisfait à la mission ordonnée, force est de constater que les parties ont pu faire valoir leurs observations dans le cadre de la mission accomplie et qu'une contre-expertise judiciaire n'a pas été sollicitée dans les suites immédiates du dépôt de l'expertise intervenu le 13 juillet 2011.

Une nouvelle expertise réalisée plus de six ans après la réalisation de la première expertise alors qu'il a été indiqué au surplus par les plaideurs que le véhicule n'était plus à la disposition ni de l'appelant, ni des intimés serait ainsi sans intérêt sur la résolution du litige. Il ne sera en conséquence pas fait droit à cette demande subsidiaire de l'appelant.

Les conditions de mise en œuvre de la garantie des vices cachés à l'encontre de la SAS Verdun Aix n'étant nullement réunies à défaut de la preuve de l'existence du vice caché lors de la vente intervenue entre les deux professionnels automobiles le 23 mai 2009, la décision déférée sera confirmée sur ce point.

Sur l'action directe introduite à l'encontre de la société constructrice (SAS Renault France):

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a considéré que les dispositions de articles L. 211-1 à L. 211-18 du Code de la consommation étaient inapplicables aux actions introduites par le consommateur à l'égard du fabricant, ces textes ne régissant les rapports qu'entre les vendeurs professionnels et les consommateurs.

S'agissant de la garantie des vices cachés, l'acquéreur souhaitant agir sur ce fondement à l'encontre du fabricant doit rapporter la preuve de l'existence d'un vice caché datant de la construction du véhicule en application des dispositions de l'article 1641 du Code civil précité.

En l'espèce, la première mise en circulation du véhicule date du 8 avril 2003, les conclusions de l'expert n'imputent nullement l'origine du vice allégué à un défaut de construction du véhicule et la note technique verte datant du mois d'avril 2007 ne saurait être assimilée à une reconnaissance de vices cachés affectant les véhicules équipés du moteur P9X 701, cette note ne visant nullement à alerter les concessionnaires Renault de l'existence d'avaries constatées sur un modèle de véhicule mais à décliner un arbre logique de recherche de panne pour la surchauffe moteur avec ou sans grippage moteur.

Dans ces conditions, l'appelant est défaillant dans l'administration de la preuve de l'existence d'un vice caché imputable au constructeur automobile Renault et la décision déférée sera également confirmée sur ce point.

Sur les autres demandes :

Succombant dans l'intégralité de ses prétentions, Monsieur Pascal X sera condamné à en régler les entiers dépens de première instance et d'application des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile, avec distraction directe des dépens d'appel au profit de la SCP Curat et de la SCP Coulomb Divisia Chiarini sur le fondement de l'article 699 de ce même code.

L'équité commande en l'espèce de ne faire aucune application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et les parties seront ainsi respectivement déboutées de leur prétention à ce titre.

Par ces motifs, LA COUR : Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant, après débats publics, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort, Confirme la décision déférée dans l'intégralité de ses dispositions ; Dit n'y avoir lieu à ordonner une nouvelle mesure d'expertise judiciaire ; Déboute l'appelant de toutes ses prétentions ; Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile; Condamne Monsieur Pascal X à régler les entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction des dépens d'appel au profit de la SCP Curat et de la SCP Coulomb Divisia Chiarini.