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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re ch. A, 31 octobre 2017, n° 16-03985

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vidal

Conseillers :

Mmes Demont, Vignon

Avocats :

Mes Badie, Culoma, Crudo, Laure

TGI Aix-en-Provence, du 5 févr. 2016

5 février 2016

Exposé du litige

Suivant acte authentique en date du 6 décembre 2006, Monsieur X et Mme X ont acquis de Monsieur Y une maison à usage d'habitation <adresse> pour un prix de 680 000 €.

Au cours de l'année 2011, M. et Mme X ont entrepris des travaux consistant en la création d'une mezzanine. L'entrepreneur, chargé de ces travaux, ayant constaté des fissures anormales entre la poutre et le béton, le mur de refends et la dalle en allège, M. et Mme X ont fait diligenter une expertise amiable confiée au Cabinet Elex au cours de laquelle M. Y était représenté par son propre assureur.

Le Cabinet Elex ayant conclu à la nécessité de procéder à des sondages au niveau de la poutre pour examiner son ferraillage et son liaisonnement au niveau des combles, M. et Mme X, par acte du 4 novembre 2011, ont fait assigner M. Y au visa des articles 1641 et 1644 du Code civil, devant le Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, aux fins d'entendre que celui-ci est tenu à garantie au titre des vices cachés affectant la structure et la solidité de l'immeuble qu'il leur a vendu et de le condamner à restituer une partie du prix de vente, outre diverses autres sommes.

Par ordonnance en date du 25 mai 2012, le juge de la mise en état a ordonné une expertise confiée à Monsieur A.

Par acte du 26 février 2013, M. et Mme X ont fait assigner en intervention forcée, M. Z qui avait, en 2002, vendu la maison à M. Y.

Monsieur A a déposé son rapport définitif le 26 décembre 2013.

Par acte du 13 janvier 2015, M. et Mme X ont fait assigner en intervention forcée Mme W.

Par jugement en date du 5 février 2016, prononcé de manière contradictoire, le Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, a :

- rejeté l'ensemble des demandes de M. et Mme X,

- ordonné la mise hors de cause de M. Y, M. Z et Mme W

- débouté M. Y, M. Z et Mme W de leur demande respective tendant à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné M. et Mme X aux dépens.

Par acte du 3 mars 2016, M. et Mme X ont interjeté appel de cette décision.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et signifiées le 22 septembre 2016, M. et Mme X demandent à la cour, au visa des articles 1641 et suivants et 1382 du Code civil, de:

- réformer le jugement rendu le 5 février 2016 par le Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence,

Statuant à nouveau:

- dire et juger que l'assignation en date du 4 novembre 2011 est recevable,

- débouter M. Y de sa demande d'irrecevabilité soulevée pour la première fois en cause d'appel,

A titre subsidiaire:

- déclarer tardive la fin de non-recevoir soulevée par M. Y en cause d'appel,

- condamner M. Y à payer à M. et Mme X la somme de 184 783 € compte tenu de son attitude dilatoire,

Au fond, à titre principal:

- condamner in solidum M. Y, M. Z et Mme W à payer à M. et Mme X la somme de 60 000 € au titre de la réduction du prix de vente de la maison acquise le 6 décembre 2006,

- dire et juger que cette somme devra être indexée sur l'indice du coût de la construction à compter de la date de délivrance de l'assignation introductive d'instance et jusqu'à parfait paiement,

- condamner in solidum M. Y, M. Z et Mme W à payer à M. et Mme X la somme de 35 783 € au titre des travaux de reprise,

- dire et juger que cette somme devra être indexée sur l'indice du coût de la construction à compter de la date de délivrance de l'assignation introductive d'instance et jusqu'à parfait paiement,

- condamner in solidum M. Y, M. Z et Mme W à payer à M. et Mme X la somme de 59 000 € au titre du préjudice de jouissance subi par les nuisances inhérentes à la pose d'étais,

- dire et juger que cette somme devra être indexée sur l'indice du coût de la construction à compter de la date de délivrance de l'assignation introductive d'instance et jusqu'à parfait paiement,

- condamner in solidum M. Y, M. Z et Mme W à payer à M. et Mme X la somme de 30 000 € au titre du préjudice futur des frais de remise en état,

- dire et juger que cette somme devra être indexée sur l'indice du coût de la construction à compter de la date de délivrance de l'assignation introductive d'instance et jusqu'à parfait paiement,

A titre subsidiaire:

- constater que les travaux à l'origine du vice sont imputables à M. Y,

- dire et juger que M. Z et Mme W sont hors de cause,

- condamner, seul, M. Y, au paiement de l'ensemble des sommes réclamées ci-dessus,

En tout état de cause:

- condamner M. Y à payer à M. et Mme X la somme de 25 000 € au titre du préjudice tiré de son attitude fautive,

- condamner in solidum M. Y, M. Z et Mme W à payer à M. et Mme X la somme de 60 000 € au titre de la réduction du prix de vente de la maison acquise le 06 décembre 2006,

- condamner in solidum M. Y, M. Z et Mme W à payer à M. et Mme X la somme de 6 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Ils rappellent que, dans ses dernières écritures notifiées le 22 juillet 2016, M. Y conclut que l'assignation du 4 novembre 2011 qui lui a été délivrée est irrecevable faute pour les acquéreurs d'avoir satisfait à l'obligation de médiation contractuellement prévue par le contrat de vente du 6 décembre 2006. Ils considèrent qu'une telle clause ne constitue pas une fin de non-recevoir qui s'impose au juge compte tenu de l'ambiguïté de sa rédaction et qu'en tout état de cause, elle est manifestement abusive, M. Y devant être considérée comme un professionnel de l'immobilier de la construction, avec pour conséquence que la clause litigieuse doit être écartée.

Sur le fond, ils se prévalent des conclusions de l'expert judiciaire qui a relevé l'existence de désordres d'ordre structurel, qui rendent la chose impropre à sa destination, puisqu'il existe un réel danger d'effondrement de la structure de la toiture. Ils précisent que M. A a indiqué que les désordres trouvaient leur origine dans des travaux modificatifs consistant notamment en la démolition d'une partie du mur porteur, travaux réalisés sans le concours d'un professionnel, datant de 15 ans maximum et qu'un non professionnel ne pouvait pas remarquer. Ils en tirent pour conséquence que le bien qu'ils ont acquis est atteint de vices cachés qui existaient avant la vente et qu'ils sont donc fondés à obtenir réparation de leurs préjudices auprès des deux vendeurs successifs, dont l'un est forcément l'auteur des travaux litigieux.

A titre subsidiaire, ils recherchent la garantie du seul M. Y, les pièces du dossier démontrant que celui-ci, en dépit de ses dénégations, a procédé à d'importants travaux de rénovation de la maison.

Ils insistent sur leurs différents préjudices:

- la moins-value de l'immeuble affecté du vice qu'ils chiffrent à 60 000 €,

- les travaux de remise en état tels que chiffrés par l'expert judiciaire,

- le préjudice de jouissance puisqu'ils vivent avec des étais en plein milieu de la cuisine et du salon depuis plus de 5 ans,

- le préjudice lors de la réalisation des travaux de reprise et plus particulièrement les frais de relogement qu'ils devront exposer.

Monsieur Y, dans ses dernières conclusions notifiées par la voir électronique le 22 juillet 2016, demande à la cour, de :

A titre principal, au visa des articles 122, 123 et 124 du Code de procédure civile:

- déclarer irrecevable l'assignation en date du 4 novembre 2011 des époux X, à défaut pour eux d'avoir introduit préalablement la procédure de conciliation médiation contractuellement convenue dans l'acte notarié du 6 décembre 2006,

- pour la même cause, déclarer l'assignation en intervention forcée du 26 février 2013 des consorts [Y, Z et W], elle-même irrecevable,

A titre subsidiaire:

- confirmer la décision entreprise et débouter les époux X de leurs demandes,

- les condamner au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il conclut en premier lieu à l'irrecevabilité de l'assignation qui lui a été délivrée le 4 novembre 2011 par les époux X à défaut pour eux d'avoir respecté la clause contractuelle insérée dans l'acte de vente imposant une procédure de conciliation médiation, qu'il s'agit d'une fin de non-recevoir qui s'impose au juge et qui peut être proposée en tout état de cause, y compris en cause d'appel.

Sur le fond, il rappelle que l'expert mandaté par la compagnie d'assurance des acquéreurs avait estimé qu'aucune modification de la maison n'était susceptible d'être à l'origine des désordres, mais qu'il était probable que cela soit consécutif à une anomalie constructive qui s'est révélée progressivement au fil des années. Il considère que, si les conclusions de l'expert judiciaire et de la compagnie d'assurance des acquéreurs diffèrent sur la cause des désordres, elles sont concordantes s'agissant de la perception des désordres, qui n'étaient certes pas visibles pour les époux X mais également pour lui, puisque ce n'est que 3 ans après la vente et 9 ans après son acquisition que le phénomène a pu être décelé. Il conclut donc à l'existence d'un vice caché ignoré de tous et se prévaut de la clause exonératoire de garantie insérée dans l'acte de vente dès lors qu'il a bien la qualité de vendeur occasionnel de bonne foi, puisqu'il conteste formellement avoir réalisé des travaux d'aménagement et de transformation de la maison, aucune preuve n'étant rapportée en sens contraire.

Monsieur Z, par ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 25 juillet 2016, demande à la cour de :

- débouter les époux X des fins de leur appel,

- confirmer le jugement déféré,

- prononcer sa mise hors de cause pure et simple,

- condamner les époux X à lui payer la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il soutient qu'il n'a jamais été propriétaire du bien litigieux et encore moins vendeur dudit bien aux époux Y le 28 février 2002 et que sa responsabilité ne peut, en conséquence, être recherchée dans le cadre de la présente instance.

Madame W, par ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 25 juillet 2016, demande à la cour de :

A titre principal:

- débouter les époux X des fins de leur appel,

- confirmer le jugement déféré,

A titre subsidiaire:

- dire et juger que l'expertise judiciaire effectuée par M. A n'est pas opposable à Mme W,

- prononcer, en conséquence, sa mise hors de cause pure et simple,

A titre plus subsidiaire:

- dire et juger que Mme W n'est pas l'auteur des travaux de modification litigieux,

- prononcer, en conséquence, sa mise hors de cause pure et simple,

- condamner les époux X à payer à Mme W la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle conclut à l'inopposabilité du rapport d'expertise judiciaire de M. A, à défaut d'avoir été appelée aux opérations d'expertise. Elle confirme que son fils, Z, n'a jamais été propriétaire de la maison litigieuse et soutient, en, tout état de cause, qu'elle n'est pas l'auteur des travaux à l'origine des désordres, qui n'ont pu être effectués que par M. Y, comme l'atteste la comparaison des actes de vente mettant clairement en évidence les modifications apportées par ce dernier au bien immobilier.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 5 septembre 2017.

MOTIFS

Suivant acte authentique en date du 6 décembre 2006, Monsieur X et Mme X. ont acquis de Monsieur Y une maison à usage d'habitation <adresse> pour un prix de 680 000 €.

L'acte de vente comporte en page 20 la clause suivante: " Conciliation Médiation: En cas de litige, les parties conviennent, préalablement à toute instance judiciaire, de soumettre leur différend à un conciliateur désigné qui sera missionné par le Président de la Chambre des Notaires. Le Président pourra être saisi sans forme, ni frais. "

M. Y conclut à l'irrecevabilité de l'action des époux X à défaut pour eux d'avoir respecté cette clause contractuelle et fait valoir qu'il s'agit d'une fin de non-recevoir pouvant être proposée en tout état de cause, y compris en cause d'appel.

M. et Mme X considèrent que cette fin de non-recevoir doit être écartée et que leur assignation est parfaitement recevable compte tenu de l'imprécision des termes de la clause litigieuse rendant nécessaire son interprétation et de son caractère abusif, justifiant qu'elle soit de plus fort écartée.

Il y a lieu de rappeler que la clause de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge est licite et le moyen tiré du défaut de mise en œuvre d'une telle clause constitue une fin de non-recevoir qui:

- peut être proposée en tout état de cause, y compris pour la première fois en cause d'appel,

- s'impose au juge si les parties l'invoquent et ce, quelque soit la nature de la clause.

Enfin, cette situation n'est pas susceptible d'être régularisée par la mise en œuvre de la clause de conciliation préalable obligatoire en cours d'instance.

En conséquence, M. Y est parfaitement recevable à soulever la fin de non-recevoir tirée du non-respect de la clause de conciliation médiation contractuellement prévue par le contrat de vente.

Il ne peut être valablement soutenu que la clause litigieuse soit ambigüe ou nécessite d'être interprétée compte tenu des termes employés qui sont particulièrement précis " En cas de litige, les parties conviennent, préalablement à toute instance judiciaire, .... " mettant en évidence la volonté des parties de contractualiser l'exigence d'une véritable procédure de conciliation préalable et obligatoire à la saisine du juge.

S'agissant du caractère abusif de la clause, M. et Mme X se prévalent des dispositions des articles L. 132-1 et R. 132-2, 10° du Code de la consommation, soutenant que M. Y a la qualité de vendeur professionnel.

En application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses, qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

L'article R. 132-2, 10° précise que sont notamment présumées abusives les clauses obligeant les parties à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges.

En l'espèce, la clause insérée dans l'acte de vente du 6 décembre 2006 n'a pas pour objet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat puisque précisément elle a pour effet, d'imposer tant à l'acquéreur qu'au vendeur, strictement dans les mêmes conditions, le recours à une procédure préalable de conciliation - conciliation, avant la saisine du juge.

S'il n'est pas contesté que, dans la région d'Aix-en-Provence, M. Y a réalisé en quatorze ans, cinq opérations immobilières, cette situation n'est pas de nature à lui conférer la qualité de vendeur professionnel, d'autant qu'il ressort des pièces produites que celui-ci exerce la profession de jardinier paysagiste ainsi que de constructeur de piscine et que la maison qu'il a vendue aux époux X était sa résidence principale.

Les dispositions du Code de la consommation relatives aux clauses abusives ne peuvent donc être utilement invoquées par les époux X pour faire échec à l'application de la clause préalable de conciliation médiation.

Il sera donc fait droit à la fin de non-recevoir soulevée par M. Y et l'action intentée par M. et Mme X à son encontre doit être déclarée irrecevable, de même que, par voie de conséquence, l'assignation en intervention forcée de M. Z et de Mme W.

A titre subsidiaire, les appelants font valoir que la fin de non-recevoir a été invoquée par M. Y, dans une intention dilatoire, de manière tardive et sollicite l'allocation d'une somme de 184 783 € en réparation de leur préjudice.

L'article 123 du Code de procédure civile offre la possibilité au juge de condamner à des dommages et intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de soulever plus tôt les fins de non-recevoir.

En l'occurrence, il est constant que M. Y a fait état, pour la première fois, de cette fin de non-recevoir en cause d'appel et plus précisément dans ses conclusions notifiées le 22 juillet 2016, alors que M. et Mme X avait introduit leur action à son encontre devant le Tribunal de grande d'Aix-en-Provence dès le 4 novembre 2011.

Cette carence de l'intimé a eu pour conséquence d'imposer aux époux X l'exercice de voies de recours qui se sont avérées vaines ainsi que le recours à une mesure d'expertise judiciaire qu'ils ont été contraints de solliciter devant le juge de la mise en état, les exposant, à ce titre, à l'engagement de frais conséquents et parfaitement inutiles. De surcroît, en n'invoquant qu'en 2016 cette fin de non-recevoir, M. Y a ainsi privé M. et Mme X de la possibilité d'intenter à l'encontre de leur vendeur une nouvelle action sur le fondement des vices cachés, après mise en œuvre de la clause préalable de conciliation médiation.

L'intention dilatoire de l'intimé est, dans ces conditions, établie et M. Y sera donc condamné à payer à M. et Mme X la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'ils ont subi compte tenu du caractère tardif de la fin de non-recevoir soulevée.

En conséquence, le jugement du Tribunal de grande d'instance d'Aix-en-Provence sera infirmé en toutes ses dispositions.

En équité, chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles.

Vu l'article 696 du Code de procédure civile,

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement du Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence déféré en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau et y ajoutant, Déclare irrecevable l'action intentée par Monsieur X et Mme X à l'encontre de M. Y et par voie de conséquence, à l'encontre de M. Z et Mme W, Condamne M. Y à payer à Monsieur X et Mme X la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts compte tenu de son intention dilatoire, Dit que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles, Condamne Monsieur X et Mme X à supporter les entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.