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Décisions

ADLC, 30 août 2017, n° 17-DCC-145

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à la prise de contrôle exclusif de la société Phyteurop par le groupe InVivo

ADLC n° 17-DCC-145

30 août 2017

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 25 juillet 2017, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Phyteurop par la société Union InVivo, formalisée par un échange de courriers engageants intervenu entre le 30 juin et le 29 août 2016 ;Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;Vu les éléments complémentaires transmis par la partie notifiante au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. Union InVivo est la société à la tête du groupe InVivo (ci-après " InVivo"), lequel est une union de coopératives agricoles à capital variable détenue par 220 coopératives sociétaires. In Vivo intervient, à travers ses différentes filiales, dans plusieurs domaines d'activités liés au secteur agricole : la nutrition et la santé animales, les semences, le stockage et la commercialisation de grains, l'exportation de vin, ainsi que l'agrofourniture et la distribution spécialisée.

2. Dans le secteur des produits phytosanitaires, InVivo exerce une activité d'approvisionnement de ses seuls associés coopérateurs en produits d'agrofourniture, en ce compris les produits phytosanitaires. [confidentiel].

3. Phyteurop est la société à la tête du groupe Phyteurop, lequel a pour activité le développement de produits phytosanitaires, la formulation et la fabrication de produits phytosanitaires pour compte propre et pour compte de tiers, ainsi que la distribution de produits phytosanitaires en France. Phyteurop est exclusivement contrôlée par la société Finindustria qui détient [...] % de son capital1.

4. L'opération consiste en l'acquisition par Union InVivo, par l'intermédiaire de la société Sofagri, de 99 % du capital de Phyteurop. L'opération implique à la fois la montée de la société, et la montée d'Union InVivo dans le capital de la société Sofagri. L'opération de concentration doit s'effectuer en trois étapes interdépendantes : - [confidentiel] ; -[confidentiel] ; -[confidentiel].

5. En ce qu'elle entraîne une prise de contrôle exclusif de Phytoeurop par le groupe InVivo via Sofagri, l'opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

6. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires hors taxes total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (InVivo : 6,4 milliards d'euros pour l'exercice clos le 30 juin 2016 ; Phyteurop : [...] d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2016). Chacune de ces entreprises a réalisé en France un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (InVivo : [...] d'euros pour l'exercice clos le 30 juin 2016 ; Phyteurop : [...] d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2016).

Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne relève pas de la compétence de l'Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

7. Les chevauchements d'activités entre les parties concernent principalement les produits phytosanitaires, qui sont des produits chimiques destinés à la protection et au traitement des plantes et des cultures. Ils sont fabriqués à partir d'une ou plusieurs matières actives, auxquelles des adjuvants sont associés.

Ils se distinguent des produits de biocontrôle qui reposent, quant à eux, sur des méthodes de protection des végétaux par l'utilisation de mécanismes naturels, lesproduits phytosanitaires étant issus de la chimie de synthèse.

8. InVivo, par le biais de sa filiale Life Scientific, et Phyteurop sont simultanément actives sur les marchés amont de la fabrication et la commercialisation de produits phytosanitaires (A).

9. Par ailleurs, il existe une relation verticale entre les parties dans la mesure où InVivo, qui a une activité de distributeur en gros en produits d'agrofourniture, s'approvisionne auprès de fournisseurs de produits phytosanitaires tiers, dont Phyteurop. Les marchés du commerce de gros des produits d'agrofourniture sont également concernés par l'opération (B).

A. MARCHÉS DE LA FABRICATION ET DE LA COMMERCIALISATION DE PRODUITS PHYTOSANITAIRES

1. MARCHÉS DE PRODUITS

10. S'agissant de la fabrication et de la commercialisation de produits phytosanitaires, la pratique décisionnelle distingue les produits à destination des agriculteurs (a) des autres produits (b).

a) Les produits phytosanitaires agricoles

11. S'agissant des produits phytosanitaires à destination des agriculteurs, la pratique décisionnelle européenne2 considère que les catégories de produits suivantes constituent des marchés distincts :

- les herbicides, destinés à lutter contre les mauvaises herbes ;

- les fongicides, destinés à lutter contre les maladies dues aux champignons ;

- les insecticides, destinés à lutter contre les insectes ;

- les molluscides, destinés à lutter contre les limaces ;

- les régulateurs de croissance ;

- les traitements des semences, destinés à protéger les semences puis les plantes contre les maladies et les insectes.

12. La Commission a également envisagé des sous-segmentations pour certaines de ces catégories :

- pour les herbicides : herbicides sélectifs (eux-mêmes segmentés selon le type de culture) et herbicides non sélectifs ;

- pour les fongicides : selon le type de culture ou selon le type de maladie traitée ;

- pour les insecticides : selon le type de culture et segmentation entre insecticides appliqués sur les feuilles ou sur le sol ;

- pour les régulateurs de croissance : selon le type de culture.

13. La question de la définition exacte de ces marchés peut toutefois être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la segmentation retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées.

b) Les produits phytosanitaires non-agricoles

14. S'agissant des produits phytosanitaires n'étant pas à destination des agriculteurs, la Commission a notamment identifié les marchés des produits phytosanitaires non agricoles pour la maison et le jardin, des désherbants industriels et des produits servant à la lutte professionnelle contre les parasites 3. La Commission a envisagé des sous-segmentations en distinguant notamment les herbicides, les fongicides et les insecticides polyvalents, les rodenticides et les produits contre les mouches, les tiques et les puces.

15. La question de la définition exacte de ces marchés peut toutefois être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la segmentation retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées.

2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

16. La pratique décisionnelle européenne considère que les marchés de la fabrication et de la commercialisation des produits phytosanitaires agricoles sont de dimension nationale dans la mesure où ces produits doivent obligatoirement être homologués par chaque État membre dans lequel ils sont commercialisés.

17. La partie notifiante souligne en outre que les produits peuvent varier d'un pays à l'autre en raison des différences liées aux conditions biologiques et aux méthodes de traitement appliquées par les agriculteurs.

18. Les marchés de produits phytosanitaires non-agricoles ont également été considérés comme des marchés de dimension nationale par la pratique décisionnelle européenne5.

19. La question de la délimitation exacte de ces marchés peut toutefois être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la dimension retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées.

B. MARCHÉS DU COMMERCE DE GROS DE PRODUITS D'AGROFOURNITURE

1. MARCHÉS DE PRODUITS

20. Les fournisseurs de produits d'agrofourniture ne commercialisent pas directement leurs produits auprès des utilisateurs finaux, mais passent principalement par l'intermédiaire de distributeurs qui comprennent différentes catégories d'acteurs : les coopératives agricoles, les négociants agricoles, les grossistes et les groupements d'achat d'agriculteurs.

21. Au sein de l'activité d'agrofourniture, il convient de distinguer, d'une part, le marché du commerce de gros de produits d'agrofournitures sur lequel les fabricants vendent leurs produits aux coopératives et autres distributeurs qui les revendent ensuite aux agriculteurs et, d'autre part, le marché du commerce de détail de produits d'agrofourniture6.

22. S'agissant du marché de la commercialisation en gros de produits d'agrofourniture, une segmentation de ce dernier en fonction du type de produits (i.e. produits phytosanitaires, semences, engrais, autres matériels agricoles) a été envisagée. En revanche, l'Autorité a considéré qu'une segmentation plus fine par type de produit phytosanitaire n'était pas pertinente7.

2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

23. La pratique décisionnelle nationale considère que le marché de la commercialisation de gros de produits d'agrofourniture est de dimension nationale, voire supranationale8.

24. La question de la délimitation exacte de ces marchés peut toutefois être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la dimension retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées.

III. Analyse concurrentielle

A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX

25. S'agissant de la fabrication et la commercialisation de produits phytosanitaires agricoles, la part de marché de la nouvelle entité n'excède pas 15 %, avec un incrément de part de marché limité, inférieur à 3 points, quelle que soit la segmentation envisagée.

26. En tout état de cause, la nouvelle entité fera face à la concurrence d'importants groupes tels que Bayer, BASF, Syngenta, Dow Agrosciences, Adama France et Belchim Crop Protect.

27. S'agissant de la fabrication et commercialisation de produits phytosanitaires non-agricoles, la part de marché maximale de la nouvelle entité est estimée à environ 20 %, avec un incrément de part de marché très limité, inférieur à 1 point quelle que soit la segmentation envisagée.

28. Compte tenu de ces parts de marché et de la présence de concurrents importants, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur les marchés de la fabrication et la commercialisation de produits phytosanitaires.

B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX

29. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant difficile l'accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval, ou les marchés amont, lorsque la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux. Cependant, la pratique décisionnelle écarte en principe les risques de verrouillage lorsque la part de l'entreprise issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %.

30. En l'espèce, InVivo est une centrale d'achat, de référencement, de négociation et de facturation de produits d'agrofourniture (notamment de produits phytosanitaires) à destination des agriculteurs, pour le compte de ses coopératives adhérentes. InVivo s'adresse donc aux fabricants de produits phytosanitaires, parmi lesquels Phyteurop.

31. La part de marché d'InVivo, en tant que distributeur sur le marché français du commerce de gros de produits d'agrofourniture est estimée à [30-40] % tous produits confondus et à [40-50] % sur le segment du commerce de gros de produits phytosanitaires agricoles en France.

32. Pour mémoire, à l'amont, la nouvelle entité détient une part de marché inférieure à 20 % et fait face à la concurrence d'importants fabricants de produits phytosanitaires, tels que Bayer, Syngenta et BASF, qui fournissent les commerces de gros en France.

33. En dépit des parts de marché élevées d'InVivo sur le marché national du commerce de gros de produits phytosanitaires, InVivo est concurrencé par des coopératives concurrentes et des négociants, indépendants ou organisés dans le cadre de réseaux, tels qu'Agrihub, Actura et Symphonie qui disposent chacun d'une part de marché estimée à 15 %. Agrihub est une centrale d'achat qui regroupe plusieurs grandes coopératives, notamment Caliance, Catelys, Euralis et Se Veal. Actura est un réseau national qui regroupe une centaine de négoces. Enfin, Symphonie est également un réseau national qui regroupe plusieurs entreprises importantes de négociants dont Agrosud, Vitivista, Soufflet Agriculture et Soufflet Vigne.

34. Par ailleurs, la partie notifiante souligne que les coopératives agricoles adhérentes à l'union InVivo n'ont l'obligation de s'approvisionner auprès de la centrale d'achat d'InVivo qu'à hauteur de [20-30] % minimum. Ces dernières ont donc la possibilité de s'approvisionner, en grande partie, auprès de distributeurs concurrents du groupe InVivo.

35. En l'espèce, les risques liés à la forte position d'InVivo sur le marché du commerce de gros de produits phytosanitaires en France pourraient consister en une stratégie d'intégration verticale visant à ne référencer et distribuer que les produits phytosanitaires fabriqués par la nouvelle entité. Or une telle stratégie n'est pas susceptible de conduire à un renforcement de ses positions sur le marché amont et à l'éviction à terme de ses concurrents dans la mesure où ce marché se caractérise par l'existence de grands groupes de taille mondiale, tels que Bayer, Syngenta, ou Dow.

36. Par ailleurs, la position relativement limitée de la nouvelle entité à l'amont n'est pas de nature à constituer un levier suffisant pour évincer ses concurrents sur le marché aval du commerce de gros de produits phytosanitaires en se réservant l'approvisionnement de ses produits phytosanitaires. En effet, les distributeurs en gros concurrents seront en mesure de s'approvisionner auprès des fabricants de produits phytosanitaires précités qui représentent ensemble environ 80 % du marché national.

37. Par conséquent, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux sur les marchés concernés.

DÉCIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 17-129 est autorisée.

NOTES :

1 Le reste du capital est principalement réparti entre Sofagri, [...] %, et la société Fiminco, [...] %.

2 Voir notamment décisions de la Commission européenne COMP/M.6141 - China National Agrochemical Corporation / Koor Industries / Makhteshim Agan Industries du 3 octobre 2011, COMP/M.2547 - Bayer / Aventis Crop Science du 17 avril 2002 et IV/M.737 - Ciba-Geigy / Sandoz du 17 juillet 1996.

3 Voit notamment les décisions COMP/M.6141 et COMP/M.2547 précitées.

4 Voir notamment les décisions COMP/M.4141, COMP/M.2547, IV/M.737 précitées ainsi que les décisions de la Commission européenne COMP/M.4972 - Permira / Arysta du 25 février 2008 et COMP/M.1806 - AstraZeneca / Novartis du 26 juillet 2000.

5 Voir les décisions M.6141 et M.2547 précitées.

6 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 16-DCC-147 du 21 septembre 2016 Agri-Négoce / Axéréal Participations et n° 13 -DCC-170 du 20 novembre 2013 Epis-Centre, Epis-Sem et Agralys / l'Union de Coopératives Agricoles Axereal.

7 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 12 -DCC-75 du 18 juin 2012 Seveal-Union / groupe Vivescia et n° 13-DCC-170 précitée.

8 Voir notamment les décisions n°13-DCC-170 et n° 12 -DCC-75 précitées.

9 S'agissant du commerce de gros de produits phytosanitaires non-agricoles, la part de marché de la nouvelle entité n'excède pas 20 % en France.