CJUE, 1re ch., 9 novembre 2017, n° C-657/15 P
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Viasat Broadcasting UK Ltd
Défendeur :
TV2/Danmark A/S, Commission européenne, Royaume de Danemark
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Silva de Lapuerta (rapporteur)
Avocat général :
M. Wathelet
Juges :
MM. Fernlund, Arabadjiev, Rodin, Regan
Avocats :
Mes Honoré, Kalsmose-Hjelmborg, Koktvedgaard
LA COUR (première chambre)
1 Par son pourvoi, Viasat Broadcasting UK Ltd (ci-après " Viasat ") demande l'annulation partielle de l'arrêt du Tribunal de l'Union européenne du 24 septembre 2015, TV2/Danmark/Commission (T-674/11, ci-après l'" arrêt attaqué ", EU:T:2015:684), par lequel celui-ci a, d'une part, annulé la décision 2011/839/UE de la Commission, du 20 avril 2011, concernant les mesures prises par le Danemark (C 2/03) à l'égard de TV2/Danmark (JO 2011, L 340, p. 1, ci-après la " décision litigieuse "), en ce que la Commission avait considéré que les recettes publicitaires des années 1995 et 1996 versées à TV2/Danmark par l'intermédiaire du Fonds TV2 constituaient des aides d'État, et, d'autre part, rejeté, pour le surplus, le recours de TV2/Danmark A/S tendant à l'annulation partielle de cette décision.
Les faits à l'origine du litige
2 TV2/Danmark est une société de radiodiffusion danoise qui a été créée en 1986. Établie d'abord sous la forme d'une entreprise étatique autonome, elle a été transformée, avec effets comptable et fiscal au 1er janvier 2003, en société anonyme. TV2/Danmark est la deuxième station de télévision publique au Danemark, la première étant Danmarks Radio.
3 La mission de TV2/Danmark consiste à produire et à diffuser des programmes de télévision nationaux et régionaux. Cette diffusion peut se faire notamment par des installations radio, par satellite ou par câble. Les obligations de service public qui incombent à TV2/Danmark sont fixées par le ministre de la Culture.
4 Outre les radiodiffuseurs publics, des radiodiffuseurs commerciaux sont présents sur l'ensemble du marché danois de la télévision. Il s'agit, notamment, d'une part, de Viasat Broadcasting UK Ltd (ci-après " Viasat ") et, d'autre part, de l'ensemble formé par SBS TV A/S et SBS Danish Television Ltd (ci-après " SBS ").
5 TV2/Danmark a été à l'origine constituée à l'aide d'un prêt étatique à intérêt et son activité devait, à l'instar de celle de Danmarks Radio, être financée à l'aide du produit de la redevance payée par tous les téléspectateurs danois. Le législateur a, toutefois, décidé que, contrairement à Danmarks Radio, TV2/Danmark aurait également la possibilité de bénéficier, notamment, du produit de l'activité publicitaire.
6 À la suite d'une plainte déposée, le 5 avril 2000, par SBS Broadcasting SA/Tv Danmark, le système de financement de TV2/Danmark a fait l'objet d'un examen par la Commission dans sa décision 2006/217/CE, du 19 mai 2004, concernant les mesures prises par le Danemark en faveur de TV2/Danmark (JO 2006, L 85, p. 1, et rectificatif JO 2006, L 368, p. 112, ci-après la " décision TV2 I "). Cette décision couvrait la période allant de l'année 1995 à l'année 2002 et portait sur les mesures suivantes : les ressources tirées de la redevance, les transferts des fonds chargés du financement de TV2/Danmark (Fonds TV2 et Radiofonden), des sommes accordées ad hoc, l'exonération de l'impôt sur les sociétés, l'exemption du paiement des intérêts et du remboursement du capital des prêts accordés à TV2/Danmark lors de sa constitution, la garantie de l'État pour les prêts de fonctionnement ainsi que les conditions favorables de paiement de la redevance due par TV2/Danmark pour l'utilisation de la fréquence de transmission nationale (ci-après, prises ensemble, les " mesures concernées "). Enfin, l'enquête de la Commission a porté également sur l'autorisation accordée à TV2/Danmark d'émettre sur des fréquences locales en réseau et sur l'obligation de tous les propriétaires d'antennes communales de diffuser les programmes de service public de TV2 sur leurs installations.
7 Au terme de l'examen des mesures concernées, la Commission a estimé qu'elles constituaient des aides d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE, au motif que le régime de financement de TV2/Danmark, qui visait à compenser le coût des prestations de service public de cette entreprise, ne remplissait pas la deuxième et la quatrième des quatre conditions établies par la Cour dans son arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C-280/00, EU:C:2003:415, ci-après, s'agissant de ces conditions, les " conditions Altmark ").
8 La Commission a en outre décidé que lesdites aides, accordées entre l'année 1995 et l'année 2002 par le Royaume de Danemark à TV2/Danmark, étaient compatibles avec le marché intérieur conformément à l'article 106, paragraphe 2, TFUE, à l'exception d'un montant de 628,2 millions de couronnes danoises (DKK) (environ 85 millions d'euros) qu'elle a qualifié de " surcompensation ". Elle a ainsi ordonné au Royaume de Danemark la récupération de ce montant avec intérêts auprès de TV2/Danmark.
9 La décision TV2 I a fait l'objet de quatre recours en annulation introduits, d'une part, par TV2/Danmark (affaire T-309/04) et par le Royaume de Danemark (affaire T-317/04) et, d'autre part, par les concurrents de TV2/Danmark, Viasat (affaire T-329/04) et SBS (affaire T-336/04).
10 Par un arrêt du 22 octobre 2008, TV2/Danmark e.a./Commission (T-309/04, T-317/04, T-329/04 et T-336/04, EU:T:2008:457), le Tribunal a annulé ladite décision. Dans son arrêt, le Tribunal a considéré que c'était à bon droit que la Commission avait estimé que la mission de service public confiée à TV2/Danmark correspondait à la définition des services d'intérêt économique général de la radiodiffusion. Toutefois, il a également constaté l'existence de plusieurs illégalités entachant la décision TV2 I.
11 Ainsi, premièrement, en examinant la question de savoir si les mesures visées par la décision TV2 I engageaient des ressources étatiques, le Tribunal a constaté que la Commission, aux fins de la qualification ou non en tant que ressources d'État, n'avait pas motivé son appréciation quant à la prise en considération, de facto, des recettes publicitaires des années 1995 et 1996. Deuxièmement, le Tribunal a constaté que l'examen, par la Commission, de la question de savoir si les deuxième et quatrième conditions Altmark étaient remplies ne s'appuyait pas sur une analyse sérieuse des conditions juridiques et économiques concrètes au regard desquelles le montant de la redevance revenant à TV2/Danmark avait été déterminé. Par conséquent, la décision TV2 I était entachée d'un défaut de motivation sur ce point. Troisièmement, le Tribunal a constaté que les appréciations de la Commission relatives à la compatibilité de l'aide au regard de l'article 106, paragraphe 2, TFUE, en particulier à l'existence d'une surcompensation, étaient, elles aussi, entachées d'un défaut de motivation. Selon le Tribunal, ce défaut de motivation résultait de l'absence d'examen sérieux des conditions concrètes, juridiques et économiques ayant présidé à la détermination du montant de la redevance revenant à TV2/Danmark durant la période d'enquête.
12 À la suite de l'annulation de la décision TV2 I, la Commission a réexaminé les mesures concernées. À cette occasion, elle a consulté le Royaume de Danemark et TV2/Danmark et a, par ailleurs, reçu des observations des parties tierces.
13 Au terme de cet examen, la Commission a adopté la décision litigieuse.
14 Cette décision porte sur les mesures prises à l'égard de TV2/Danmark entre l'année 1995 et l'année 2002. Cependant, lors de son examen, la Commission a également tenu compte des mesures de recapitalisation prises au cours de l'année 2004 à la suite de la décision TV2 I.
15 Dans la décision litigieuse, la Commission a maintenu sa position quant à la qualification d'" aides d'État ", au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE, des mesures concernées. Dans un premier temps, elle a considéré que les recettes publicitaires pour les années 1995 et 1996 constituaient des ressources d'État et, dans un second temps, en vérifiant l'existence d'un avantage sélectif, elle a estimé que les mesures concernées ne remplissaient pas les deuxième et quatrième conditions Altmark. En revanche, alors que, dans la décision TV2 I, la Commission avait considéré que la somme de 628,2 millions de DKK (environ 85 millions d'euros) constituait une surcompensation incompatible avec l'article 106, paragraphe 2, TFUE, elle a, dans la décision litigieuse, estimé que cette somme était une réserve de fonds propres appropriée pour TV2/Danmark. Dans le dispositif de cette décision, elle a déclaré ce qui suit :
" Article premier
Les mesures prises par le Danemark entre 1995 et 2002 en faveur de TV2/Danmark, sous la forme des ressources tirées de la redevance et des autres mesures faisant l'objet de la présente décision, sont compatibles avec le marché intérieur au sens de l'article 106, paragraphe 2, [TFUE] ".
La procédure devant le Tribunal et l'arrêt attaqué
16 Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 30 décembre 2011, TV2/Danmark a introduit un recours tendant à l'annulation partielle de la décision litigieuse.
17 À titre principal, TV2/Danmark a demandé au Tribunal d'annuler la décision litigieuse, en tant que la Commission avait considéré que les mesures concernées constituaient des aides d'État, au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE.
18 À titre subsidiaire, TV2/Danmark a demandé au Tribunal d'annuler la décision litigieuse, dans la mesure où la Commission avait estimé que :
- les mesures concernées constituaient toutes des aides nouvelles ;
- les ressources tirées de la redevance qui ont été, de l'année 1997 à l'année 2002, transférées à TV2/Danmark, puis reversées aux stations régionales de TV2/Danmark, constituaient des aides d'État octroyées à TV2/Danmark ;
- les recettes publicitaires qui, en 1995 et en 1996, ainsi que lors de la liquidation du Fonds TV2 en 1997, ont été transférées de ce dernier vers TV2/Danmark constituaient des aides d'État octroyées à TV2/Danmark.
19 Par l'arrêt attaqué, le Tribunal a annulé la décision litigieuse, en ce que la Commission avait considéré que les recettes publicitaires des années 1995 et 1996 versées à TV2/Danmark par l'intermédiaire du Fonds TV2 constituaient des aides d'État, et a rejeté le recours pour le surplus.
Les conclusions des parties
20 Par son pourvoi, Viasat demande à la Cour :
- d'annuler le premier point du dispositif de l'arrêt attaqué ;
- d'annuler les motifs de l'arrêt attaqué par lesquels le Tribunal a considéré que le premier moyen soulevé par TV2/Danmark, pris en sa troisième branche, était fondé ;
- de rejeter le recours en annulation introduit par TV2/Danmark, soutenue par le Royaume de Danemark, et
- de condamner aux dépens TV2/Danmark et le Royaume de Danemark.
21 TV2/Danmark demande à la Cour :
- de rejeter le pourvoi et
- de condamner Viasat aux dépens.
22 Le Royaume de Danemark demande à la Cour de rejeter le pourvoi.
Sur le pourvoi
23 À l'appui de son pourvoi, Viasat soulève deux moyens.
Sur le premier moyen
Argumentation des parties
24 Par son premier moyen, Viasat soutient que, en jugeant que les recettes publicitaires des années 1995 et 1996, versées à TV2/Danmark par l'intermédiaire de TV2 Reklame et du Fonds TV2, ne constituaient pas des ressources d'État, au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE, et que, par conséquent, la Commission n'aurait pas dû les qualifier, dans la décision litigieuse, d'aide d'État, le Tribunal a commis une erreur de droit.
25 Viasat fait valoir que ces recettes étaient sous le contrôle et à la disposition de l'État danois, au motif que, avant d'être reversées à TV2/Danmark, elles étaient détenues par deux entreprises publiques contrôlées par cet État, à savoir TV2 Reklame et le Fonds TV2. En conséquence, elle estime que, conformément à la jurisprudence de la Cour, la condition nécessaire mais suffisante pour que lesdites recettes constituent des ressources d'État, au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE, était remplie, et cela quelle que soit l'origine de ces mêmes recettes.
26 Or, Viasat relève que, en l'occurrence, TV2 Reklame est totalement détenue et contrôlée par l'État danois et que les décisions de cette entreprise sont imputables à cet État, puisque c'est le ministre de la Culture, qui, avec l'accord de la commission des finances du parlement danois, décidait de l'affectation des bénéfices de TV2 Reklame.
27 Selon Viasat, le transfert des ressources concernées par l'intermédiaire du Fonds TV2 n'affecte nullement leur caractère de ressources d'État, dès lors que le Fonds TV2 est également une entreprise publique contrôlée par l'État danois.
28 Viasat considère que, en raison de ces circonstances, la présente affaire se distingue très nettement de celles ayant donné lieu aux arrêts du 13 mars 2001, PreussenElektra (C-379/98, EU:C:2001:160), et du 5 mars 2009, UTECA (C-222/07, EU:C:2009:124), qui concernaient des situations dans lesquelles les ressources en cause n'avaient, à aucun moment, quitté la sphère privée.
29 À l'instar de Viasat, la Commission considère que, en jugeant que les recettes transférées par TV2 Reklame à TV2/Danmark par l'intermédiaire du Fonds TV2 ne constituaient pas des ressources d'État, au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE, et que la Commission avait, dans la décision litigieuse, effectué une analyse et une application erronées de la deuxième condition Altmark, le Tribunal a commis des erreurs de droit.
30 TV2/Danmark et le Royaume de Danemark contestent cette argumentation.
31 En substance, ils soutiennent que les recettes publicitaires en cause ne constituaient pas des ressources d'État, ni, par conséquent, des aides d'État, au motif que celles-ci provenaient non pas de l'État danois, mais de l'activité de TV2/Danmark, et que la circonstance que TV2 Reklame et le Fonds TV2 étaient des entités publiques détenues et contrôlées par l'État danois était sans incidence à cet égard.
Appréciation de la Cour
32 Selon une jurisprudence constante de la Cour, la qualification d'" aide ", au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions visées à cette disposition soient remplies (voir arrêt du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a., C-206/06, EU:C:2008:413, point 63 ainsi que jurisprudence citée).
33 Ladite disposition énonce quatre conditions. Premièrement, il doit s'agir d'une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d'affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêts du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C-280/00, EU:C:2003:415, point 75 ; du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a., C-206/06, EU:C:2008:413, point 64, ainsi que du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a., C-262/12, EU:C:2013:851, point 15).
34 En l'espèce, seule la première de ces conditions est litigieuse.
35 Concernant cette condition, tenant à ce que l'avantage soit accordé directement ou indirectement au moyen de ressources d'État, il y a lieu de rappeler que des mesures ne comportant pas un transfert de ressources d'État peuvent relever de la notion d'" aide ", au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, notamment, arrêts du 16 mai 2002, France/Commission, C-482/99, EU:C:2002:294, point 36 ; du 30 mai 2013, Doux Élevage et Coopérative agricole UKL-ARREE, C-677/11, EU:C:2013:348, point 34, ainsi que du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a., C-262/12, EU:C:2013:851, point 19).
36 Ainsi, la notion d'intervention " au moyen de ressources d'État ", au sens de cette disposition, vise à inclure, outre les avantages accordés directement par un État, ceux accordés par l'intermédiaire d'un organisme public ou privé, désigné ou institué par cet État en vue de gérer l'aide (voir arrêts du 13 mars 2001, PreussenElektra, C-379/98, EU:C:2001:160, point 58 ; du 30 mai 2013, Doux Élevage et Coopérative agricole UKL-ARREE, C-677/11, EU:C:2013:348, point 26, ainsi que du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a., C-262/12, EU:C:2013:851, point 20).
37 En effet, le droit de l'Union ne saurait admettre que le seul fait de créer des institutions autonomes chargées de la distribution d'aides permette de contourner les règles relatives aux aides d'État (voir arrêt du 16 mai 2002, France/Commission, C-482/99, EU:C:2002:294, point 23).
38 Par ailleurs, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l'article 107, paragraphe 1, TFUE englobe tous les moyens pécuniaires que les autorités publiques peuvent effectivement utiliser pour soutenir des entreprises, sans qu'il soit pertinent que ces moyens appartiennent ou non de manière permanente au patrimoine de l'État. En conséquence, même si les sommes correspondant à la mesure en cause ne sont pas de façon permanente en la possession du Trésor public, le fait qu'elles restent constamment sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales compétentes, suffit pour qu'elles soient qualifiées de " ressources d'État " (voir arrêts du 16 mai 2002, France/Commission, C-482/99, EU:C:2002:294, point 37 ; du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a., C-206/06, EU:C:2008:413, point 70 ; du 30 mai 2013, Doux Élevage et Coopérative agricole UKL-ARREE, C-677/11, EU:C:2013:348, point 35, ainsi que du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a., C-262/12, EU:C:2013:851, point 21).
39 Il s'ensuit que, dès lors que des ressources d'entreprises publiques tombent sous le contrôle de l'État et sont donc à la disposition de celui-ci, ces ressources relèvent de la notion de " ressources d'État ", au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE. En effet, l'État est parfaitement en mesure, par l'exercice de son influence dominante sur de telles entreprises, d'orienter l'utilisation de leurs ressources pour financer, le cas échéant, des avantages spécifiques en faveur d'autres entreprises (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2002, France/Commission, C-482/99, EU:C:2002:294, point 38).
40 La circonstance que les ressources concernées soient gérées par des entités distinctes de l'autorité publique ou qu'elles soient d'origine privée est sans incidence à cet égard (voir, en ce sens, arrêts du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, EU:C:1974:71, point 35, ainsi que du 8 mai 2003, Italie et SIM 2 Multimedia/Commission, C-328/99 et C-399/00, EU:C:2003:252, point 33).
41 Ainsi que l'indique le Tribunal, au point 176 de l'arrêt attaqué, au cours de l'année 1995 et de l'année 1996, les espaces publicitaires de TV2/Danmark étaient commercialisés non pas par TV2/Danmark elle-même, mais par une société tierce, TV2 Reklame, et le produit de cette commercialisation était transféré à TV2/Danmark par l'intermédiaire du Fonds TV2.
42 À cet égard, il n'est pas contesté que, à l'instar de TV2/Danmark, TV2 Reklame et le Fonds TV2 étaient des entreprises publiques détenues par l'État danois, et qu'elles se sont vu confier la gestion du transfert, vers TV2/Danmark, des recettes provenant de la commercialisation desdits espaces publicitaires.
43 Ainsi, l'ensemble du canal emprunté par ces recettes jusqu'à leur transfert à TV2/Danmark était régi par la législation danoise, en vertu de laquelle des entreprises publiques spécialement mandatées par l'État avaient pour mission de gérer lesdites recettes.
44 Les recettes en question se trouvaient, de ce fait, sous contrôle public et à la disposition de l'État, qui pouvait décider de leur affectation.
45 Dès lors, conformément à la jurisprudence de la Cour rappelée aux points 35 à 40 du présent arrêt, les recettes en cause constituent des " ressources d'État ", au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE.
46 Il en résulte que, en jugeant, au point 220 de l'arrêt attaqué, que les recettes des années 1995 et 1996, provenant de la commercialisation, par TV2 Reklame, des espaces publicitaires de TV2/Danmark, et transférées à cette dernière par l'intermédiaire du Fonds TV2, ne constituaient pas des ressources d'État et que, par conséquent, la Commission les avait, à tort, qualifié d'" aide d'État ", le Tribunal a commis une erreur de droit.
47 Ainsi qu'il a déjà été rappelé au point 40 du présent arrêt et contrairement à ce qu'il ressort du point 211 de l'arrêt attaqué, le fait que ces recettes, qui provenaient des annonceurs, étaient d'origine privée est sans incidence à cet égard et dénué de pertinence s'agissant de la question de savoir si elles étaient contrôlées par les autorités danoises.
48 Par ailleurs, c'est à tort que, aux points 208 et 212 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que des ressources gérées par des entreprises publiques ne pouvaient, lorsqu'elles provenaient de tiers, constituer des ressources d'État que lorsqu'elles étaient mises volontairement à la disposition de l'État par leurs propriétaires ou abandonnées par ceux-ci et que l'État avait assumé leur gestion.
49 En effet, contrairement à ce qui est affirmé par le Tribunal, une telle considération ne trouve aucun fondement dans la jurisprudence de la Cour.
50 Il en va de même s'agissant des considérations figurant aux points 214, 215 et 217 de l'arrêt attaqué, selon lesquelles seule la partie de ces recettes qui, par une décision du ministre de la Culture, n'était pas transférée à TV2/Danmark était susceptible de constituer une ressource d'État et que l'absence d'obligation de transférer chaque année lesdites recettes du Fonds TV2 à TV2/Danmark ne pouvait conduire à une appréciation différente.
51 En effet, ainsi qu'il a été constaté aux points 41 à 44 du présent arrêt, l'existence d'un contrôle public sur les recettes publicitaires en cause résultait de ce que celles-ci étaient gérées par des entreprises publiques détenues par l'État danois. Il est d'ailleurs constant que, en vertu de la législation danoise, le ministre de la Culture avait la possibilité de décider que ces recettes seraient affectées à une fin autre qu'un transfert au Fonds TV2.
52 Enfin, la situation en cause dans la présente affaire n'est pas comparable à celle dont il était question dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra (C-379/98, EU:C:2001:160), par lequel la Cour a jugé que l'obligation, faite à des entreprises privées d'approvisionnement en électricité, d'acheter à des prix minimaux fixés l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables n'entraînait aucun transfert direct ou indirect de ressources d'État aux entreprises productrices de ce type d'électricité (voir arrêts du 13 mars 2001, PreussenElektra, C-379/98, EU:C:2001:160, point 59 ; du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a., C-206/06, EU:C:2008:413, point 74, ainsi que du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a., C-262/12, EU:C:2013:851, point 34).
53 En effet, cette dernière affaire concernait des entreprises privées qui n'étaient pas mandatées par l'État membre en cause pour gérer une ressource d'État, mais étaient tenues à une obligation d'achat au moyen de leurs ressources financières propres (voir arrêts du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a., C-206/06, EU:C:2008:413, point 74 ; du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a., C-262/12, EU:C:2013:851, point 35, ainsi que ordonnance du 22 octobre 2014, Elcogás, C-275/13, non publiée, EU:C:2014:2314, point 32).
54 Par ailleurs, dans ladite affaire, les fonds en cause ne pouvaient être considérés comme une ressource d'État, puisqu'ils n'étaient à aucun moment sous contrôle public (voir arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a., C-262/12, EU:C:2013:851, point 36, ainsi que ordonnance du 22 octobre 2014, Elcogás, C-275/13, non publiée, EU:C:2014:2314, point 32).
55 Or, ainsi qu'il a déjà été relevé, la présente affaire concerne des entreprises publiques, en l'occurrence TV2 Reklame et le Fonds TV2, créées, détenues et mandatées par l'État danois pour gérer les recettes provenant de la commercialisation des espaces publicitaires d'une autre entreprise publique, à savoir TV2/Danmark, de telle sorte que ces recettes se trouvaient sous contrôle et à la disposition de l'État danois.
56 Par conséquent, en jugeant, au point 213 de l'arrêt attaqué, que la situation en cause dans la présente affaire était analogue à celle dont il était question dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra (C-379/98, EU:C:2001:160), le Tribunal a commis une erreur de droit.
57 Dans ces conditions, il convient d'accueillir le premier moyen soulevé par Viasat au soutien de son pourvoi et d'annuler l'arrêt attaqué, en tant qu'il a annulé la décision litigieuse en ce que la Commission avait considéré que les recettes publicitaires des années 1995 et 1996 versées à TV2/Danmark par l'intermédiaire du Fonds TV2 constituaient des aides d'État.
Sur le second moyen
Argumentation des parties
58 Par son second moyen, Viasat reproche au Tribunal d'avoir, au point 106 de l'arrêt attaqué, jugé que la décision litigieuse était entachée d'une erreur de droit en ce qui concerne la portée de la deuxième condition Altmark.
59 Par ailleurs, selon Viasat, le Tribunal a fondé son appréciation à cet égard non sur les motifs de la décision litigieuse elle-même, mais sur l'interprétation de celle-ci donnée, en cours d'instance, par la Commission. Il aurait, ce faisant, excédé les limites de son contrôle.
60 À cet égard, Viasat fait valoir que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé aux points 97, 99 et 104 à 106 de l'arrêt attaqué, les considérants pertinents de ladite décision n'indiquent nullement que la deuxième condition Altmark " inclut le concept d'efficacité du bénéficiaire de la compensation ".
61 Viasat considère que cette condition impose que les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation soient préalablement établis de façon objective et transparente et qu'elle vise à éviter tout recours abusif à la notion de " service public ".
62 La Commission partage l'argumentation de Viasat. Elle rappelle que, dans le cadre de l'affaire C-649/15 P, ayant donné lieu à l'arrêt TV2/Danmark / Commission, prononcé ce jour, relative au pourvoi introduit par TV2/Danmark contre l'arrêt attaqué, elle a demandé à la Cour de procéder à une substitution de motifs, dans la mesure où le Tribunal a constaté que la deuxième condition Altmark était remplie en ce qui concerne l'aide d'État en faveur de TV2/Danmark.
63 TV2/Danmark et le Royaume de Danemark contestent la recevabilité du second moyen, au motif que Viasat ne dispose pas d'un intérêt permettant à la Cour d'exercer un contrôle sur les motifs de l'arrêt attaqué relatifs à cette deuxième condition, dès lors que le dispositif de cet arrêt est favorable à Viasat et ne comprend aucun élément relatif à ladite condition.
64 Sur le fond, TV2/Danmark soutient que le Tribunal a fondé son appréciation relative à la portée de la deuxième condition Altmark à la fois sur la motivation de la décision litigieuse et sur l'interprétation de celle-ci fournie par la Commission lors de la phase écrite de la procédure contentieuse.
65 En tout état de cause, TV2/Danmark estime que, en l'occurrence, les paramètres de calcul de la compensation étaient préalablement établis, de façon objective et transparente.
Appréciation de la Cour
66 Il convient de rappeler que, aux termes de l'article 169, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, " [l]es conclusions du pourvoi tendent à l'annulation, totale ou partielle, de la décision du Tribunal telle qu'elle figure au dispositif de cette décision ".
67 En l'espèce, toutefois, les conclusions du pourvoi relatives au second moyen soulevé par Viasat ne tendent ni à remettre en cause l'annulation, au point 1 du dispositif de l'arrêt attaqué, de la décision 2011/839 ni à contester le rejet, au point 2 de cet arrêt, dudit recours pour le surplus, mais visent les motifs de l'arrêt attaqué relatifs à l'application par la Commission de la deuxième condition Altmark, qui ne constituent pas un élément du dispositif de l'arrêt attaqué.
68 Au demeurant, il convient de relever que Viasat reconnaît elle-même que son second moyen porte sur une partie de l'arrêt attaqué qui, prise isolément, est sans incidence sur le dispositif de celui-ci.
69 Il en résulte que le second moyen soulevé par Viasat à l'appui de son pourvoi est irrecevable.
Sur le recours devant le Tribunal
70 Conformément à l'article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l'Union européenne, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d'être jugé, soit renvoyer l'affaire devant le Tribunal pour qu'il statue.
71 En l'espèce, la Cour estime qu'il convient de statuer définitivement sur le recours tendant à l'annulation de la décision litigieuse introduit par TV2/Danmark.
72 À cet égard, il suffit de relever que, pour les motifs énoncés aux points 35 à 56 du présent arrêt, le quatrième moyen soulevé par TV2/Danmark, invoqué à l'appui du troisième chef de conclusions présentées à titre subsidiaire doit être écarté.
73 Partant, le recours de TV2/Danmark doit être rejeté.
Sur les dépens
74 Conformément à l'article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.
75 Selon l'article 138, paragraphe 3, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 184, paragraphe 1, dudit règlement, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l'espèce, la Cour peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l'autre partie.
76 En l'occurrence, si l'un des deux chefs soulevés par Viasat à l'appui de son pourvoi a été accueilli et si l'arrêt attaqué a été annulé, tel n'est pas le cas de l'autre chef, qui a été rejeté par la Cour.
77 Par conséquent, il y a lieu de condamner, d'une part, TV2/Danmark à supporter, outre ses propres dépens, la moitié de ceux exposés par Viasat dans le cadre du présent pourvoi ainsi que la totalité de ceux exposés par cette dernière en première instance, et, d'autre part, Viasat à supporter la moitié de ses propres dépens relatifs au présent pourvoi.
78 La Commission n'ayant pas conclu formellement à la condamnation de TV2/Danmark aux dépens, il y a lieu de décider qu'elle supporte ses propres dépens.
79 L'article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 184, paragraphe 1, de ce règlement, dispose que les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.
80 Par conséquent, en tant que partie intervenante en première instance, le Royaume de Danemark supporte ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :
1) L'arrêt du Tribunal de l'Union européenne du 24 septembre 2015, TV2/Danmark/Commission (T-674/11, EU:T:2015:684), est annulé en tant qu'il a annulé la décision 2011/839/UE de la Commission, du 20 avril 2011, concernant les mesures prises par le Danemark (C 2/03) à l'égard de TV2/Danmark en ce que la Commission européenne a considéré que les recettes publicitaires des années 1995 et 1996 versées à TV2/Danmark par l'intermédiaire du Fonds TV2 constituaient des aides d'État.
2) Le pourvoi est rejeté pour le surplus.
3) Le recours en annulation introduit par TV2/Danmark A/S contre la décision 2011/839 est rejeté.
4) TV2/Danmark A/S supporte, outre ses propres dépens, la moitié de ceux exposés par Viasat Broadcasting UK Ltd dans le cadre du présent pourvoi ainsi que la totalité de ceux exposés par cette dernière en première instance.
5) Viasat Broadcasting UK Ltd supporte la moitié de ses propres dépens relatifs au présent pourvoi.
6) La Commission européenne et le Royaume de Danemark supportent leurs propres dépens.