Cass. 2e civ., 26 octobre 2017, n° 16-18.152
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Flise
Avocats :
Me Le Prado, SCP Célice, Soltner, Texidor, Périer, SCP Foussard, Froger, SCP Gadiou, Chevallier, SCP Lesourd, SCP Ohl, Vexliard, SCP Waquet, Farge, Hazan
LA COUR : Donne acte à la société Generali Belgium du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Teleplast Ghmbh et à M. et Mme X...du désistement de leur pourvoi incident en ce qu'il est dirigé contre la même société ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant contrat du 30 janvier 2000, M. et Mme X...ont confié la construction d'une maison individuelle à la société Socobret, laquelle a sous-traité le lot couverture à la société Y...qui a posé des ardoises artificielles en fibrociment fournies par la société Ardosa, cette société s'étant elle-même fournie auprès de la société Maxem, assurée par la société Axa France IARD, en responsabilité civile des produits, et la société Generali Belgium, en garantie du produit ; qu'ayant constaté une décoloration de ces ardoises, M. et Mme X...ont, après expertise, assigné les sociétés Socobret, Y...et Ardosa en indemnisation de leur préjudice ; que la société Ardosa a appelé en garantie son assureur, la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne-Pays de Loire (Groupama), ainsi que les sociétés Axa France IARD et Generali Belgium ; que la société Generali Belgium a appelé en garantie la société Teleplast Ghmbh, en tant que fabricant de la peinture des ardoises ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal de la société Generali Belgium : - Attendu que la société Generali Belgium fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum à indemniser M. et Mme X...et à garantir la société Y...de toutes les condamnations prononcées à son encontre, sauf en ce qui concerne les dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1°) que, si même un certificat avait été émis, l'assureur ne pouvait être tenu que dans les limites des conditions fixées par la police ; qu'en se contentant de relever que les ardoises avaient été livrées avant l'enregistrement de l'avis technique du 30 novembre 2001 pour écarter l'exigence relative au marquage des ardoises couvertes par la police, quand cette exigence figurait déjà dans la police d'assurance elle-même, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ; 2°) qu'en l'absence de marquage conforme aux dispositions de la police d'assurance, les juges devaient, pour juger que la garantie était due, rechercher si les ardoises avaient été identifiées par l'entreprise chargée de la pose par une mention spéciale sur sa facture ; qu'en s'abstenant de statuer sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la société Ardosa avait remis à la société Y...une attestation d'assurance rédigée par le courtier de la société Generali Belgium, assureur de la société Maxem, à laquelle était joint un certificat de garantie portant sur les ardoises de marque Syenit et la peinture Teleplast mises en œuvre par la société Y...pour le chantier X..., et qu'était produite une facture de la société Ardosa en date du 30 septembre 2000 portant sur la livraison à la société Y...d'ardoises de marque Syenit les 14 et 29 septembre 2000, facture corroborée par des attestations de l'expert comptable de la société Y...et du commissaire aux comptes de la société Ardosa, établissant que les ardoises de marque Syenit posées par la société Y...sur la toiture de la maison de M. et Mme X...avaient été achetées à la société Ardosa et fournies à celle-ci par l'importateur Maxem, la cour d'appel, qui a pu en déduire que ces ardoises relevaient de la catégorie couverte par le contrat souscrit auprès de la société Generali Belgium et que la garantie de cet assureur était acquise, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres moyens du pourvoi principal de la société Generali Belgium, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident de M. et Mme X...: - Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; - Attendu que, pour mettre hors de cause la société Ardosa, débouter M. et Mme X...de leurs demandes formées à son encontre sur le fondement de l'obligation de délivrance et la décharger des condamnations prononcées contre elle en première instance, l'arrêt retient que la remise à la société Y..., par la société Ardosa, d'un certificat du courtier de la société Generali Belgium aux termes duquel les ardoises Syenit mises en œuvre par la société Y...dans le cadre du chantier X...sont garanties par cet assureur pendant dix ans à compter de leur livraison au titre de " l'absence de défauts graves et permanents d'aspect de la coloration ", ne suffit pas à prouver que la société Y..., acquéreur de ces ardoises, et le vendeur, la société Ardosa, ont entendu faire entrer dans le champ contractuel, au jour de la vente, l'absence de déformation et de décoloration prématurées des ardoises vendues, alors même qu'il résulte de l'expertise que le vice intrinsèque à l'origine de ces désordres ne pouvait être décelé au jour du contrat, que la garantie ainsi certifiée n'engage que la société Generali Belgium dans le cadre de son contrat d'assurance avec la société Maxem, et que la société Ardosa, négociant non fabricant, a livré des ardoises fibrociment conformes à la commande ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les défauts esthétiques, notamment de décoloration, affectant la chose vendue constituent un défaut de conformité engageant la responsabilité délictuelle du fournisseur du sous-traitant à l'égard du maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Y...: - Vu les articles 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 1604 du code civil ; - Attendu que, pour mettre hors de cause la société Ardosa, débouter la société Y...de ses demandes formées à son encontre sur le fondement de l'obligation de délivrance et la décharger des condamnations prononcées contre elle en première instance, l'arrêt retient que la remise à la société Y..., par la société Ardosa, d'un certificat du courtier de la société Generali Belgium, aux termes duquel les ardoises Syenit mises en œuvre par la société Y...dans le cadre du chantier X...sont garanties par cet assureur pendant dix ans à compter de leur livraison au titre de " l'absence de défauts graves et permanents d'aspect de la coloration ", ne suffit pas à prouver que la société Y..., acquéreur de ces ardoises, et le vendeur, la société Ardosa, ont entendu faire entrer dans le champ contractuel, au jour de la vente, l'absence de déformation et de décoloration prématurées des ardoises vendues, alors même qu'il résulte de l'expertise que le vice intrinsèque à l'origine de ces désordres ne pouvait être décelé au jour du contrat, que la garantie ainsi certifiée n'engage que la société Generali Belgium dans le cadre de son contrat d'assurance avec la société Maxem, et que la société Ardosa, négociant non fabricant, a livré des ardoises fibrociment conformes à la commande ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les défauts esthétiques, notamment de décoloration, affectant la chose vendue constituent un défaut de conformité engageant la responsabilité du vendeur pour manquement à son obligation de délivrer une chose conforme, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi principal ; Dit n'y avoir lieu de mettre la société Axa France IARD, la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne-Pays de Loire, la société Ardosa et la société Socobret hors de cause ; Casse et Annule, mais seulement en ce qu'il met hors de cause la société Ardosa, déboute M. et Mme X...ainsi que la société Y...de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Ardosa sur le fondement de l'obligation de délivrance conforme et décharge la société Ardosa de toutes les condamnations prononcées contre elle en première instance, l'arrêt n° RG : 12/ 07007 rendu le 21 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée.