Cass. com., 8 novembre 2017, n° 16-20.670
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Ho Jean Choy
Défendeur :
Compagnie maritime Marfret (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Poillot-Peruzzetto
Avocat général :
Mme Beaudonnet
Avocats :
SCP Monod, Colin, Stoclet, Me Le Prado
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 mai 2016), que M. Ho Jean Choy, spécialisé dans la vente de feux d'artifice en Guyane française, importe de métropole ces produits, fabriqués en Chine, par le biais d'un transitaire faisant appel à la société Compagnie maritime Marfret (la société Marfret) ; que reprochant à cette dernière son refus d'en assurer le transport sans souscription d'une police d'assurance prévoyant des garanties à hauteur de 200 000 000 d'euros du fait de leur dangerosité et invoquant un abus de position dominante, M. Ho Jean Choy l'a assignée en réparation de son préjudice et afin qu'il lui soit ordonné d'en assurer le transport sans condition de garantie ;
Attendu que M. Ho Jean Choy fait grief à l'arrêt du rejet de ses demandes alors, selon le moyen : 1°) qu'il faisait valoir que l'Autorité de la concurrence avait constaté, dans son avis no 09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d'importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d'outre-mer, que le service de fret maritime " Europe-Guyane " était géré en monopole de fait par le VSA (accord de partage de vaisseau) passé entre les sociétés CMA-CGM et Marfret ; qu'à la page 19 de cet avis, qu'il versait au débat, l'Autorité précise que, du fait de ce monopole, il n'y a " pas de concurrence en prix " ; qu'en relevant, pour écarter l'existence d'une position dominante sur le marché du fret maritime " Europe-Guyane ", que la preuve d'une situation de monopole de la société Marfret et de l'absence d'un autre armement susceptible de desservir Cayenne n'était pas rapportée, sans répondre aux conclusions opérantes de M. Ho Jean Choy ni examiner, même sommairement, l'avis de l'Autorité de la concurrence, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) qu'est en position dominante toute entreprise qui, sur un marché, détient une puissance économique lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs ; que la circonstance que plusieurs entreprises soient actives sur un marché n'exclut pas que l'une d'elles soit en situation de position dominante ; qu'en relevant, pour écarter l'existence d'une position dominante sur le marché du fret maritime " Europe-Guyane ", que la preuve d'une situation de monopole de la société Marfret et de l'absence d'un autre armement susceptible de desservir Cayenne n'était pas rapportée, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 420-2 du Code de commerce ; 3°) qu'en considérant que M. Ho Jean Choy ne rapportait pas la preuve que le refus de vente opposé par la société Marfret avait faussé le jeu de la concurrence, aux motifs inopérants que la société Marfret ne refusait pas de transporter des produits pyrotechniques fabriqués dans l'Union européenne et que M. Ho Jean Choy ne démontrait pas que les produits marqués CE en provenance de l'Union européenne ne seraient pas de nature à répondre aux besoins des consommateurs, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ce refus n'était pas de nature à favoriser la hausse des prix, au détriment du consommateur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 420-2 du Code de commerce ; 4°) que le refus de transporter des produits concurrents en provenance de Chine faussait nécessairement le jeu de la concurrence sur le marché des produits pyrotechniques guyanais, à supposer même que les produits fabriqués dans l'Union européenne répondent aux besoins des consommateurs du marché guyanais ; qu'en relevant, pour écarter l'atteinte à la concurrence résultant de ce refus, que M. Ho Jean Choy ne soutenait pas que les produits marqués CE en provenance de l'Union européenne ne seraient pas de nature à répondre aux besoins des consommateurs, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 420-2 du Code de commerce ; 5°) qu'il appartient à une entreprise en situation de position dominante sur un marché de transport de marchandises qui refuse, pour des questions de sécurité, de transporter une certaine catégorie de produits, d'établir la non-conformité de ces produits ; qu'en considérant qu'il appartenait à M. Ho Jean Choy de rapporter la preuve de la conformité des articles litigieux aux normes de sécurité, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil, dans sa rédaction en vigueur avant celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 6°) qu'une entreprise en situation de position dominante sur un marché de transport de marchandise ne peut refuser de transporter des produits au seul motif qu'ils proviendraient de Chine ; que la circonstance que de multiples accidents sur terre et sur mer aient impliqué des feux d'artifice chinois ne justifie pas le refus de transporter tous les produits pyrotechniques d'origine chinoise ; qu'en se fondant pourtant sur cette circonstance, sans rechercher concrètement si, nonobstant leur origine, les produits litigieux achetés par M. Ho Jean Choy étaient dangereux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 420-2 du Code de commerce ;
Mais attendu que quand bien même il serait avéré qu'une entreprise détienne une position dominante, la seule constatation d'un refus de vente de sa part ne caractérise pas un abus, lequel nécessite de rapporter la preuve que l'objet ou l'effet du refus opposé par l'entreprise en position dominante sur un marché donné est de limiter ou d'exclure directement ou indirectement la concurrence réelle ou potentielle et de renforcer sa position sur ce marché ou un marché connexe ou en aval ; que M. Ho Jean Choy n'ayant nullement prétendu que l'abus imputé à la société Marfret, active sur le marché des transports maritimes, pouvait avoir cet objet ou effet sur un marché, au demeurant non défini, la cour d'appel ne peut se voir reprocher de n'avoir pas retenu l'abus de position dominante invoqué ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.