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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 2 novembre 2017, n° 14-18354

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Toyota France (SAS), Toyota France Financement (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. David

Conseillers :

Mmes Mongin, Bou

Avocats :

Mes Claude, Thierry, Descoins, Croquelois, Burgeat

TI Paris, 17e arrdt., du 24 juin 2014

24 juin 2014

Faits, procédure et prétentions des parties

Le 22 décembre 2007, X a conclu avec la société Toyota France Financement un contrat de location avec option d'achat portant sur un véhicule neuf de marque Toyota modèle Aygo d'un prix de 10 508 euros, X étant devenue propriétaire dudit véhicule au terme du contrat.

Le 29 janvier 2011, elle a cédé le véhicule à Y qui, le 8 octobre 2011, l'a elle-même cédé à Z pour un prix de 4 850 euros alors que le compteur affichait le kilométrage de 47 742 km.

Le 8 octobre 2011, après avoir parcouru 75 km, le véhicule est tombé en panne.

Désigné en qualité d'expert suivant ordonnances de référé des 1er et 22 mars 2012 rendues à la demande de Z à l'encontre de Y, X et la société Toyota France, A a rendu son rapport le 25 juillet 2012.

Suivant quittance du 30 novembre 2012, Z a reconnu avoir reçu de Y la somme de 5 512,80 euros à titre transactionnel et a subrogé cette dernière dans ses droits et actions à l'encontre de la société Toyota et de tout autre éventuel débiteur.

Le 3 mai 2013, Y a assigné X et la société Toyota France devant le Tribunal d'instance du 17e arrondissement de Paris, sur le fondement des articles 1134 et suivants, 1249 et suivants, 1603 et suivants et 1641 et suivants du Code civil pour obtenir leur condamnation solidaire à lui payer une somme de 8 989,91 euros représentant l'indemnisation versée à Z et divers frais et préjudices, outre intérêts au taux légal, ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le 13 janvier 2014, X a assigné en intervention forcée la société Toyota France Financement afin qu'elle soit condamnée à la garantir des éventuelles condamnations prononcées à son encontre et à lui payer 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire du 24 juin 2014, le tribunal a ordonné la jonction des affaires et condamné la société Toyota France à payer à Y la somme de 8 229,48 euros en application des articles 1641 et 1645 du Code civil ainsi que celle de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, les parties ayant été déboutées de leurs plus amples demandes.

Par déclaration du 4 septembre 2014, la société Toyota France a interjeté appel de cette décision.

Dans ses conclusions remises le 3 décembre 2014, la société Toyota France demande à la cour d'infirmer le jugement et de débouter Y de toutes ses demandes en la condamnant aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'appelante conteste l'existence d'un vice caché, imputant l'avarie à un manquement du garagiste chargé de l'entretien, et l'antériorité du désordre par rapport à la date de mise en circulation. Elle conteste également que le vice ait rendu le véhicule impropre à sa destination. A titre subsidiaire, elle met en cause le préjudice et les frais invoqués par Y.

Dans ses conclusions signifiées le 30 janvier 2015, Y demande à la cour de condamner la société Toyota France à lui payer les sommes de 8 989,91 euros en réparation de son préjudice, 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Plus subsidiairement, en cas de mise hors de cause de la société Toyota France, elle sollicite la condamnation de X à lui verser la même somme de 8 989,91 euros, celle de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle réclame le bénéfice de l'exécution provisoire.

Au soutien de ses demandes, elle fait valoir que le rapport d'expertise caractérise un vice caché imputable au constructeur qui compromettait son usage et qui était antérieur à la vente à son profit. A titre subsidiaire, elle invoque le même fondement à l'encontre de X. Elle détaille la somme qu'elle réclame.

Dans ses écritures remises le 30 mars 2015, X demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de dire Y mal fondée en ses prétentions, de condamner la société Toyota France à la garantir des condamnations éventuellement à sa charge, à titre subsidiaire de condamner la société Toyota Kreditbank GmbH à la garantir des mêmes condamnations et, en tout état de cause, de condamner les parties succombantes au paiement de la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir qu'elle ne peut être tenue pour responsable des défauts d'entretien du véhicule. Elle conteste l'existence de vices cachés antérieurs à la vente concernant la roue de secours, le roulement de la roue et l'usure des disques de frein et soutient que le défaut relatif à l'embrayage est un vice de conception imputable au constructeur.

Dans ses écritures remises le 30 avril 2015, la société Toyota France Financement sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et la condamnation de X à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle conteste l'appel en garantie formé à son encontre au motif qu'elle n'est pas responsable du travail réalisé par le garagiste au titre de l'entretien du véhicule.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 septembre 2017.

SUR CE,

Sur l'action en garantie des vices cachés dirigée contre de la société Toyota France

Aux termes de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.

Comme l'a rappelé le premier juge, en cas de ventes successives, la garantie contre les vices cachés se transmet avec la chose de telle sorte que le sous-acquéreur peut agir contre son vendeur mais aussi contre le fabricant qui est le premier vendeur, ce qui est le cas en l'occurrence de la société Toyota France qui admet avoir procédé à la vente initiale à son réseau de concessionnaires.

L'action doit être exercée à l'encontre des personnes qui ont vendu la chose alors que le vice existait déjà, à la condition qu'il n'était pas apparent et qu'il nuise à l'usage de la chose.

Il importe préalablement de prouver l'existence d'un vice.

En l'espèce, l'expert judiciaire a constaté la destruction de l'embrayage, expliquant que celui-ci s'était usé de manière prématurée, ce qui n'est pas contesté par l'appelante. Il a noté que le véhicule, contrairement aux autres de la gamme Toyota, n'était pas équipé d'un dispositif de réglage automatique de la garde d'embrayage, ce qui provoquait un patinage excessif et croissant de l'embrayage à l'origine de l'usure prématurée. Il a relevé qu'en décembre 2008, le constructeur a diffusé à son réseau un bulletin l'informant de la monte d'un embrayage plus performant pour remédier notamment à cette usure (ledit bulletin précisant que la conception, les matériaux et la diminution de la garde sont des causes recensées à l'origine de l'usure prématurée et recommandant en cas de réclamation d'un client toujours doté d'un embrayage d'origine de remplacer le disque et le couvercle), le véhicule litigieux étant équipé de l'embrayage premier montage plus vulnérable. Il a également observé qu'en octobre 2008, le constructeur a diffusé un autre bulletin décrivant la procédure de contrôle et de réglage de la garde afin d'assurer la longévité maximale du disque, le programme d'entretien prévoyant un tel contrôle tous les 15 000 kms. Il a estimé que si l'opération de contrôle et de réglage avait été correctement effectuée par le garage chargé de l'entretien, l'embrayage ne se serait pas prématurément usé par patinage, ajoutant que la détérioration ne provenait pas des conditions d'utilisation.

Il se déduit de ces énonciations que, comme l'a retenu le premier juge, le véhicule est affecté d'un vice de conception, vice dans la conception de l'embrayage provoquant l'usure prématurée de cet élément. Il s'agit d'un défaut par rapport à la destination normale d'un véhicule dont l'embrayage n'est pas censé s'user de manière aussi rapide. La circonstance invoquée par la société Toyota France que l'usure prématurée aurait pu être évitée si la procédure de contrôle et de réglage spécifiée par elle avait été correctement réalisée par le garagiste n'est pas exclusive du vice de construction qui, au contraire, est parfaitement établi, ladite procédure apparaissant précisément avoir été mise en place pour en limiter les effets, et n'est pas de nature à exonérer le fabricant de son obligation de garantie à l'égard de l'acquéreur dès lors que la détérioration de l'embrayage a pour cause initiale le vice de construction, sans qu'un usage anormal du véhicule y ait contribué.

S'agissant d'un vice de conception affectant l'embrayage qui ne se révèle que par les pannes en découlant et sur lequel la société Toyota France n'a communiqué qu'en interne, auprès de son propre réseau, et seulement fin 2008, le caractère non apparent du vice n'est pas discutable, y compris lors de la première vente.

Contrairement à ce que soutient la société Toyota France, l'antériorité du vice est également acquise dès lors qu'il s'agit d'un vice de conception, donc préalable à la première cession, peu important que la destruction complète de l'embrayage ne soit survenue qu'en octobre 2011, étant rappelé qu'il suffit que le vice existe déjà à l'état de germe avant la vente ou la livraison.

Comme cela a déjà été relevé, le vice de conception en cause constitue un défaut par rapport à la destination normale d'un véhicule dont l'embrayage n'est pas censé s'user de manière aussi rapide. Il importe peu que la voiture ait pu parcourir environ 47 000 kms avant de tomber en panne dans la mesure où l'usure prématurée de l'embrayage a diminué tellement l'usage du véhicule que l'acheteur n'en aurait donné à tout le moins qu'un moindre prix s'il avait connu le vice, étant souligné qu'un embrayage est censé avoir une durée de vie beaucoup plus longue et que la destruction d'un tel organe génère des coûts importants au regard de la valeur du véhicule, dont des travaux de remise en état estimés par l'expert à près de 1 000 euros outre un préjudice de jouissance.

Ainsi, Y est fondée en son action en garantie.

Sur l'indemnisation

L'acheteur peut, sur le fondement de la garantie des vices cachés, exercer une action indemnitaire, étant observé qu'en tout état de cause, en application de l'article 1645 du Code civil, le vendeur connaissant les vices, ce qui est le cas du vendeur professionnel qui est tenu de connaître les vices, doit tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

En l'espèce, la société Toyota France est un vendeur professionnel.

Y sollicite d'abord, sur le fondement de la quittance subrogative, le paiement des sommes qu'elle a réglées à Z, soit selon cette quittance la somme de 5 512,80 euros représentant les frais de dépannage pour 171,75 euros, le préjudice de jouissance pour 1 440 euros, une indemnité de procédure de 1 000 euros et la somme de 2 901,05 euros au titre des frais d'expertise.

Or, comme le fait valoir l'appelante, aucune pièce n'établit que Z, qui a subrogé Y dans ses droits et actions, ait en définitive supporté les frais de dépannage qui ne lui ont pas été facturés mais à Mondial Assistance selon le rapport d'expertise.

La réalité du préjudice de jouissance est en revanche établie par le rapport d'expertise judiciaire qui a décompté 297 jours d'immobilisation et a estimé sa réparation à 1 440 euros, sans que ce quantum soit discuté.

En sa qualité de demanderesse à l'expertise ordonnée en référé, Z était tenue d'en supporter les frais alors que rien ne prouve que son assurance protection juridique, qui est seulement évoquée dans le rapport d'expertise, les ait pris en charge. Ce chef de préjudice sera donc également pris en compte, de même que l'indemnité de procédure dès lors qu'il apparaît notamment que Z s'est fait représenter à l'expertise.

La somme réclamée par Y au titre des travaux effectués par le garage P. est justifiée en son principe puisqu'il résulte de la quittance précitée que cette dernière a acquitté directement la facture de travaux auprès de ce garage mais elle ne sera prise en compte qu'à hauteur de la somme de 773,35 euros représentant le remplacement de l'embrayage. En effet, le premier juge a, à juste titre, écarté le surplus car correspondant à des réparations d'autres organes pour lesquels l'existence d'un vice caché n'a pas été retenue, Y ne développant aucun moyen propre à remettre en cause cette appréciation.

Enfin, la somme de 1 624,86 euros réclamée au titre des frais de gardiennage au garage B est également justifiée en l'état de la facture de ce garage et de la quittance qui établit que Y s'en est directement acquittée.

Ainsi, il y a lieu de condamner la société Toyota France à payer à cette dernière la somme de 7 739,26 euros (1 440 + 1 000 + 2 901,05 + 773,35 + 1 624,86) à titre de dommages et intérêts.

Sur l'action subsidiaire en garantie des vices cachés dirigée contre X et la demande de garantie de la société Toyota Kreditbank

Compte tenu de l'issue du litige, il n'y a pas lieu d'examiner ces demandes qui sont sans objet.

Sur les dommages et intérêts pour appel abusif

Cette demande sera rejetée, Y ne caractérisant pas en quoi l'appel serait abusif et ne justifiant d'aucun préjudice.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

Il convient de condamner la société Toyota France aux dépens de première instance et d'appel et de la condamner à payer à Y la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, le jugement étant confirmé sur la somme qui lui a été allouée au titre des frais irrépétibles de première instance. Il n'y pas lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles au profit des autres parties.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement: Infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Toyota France au paiement de la somme de 8 229,48 euros ; Le confirme en ses autres dispositions ; Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant: Condamne la société Toyota France à payer à Y les sommes de: - 7 739,26 euros à titre de dommages et intérêts ; - 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ; Déboute les parties de toute autre demande ; Condamne la société Toyota France aux dépens d'appel.