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Décisions

CA Riom, 3e ch. civ. et com., 8 novembre 2017, n° 16-01760

RIOM

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Hyundai Motor France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Riffaud

Conseillers :

MM. Kheitmi, Talenti

TGI Cusset, du 9 mai 2016

9 mai 2016

Exposé du litige :

Le 27 février 2012, M. X a acquis un véhicule de marque Hyundai type Santa Fe, 4x4, immatriculé BJ-645-LP.

Le 26 juillet 2012, le garage Y a procédé au remplacement de diverses pièces, notamment les injecteurs pour un prix de 1 287,64 euros.

Le 18 juillet 2013, le garage Y a procédé à un nouvel entretien du véhicule et le 20 juillet 2013, M. X a constaté que son véhicule fumait de façon importante. Le garage Y a alors transféré le véhicule au garage Z qui a procédé de nouveau à un changement des injecteurs pour un prix de 1 815,61 euros.

M. X indique qu'après avoir parcouru 20 km il a entendu un bruit anormal du moteur. Le garage Tout Auto a pris en charge son véhicule et M. X a saisi son assureur protection juridique qui a organisé une expertise amiable le 24 octobre 2013, suivie de plusieurs réunions.

L'expert a constaté une détérioration du bloc moteur et décelé l'existence d'un vice de construction. Il a conclu que les deux garagistes qui sont intervenus ont failli à leurs obligations.

C'est dans ces conditions que, par actes d'huissier de justice des 6 et 26 juin et du 2 juillet 2014, M. X a fait assigner la SARL Garage Z, le garage Y et la SAS Hyundai Motor France (la société Hyundai) devant le Tribunal de grande instance de Cusset afin de voir :

- condamner le garage Y à payer la somme de 1 815,61 euros représentant le remplacement des injecteurs ;

- condamner le garage Z à payer la somme de 6 407,64 euros représentant le coût du remplacement du moteur ;

- condamner conjointement et solidairement le garage Z et le garage Y à payer la somme de 1 815,61 euros représentant le coût du remplacement inutile des injecteurs ;

- condamner les mêmes à lui payer une somme de 5 460 euros au titre du préjudice de jouissance ;

- condamner la société Hyundai à lui payer conjointement avec le garage Z la somme de 6 407,64 euros et 5 460 euros au titre de la garantie des vices cachés ;

- condamner les mêmes aux dépens et à lui payer une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Suivant un jugement du 9 mai 2016, cette juridiction a :

- déclaré recevable la demande de M. X à l'encontre de la société Hyundai ;

- dit que le rapport d'expertise du cabinet BCA Expertise est opposable à l'ensemble des parties ;

- condamné solidairement (in solidum) la société Hyundai et la SARL Garage Z à payer à M. X les sommes de :

- 6 407,64 euros au titre de la réparation du moteur ;

- 3 549 euros au titre du préjudice de jouissance ;

- débouté M. X de ses demandes à l'encontre du Garage Y, pris en la personne de M. Bernard F. ;

- condamné solidairement (in solidum) la société Hyundai et la SARL Garage Z à payer à M. X une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté M. X du surplus de ses demandes ;

- débouté le garage Y, la SARL Garage Z et la société Hyundai de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamné solidairement (in solidum) la société Hyundai et la SARL Garage Z aux dépens de l'instance.

Par déclarations reçues au greffe de la cour les 7 et 11 juillet 2016 la société Hyundai Motor France a interjeté appel général de cette décision.

Par ordonnance du 15 septembre 2016, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des procédures et dit que l'affaire serait désormais suivie sous le numéro RG 16/01760.

Par une seconde ordonnance du 15 septembre 2016, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement d'appel de la société Hyundai à l'égard de la SARL Garage Y.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 2 mai 2017 au moyen de la communication électronique, la société Hyundai demande à la cour au visa des articles 1641 et 1315 anciens du Code civil, L. 110-4 du Code de commerce, de l'article 26 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, de réformer la décision et de :

à titre principal,

- constater que M. X a acheté son véhicule le 27 février 2012 à M. A ;

- constater que le véhicule de M. X a initialement été vendu par la société Hyundai à la société Espace Auto 77 le 14 janvier 2004 ;

- constater que l'assignation de M. X ne lui a été délivrée que le 6 juin 2014 ;

- dire que l'action en garantie des vices cachés doit impérativement être engagée avant le 19 juin 2013 pour les véhicules vendus antérieurement au 19 juin 2008 ;

- dire qu'à cette date l'action en garantie des vices cachés éventuellement dirigée par la société Espace Auto 77 à l'encontre de la société Hyundai était prescrite ;

- dire que si M. H., par le mécanisme de l'action directe en garantie des vices cachés, agit comme ayant-cause de la société Espace Auto 77, la société Hyundai peut lui opposer tous les moyens de défense qui auraient pu être opposés à la société Espace Auto 77 et notamment la prescription de son action ;

- débouter en conséquence M. X de l'intégralité de ses demandes dirigées à son encontre ;

à titre subsidiaire,

- constater que M. X ne démontre pas que la panne a pour origine un quelconque vice caché ;

- constater que la société Hyundai n'a pas participé aux réunions d'expertise amiable organisées le 24 octobre et le 14 novembre 2013 ;

- constater que la consultation technique de M. R. ne lui pas été adressée et qu'elle n'a pu en débattre contradictoirement ;

- constater que la panne du véhicule et plus particulièrement la rupture de la vis qui maintient le pignon de transfert de l'arbre équilibreur qui s'est désaxé et est venu endommager le bloc moteur - a pour seule et unique cause un emballement moteur provoqué par la pompe haute pression du véhicule ;

- constater que cette pompe haute pression a été réparée le 26 juillet 2012 par M. Y. ;

- dire que la panne n'a pas pour origine un vice caché puisque cette pièce n'existait pas antérieurement à la vente du véhicule par la société Hyundai ;

- débouter M. X de l'intégralité de ses demandes dirigées à son encontre ;

à titre plus subsidiaire,

- constater que les préjudices invoqués par M. X ne sont pas justifiés ;

- constater que M. X n'a pas fait réparer son véhicule et ne semble pas envisager de le faire réparer ;

- constater que la valeur du véhicule au jour de la panne, le 20 juillet 2013, était de 3 304 euros ;

- constater que M. X ne rapporte pas la preuve de l'étendue de son préjudice ;

- dire qu'en l'absence de réparation préalable au jugement, le préjudice de M. X sera limité à la valeur du véhicule au jour de la panne soit 3 304 euros ou au coût de la réparation, sous réserve de justifier qu'il en a acquitté ;

- dire qu'en l'absence de preuve de l'étendue de son préjudice de jouissance, celui-ci ne peut être évalué forfaitairement et que dès lors, M. X ne peut invoquer aucun préjudice de jouissance ;

- dire qu'en l'absence de réparation, M. X ne peut invoquer aucun préjudice de jouissance ;

- condamner M. X à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient que l'action en garantie des vices cachés n'est susceptible d'être exercée que dans le délai de prescription de droit commun soit cinq ans depuis la loi du 17 juin 2008 de sorte qu'elle devait être engagée avant le 19 juin 2013 pour les véhicules qui ont été vendus antérieurement au 19 juin 2008.

Elle considère, par ailleurs, que M. X ne rapporte pas la preuve que le véhicule est affecté d'un vice caché et, en tout état de cause, que le vice existait antérieurement à la vente. A cet égard, elle indique qu'il n'existe pas de présomption d'existence en matière de vice caché et qu'il ne suffit pas de faire état d'un dysfonctionnement lorsqu'il n'est pas établi que ce dysfonctionnement a été causé par un vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 21 juin 2017 au moyen de la communication électronique M. H., qui forme appel incident, demande à la cour, au visa des articles 1147 et suivants et 1642 et suivants du Code civil et de l'article L. 110-4 du Code de commerce, de :

- confirmer la décision entreprise sauf en ce qui concerne le préjudice de jouissance ;

- condamner solidairement la société Hyundai et le garage Z à lui payer la somme de 6 407,64 euros correspondant aux réparations ;

- condamner le garage Z au paiement de la somme de 1 815,61 euros représentant le coût du remplacement inutile des injecteurs ;

- condamner solidairement la société Hyundai et le garage Z à lui payer la somme de 25 500 euros arrêté au 30 juin 2017 au titre du préjudice de jouissance ;

- condamner solidairement la société Hyundai et le garage Z à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il soutient que son action n'est pas prescrite car le délai de prescription ne commence à courir qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime et il indique qu'il n'a eu connaissance du vice que le 20 juillet 2013 lorsqu'il a constaté un emballement du moteur. Il ajoute que la date de la vente initiale du bien ne peut être opposée au sous-acquéreur en tant que point de départ du délai de prescription formée par ce dernier à l'encontre du vendeur initial.

Il considère, par ailleurs, que la société Hyundai, qui a participé aux opérations d'expertise et n'a pas présenté d'observations particulières en réponse aux demandes du technicien, ne peut valablement soutenir que les conclusions de ce dernier ne lui sont pas opposables. Et il ajoute que la juridiction peut se fonder sur cet examen dès lors que les conclusions du rapport sont corroborées par d'autres éléments et que le problème rencontré est bien connu du constructeur puisque de nombreux consommateurs l'ont rencontré, et qu'il est constant que les différents experts connaissent ce vice.

Il ajoute qu'il ressort du rapport d'expertise que le dysfonctionnement est bien lié à un vice caché issu d'un défaut de fabrication et qu'il n'est pas consécutif à un mauvais usage de l'automobile ou à sa vétusté. Il ajoute que la société Hyundai doit être tenue pour responsable du dommage, solidairement avec le garage Z qui a manqué à son obligation de résultat, l'indemnisation allouée devant se traduire par la réparation intégrale de son préjudice.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 août 2017.

Motifs de la décision :

L'appel principal a été formé par la société Hyundai qui a intimé M. H., le SARL Garage Z et l'entreprise Y.

La société Hyundai s'est, par un acte notifié au moyen de la communication électronique et déposé au greffe le 1er septembre 2016, désistée de son appel à l'égard du garage Z et de l'entreprise Y.

Ce désistement intervenu avant que ces intimés n'aient conclu au fond, a été constaté par une ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 15 septembre 2016, et il en résulte que l'instance d'appel a pris fin à leur égard à cette date.

S'il apparaît que M. X a formé des demandes incidentes à l'égard du garage Z, notamment en ce qui concerne l'étendue de la réparation de son préjudice de jouissance, il n'en demeure pas moins qu'elles ont été formées alors que l'instance d'appel étaient déjà éteinte à l'égard de cet intimé qui n'était plus présent à la procédure.

En conséquence, les demandes formées par M. X à l'encontre de la SARL Garage Z seront déclarées irrecevables.

L'action intentée par M. X à l'encontre de la société Hyundai a pour fondement les articles 1643 et suivants du Code civil, à savoir la garantie des vices cachés préexistants à la vente et, il exerce à l'encontre de la société Hyundai, constructeur et premier vendeur de l'automobile en panne, l'action qu'était susceptible d'engager le premier acquéreur du véhicule contre son vendeur initial et qui a été transmise avec l'automobile objet de la vente.

Une telle action doit être engagée avant l'expiration du délai de la prescription de droit commun dont le point de départ se situe à la date de la vente qui constitue celle du droit d'agir en matière de garantie légale des vices cachés. En effet, la créance née de la garantie des vices cachés a son origine au jour de la conclusion de la vente et non au jour de la révélation du vice (en ce sens Cass. civ. 3e - 16 novembre 2005, Bull. civ. III n° 181 - Cass. civ. 3e - 26 mai 2010, pourvoi n° 09-67.008). Et le bref délai pour agir de l'action en garantie des vices cachés, fixé par l'article 1648 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 17 février 2005, ne s'écoule qu'à l'intérieur du délai de prescription de droit de commun de dix ans de l'article L. 110-4 du Code de commerce, ramené à cinq ans par la loi du 17 juin 2008.

En l'espèce, le véhicule affecté d'une panne a été vendu pour la première fois le 9 avril 2004, et en application des dispositions transitoires énoncées par l'article 26 II de la loi 2008-561 du 17 juin 2008 relative à la prescription, le délai de prescription applicable à l'action n'a pu excéder cinq années à compter de son entrée en vigueur, soit en fonction de sa publication au Journal officiel du 18 juin 2008, la date du 19 juin 2013.

Il s'ensuit que toute action née de la vente étant prescrite à l'égard de la société Hyundai depuis le 19 juin 2013, l'action engagée par M. X le 6 juin 2014 est atteinte par la prescription et que ses demandes dirigées contre le constructeur sont irrecevables.

Le jugement déféré sera, en conséquence, infirmé en ce qui concerne ses dispositions relatives à la société Hyundai.

M. H., qui succombe à l'appel, en supportera les dépens. Eu égard aux circonstances de la procédure et à la disparité des situations économiques des parties, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au bénéfice de la société Hyundai.

Par ces motifs : LA COUR, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe ; Vu l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 15 septembre 2016, constatant le désistement d'appel de la SAS Hyundai Motor France à l'égard du Garage Z et l'entreprise Y ; Déclare M. X irrecevable en ses demandes dirigées en cause d'appel contre la SARL Garage Z ; Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions relatives à la société Hyundai Motor France et statuant de nouveau de ces chefs ; Déclare M. X irrecevable en ses demandes dirigées contre la société Hyundai Motor France ; Le condamne aux dépens d'appel.