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Décisions

CA Lyon, 6e ch., 26 octobre 2017, n° 16-02676

LYON

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Car On Line France (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boisselet

Conseillers :

M. Gaget, Mme Clerc

TI, Montbrison du 5 févr. 2016

5 février 2016

Faits, procédure et moyens des parties

Le 14 septembre 2012, moyennant le prix de 15 250 euros, monsieur T. a acheté auprès de la société Car On Line un véhicule de marque Volkswagen Eos turbo diesel injection immatriculé AB-971-HK, mis en circulation le 17 juin 2009, affichant un kilométrage de 69 500km.

Le contrôle technique effectué le 14 juin 2013 a révélé un défaut à corriger avec contre-visite affectant la plaque d'immatriculation, à savoir une non concordance du numéro d'identification frappé à froid sur le chassis (wvwzzz1fzv042915) avec le numéro d'identification figurant sur le certificat d'immatriculation (wvwzzz1fzv042947).

Informé de cette irrégularité par l'acquéreur, la société Car on Line a transmis à celui-ci par courriel du 17 juin 2013, les documents d'immatriculation et de cession établissant l'erreur de saisie du numéro de chassis lors de la première immatriculation en l'invitant à se présenter à la préfecture pour justifier l'erreur.

Monsieur T. s'étant informé en juillet 2013 auprès de la préfecture et des services de police, a appris que le numéro d'identification porté sur le chassis du véhicule avait été renseigné comme véhicule en destruction en attente en mars 2012 et a régularisé une main courante le 26 août 2013.

Par courriel du 5 septembre 2013, la société Car On Line a informé monsieur T. de ses démarches entreprises auprès de la préfecture, à savoir qu'il pouvait solliciter une rectification du certificat d'immatriculation, et lui a offert de s'acquitter de cette requête pour peu qu'il lui remette l'original du certificat d'immatriculation et du contrôle technique attestant du numéro erroné de chassis.

Monsieur T. a décliné cette proposition par courrier du 12 septembre 2013 et a sollicité l'annulation de la vente avec remboursement des frais exposés.

La société Car On Line a poursuivi ses investigations auprès du vendeur du véhicule, la société EDA devenue ADA, des services de gendarmerie et de la préfecture, à l'issue desquelles la thèse d'une erreur de l'administration commise lors de l'établissement de la certification d'immatriculation a été confirmée.

Monsieur T. ayant communiqué le 30 octobre 2013 à la préfecture la copie de sa pièce d'identité, le justificatif de domicile et la certification d'immatriculation comme demandé dès le 10 octobre 2013 par la société Car On Line, il a pu obtenir un certificat d'immatriculation rectifié le 9 janvier 2014.

Suivant courrier recommandé du 14 mars 2014, monsieur T. a mis en demeure la société Car On Line de lui payer la somme de 7 126 euros en réparation du préjudice subi ;

n'ayant pas obtenu satisfaction, il a assigné cette société devant le tribunal d'instance de Montbrison le 27 avril 2015 en paiement de ladite somme outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, sans préjudice des frais irrépétibles et des dépens.

Par jugement contradictoire du 5 février 2016, le tribunal d'instance précité a, tout à la fois

- dit que la société Car On Line engage sa responsabilité à l'égard de monsieur T.,

- condamné la société Car On Line à payer à monsieur T. la somme de 5 100 euros à titre de dommages et intérêts,

- rejeté les autres demandes,

- condamné la société Car On Line à payer la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société Car On Line aux dépens de l'instance.

Le tribunal a retenu que :

- la société venderesse a été négligente dans la prise en charge des difficultés rencontrées par monsieur T., ses premiers courriels datant du mois de septembre 2013 mais la régularisation effective du numéro n'étant intervenue que le 9 janvier 2014,

- monsieur T. a subi un préjudice moral et matériel en ce qu'il n'a pas pu revendre rapidement son véhicule et a subi une décote, et qu'il a dû effectuer des démarches en préfecture et auprès des services de police ce qui constitue un trouble anormal.

Par déclaration du 6 avril 2016 enregistrée au greffe de la cour le 7 avril suivant, la société Car On Line a relevé appel général de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions déposées électroniquement le 26 octobre 2016 au visa des articles 1147 et 1604 du Code civil dans leur version alors applicable, la société Car On Line sollicite que par réformation du jugement déféré, la cour :

- à titre principal,

* dise et juge que la société Car On Line a satisfait à son obligation de délivrance conforme,

* dise et juge que monsieur T. a commis une faute ayant conduit à retarder l'obtention de son certificat d'immatriculation.

En conséquence,

* déboute monsieur T. de sa demande de condamnation de la société Car On Line au paiement de la somme de 6 278 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 14 mars 2014, et plus généralement de l'ensemble de ses demandes.

- à titre subsidiaire,

Si la cour venait à retenir l'existence d'une faute contractuelle de la part de la société Car On Line :

* dise et juge que monsieur T. ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice

En conséquence,

* déboute monsieur T. de sa demande de condamnation de la société Car On Line au paiement de la somme de 6 278 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 14 mars 2014.

Si la cour venait à retenir l'existence d'un préjudice subi par monsieur T. :

* dise et juge que le "préjudice" subi par monsieur T. n'est pas imputable à la société Car On Line France,

* dise et juge que monsieur T. a commis une faute étant la cause unique du "préjudice" subi par lui,

* déboute, en conséquence, monsieur T. de sa demande de condamnation de la société Car On Line au paiement de la somme de 6 278 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 14 mars 2014, et plus généralement de l'ensemble de ses demandes

- en tout état de cause,

* condamne monsieur T. au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, en remboursement des frais irrépétibles

* condamne monsieur T. aux entiers dépens de première instance et d'appel, et accorder, en ce qui concerne ces derniers, à la Selarl L. & Associés Lexavoues Lyon, le droit prévu à l'article 699 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées électroniquement le 1er septembre 2016 au visa des articles 1134, 1147 et 1604 du Code civil et subsidiairement 1641 du même code, (dans leur version alors applicable), monsieur T. demande la confirmation du jugement déféré s'agissant de la responsabilité de la société Car On Line ;

formant appel incident, il entend voir la cour condamner la même société à lui payer la somme de 6 278 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 14 mars 2014 ;

y ajoutant, il conclut que la société Car On Line soit condamnée à lui à payer la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de maître C. Philippe, sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions déposées par les parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 janvier 2017 et l'affaire plaidée le 26 septembre 2017, a été mise en délibéré à ce jour.

Motifs de la décision

Attendu qu'il est constant que la société Car On Line a vendu à monsieur T. un véhicule automobile dont le numéro de chassis figurant sur le bon de commande et sur le certificat d'immatriculation différait de celui qui était apposé sur la plaque constructeur, cette discordance provenant d'une erreur lors de la première immatriculation ;

que la remise à l'acquéreur d'un certificat d'immatriculation conforme aux caractéristiques techniques du véhicule auquel il se rapporte, constitue pour le vendeur du véhicule une obligation contractuelle substantielle, ce document administratif étant exigé pour la circulation et la revente du véhicule ;

que ce faisant, la société Car On Line a manqué à son obligation de délivrance à l'époque de la vente, peu important la circonstance que le certificat d'immatriculation a pu être régularisé plusieurs mois après la vente, la société venderesse, professionnelle de la vente automobile, étant tenue de s'assurer de la conformité des documents administratifs relatifs aux véhicules mis en vente.

Attendu que si la fixation des modalités de réparation du préjudice résultant du défaut de conformité relèvent du pouvoir souverain d'appréciation du juge, monsieur T. qui ne sollicite pas la résolution de la vente, mais l'allocation de dommages et intérêts, reste toujours tenu de prouver l'existence d'un préjudice, notamment l'existence et l'étendue de la dépréciation du véhicule dont il excipe.

Que l'examen chronologique des échanges de courriers et e-mails entre les parties durant la période de juin à octobre 2013, laisse apparaître que la société Car On Line :

- par courriel du 17 juin 2013, a adressé à monsieur T. les documents d'immatriculation du véhicule afin de prouver l'erreur de saisie du numéro de chassis lors de la première immatriculation afin qu'il puisse se rendre à la préfecture

- a proposé dès le 5 septembre 2013, à monsieur T. de régulariser pour son compte une demande de rectification de carte grise en préfecture, pour peu que celui-ci lui communique les originaux du certificat d'immatriculation du véhicule et le contrôle technique ;

- a tenu informé le conseil de monsieur T. de l'avancée de ses investigations auprès des services de gendarmerie pour recueillir des informations sur le numéro de chassis, mais également auprès de la sous-préfecture de Roanne (courriels des 17, 25 et 26 septembre 2013)

- a relancé le 7 octobre 2013 la société EDA (à qui elle avait acheté le véhicule) pour obtenir le dossier du véhicule

- a confirmé par courriel du 10 octobre 2013 que l'erreur du numéro de chassis sur le certificat d'immatriculation avait été commise à la création du véhicule et a demandé à monsieur T. (via son conseil) d'adresser à madame M., adjointe au chef de bureau des cartes grises de la préfecture de la Loire, la carte grise du véhicule, ou de se présenter tous les jours de la semaine de 9h à 12h à la préfecture à Saint-Etienne muni de sa carte grise, de sa pièce d'identité et d'un justificatif de domicile, en assurant que cette personne s'occuperait personnellement de la rectification.

que l'adjointe au chef de bureau des cartes grises précitée, par courriel du 25 octobre 2013, a confirmé au conseil de monsieur T. qu'elle était en charge du dossier depuis juillet 2013 mais qu'elle était dans l'attente, depuis le 10 octobre 2013, de l'original du certificat d'immatriculation détenu par monsieur T. ainsi que de sa pièce d'identité et justificatif de domicile ;

que dans un courriel du 30 octobre 2013, elle indiquait que monsieur T. pouvait lui faire porter la carte grise du véhicule par une personne de son choix ou la transmettre par courrier, dans la mesure où l'accueil du public n'était pas assuré les après-midi, l'intéressé lui ayant fait connaître qu'il ne pourrait pas se présenter en préfecture le matin.

Qu'il résulte de ces constatations que monsieur T. ne peut sérieusement faire grief à la société Car On Line d'avoir fait preuve d'inertie et de négligence dans la gestion de la difficulté affectant le véhicule au cours de la période de mi-juin à début septembre 2013, alors même que celle-ci a été réactive dès le 17 juin 2013, quand bien même elle a procédé à des investigations complémentaires par la suite ;

que d'évidence, monsieur T. n'a pas remis, en temps utile, les documents administratifs nécessaires à la délivrance d'un certificat d'immatriculation rectifié comme sollicité par la société Car On Line le 10 octobre 2013, voire même dès le 5 septembre 2013 ;

que la circonstance qu'il a du conduire, pendant une durée de six mois, le véhicule avec des documents administratifs non conformes à la plaque constructeur, n'est donc pas exclusivement imputable à l'inertie dénoncée de la société Car On Line ;

Que monsieur T. est également mal fondé à conclure qu'il voulait revendre le véhicule acheté le 14 septembre 2012 car il avait le projet de fonder une famille, mais qu'il n'a pu le faire en raison de la discordance de numéro de chassis découverte à l'occasion du contrôle technique de juin 2013, mais également à soutenir avoir subi de ce fait un préjudice lié à la décote du véhicule qu'il n'a pu mettre en vente qu'au printemps 2014, une fois le certificat d'immatriculation rectifié ;

qu'en effet, il n'est pas démontré qu'il avait projeté de revendre le véhicule précisément à l'époque de la découverte du défaut affectant le numéro de chassis en juin 2013, le courrier de son conseil daté du 12 septembre 2013 auquel il se réfère faisant seulement mention " à supposer que la carte grise soit refaite, ce véhicule sera invendable par la suite " ;

que le contrôle technique a été effectué le 14 juin 2013, non pas en vue d'une vente, mais au titre de la visite technique périodique, la carte grise du véhicule mentionnant d'ailleurs que cette visite devait être réalisée avant le 17 juin 2013 ;

qu'enfin, alors que le certificat d'immatriculation a été régularisé le 9 janvier 2014, il a mis en vente le véhicule seulement en mars 2014, et a attendu le 16 janvier 2015 pour acheter un nouveau véhicule auprès de la société Espace Auto Ratarieux, lequel lui a repris le véhicule litigieux pour une valeur de 9 500 euros, alors même que son enfant était né depuis le 26 juin 2014.

Que néanmoins, monsieur T. a subi un préjudice matériel en ce qu'il a perdu des heures de travail, a du financer un deuxième contrôle technique et un préjudice moral en lien avec les démarches qu'il a du engager ; qu'il est justifié de l'indemniser de ces préjudices par l'allocation d'une somme de 1 000 euros, le jugement déféré devant être infirmé en ce sens et monsieur T. débouté de son appel incident ;

que cette somme de 1 000 euros sera productive d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Attendu qu'il convient de laisser à chacune des parties qui succombe pour partie dans ses prétentions, la charge des dépens qu'elle a engagés en appel et qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur leur recouvrement par leurs mandataires ; que les dépens de première instance seront confirmés à la charge de la société Car On Line.

Attendu que l'application de l'article 700 du Code de procédure civile sera rejetée comme ne se justifiant pas en appel au profit de l'une ou l'autre des parties et l'indemnité allouée par le premier juge confirmée.

Par ces motifs, LA COUR, Infirme la décision déférée en ses dispositions ayant trait à l'indemnisation des préjudices de monsieur T. , Statuant à nouveau sur ce point, Condamne la société Car On Line à payer à monsieur T. la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice matériel et moral, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, Confirme pour le surplus le jugement déféré, sauf à dire que la société Car On Line a manqué à son obligation de délivrance, Déboute monsieur T. de son appel incident, Dit que chacune des parties conservera la charge des frais et dépens par elle engagés en appel et n'y avoir lieu de statuer sur leur recouvrement par leurs mandataires, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.