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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 15, 8 novembre 2017, n° 14-13242

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Groupe Candy Hoover (Sté)

Défendeur :

Autorité de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fusaro

Avocats :

Mes Teytaud, Justier

TGI Paris, JLD, du 21 mai 2014

21 mai 2014

Le 21 mai 2014, le juge des libertés et de la détention de Paris (ci-après JLD), a rendu, en application des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce, une ordonnance de visite et de saisie dans les locaux des sociétés suivantes :

- Groupe Candy Hoover, Suresnes

- Groupement Interprofessionnel des Fabricants d'Appareils d'Equipement Ménager (ci-après Gifam), Paris 16.

Cette ordonnance faisait suite à une requête présentée par les services de l'Autorité de la concurrence suite à l'enquête aux fins d'établir si lesdites entreprises se livreraient à des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 1°, 2°, 3° du Code de commerce et 101-1 a) et b) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après TFUE).

Cette requête était consécutive à une demande d'enquête du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence (ci-après ADLC) conformément aux dispositions de l'article L. 460-4 alinéa 1 du Code de commerce.

Elle s'inscrivait dans la suite des visites et saisies réalisées sur autorisation du JLD de Bobigny délivrée par ordonnance du 9 octobre 2013 dans le secteur de la distribution de produits " blancs " et " bruns " auprès des entreprises Fagorbrandt, Eberhardt Frères, Samsung Electronics France, Groupe Seb France et Groupe Seb Retailing, Miele, Smeg France, Indesit Compagny France, BSH Electroménager, Electrolux Home Products France et Electrolux France, LG Electronics France, GPDIS France Sud Est (enseigne SLD) et Pulsat Synthèse, GEMDIS groupe Findis (anciennement Cocelec Rhône-Alpes), Établissements Darty et Fils aux fins d'établir si lesdites entreprises se livreraient à des pratiques d'ententes horizontales et verticales prohibées par les articles L. 420-1 1°, 2° et 3° du Code de commerce et 101-1 a) et b) TFUE.

A l'appui de cette requête était jointe une liste de 13 pièces ou documents en annexe.

Il ressortait des informations transmises par l'ADLC que des extraits de cahiers de notes et de tableaux avaient été saisis chez M. Thierry ..., directeur général adjoint de Fagor Brandt, chez M. David ..., directeur commercial France de la même société ainsi que chez M. Hervé ..., directeur de la division " blanc " de Samsung. Ces notes, consignant des échanges d'informations sensibles sur l'évolution des ventes d'appareils électroménagers de concurrents, dont Candy Hoover et Whirlpool, entreraient pleinement dans le champ d'application de la précédente ordonnance du 9 octobre 2013 visant à rechercher la preuve d'agissements suspectés dans le secteur de la distribution de produits " blancs " et " bruns ".

Ainsi selon l'ADLC, les fabricants Candy Hoover et Whirlpool auraient convenu de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché, en favorisant artificiellement leur hausse, en échangeant régulièrement entre concurrents des informations commercialement sensibles lors de réunions intitulées " Gifam ", ainsi qu'en imposant avec les grossistes et grandes enseignes spécialisées de détail des prix minimum de vente aux consommateurs, en limitant l'accès au marché ou le livre exercice de la concurrence par d'autres entreprises, et en limitant ou contrôlant les débouchés en interdisant la commercialisation sur internet à certains distributeurs et pour certains appareils, par le biais d'actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, et ce, en violation des points 1, 2 et 3 de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 101-1 a) et b) du TFUE.

Il était allégué qu'une première pratique prohibée consisterait pour les fabricants de produits " blancs ", dont Candy Hoover et Whirlpool, à se concerter pour influer sur la variation des prix de leurs appareils tant sur internet que dans le réseau de revente des grandes enseignes spécialisée dans le détail. A l'appui de cette affirmation, il était produit un tableau établi par M. Julien ..., gérant du site Web Achat, qui, par ailleurs, faisait état également de consignes tarifaires orales.

Il était argué que les prix de revente étaient imposés aux distributeurs internet, ce qui serait conforté par référence à la " Black list " dans les notes prises par M. David ... de l'entreprise Fagor Brandt Cet élément serait aussi confirmé par les déclarations de M. ... précitées.

Ainsi les distributeurs récalcitrants seraient victimes de blocages sur leurs comptes, de refus ou d'arrêts de livraisons et il apparaîtrait que les fabricants de produits " blancs " échangeraient tant sur leur politique promotionnelle que sur leur stratégie tarifaire concernant les grandes enseignes spécialisées de détail.

Il ressortait qu'un document, qui corroborerait l'existence d'un comportement identique des fabricants s'agissant de la revente sur internet, intitulé " Accords Gifam " et saisi dans le bureau de M. Thierry ..., permettrait de penser qu'un accord aurait été conclu entre les fabricants de produits " blancs ", membres du Gifam en vue de se concerter sur la détermination des prix de revente des grandes enseignes spécialisées de détail.

D'autre part, une seconde pratique prohibée consisterait pour les fabricants de produits " blancs " à encadrer la revente de leurs produits sur internet en l'interdisant partiellement sur ce canal de distribution.

Il s'en déduirait que les fabricants Fagor Brandt, Samsung, Whirlpool et Candy Hoover seraient susceptibles d'interdire à des distributeurs de commercialiser leurs produits, au seul motif qu'ils les diffusent sur internet et ce, dans l'objectif d'aligner les prix de vente en ligne pratiqués par ces distributeurs sur ceux pratiqués par les grandes enseignes spécialisées de détail et plus particulièrement Darty.

Ainsi il existerait un parallélisme de comportement des fabricants de produits " blancs ", qui pourrait être la conséquence de pratiques concertées entre ceux-ci, en particulier Candy Hoover et Whirlpool, les grossistes et les grandes enseignes spécialisées de détail, lesquelles viseraient à faire respecter par les revendeurs sur internet les décisions prises entre fabricants, notamment au sein du Gifam.

Enfin, la troisième pratique prohibée serait l'échange régulier d'informations sensibles entre concurrents relatives aux données sur l'évolution de leurs ventes et leurs stratégies commerciales.

Il résulterait des extraits de cahiers de notes, saisis chez Fagor Brandt et Samsung, que les principaux fabricants de produits " blancs ", notamment BSH, Miele Candy Hoover, Electrolux, Smeg, Indesit, Whirlpool, Samsung, Liebherr (Eberhardt Frères) et Fagor Brandt, auraient participé, de 2009 à 2012, à des échanges d'informations commercialement sensibles lors de réunions physiques ou téléphoniques intitulées Gifam.

Il ressortirait de ces extraits qu'à l'occasion de ces rencontres au sein du Gifam, les sociétés précitées rapporteraient à leurs concurrents l'évolution de leurs ventes par produits ou circuits de distribution, en les comparant aux statistiques qu'élabore le Gifam au bénéfice de ses adhérents.

Par ailleurs, certains concurrents prendraient le soin de préciser, lors de ces réunions, les raisons pouvant expliquer ces variations : ainsi, à titre illustratif, Candy Hoover aurait indiqué, d'après les notes prises par M. Thierry ... lors de la réunion du 10 septembre 2009, " Usine fermée une semaine sur quatre ".

Il semblerait également que ces informations s'étendraient aussi au constat et à la prévision des ventes, comme semblent en attester les notes manuscrites de M. Hervé ... de la société Samsung prises lors de la réunion du 16 novembre 2011, au cours de laquelle le fournisseur LG aurait présagé " une hausse de prix encore à venir " et Whirlpool une augmentation de son prix moyen de vente et de sa marge(...).

Il en serait déduit que le Gifam, dont la mission consiste notamment à " rassembler les grandes marques de l'électroménager, soutenir leur activité industrielle, défendre leurs intérêts communs ", réalise de nombreux services à destination de ses adhérents, dont " l'établissement des statistiques professionnelles " et que dans ce contexte, le Gifam, dont le nom apparaîtrait à plusieurs reprises à côté des variations des ventes des fournisseurs sus-mentionnés, tant dans le cahier de notes de M. Hervé ..., salarié de Samsung que dans ceux de MM. Thierry ... et David ..., pourrait avoir servi de support à l'entente présumée.

Ainsi les réunions au sein du Gifam sembleraient jouer un rôle déterminant, en matière commerciale, pour les dirigeants adhérentes.

Il ressortirait de ces différentes pratiques présumées illicites qu'elles limiteraient les capacités des consommateurs à faire jouer la concurrence entre le canal de la vente par internet et celui de la distribution traditionnelle et ce, en violation de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 101-1 du TFUE et que l'ensemble de ces agissements semblerait constituer les premiers éléments d'un faisceau d'indices laissant présumer l'existence d'un système d'ententes horizontales et verticales à dimension nationale entre les fabricants de produits " blancs ", les grossistes et les grandes enseignes spécialisées de détail susceptibles de relever des pratiques prohibées par l'article L. 420-1 du Code de commerce en ses points 1°, 2° et 3°.

Ces actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, qui auraient pour objet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse, en limitant l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises et en limitant ou contrôlant l'entrée aux marchés, seraient établis selon des modalités secrètes et ainsi, il serait nécessaire d'autoriser les agents de l'ADLC de rechercher la preuve desdites pratiques prohibées vraisemblablement détenues et conservées dans des lieux (en l'espèce, les sociétés sus-mentionnées en début d'ordonnance) et sous des formes qui faciliteraient leurs dissimulation, leurs destruction ou altération en cas de vérification.

Selon l'ALDC, le recours aux pouvoirs de l'article L. 450-4 du Code de commerce constituerait le seul moyen d'atteindre l'objectif recherché et les opérations de visite et de saisie n'apparaîtraient pas disproportionnées au regard de l'objectif à atteindre.

Le JLD de Paris autorisait la Rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence à procéder, dans les locaux des entreprises sus-mentionnées, aux visites et saisies prévues par les dispositions des articles L. 450-4 du Code de commerce afin de rechercher la preuve des agissements entrant dans le champ des pratiques prohibées par les articles L. 420-1, 1°, 2° et 3° du Code de commerce et 101-1 a) et b) du TFUE, relevées dans le secteur de la distribution des produits " blancs ", ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée.

Il donnait commission rogatoire au JLD du Tribunal de grande instance de Bobigny pour les locaux relevant de son ressort et indiquait que " les occupants des lieux ou leurs représentants avaient la faculté de faire appel à un conseil de leur choix, sans que cette faculté n'entraîne la suspension des opérations de visite et de saisies ; ['] et en mentionnant que la présente ordonnance pouvait faire l'objet d'un appel devant le premier président de la Cour d'appel de Paris par déclaration au greffe dans un délai de dix jours, ['] que cet appel n'était pas suspensif et que l'ordonnance du premier président de la Cour d'appel de Paris était susceptible de faire l'objet d'un pourvoi en cassation [...] ".

Les opérations de visite et de saisies se sont déroulées les 27 et 28 mai 2014. Elles ont été retranscrites dans des procès-verbaux en date du 28 mai 2014.

Par déclaration en date du 5 juin 2014, la société Groupe Candy Hoover a interjeté appel de l'ordonnance et demande son annulation ainsi que, par voie de conséquence, celle de l'ordonnance du JLD de Bobigny en date du 23 mai 2014, adoptée sur commission rogatoire et celle des opérations de visite et de saisie (ci-après OVS) subséquentes effectuées dans ses locaux les 27 et 28 mai 2014.

Par ordonnance en date du 1er juillet 2016,et sur demande des sociétés appelantes, il a été décidé de surseoir à statuer dans l'attente des arrêts de la Cour de cassation concernant les OVS menées à l'encontre de la société Samsung au motif que la présente ordonnance contestée comprenait dans ses annexes des documents saisis dans les locaux de la société Samsung.

L'affaire a été appelée à l'audience du 21 juin 2017 à 9 heures, mise en délibéré pour être rendue le 25 octobre 2017 et prorogée au 8 novembre 2017.

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d'appel de Paris en date du 20 juin 2017, le conseil de la société Groupe Candy Hoover fait valoir :

1- L'ordonnance doit être annulée en raison du caractère illicite et déloyal des pièces produites par l'Autorité au soutien de la requête

1.1 - L'ordonnance est fondée sur des pièces illégalement saisies chez Samsung

Il est mis en exergue que plusieurs pièces utilisées au soutien de la requête et prises en compte par le JLD pour délivrer son ordonnance, à savoir l'annexe n° 3 (extrait du procès-verbal de visite et saisie en date du 17-18 octobre 2013 rédigé dans les locaux de Samsung) et l'annexe n° 7 (extraits d'un cahier de notes saisi dans le bureau de M. Hervé ..., directeur de la division blanc de Samsung), ont été saisies lors des opérations de visite et saisie chez Samsung, annulées par la Cour de cassation dans son arrêt du 4 mai 2017.

Il est soutenu que dans ces conditions, l'ADLC ne pouvait pas utiliser les annexes n° 3 et 7 au soutien de la requête et que ces documents ne pouvaient pas fonder l'ordonnance.

En effet, même si les documents devant permettre d'établir les présomptions justifiant les opérations de visite et saisie doivent être appréciés globalement, par leur rapprochement et leur confrontation dans le cadre d'une analyse par faisceaux, ainsi que le rappelle l'Autorité, il n'en demeure pas moins que, compte tenu du caractère nettement insuffisant des autres annexes, il apparaît que les deux annexes sus-mentionnées ont été déterminantes dans l'analyse faite par le JLD pour délivrer l'ordonnance à l'égard de Candy.

Il est fait observer que l'annexe n° 7 a été citée 14 fois par le JLD et que l'ordonnance motive expressément l'autorisation des opérations de visite et saisie par le fait que " les cahiers de notes et tableaux saisis chez Samsung et Fagorbrandt permettent de justifier d'une opération de visite et saisie dans les locaux des sociétés Candy Hoover ".

1.2 - L'utilisation au soutien de la requête de pièces saisies hors du champ de la première ordonnance

Il est argué que si les annexes n° 3 (en ce qui concerne Samsung) et 7 sont illégales à la suite de l'annulation de la saisie dont elles sont issues, les annexes n° 4 et 6 de la requête constituent également des pièces illicites utilisées déloyalement par l'Autorité puisqu'elles ne relèvent pas du champ de la première ordonnance.

En effet, la première ordonnance visait uniquement trois pratiques alléguées qui étaient précisément décrites, à savoir (i) l'imposition de prix de revente à des sites internet qui distribuent des produits " blancs " et " bruns ", (ii) faire retirer de la vente sur internet certaines références de produits des fabricants de produits " blancs " et " bruns " et (iii) refuser l'agrément des distributeurs.

Or, les annexes n° 4 et 6 portent sur une pratique totalement différente, à savoir des échanges allégués d'informations qui seraient potentiellement sensibles sur le plan commercial entre concurrents.

Il est argué que les affirmations de l'ADLC visant à contester cette situation et ses conséquences sur l'ordonnance ne sauraient pas prospérer.

1.2.1 - Sur l'étendue du contrôle de la légalité des pièces produites par le JLD et le Premier président en cas d'appel de l'ordonnance

L'appelante soutient que le JLD n'a pas concrètement vérifié que les pièces en cause avaient bien été licitement saisies lors des premières opérations de visite et saisie, ni même que ces opérations étaient régulières en apparence.

En effet et en premier lieu, pour ce faire, le JLD n'aurait pas dû se contenter de préciser que les pratiques suspectées dans le cadre des deux enquêtes seraient les mêmes en se référant uniquement aux articles L. 420-1 1°, 2° et 3° visés dans la première ordonnance et dans l'ordonnance, mais il aurait dû vérifier concrètement que les documents présentés à l'appui de la requête se rapportaient bien aux agissements suspectés décrits dans la première ordonnance.

Or, précisément, les pratiques suspectées n'étaient pas les mêmes puisque les pièces en cause, saisies lors des premières opérations et utilisées pour fonder les secondes, portent sur de prétendus échanges d'informations commercialement sensibles, pratique qui n'était pas visée dans la première ordonnance.

Il est argué que ce seul constat suffit à exclure toute apparence de régularité de la saisie des pièces en cause au vu du champ de l'enquête défini par la première ordonnance.

En second lieu, à supposer que le JLD ait respecté le standard de preuve pesant sur lui concernant la vérification de la licéité des pièces produites, il appartiendrait en toute hypothèse au Premier président de vérifier concrètement cette licéité, comme l'a déjà indiqué la jurisprudence rendue en matière de saisies fiscales.

1.2.2 - Les annexes n° 4 à 6 de la requête n'ont pas trait aux pratiques alléguées dans la première ordonnance

Il est soutenu que les arguments de l'ADLC faisant valoir que les pièces n° 4 à 6 n'auraient pas été saisies hors du champ de la première enquête, ne peuvent être suivis.

1.2.2.1 - L'objet de l'enquête se définit par un secteur économique et des pratiques suspectées qui doivent être précisément définies

Il est argué que l'ordonnance autorisant des opérations de visite et saisie, pour ne pas être indéterminée, doit non seulement viser un secteur économique déterminé, mais également circonscrire l'objet de l'enquête à certaines pratiques suspectées.

Ainsi, l'objet de l'enquête est également caractérisé par les pratiques suspectées, lesquelles doivent être précisément décrites dans le dispositif, au besoin éclairé par les motifs des ordonnances autorisant les saisies.

En l'espèce, contrairement à ce que soutient l'Autorité, le JLD de Bobigny ne l'a pas autorisée à rechercher la preuve de toutes pratiques d'entente (le cas échéant horizontales) dans le secteur des produits " bruns " et " blancs ".

Il est argué qu'aucune des pratiques mentionnées dans l'ordonnance ne vise " ni n'implique l'existence " de prétendus échanges d'informations qui seraient commercialement sensibles entre concurrents.

Dans ce contexte, les annexes 4 à 6 sont hors du champ d'investigation délimité par la première ordonnance, sachant que les agents de l'Autorité ne peuvent " étendre leur recherche à des faits sans rapport avec ceux que [le JLD] a retenus " (Cass. crim., 16 juin 2011, n° 10-80.017). Il est fait valoir que la même solution a été appliquée par la CJUE dans son arrêt du 18 juin 2015, Deutsche Bahn AG et autres c/Commission (affaire C-583/13).

Par conséquent, les annexes 4 à 6 sus-visées ont été illégalement saisies car en dehors du champ de la première ordonnance.

1.2.2.2 - Les pratiques suspectées par la première ordonnance ne peuvent être étendues à des échanges allégués d'informations entre concurrents

La société appelante fait valoir que si une ordonnance permet d'élargir les saisies à des agissements non expressément visés dans celle-ci, c'est uniquement lorsqu'ils sont du même type que ceux qui avaient été décrits dans celle-ci et cite plusieurs jurisprudences à l'appui de son argumentation.

En l'espèce, la pratique alléguée d'échanges d'informations est totalement distincte des trois pratiques visées " serait-ce à titre d'illustration, comme le soutient l'Autorité " dans la première ordonnance.

En effet, selon l'ordonnance, les échanges d'informations allégués sur la base des pièces issues des premières opérations de visite et saisie porteraient sur " l'évolution de leurs ventes et leurs stratégies commerciales ", notamment s'agissant de la mise en place de nouvelles étiquettes énergétiques.

Il est argué que cette pratique alléguée n'a strictement rien à voir avec les trois pratiques visées dans la première ordonnance, lesquelles, à les supposer avérées, ne nécessitent pas la mise en œuvre des échanges d'informations allégués.

Par conséquent, il ne peut être soutenu que les échanges d'informations présumés seraient une des manifestations de l'imposition de prix de revente, de l'interdiction de revente de certains produits sur Internet ou encore du refus d'agrément de certains distributeurs.

Par ailleurs, il est rappelé qu'un échange d'informations passé entre concurrents ne constitue pas une pratique anticoncurrentielle par objet et nécessite, pour qu'un effet restrictif sur la concurrence puisse être caractérisé, une analyse concrète des circonstances de l'espèce, à savoir les conditions économiques du marché (transparence, degré de concentration, symétrie de la situation des entreprises) et les caractéristiques de l'information échangée (caractère agrégé ou individualisé, ancienneté, fréquence des échanges...).

Pour l'ensemble de ces raisons, il est soutenu que les annexes n° 4 et 6 sur lesquelles se fonde l'ordonnance ont été saisies hors du champ de la première ordonnance et ne pouvaient donc être utilisées par le JLD.

De surcroît, Candy n'a disposé d'aucun recours pour contester les conditions dans lesquelles ont été saisies ces documents à l'occasion des premières opérations de visite et saisie réalisées chez Fagor Brandt.

En effet et d'une part, les contestations relatives aux conditions de saisie de pièces utilisées par l'ADLC dans le cadre d'une procédure contentieuse ne peuvent être soulevées qu'à l'occasion des recours contre les conditions de déroulement desdites opérations.

D'autre part, Candy, ne s'étant pas vu notifier le procès-verbal et l'inventaire des pièces saisies dans le cadre des opérations chez Fagor Brandt, ne peut, pour l'heure, exercer elle-même un recours contre les conditions de cette saisie.

De troisième part, l'Autorité ne peut sérieusement prétendre que Candy aurait pu, par le biais d'une intervention volontaire, contester la saisie des documents dans les locaux de Fagor Brandt puisque, précisément, aucun recours n'a été introduit par cette dernière contre les conditions de déroulement de la saisie dans ses locaux.

Enfin, l'on ne saurait déduire de l'absence de recours de Fagor Brandt que les saisies effectuées dans ses locaux seraient régulières, comme l'avance péremptoirement l'Autorité.

Dans ces conditions, il est argué qu'il est de plus fort indispensable que le Premier président apprécie la licéité des annexes précitées et, à la suite de cette analyse in concreto, les écarte puisqu'aucun contrôle n'est susceptible d'être mené avant qu'elle ne statue dans le cadre du présent recours sur la légalité de l'ordonnance.

1.3 - La production d'éléments partiels au soutien de la requête

Il est soutenu qu'en ne présentant pas au JLD l'ensemble des éléments à sa disposition au soutien de la requête, comme le montre l'annexe n° 3 qui ne reproduit que des extraits de scellés visant à justifier la production des annexes n° 4 à 6, l'Autorité a manqué à son obligation de loyauté en ne permettant pas au JLD d'apprécier de manière concrète et effective le bien-fondé de la mesure demandée.

A titre d'exemple, s'agissant de l'annexe n° 6, rien ne permet de considérer dans le document produit, que les notes en cause ont bien été prises lors d'une réunion du Gifam, aucun titre ne figurant sur cette cote.

Au contraire, il est même permis d'en douter puisque la cote précédente produite en annexe n° 6 (la cote numérotée 16) fait référence à une réunion de " Politique Interne " précisément datée du 17 novembre 2010 et dont la cote n° 23 semble être le prolongement. La reproduction de deux éléments scannés est produite par l'appelante.

Il est également souligné que la requête ne précisait pas davantage que la première ordonnance et les premières opérations de visite et saisie étaient contestées, ce qui constitue un nouveau manquement à l'obligation de loyauté pesant sur l'ADLC.

Dans ces conditions, il est demandé l'annulation de l'ordonnance.

2 - L'ordonnance doit être annulée en raison du caractère disproportionné et non motivé du recours aux opérations de visite et saisie

Il est rappelé qu'en application de l'article 8 de la CESDH, la jurisprudence de la CEDH impose au JLD, pour faire droit à l'autorisation sollicitée, de vérifier de manière concrète au regard des éléments qui lui sont fournis si la preuve des pratiques anticoncurrentielles présumées pouvait être obtenue sans recourir à des opérations de visite et de saisie.

Dès lors, lors de son contrôle de la nécessité et de la proportionnalité des opérations sollicitées par la requête, le JLD aurait dû vérifier in concreto si les mesures de l'article L. 450-3 du Code de commerce ne permettaient pas à l'Autorité d'atteindre les objectifs affichés sans recourir aux mesures de l'article L. 450-4 du Code de commerce.

Au cas particulier, le JLD n'a pas motivé de façon précise et circonstanciée au regard du cas d'espèce les raisons pour lesquelles des opérations de visite et saisie étaient nécessaires.

De surcroît, cette motivation concrète était d'autant plus nécessaire en l'espèce que, en raison des premières opérations de visite et saisie, les entreprises et groupements visés par les secondes opérations auraient nécessairement été informés des investigations de l'Autorité si les pratiques suspectées étaient avérées, de sorte que son argument tenant à la nécessité de bénéficier d'un " effet de surprise ", sans quoi les " documents compromettants utiles à la manifestation de la vérité " risqueraient d'être détruits, n'est pas pertinent.

Par conséquent, il est demandé l'annulation de l'ordonnance.

3 - L'ordonnance doit être annulée en raison de la méconnaissance du standard de preuve applicable

Il est soutenu que le JLD a également méconnu l'article L. 450-4 du Code de commerce en autorisant les opérations de visite et de saisie sur la base de seuls " indices ", alors que ce standard de preuve allégé est réservé aux hypothèses de " flagrance ", comme le reconnaît l'Autorité.

Dès lors que l'ADLC reconnaît que le standard de preuve applicable en l'espèce est le standard normal, qui s'applique en présence de pratiques allégées qui ne sont pas en train de se commettre, sa requête devait être accompagnée de " tous les éléments d'information " en sa possession qu'il reviendra au JLD d'examiner pour déterminer s'il existe des présomptions suffisantes pour autoriser la mesure.

Or, il n'est pas contesté que tel n'est pas le cas.

S'agissant en premier lieu des documents qui avaient déjà été utilisés par l'Autorité pour obtenir la première ordonnance, seuls un procès-verbal de déclaration et un courriel de la société Web Achat ont été produits par l'Autorité au soutien de la requête (annexes n° 12 et 13).

Or, la lecture de la liste des pièces jointes à la requête ayant conduit au prononcé de la première ordonnance montre que l'Autorité dispose de très nombreux autres documents concernant les pratiques alléguées qui n'ont pas été versés au soutien de la requête.

S'agissant en second lieu des documents issus des premières opérations de visite et saisie (soit les annexes 3 à 6), il s'agit d'extraits de documents qui auraient été distraits de certaines des pièces saisies chez une des quatorze entreprises visées par ces opérations.

Si l'appelante ne conteste pas que l'ADLC puisse choisir les éléments qu'elle estime devoir présenter au JLD au soutien de sa demande d'autorisation, encore faut-il que ce choix n'ait pas pour effet de tromper le juge de l'autorisation.

A cet égard, il est argué que le constat fait supra concernant l'annexe n° 6 vaut également pour l'annexe n° 5.

En effet, la cote 838 utilisée au soutien de la pratique alléguée d'entente sur les prix est produite sans les cotes précédentes et suivantes, lesquelles permettraient de comprendre le contexte et la signification de ce document.

Dans ce contexte, il ne saurait être soutenu que les seuls documents produits auraient été suffisants pour justifier la visite puisque, en ne versant que quelques documents épars (et, pire, certains extraits seulement), l'Autorité n'a pas placé le JLD en position d'apprécier de manière globale, comme il doit le faire en dehors des situations de flagrance, la portée des éléments lui ayant été présentés.

Par conséquent, il est demandé l'annulation de l'ordonnance.

4 - L'ordonnance doit être annulée en raison de l'absence de contrôle effectif par le JLD du bien-fondé de la requête et du caractère proportionné de la mesure autorisée

Il est rappelé qu'aux termes de l'article L. 450-4 du Code de commerce, le JLD doit " vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée " et ce de manière concrète, par l'appréciation des éléments que l'Autorité est tenu de lui fournir.

A cet égard, si la société appelante ne conteste pas, dans son principe, la pratique des ordonnances pré-rédigées, elle souligne que cette situation justifie de plus fort un examen attentif par le JLD des éléments produits pour obtenir sa signature d'un document dont il n'est pas l'auteur.

Il est argué que le juge de l'autorisation n'a pas procédé à une telle vérification avec attention.

4.1 - Les pièces saisies hors du champ de la première ordonnance pendant les premières opérations de visite et saisie ne peuvent être utilisées

L'appelante soutient que même dans le cas où l'ordonnance ne soit pas annulée en raison de l'utilisation, à son soutien, de pièces saisies hors du champ des premières opérations de visite et saisie chez Fagor Brandt, il appartiendrait en toute hypothèse au Premier président de les écarter des débats.

4.2 - Le caractère non probant des annexes n° 12 et 13 de la requête prises en compte par l'ordonnance

- L'annexe n° 13

Il est mis en exergue que cette annexe, constituée du procès-verbal de la société Web Achat en date du 14 janvier 2013, ne fait aucunement mention de Candy, ni dans les réponses aux questions de l'Autorité, ni dans les documents communiqués à l'ADLC à l'occasion de la réalisation de ce procès-verbal.

Il ne saurait être soutenu que, bien que n'étant pas expressément citée, Candy aurait néanmoins été visée par certaines déclarations génériques concernant les fournisseurs ou fabricants puisque Web Achat a indiqué que " les fabricants exerçaient un contrôle sur le prix de vente au détail des produits. Cela concerne tous les fournisseurs cités précédemment concernées par la mise en place du sélectif ou de listes noires de produits " (page 5 de l'annexe).

Dans ces conditions, le JLD ne pouvait pas déduire comme il a pourtant fait - de cette annexe, lue en coordination avec l'annexe n° 12, que Candy pourrait se livrer aux pratiques exposées par la société Web Achat dans ce procès-verbal puisque cette société a précisément circonscrit ses déclarations aux seules sociétés qu'elle a pris la peine de citer dans une liste exhaustive.

Il est fait par ailleurs observer que c'est l'Autorité qui a conduit le JLD à réaliser cette appréciation erronée de la portée de l'annexe n° 13 concernant Candy, en taisant le nom des sociétés concernées.

Par conséquent, l'annexe n° 13 ne saurait matérialiser le moindre indice ou la moindre présomption à l'encontre de Candy.

- L'annexe n° 12

Il est argué que l'annexe n° 12 correspondant à un tableau adressé par la société Web Achat à l'Autorité, à la suite de son audition du 14 janvier 2013 ayant donné lieu au procès-verbal repris en annexe n° 13, et censé représenter " les évolutions de chiffre d'affaires par fabricants avec les périodes concernées et le type d'interdiction " qu'a rencontré cette société avec les fabricants de produits " blancs " et " bruns ", ne saurait constituer un indice ou une présomption à l'encontre de Candy.

En premier lieu, ce tableau attribue la marque Faure à Candy alors qu'elle appartient à Electrolux. Cette erreur grossière, que l'Autorité n'a pas relevé dans sa requête et dont le JLD n'a pas davantage tenu compte, démontre déjà qu'il ne peut être alloué aucun crédit à ce document en ce qui concerne Candy.

En deuxième lieu, les baisses de chiffres d'affaires par fabricant censées illustrer les effets des pratiques alléguées n° 1 et 2 (fixation de prix et interdiction de revendre certains produits) ne sont absolument pas probants concernant Candy.

En effet, le chiffre d'affaires réalisé avec les seules véritables marques de Candy par Web Achat a augmenté entre 2009 e 2010 et est resté relativement stable entre 2010 et le premier semestre 2011.

A cet égard, il est argué non seulement que Web Achat s'est trompée dans sa multiplication (112 321 x 2 = 224 642 et non pas 202 024), mais également que le fait de multiplier par 2 le chiffre d'affaires du premier semestre pour calculer celui de l'année n'a aucun sens, compte tenu de la saisonnalité de l'activité dans le secteur des produits " blancs " du fait, notamment, des ventes importantes liées à la période des fêtes de fin d'année.

En troisième lieu, à supposer même qu'une décroissance de chiffre d'affaires puisse être constatée, celle-ci peut s'expliquer par les difficultés financières auxquelles cette société a été confrontée et ne saurait être imputée à Candy puisque cette dernière n'avait pas Web Achat comme client direct.

En dernier lieu, la mention figurant dans le tableau concernant Candy, " interdictions partielles et contrôles de certains prix, aucun contact afin de distribuer les références " sensibles " ", dont Candy dément la véracité, ne revêt de surcroît aucun caractère probant.

Pour l'ensemble de ces raisons, il est demandé de constater que les annexes n° 12 et 13 ne sauraient constituer le moindre indice, et encore moins la moindre présomption à l'encontre de Candy et qu'ils n'ont manifestement pas été analysés par le JLD.

4.3 - Le caractère non probant à l'encontre de Candy des éléments avancés au soutien de la pratique alléguée n° 1

Il est soutenu que l'existence de la pratique allégué n° 1 visée dans l'ordonnance, consistant pour les fabricants (dont Candy) à s'être concertés pour influer la variation du prix de vente de leurs produits sur Internet et dans le réseau de revente de grandes enseignes spécialisées de détail et échanger sur leur politique promotionnelle, ne saurait être présumée tant s'agissant de l'influence sur les prix que concernant sa politique promotionnelle.

4.3.1 - L'absence de tout élément permettant de présumer la participation de Candy à une concertation entre fabricants s'agissant des prix de revente de ses produits

Il est argué qu'aucune des pièces retenues par l'ordonnance afin de caractériser des indices concernant cette pratique, à savoir les annexes n° 12, 13 et 6, analysées individuellement ou collectivement, ne permet de caractériser la moindre présomption à l'encontre de Candy.

S'agissant des annexes n° 12 et 13, il a déjà été démontré supra leur caractère non probant à l'encontre de Candy.

S'agissant de l'annexe n° 6, à supposer qu'elle ne soit écartée des débats pour les raisons précitées, elle ne saurait être probante à l'encontre de Candy.

L'ordonnance se fonde sur cette annexe, saisie chez Fagor Brandt, pour avancer que " les prix de revente imposés aux distributeurs internet seraient confortés par la référence à la " black list " dans les notes prises par M. David ... de l'entreprise Fagor Brandt ".

Or, si la mention " black list ", stigmatisée par l'ordonnance, se retrouve effectivement à plusieurs reprises en cote 16 de ce document, cette cote concerne une réunion de " politique interne " de Fagor Brandt, ce que l'ordonnance ne relève pas alors qu'il s'agit même de l'intitulé de la page en cause.

En toute hypothèse, cette mention ne saurait viser une problématique d'influence sur le prix de revente des produits considérés de Fagor Brandt.

Par ailleurs, le nom de Candy (ou Rosières) apparaît uniquement sur certaines pages de ce document qui ne suivent pas directement la cote 16 (il s'agit des cotes 23 et 68) et que l'ordonnance utilise au soutien de la pratique alléguée n° 3.

Il est argué que le raisonnement de l'Autorité est en réalité un paralogisme : vu que des entreprises du secteur se concerteraient sur les prix et que Candy appartient au secteur en cause, il s'en déduirait que Candy se concerte sur les prix avec ses concurrents. Un tel raisonnement simpliste ne saurait prospérer.

4.3.2 - L'absence de tout élément permettant de présumer l'implication de Candy dans une concertation entre fabricants s'agissant de leur politique promotionnelle

Il est fait valoir qu'aucune des pièces retenues par l'ordonnance afin de caractériser des indices concernant cette pratique, à savoir les annexes n° 4, 5 et 8, analysées individuellement ou collectivement, ne permet de caractériser la moindre présomption à l'encontre de Candy.

S'agissant de l'annexe n° 4, à supposer qu'elle ne soit écartée des débats pour les raisons précitées, elle ne saurait être probante à l'encontre de Candy.

Il s'agit en effet d'un document qui aurait été saisi chez Fagor Brandt et dont seuls des extraits, datés du 10 septembre 2009, sont produits. L'ordonnance en a cependant déduit un indice en rapprochant la mention " III. Réunion filière 22 septembre " avec celle figurant sur la page suivante et indiquant " Remise immédiate en caisse puis remboursement à la semaine à la distribution ".

Or, rien ne permet de faire le lien entre ces deux mentions et encore moins d'associer Candy à la mention concernant la " remise immédiate en caisse ".

En effet, Candy est uniquement mentionnée au début de la cote 423 au titre d'une réunion du Gifam du 10 septembre 2009, groupement dont Candy est membre ; le titre III de ce document évoque une réunion filière dans le futur (puisque prévue le 22 septembre alors que le document est daté du 10 septembre) et ne mentionne en rien Candy ; la mention " remise immédiate en caisse puis remboursement à la semaine à la distribution " figure sur la page suivante de ce document (cote 424) dont rien ne démontre qu'elle se rattache à la réunion du Gifam sus-mentionnée, qu'elle correspondrait à une concertation entre fabricants et qu'elle concernerait en toute hypothèse Candy, laquelle n'est pas visée sur cette page et ne commercialise pas directement ses produits aux clients finaux.

Dans ces conditions, rien ne permet de démontrer la participation de l'appelante dans cette action.

S'agissant de l'annexe n° 5, à supposer qu'elle ne soit écartée des débats pour les raisons précitées, elle ne saurait être probante à l'encontre de Candy.

Il s'agit en effet d'extraits de documents qui auraient été saisis chez Fagor Brandt et de pages Internet dont on sait si elles ont été saisies ou bien si elles ont été imprimées par l'Autorité elle-même. Cependant le JLD en a inféré un indice contre Candy en raison de la mention " Accords Gifam : pas de 9 kg en dessous de 600 ; pas de condenseur en dessous de 400 " portée sur la cote 838.

Or, rien ne permet de présumer la participation de l'appelante à de telles pratiques puisque le nom de Candy est uniquement mentionné sur cette cote dans un tableau figurant au-dessus de cette mention dans une partie distincte de ce document, tableau qui est le fruit d'un relevé Internet effectué par Fagor Brandt, comme le montre la mention " tableaux relevés sites Darty-But-Confo ". La reproduction de l'extrait de la cote 838 reproduite en annexe n° 5 scannée est produite par l'appelante.

A cet égard, il est fait observer que s'il avait existé une concertation entre fabricants dans laquelle Candy serait impliquée, il aurait été inutile pour Fagor Brandt de procéder à de tels relevés de prix sur Internet, qui démontrent bien l'absence de concertation dans laquelle l'appelante pourrait être impliquée.

Par ailleurs, les tableaux figurant sous la mention litigieuse et dont Candy ignore la signification ne portent que sur les seuls produits des marques " Vedette " et " Brandt ", soit des marques du groupe Fagor Brandt.

Enfin, la page Internet tirée sur le site Internet de Google concernant la machine référencée " GODV38 " de Candy ne conforte en rien la prétendue pratique alléguée puisqu'elle montre juste que cette référence concerne un produit Candy.

Pour l'ensemble de ces raisons, les deux documents précités, qu'ils soient pris individuellement ou conjointement, ne sauraient caractériser le moindre indice ou la moindre présomption contre Candy.

En particulier, le fait que Candy soit membre du Gifam ne saurait suffire à présumer à son encontre la participation à des " accords Gifam " de fixation de prix en raison d'une mention notée par Fagor Brandt sur un document dont on ignore le sens, sauf à ce que la simple appartenance à ce groupement ne suffise, là encore, à soupçonner toute entreprise membre.

Enfin, les assertions de l'ADLC selon lesquelles la veille concurrentielle de Fagor Brandt traduirait la surveillance de la mise en œuvre des " accords Gifam " ne sont que des supputations, toute entreprise réalisant une telle veille au travers des informations publiques disponibles.

Pour l'ensemble de ces raisons, il est demandé l'annulation de l'ordonnance.

4.4 - Le caractère non probant à l'encontre de Candy des éléments avancés au soutien de la pratique alléguée n° 2

Il est soutenu que l'existence de la pratique allégué n° 2 visée dans l'ordonnance, consistant pour les fabricants (dont Candy) à interdire partiellement la revente de certains de leurs produits sur Internet à leurs distributeurs (pratique verticale) et laquelle pourrait être la conséquence de " pratiques concertées " entre les fabricants dans le cadre de décisions prises " au sein du Gifam " (pratique horizontale), n'est pas établie par le moindre élément.

S'agissant des prétendues pratiques verticales imputées à Candy, il est argué qu'il a déjà été démontré supra que les annexes n° 12 et 13, sur lesquelles le JLD s'est fondé, ne permettaient pas de déduire, ni individuellement, ni conjointement, le moindre indice ou la moindre présomption contre l'appelante.

S'agissant des prétendues pratiques horizontales imputées à Candy, l'Autorité avance que le JLD a retenu ces présomptions " en s'appuyant sur le témoignage de M. ... et les éléments d'information de l'autorisation judiciaire du 9 octobre 2013 ".

Il est argué qu'outre que le " témoignage " concerné ne saurait présumer l'implication de Candy dans ces pratiques alléguées, il est inadmissible de voir l'Autorité se référer aux éléments d'informations de la première ordonnance alors, précisément, que l'ensemble des éléments sur la base desquels elle était fondée n'ont pas été produits.

Cette argumentation viole en effet le principe du contradictoire et des droits de la défense.

Enfin, il est fait observer que l'ADLC fait référence à la troisième pratique suspectée pour tâcher de conforter les présomptions concernant la deuxième pratique (alors que tel n'est pas le cas dans l'ordonnance qui ne se réfère qu'aux annexes n° 12 et 13).

Dans ces conditions, il est demandé l'annulation de l'ordonnance.

4.5 - Le caractère non probant à l'encontre de Candy des éléments avancés au soutien de la pratique alléguée n° 3

Il est soutenu que les pièces n° 4 et 6, sur la base desquelles le JLD a cru pouvoir caractériser l'existence d'échanges réguliers " d'informations sensibles " entre concurrents concernant l'évolution de leurs ventes et leurs stratégies commerciales (pratique alléguée n° 3), non seulement constituent des extraits de documents saisis devant être écartés des débats, mais elles ne permettent pas, en tout état de cause, de présumer l'existence de tels échanges d'informations.

En premier lieu, l'ordonnance ne peut sérieusement alléguer contre Candy que " certains concurrents prendraient le soin de préciser, lors de ces réunions les raisons pouvant expliquer ces variations " (paragraphe 36).

En effet, la mention avancée au soutien de cette assertion concernant Candy (" usine fermée une semaine sur quatre ", paragraphe 36) est en contradiction totale avec les informations prétendument échangées et qui feraient état de ventes en augmentation.

En deuxième lieu, outre que le fait que Candy soit membre du Gifam et que l'un de ses représentants ait exercé des fonctions au sein de celui-ci ne sauraient davantage constituer un indice de sa participation à la pratique alléguée, la mention " Recréer=Relationnel avec les gds Patrons " ne peut constituer un indice concernant la société appelante.

Il est en effet souligné que cette mention émane de Fagor Brandt et ne se réfère pas à Candy ; elle est portée sur l'extrait d'un document dont l'absence de communication intégrale ne permet pas de comprendre le contexte ; elle n'identifie pas en toute hypothèse à quels " grands patrons " il est fait référence.

Enfin, il est mis en exergue que l'Autorité s'appuie à de nombreuses reprises sur l'annexe n° 7 pour tenter de justifier des présomptions alléguées contre Candy, alors que ce document ne peut être retenu.

Dans ces conditions, il est demandé que l'ordonnance soit annulée.

En conclusion, il est demandé de :

- déclarer recevable la société Groupe Candy Hoover en son appel ;

- dire et juger que l'ordonnance a été rendue en violation des articles 8 de la CESDH et L. 450-4 du Code de commerce ;

En conséquence,

- annuler ladite ordonnance dans toutes ses dispositions ou, subsidiairement, à l'égard de Candy et rejeter la requête ;

- dire que l'annulation de l'ordonnance emporte annulation de l'ordonnance rendue sur commission rogatoire par le JLD près le TGI de Bobigny le 23 mai 2014 ;

- constater la nullité de l'ensemble des opérations de visite et saisie réalisées dans les locaux de Candy le 27 mai 2014 sur la base de l'ordonnance ;

- ordonner la restitution de l'ensemble des pièces saisies dans les locaux de Candy.

- condamner le Trésor Public aux entiers dépens.

Par conclusions en date du 15 mai 2017, l'Autorité de la concurrence fait valoir :

I) Sur le moyen d'annulation fondé sur la production de pièces illicites et déloyales au soutien de la requête

Il est d'abord rappelé que, conformément à la jurisprudence, des pièces saisies lors d'une précédente opération de visite et saisie peuvent être utilisées pour motiver une nouvelle opération de visite et saisie sous la double condition que la seconde ordonnance précise que les documents utilisés pour sa motivation ont été régulièrement saisis comme se rapportant aux agissements retenus dans l'ordonnance antérieure et que l'administration indique au moyen de quelle procédure elle a distrait lesdits documents de la précédente saisie pour les présenter à l'appui de sa nouvelle requête.

En l'espèce, le JLD de Paris a pris soin de mentionner, dans le corps de son ordonnance (pages 1 et 3-4), les précisions nécessaires concernant les documents utilisés et l'Autorité a bien indiqué, dans l'annexe n° 1 à la requête, que c'est sur ordre du rapporteur général, à la suite de la proposition des rapporteurs désignés en charge du dossier, que les copies de documents utiles ont été distraites des saisies réalisées les 17 et 18 octobre 2013 lors de la première enquête pour être versées au dossier de la nouvelle enquête.

Par conséquent, les deux conditions sus-mentionnées ont bien été remplies.

Deuxièmement, il est fait valoir que les pratiques recherchées tant lors de la première enquête que lors de la seconde sont identiques, à savoir, les pratiques prohibées par les articles L. 420-1 1°, 2° et 3° du Code de commerce et 101-1 a) et b) TFUE.

Quant aux trois agissements retenus à titre illustratif des pratiques prohibées suspectées, les deux premiers, à savoir le contrôle des prix sur internet et l'interdiction de vendre certaines références de produits sur ce canal de distribution, sont communs aux deux ordonnances d'autorisation des JLD de Paris et de Bobigny. Par ailleurs, ils ne sont pas affectés par l'annulation de l'ensemble des opérations de visite et saisie chez Samsung car ils ne reposent aucunement sur l'annexe n° 7 à la requête.

Seul le troisième agissement illustratif diffère dans l'ordonnance du JLD de Paris, en reposant sur les pièces saisies chez Fagor Brandt (annexes n° 4, 5 et 6 à la requête) et Samsung (pièce n° 7) lors de l'enquête précédente mais également sur les annexes n° 8 et 9. Ainsi, nonobstant l'annulation de la pièce n° 7 par voie de conséquence de l'annulation de l'ensemble des opérations de visite et saisie chez Samsung, les autres annexes n° 4, 5, 6, 8 et 9 à la requête ont permis d'établir une motivation suffisante et pertinente concernant ce troisième agissement.

Par ailleurs, si le secteur a été circonscrit en toute logique à la distribution de produits " blancs ", contrairement à la première enquête qui visait le secteur de la distribution de produits " blancs " et " bruns ", c'est tout simplement du fait que ni Candy ni Whirlpool ne fabriquent de produits " bruns " alors que, dans la précédente enquête, les entreprises comme LG ou Samsung fabriquaient les deux catégories de produits.

Enfin, il est mis en exergue que ni Fagor Brandt ni le GIFAM n'ont contesté l'ordonnance du JLD de Bobigny du 9 octobre 2013 pour l'une et l'ordonnance du JLD de Paris du 21 mai 2014 pour l'autre ou l'exécution de la mesure autorisée dans leurs locaux respectifs.

Quant aux arguments développés par Candy, il est argué que leur faiblesse ne résiste pas à l'analyse et à la jurisprudence en vigueur.

S'agissant des annexes 4 à 7 de l'ordonnance du 21 mai 2014, il est d'abord soutenu que le JLD de Paris a rempli sa mission et satisfait aux exigences de l'article L. 450-4 du Code de commerce, sans aucune violation du principe de loyauté, en appréciant souverainement que l'ensemble des informations utiles communiquées par l'ADLC permettait de présumer l'existence d'agissements frauduleux justifiant la mesure autorisée.

En deuxième lieu, il est argué qu'en contestant les annexes 4 à 7 à la requête, l'appelante conteste en réalité l'autorisation judiciaire délivrée pour un secteur économique alors que, selon elle, le JLD de Paris aurait dû limiter son mandat judiciaire et les saisies afférentes aux trois agissements ciblés dans la première ordonnance du JLD de Bobigny.

A cet égard, il est fait valoir qu'il n'appartient pas à l'appelante de déterminer elle-même le champ d'une ordonnance d'autorisation et les agissements susceptibles de relever de pratiques anticoncurrentielles suspectées.

Il est également rappelé que l'autorisation délivrée concerne des présomptions dans un " secteur " économique et non sur un ou des marchés pertinents (plus restreint que le précédent) dont la délimitation relèvera de l'Autorité de la concurrence et des juridictions qui seront éventuellement amenées à statuer sur les résultats de la mesure autorisée.

En effet, au stade des investigations, les visites et saisies autorisées ont pour but de vérifier si dans un secteur économique donné, en l'espèce, celui de la " distribution de produits blancs et bruns " pour la première enquête et celui de la " distribution de produits blancs " pour la seconde, les règles de la concurrence jouent pleinement. A ce stade, aucune accusation n'est portée à l'encontre de l'appelante de mise en œuvre de comportements prohibés sur un marché pertinent.

De surcroît, il est de jurisprudence constante que le JLD ne délivre pas une autorisation indéterminée et respecte les prescriptions de l'article L. 450-4 du Code de commerce en autorisant des visites et saisies en vue de rechercher la preuve de pratiques dans un secteur de l'économie.

Or, en l'espèce, le JLD de Bobigny avait bien défini un secteur de l'économie - " le secteur de la distribution de produits blancs et bruns " -, tout comme le JLD de Paris - " le secteur de la distribution de produits blancs ".

Il est argué que le JLD de Bobigny n'a pas voulu exclure du champ des investigations les échanges d'informations sensibles sur les produits blancs au sein du groupement interprofessionnel Gifam d'autant que le secteur de la distribution de produits " blancs " et " bruns " englobe indubitablement celui de la distribution de produits " blancs ".

En troisième lieu, il est fait valoir que les différents agissements suspects n'étaient que des illustrations de l'entente potentiellement organisée et réalisée par les fabricants de produits " blancs " et " bruns " entre eux et avec leurs grossistes et les grandes enseignes spécialisées de détail, comme le premier juge l'a mentionné en page 13 de son ordonnance.

De surcroît, la jurisprudence de la Cour de cassation valide la saisie des documents dès lors qu'ils entrent dans le cadre du secteur économique concerné par les investigations.

Il est, par ailleurs, fait observer qu'il est logique que le juge ne circonscrive pas dans son ordonnance tous les agissements supposés illicites car, s'il était en capacité de le faire, une opération de visite et saisie ne serait pas indispensable.

Ainsi, si l'échange d'information commercialement sensible entre fabricants concurrents au sein du Gifam n'est pas mentionné dans l'ordonnance du 9 octobre 2013, il y est clairement fait état de soupçons de pratiques horizontales en raison du parallélisme de comportements constatés entre les fabricants de produits " blancs " et " bruns ", comme ladite ordonnance atteste en page 12.

Il résulte de ce qui précède que les annexes n° 4 et 7, à l'exception de cette dernière ultérieurement annulée, entraient parfaitement dans le champ des investigations autorisées par l'ordonnance du 9 octobre 2013 du JLD de Bobigny et pouvaient donc valablement être utilisées par le JLD de Paris pour la motivation de son ordonnance du 21 mai 2014.

Il est enfin argué que le parallèle fait par l'appelante avec l'arrêt rendu par la CJUE le 18 juin 2015 " Deutsche Bahn " est inopérant car, au cas présent, aucune autre ordonnance d'autorisation n'a été prise en cours d'opération de visite et de saisie en 2013 pour autoriser des opérations de visite et saisie en sus dans une filiale des différentes protagonistes, déjà connue par l'administration par le biais d'une plante déposée contre elle.

Quant à l'assertion selon laquelle le JLD de Paris n'aurait pas pris le soin de préciser que les pièces sur lesquelles il se fondait pour rendre son ordonnance étaient régulières, il est soutenu que celle-ci est inexacte dès lors que l'autorisation judiciaire en fait clairement mention en pages 3 et 4.

Par ailleurs, en ce qui concerne l'argumentation selon laquelle l'ADLC aurait privé Candy du recours contre les opérations de visite et de saisie réalisées dans les locaux de Fagor Brandt et Samsung en octobre 2013, alors que des éléments d'information distraits de ces visites domiciliaires ont fondé la nouvelle requête de l'Autorité en 2014, il est d'une part fait observer que Candy est en mesure de contester les pièces saisies chez Fagor Brandt et Samsung, qui ont fondé l'autorisation judiciaire du 21 mai 2014, car c'est précisément ce qu'elle fait dans le cadre de la présente instance.

D'autre part, le fait que Fagor Brandt n'ait pas contesté les opérations de visite et saisie implique que toutes les saisies réalisées dans ses locaux sont considérées comme régulières.

En outre, l'appelante aurait pu contester en son nom la saisie dans les locaux de Samsung et/ou Fagor Brandt.

En tout état de cause, il est argué que la société appelante n'est pas dépourvue de voie de recours et pourra toujours contester, conformément à l'alinéa 12 de l'article L. 450-4 du Code de commerce, le procès-verbal et l'inventaire qui ont été établis chez Fagor Brandt au plus tard à compter de la notification de griefs, le cas échéant, les pièces relatives à l'opération de visite et saisie chez Samsung n'étant plus concernées du fait de l'annulation de l'ensemble des opérations de visite et saisie dans ses locaux par la Haute juridiction.

S'agissant de l'annexe n° 3 à la requête, qui contient le procès-verbal des opérations de visite et saisie réalisées dans les locaux de Fagor Brandt et Samsung dont plusieurs pages ont été retirées et qui aurait faussé l'opinion du JLD de Paris du fait d'une présentation partielle des éléments pertinents du dossier, il est fait observer que, conformément à une jurisprudence constante, au stade de l'autorisation de visite et saisie où aucune accusation n'est portée, l'Autorité de la concurrence n'a pas à produire d'éléments de preuve de pratiques anticoncurrentielles mais seulement des indices qui par leur addition, leur rapprochement, leur confrontation et leur combinaison aboutissent à une ou plusieurs simples présomptions de pratiques prohibées.

D'une part, le JLD de Paris a rempli sa mission et satisfait aux exigences de l'article L. 450-4 du Code de commerce en appréciant souverainement que l'ensemble des informations utiles communiquées par l'ADLC permettait de présumer l'existence d'agissements frauduleux justifiant la mesure autorisée.

D'autre part, le premier juge a vérifié qu'il y avait dans le dossier annexé à la requête une demande d'enquête du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence, conformément aux dispositions de l'article L. 450-4, alinéa 1 du Code de commerce et à la jurisprudence constante de la Haute juridiction, seule pièce obligatoire, lors d'une demande d'autorisation de procéder, en tous lieux, à des visites et saisies de documents et supports d'information en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles.

Ainsi, l'Autorité n'avait pas à communiquer au JLD de Paris toutes les informations dont elle dispose à propos d'infractions présumées, ni d'ailleurs aux sociétés qu'elle soupçonne d'avoir participé à des collusions frauduleuses avec Candy, mais seulement les informations qu'elle a jugé utiles à la démonstration d'une simple présomption, notamment des extraits de pièces, pour emporter la conviction du JLD de Paris de la nécessité de réaliser une opération de visite et saisie dans un secteur économique.

Par ailleurs, il n'y a pas de violation du principe de loyauté en produisant à l'appui d'une requête des extraits de cahiers, la jurisprudence validant leur saisie dans leur entier en considérant qu'un cahier est un document unique pouvant contenir des annotations utiles ou pour partie utiles à la manifestation de la vérité.

Il est soutenu qu'en tout état de cause, l'appelante dispose actuellement d'un dossier complet pour pouvoir exercer dans toute sa plénitude, au stade de la contestation de l'autorisation des opérations de visite et saisie dans ses locaux, l'appel ouvert par l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008.

Par conséquent, elle ne saurait se faire un grief de ce que des documents n'aient pas figuré à la procédure de demande d'autorisation de visite et saisie.

Il est donc demandé que le moyen soit écarté.

II) Sur le moyen d'annulation fondé sur le caractère disproportionné et non motivé du recours à l'opération de visite et saisie prévue à l'article L. 450-4 du Code de commerce

L'Autorité de la concurrence fait valoir qu'elle n'avait pas à rendre compte de son choix de recourir à la procédure, dite " lourde ", de l'article L. 450-4 du Code de commerce, laquelle n'a pas un caractère subsidiaire par rapport aux autres procédures pouvant être utilisées.

Par ailleurs, la mesure autorisée par le JLD de Paris avait notamment pour objet de vérifier si les comportements suspectés de Candy étaient motivés par la volonté de limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises, de limiter ou contrôler les débouchés et faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse et ce, en violation des disposition des points 1, 2 et 3 de l'article 420-1 du Code de commerce et de l'article 101-1 a) et b) du TFUE.

En effet, il est rare en pratique que la preuve d'agissements anticoncurrentiels résulte du simple droit de communication, les opérateurs étant de mieux en mieux formés aux enquêtes de concurrence.

Il est argué que l'opération de visite et saisie réalisée auprès de Candy était nécessaire à l'Autorité pour corroborer ses soupçons, le recours à l'article L. 450-3 du Code de commerce s'avérant insuffisant.

S'agissant du principe de proportionnalité dont la société appelante se prévaut, il est rappelé que l'article L. 450-4 du Code de commerce n'a jamais été remis en cause par la jurisprudence de la CEDH, ni d'ailleurs par celle des juridictions nationales.

En effet, la violation de l'article 8-1 de la CESDH est écartée lorsqu'elle est justifiée par l'article 8-2.

Pour être admissible, l'ingérence de l'autorité publique dans le droit garanti par l'article 8-1 est subordonnée à une triple condition : être prévue par la loi (article L. 450-4 du Code de commerce), viser un but légitime (la recherche de la preuve de pratiques anticoncurrentielles qui constitue une mesure nécessaire au bien-être économique du pays) et être nécessaire dans une société démocratique. L'État français remplit ces trois conditions.

Par conséquent, il ne peut être sérieusement allégué que le JLD de Paris aurait donné un mandat dénué de toute proportionnalité pour mener des investigations dans les locaux de Candy.

Il est demandé que le moyen soit rejeté.

III) Sur le moyen d'annulation fondée sur la prétendue méconnaissance du standard de preuves en l'absence de flagrance

Il est d'abord soutenu que l'ordonnance du JLD de Paris ne mentionne aucunement que les pratiques illicites soupçonnées seraient en train de se commettre et qu'il en découlerait que seuls des indices de celles-ci suffiraient à justifier de la mise en œuvre d'une opération de visite et saisie.

Il est argué que l'appelante fait une mauvaise lecture de l'article L. 450-4 alinéa 2 du Code de commerce et adopte une interprétation erronée de la procédure de flagrance, où la présentation d'indices suffit et de la procédure normale, où les indices et tout autre élément d'information produits et analysés par le juge doivent, au minimum, aboutir à une simple présomption de pratique anticoncurrentielle afin d'obtenir l'autorisation d'aller chercher la preuve de la pratique prohibée soupçonnée.

Quant au reproché formulé par Candy de l'absence de tous les éléments d'information en possession de l'Autorité de la concurrence, il a déjà été répondu supra.

Dans ces conditions, le JLD de Paris n'a donc pas manqué à son contrôle en rendant une ordonnance sur la base d'extraits de procès-verbaux ou de cahiers de notes.

Enfin, il ne saurait être reproché au premier juge de s'être fondé sur un " faisceau d'indices " pour autoriser les opérations de visite et saisie, dès lors que seul le résultat de l'analyse de l'ensemble des faits portés à la connaissance du magistrat est révélateur d'une ou plusieurs simples présomptions de pratiques anticoncurrentielles.

Pour toutes ces raisons, il est demandé que le moyen soit écarté.

IV) Sur le moyen d'annulation fondé sur l'absence de contrôle effectif par le JLD du bien-fondé de la requête et l'absence de présomptions des pratiques anticoncurrentielles impliquant Candy

En premier lieu, il est fait valoir que si l'administration présente au JLD une requête et un projet d'ordonnance, elle le fait toujours en version papier accompagnée d'une version numérique, ce qui permet au magistrat de modifier, s'il désire s'en servir, le projet d'ordonnance d'autorisation qui lui est soumis autant qu'il le souhaite. De plus, si le juge n'est pas convaincu par les indices et présomptions apportées par l'administration, il peut tout simplement refuser de donner son autorisation.

En l'espèce, le dossier a été présenté au JLD de Paris le 16 mai 2014 pour l'obtention de l'autorisation judiciaire qui n'est intervenue que le 21 mai 2014, alors que ce dossier n'était pas particulièrement volumineux.

Ainsi, en 6 jours, le JLD de Paris a pu parfaitement procéder aux vérifications qui s'imposaient.

Il est argué qu'aucun élément ne permet à l'appelante de dire qu'il n'y a pas eu un examen attentif par le juge des 13 annexes utiles jointes à la requête afin de s'assurer de l'adéquation entre les pièces produites et les énonciations de l'ordonnance, ainsi que de la pertinence de ces pièces au regard de l'appréciation qu'il doit opérer quant à l'existence d'une présomption d'entente.

Par ailleurs, il est rappelé que, selon une jurisprudence constante, les motifs et le dispositif de l'ordonnance d'autorisation sont réputés être établis par le juge qui l'a rendue et signée, lequel en endosse la responsabilité.

Il en résulte que la similarité de l'ordonnance du JLD de Paris au regard de la requête de l'Autorité de la concurrence est sans effet sur sa régularité et rien dans l'argumentation de l'appelante ne permet de mettre en doute l'appréciation concrète par le JLD des éléments d'information qui lui ont été soumis.

En deuxième lieu, s'agissant de l'argumentation selon laquelle l'ordonnance du JLD de Paris ne permettrait pas d'établir des présomptions de pratiques d'ententes verticales et horizontales à l'encontre de Candy, l'ADLC renvoie à ses développements concernant notamment le caractère déloyal des annexes n° 4 à 7 cités supra.

En troisième lieu, il est argué qu'il y a bien eu un examen attentif par le juge des pièces annexées à la requête afin de s'assurer de l'adéquation entre les pièces produites et les énonciations de l'ordonnance, ainsi que de la pertinence de ces pièces au regard de l'appréciation qu'il doit opérer quant à l'existence d'une simple présomption d'ententes qui auraient pour objet ou pour effet de limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence, de limiter ou contrôler les débouchés et de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse et ce, de la part des fabricants de produits " blancs " visés, l'appelante comprise.

En quatrième lieu, s'agissant plus précisément de la contestation des éléments d'information figurant dans la motivation de l'ordonnance d'autorisation, il est soutenu que le fait d'analyser les indices un à un ou les pièces annexées à la requête une à une, comme le fait l'appelante, pour en tirer la conclusion que le JLD n'avait rien dans le dossier lui permettant d'autoriser la visite dans ses locaux n'a pas de sens. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

En effet, seul le résultat de l'analyse de l'ensemble des faits portés à la connaissance du magistrat est révélateur d'une ou plusieurs présomptions de pratiques anticoncurrentielles.

Au cas présent, le juge a satisfait à son obligation de contrôle en s'assurant de la qualité des personnes ayant demandé l'autorisation (recevabilité de la demande) et du caractère suffisant des faits produits par l'Autorité ayant débouché, après description et analyse, sur des soupçons de comportements illicites dans le secteur de la distribution de produits " blancs " (bien-fondé de la demande).

Par conséquent, c'est en vain que Candy prétend qu'aucun des faits visés dans l'ordonnance n'est de nature à constituer un indice de son implication personnelle dans les pratiques prohibées présumées. En effet, il suffit que l'appelante paraisse impliquée dans l'un des agissements frauduleux suspectés dont la preuve est recherchée pour que la mesure d'autorisation soit justifiée.

Or, nonobstant l'annulation de l'annexe n° 7 à la requête, trois agissements semblaient mêler directement l'appelante aux pratiques prohibées présumées (contrôle de la politique tarifaire des distributeurs sur internet et en grandes enseignes spécialisées de détail par le biais de directives orales et de listes noires, usage de procédés similaires pour encadrer la revente sur le canal de distribution de l'internet ainsi que l'échange régulier entre concurrents d'informations sur les ventes et stratégies commerciales dans le cadre de réunions intitulés Gifam).

Il est mis en exergue que le JLD de Paris a bien pris soin dans son ordonnance du 21 mai 2014 d'indiquer plusieurs indices solides aboutissant à une simple présomption de pratiques anticoncurrentielles, conformément à la jurisprudence en vigueur.

Par ailleurs, si la méthode du faisceau d'indices est utilisée au fond pour apporter la ou les preuves de pratiques anticoncurrentielles, en l'absence de pièces se suffisant à elles-mêmes, cette méthode est d'autant plus recevable pour établir l'existence d'une ou plusieurs simples présomptions au stade de l'affaire où les investigations n'ont pas encore été réalisées en totalité.

Enfin, l'Autorité apporte quelques précisions concernant l'ordonnance d'autorisation et l'argumentation de l'appelante.

S'agissant du premier agissement anticoncurrentiel présumé (entente entre concurrents en vue d'influer sur la variation du prix de vente de leurs appareils sur les canaux de l'internet et de la distribution " en dur " et d'échanger sur leur politique promotionnelle), il est d'abord argué que le JLD ne s'est pas fondé sur l'annexe n° 13 pour fonder quelques présomptions de pratique anticoncurrentielle à l'encontre de Candy, ce qui n'est pas étonnant car l'ordonnance concerne également le Gifam et Whirlpool, ce dernier fabricant étant expressément cité en page 3 de l'annexe n° 13.

Concernant l'annexe n° 12, il est fait valoir que le premier juge s'est fondé sur des mentions de cette annexe, qui figurent en page 4 de l'ordonnance, que l'appelante omet de commenter dans ses écritures.

Quant à l'annexe n° 6, si celle-ci fait effectivement référence à la politique interne de Fagor Brandt qui établit des " black list " pour protéger un certain nombre de ses modèles sur le canal de l'internet, elle corrobore les déclarations de M. ... qui précisait que par PV de déclaration que l'essentiel des fabricants des produits " blancs " usaient de listes noires, soit dans le cadre de la distribution sélective, soit dans le but " de réserver une partie de la gamme à certains opérateurs " (annexe n° 13).

Il est argué que les annexes n° 6 et 13 attestent de pratiques commerciales similaires dans le secteur de la distribution de produits " blancs " auxquelles la société Candy pourrait avoir participé en sa qualité d'entreprise fabricante active sur le secteur d'activité concerné.

Concernant l'annexe n° 4, il est soutenu qu'en citant les extraits " réunion filière 22 septembre " et " remise immédiate en caisse puis remboursement à la semaine à la distribution ", notes prises par M. Thierry ... lors d'une réunion intitulée Gifam du 10 septembre 2009, le premier juge a fait écho à l'accord Gifam qui apparaît à l'annexe n° 5, laquelle montrerait l'existence d'un accord conclu dans le secteur visé pour se coordonner sur la détermination des prix de revente aux grandes enseignes de la distribution.

S'agissant du deuxième agissement anticoncurrentiel présumé (entente avec des distributeurs en vue de restreindre la revente sur internet qui découlerait d'une pratique concertée entre fabricants de produits " blancs "), il est argué que le premier juge a déduit des différents éléments d'information résultant des annexes n° 12 et 13 un parallélisme de comportements des fournisseurs de produits " blancs ", consistant à refuser à des revendeurs sur internet de proposer des produits au seul motif qu'ils les diffuseraient sur internet, ce qui constitue un indice d'une concertation entre eux.

S'agissant du troisième agissement anticoncurrentiel présumé (entente entre concurrents consistant en un échange régulier d'informations commercialement sensibles), il est d'abord fait observer qu'au rebours de l'interprétation de l'appelante, le JLD de Paris a, à chaque page de la motivation de son ordonnance, usé le plus souvent du conditionnel pour faire en sorte qu'aucune accusation ne soit formulée.

Il est également soutenu que la jurisprudence n'impose nullement que l'Autorité se doive de fournir des éléments d'information remis directement par l'entreprise suspectée pour justifier sa visite domiciliaire.

Par conséquent, des pièces émanant de tiers, notamment des plaignants, de déclarants ou d'entreprises saisies, peuvent tout à fait convenir pour justifier la visite de Candy dès lors que ces documents ont été obtenus licitement par l'exercice de son droit de communication et/ou de saisie par l'administration.

L'ADLC répond aux critiques de l'appelante et notamment à la cote 28 de l'annexe 7 relative à l'existence d'échanges d'informations concernant les nouvelles étiquettes énergétiques en indiquant notamment que le JLD pouvait valablement se fonder sur cette pièce car elle concerne le secteur de la distribution des produits " blancs " inscrit dans l'ordonnance du 9 octobre 2013 et régulièrement saisie.

Ainsi, le JLD de Paris a parfaitement décrit les pratiques répréhensibles présumées à l'encontre de Candy qui justifiaient sa visite domiciliaire à l'aune de l'article L. 450-4 du Code de commerce.

Il est demandé donc de rejeter le moyen.

En conclusion, il est demandé de :

- confirmer l'ordonnance d'autorisation rendue le 21 mai 2014 par le JLD du TGI de Paris et, par voie de conséquence, l'ordonnance rendue sur commission rogatoire par le JLD du TGI de Bobigny le 23 mai 2014 ;

- condamner Candy au paiement de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par avis en date du 16 juin 2017, le Ministère public fait valoir :

- la nécessité d'écarter du dossier les pièces annulées par la Cour de cassation et la constatation, ces pièces étant écartées, de ce que les éléments restant au dossier présenté au JLD du TGI de Paris suffisent à caractériser à l'encontre de Candy des suspicions de pratiques anticoncurrentielles

- le JLD de Paris a régulièrement pris en compte, au moment où il a autorisé les opérations de visite et saisie dans les locaux de Candy, des éléments provenant de saisies antérieures effectuées en 2013 dans les locaux de Samsung

Il est soutenu qu'au jour où il a statué, le JLD de Paris ne disposait d'aucun élément lui permettant de considérer objectivement que la saisie des documents dans le cadre de procédures antérieures était irrégulière.

Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, il a vérifié que les documents antérieurs qui lui étaient produits se rapportaient aux agissements retenus dans l'ordonnance rendue dans la procédure ayant donné lieu à leur saisie et que l'ADLC indiquait précisément de quelle procédure elle avait tiré ces documents pour les présenter à l'appui de cette nouvelle requête.

Par conséquent, l'ordonnance du JLD de Paris en date du 21 mai 2014 était régulière au moment où elle a été rendue.

En effet, ce n'est que postérieurement à l'ordonnance d'autorisation du JLD de Paris que la Cour de cassation a annulé la saisie des documents recueillis dans les locaux de Samsung.

Il appartient donc au Premier président ici saisi d'apprécier l'incidence de l'annulation de la saisie des pièces recueillies en 2013 dans les locaux de Samsung sur la validité de l'autorisation donnée par le JLD de Paris d'effectuer des opérations de visite et saisie dans les locaux de Candy.

- le contrôle de la Cour d'appel de céans sur la légalité de l'ordonnance rendue le 21 mai 2014 par le JLD de Paris

- les pièces dont la saisie a été annulée par la Cour de cassation doivent être écartées du dossier

Il est demandé de tirer les conséquences de l'annulation de la visite autorisée en 2013 dans les locaux de Samsung en écartant du dossier les pièces ainsi annulées (annexe n° 7) et de déterminer, au regard des autres éléments restant du dossier, si le JLD était ou non fondé à délivrer une autorisation de visite et saisie dans les locaux de Candy.

Il est soutenu que, après mise à l'écart des pièces saisies dans les locaux de Samsung figurant en annexe n° 7 à la requête, subsistent au dossier des éléments suffisants pour établir des suspicions de participation à des activités anticoncurrentielles à l'encontre de Candy.

En effet, les autres annexes n° 2, 4, 5, 6, 8, 9, 12 et 13 à la requête suffisent à établir de manière pertinente le soupçon de ce que des fabricants de produits " blancs ", dont Candy et Whirlpool, échangeaient des informations sensibles entre concurrents lors de rencontres au sein du groupement interprofessionnel des fabricants d'appareil d'équipement ménager (Gifam).

Par ailleurs, les pratiques recherchées dans toutes les enquête successivement engagées visent les pratiques prohibées par les articles L. 420-1 1°, 2° et 3° du Code de commerce et 101-1 a) et b) TFUE.

- la légitimité de l'enquête ouverte, s'agissant de préciser les agissements de Candy et Whirlpool, ne peut être mise en cause

Il est fait valoir que l'ordonnance du JLD de Paris a autorisé légitimement, au vu de l'ensemble des éléments régulièrement produits ' hors la considération de l'annexe n° 7 annulée - , la recherche d'indices de nature à établir des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur économique des produits blancs.

En effet, l'ordonnance du 9 octobre 2013 du JLD de Bobigny autorisait l'Autorité à saisir tout élément d'information intéressant le secteur de la distribution de produits " blancs " et " bruns ". La première enquête menée par l'ADLC " qui n'est pas remise en cause hors la saisie de pièces dans les locaux de Samsung " visait la distribution de produits " blancs " et " bruns ", alors que la deuxième, intéressant ici Candy, a été naturellement circonscrite à la distribution de produits " blancs ", car ni Candy ni Whirlpool ne fabriquaient de produits " bruns ", contrairement à Samsung ou LG qui fabriquent les deux.

Dès lors, les pièces issues de la première enquête peuvent être utilisées pour motiver la seconde ordonnance, lorsqu'elles concernent, comme ici, les produits " blancs ".

- la nouvelle ordonnance d'autorisation n'a pas à être limitée aux trois agissements ciblés dans la première ordonnance du JLD du TGI de Bobigny

Il est soutenu qu'une nouvelle illustration des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 1°, 2° et 3° du Code de commerce et 101-1 a) et b) TFUE peut être retenue, dès lors que la suspicion de pratique anticoncurrentielle repose sur des documents régulièrement saisis entrant dans le secteur concerné (annexes n° 4, 5, 6, 8, 9, 12, 13).

- en autorisant des visites et saisies en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles dans un secteur de l'économie, dont il n'identifie dans son ordonnance d'autorisation que certaines de ses manifestations, le JLD ne délivre pas une autorisation indéterminée (CA Paris, 11 octobre 2011, n° 10/23206)

- le JLD du TGI de Paris a disposé de toutes les informations utiles à sa prise de décision et toutes les voies de recours autorisées par les textes en vigueur lui ont été ouvertes

Il est argué que Candy aurait pu contester les saisies de documents opérées chez d'autres opérateurs, tels que Samsung, et l'alinéa 12 de l'article L. 450-4 du Code de commerce le lui permet encore, à compter de la notification de griefs.

- Candy ne peut critiquer le contenu, partiel par rapport aux documents d'origine, des annexes à la requête, leur objet n'étant pas d'établir une infraction aux règles de la concurrence mais seulement d'en présenter les indices

- l'ordonnance du JLD de Paris ne caractérise pas un recours disproportionné et non motivé à l'opération de visite et saisie

Le Ministère public fait valoir que les dispositions de l'article 8-1 de la CESDH n'ont pas été méconnues, les critères de mise en œuvre de l'article 8-2 étant en l'espèce réunis.

- le recours au mécanisme posé par l'article L. 451-4 du Code de commerce est laissé à l'appréciation in concreto des circonstances par l'Autorité de la concurrence

Il est argué que seules les visites inopinées des bureaux et la saisie des notes, documents et le cas échéant des messageries électroniques des principaux responsables de Candy pouvaient permettre d'apprécier la volonté de l'appelante de limiter la revente sur Internet à certains distributeurs et à certains appareils et contrôler les prix de revente, en concertation avec les autres fabricants de produits " blancs ".

- l'absence d'exigence de ce qu'une infraction soit en train de se commettre, en flagrance, pour justifier une ordonnance d'autorisation de visite et de saisie par le JLD

Il est fait valoir que le JLD de Paris a ici fait application de l'alinéa 1 de l'article L. 450-4 du Code de commerce, qui le conduit à analyser, pour caractériser une ou des présomptions simples de pratique anticoncurrentielle, les indices qui lui sont présentés, en procédant à leur addition, leur rapprochement, leur confrontation et leur combinaison, conformément aux exigences jurisprudentielles.

- le JLD a procédé à un contrôle effectif du bien-fondé de la requête, l'ayant conduit à retenir une présomption des pratiques anticoncurrentielles impliquant Candy

Il est rappelé que la pratique de la présentation au JLD d'une requête et d'un projet d'ordonnance, en version papier accompagnée d'une version numérique, est validée de longue date par la jurisprudence, en ce qu'elle laisse une absolue liberté au JLD dans sa prise de décision.

Les indices présentés au JLD font justement l'objet d'un rapprochement permettant, dans leur prise en compte globale et nonobstant l'annulation de l'annexe n° 7, de caractériser une présomption de pratique anticoncurrentielle dans le secteur de la distribution des produits " blancs ".

- l'ordonnance du JLD de Paris illustre les comportements présumés anticoncurrentiels des fournisseurs de produits " blancs " Whirlpool et Candy, qui paraissent limiter la revente sur internet à certains distributeurs et à certains appareils et contrôler les prix de revente tant sur le canal de l'internet que pour la distribution en grandes enseignes spécialisées de détail

Par ailleurs, l'ordonnance du JLD de Paris fait également apparaître le soupçon d'un échange régulier entre concurrents d'informations commercialement sensibles lors des réunions du Gifam.

Ainsi, l'ordonnance d'autorisation fait apparaître des indices de pratiques d'ententes horizontales et verticales.

- l'existence d'un soupçon de concertation entre les fabricants concurrents en vue d'influer sur la variation du prix de vente de leurs appareils sur les canaux internet et dans la distribution " en dur " et d'échanger sur leur politique promotionnelle est établie par les annexes n° 12 et 13 à la requête

Il est argué que peu important que l'annexe n° 13 ne fasse pas référence à Candy, car le JLD ne s'est pas fondé sur cette annexe, la concernant.

Par ailleurs, la critique portant sur les mentions de chiffres d'affaires et l'emplacement où figure la marque FAURE, en annexe 12, n'est pas davantage pertinente car l'ordonnance du JLD concernant Candy n'est pas fondée sur ces éléments mais sur les mentions de cette annexe (page 4 de l'ordonnance).

- la critique de l'absence de démonstration d'une concertation impliquant Candy dans les ententes verticales soupçonnées est inopérante à ce stade de la procédure où seule l'existence d'un ou plusieurs soupçons doit être étayée

En effet, le parallélisme de comportements des fournisseurs de produits " blancs " qui a été relevé constitue une présomption de pratiques anticoncurrentielles (CA Paris, 15 juin 2010, n° 2009/20624), qui, après enquête, pourra s'avérer être le résultat d'une action concertée ou bien s'expliquer seulement par des facteurs objectifs.

S'agissant de l'annexe n° 6 à la requête, elle fait référence à la politique interne de Fagor Brandt qui établit des " black list " pour protéger un certain nombre de ses modèles sur le canal de l'internet et permet également de corroborer les déclarations de M. ..., qui a déclaré sur procès-verbal que l'essentiel des fabricants de produits " blancs " utilisaient de telles listes, soit dans le cadre de la distribution sélective, soit dans le but " de réserver une partie de la gamme à certains opérateurs " (annexe n° 13).

Il est fait observer que les annexes n° 6 et 13 montrent des pratiques similaires dans le secteur de la distribution de produits " blancs " auxquelles Candy pourrait avoir participé en sa qualité d'entreprise fabricante active sur le secteur d'activité concerné.

S'agissant de l'annexe n° 4, il est argué que sa critique est sans portée, le JLD n'ayant pas fait de lien direct dans son ordonnance entre Candy et l'annexe n° 4, mais ayant seulement rappelé l'accord Gifam apparaissant dans l'annexe n° 5 qui fait soupçonner l'existence d'un accord conclu dans le secteur visé afin d'organiser la coordination des prix de revente aux enseignes de la grande distribution.

S'agissant des annexes n° 12 et 13, ils caractérisent la possibilité d'une pratique concertée entre fabricants de produits " blancs " avec des distributeurs, en vue de restreindre la revente sur internet.

Le Ministère public soutient que le JLD a ainsi constaté, sur la base des éléments qui lui étaient présentés, hors les documents saisis dans les locaux de Samsung, un parallélisme de comportements des fournisseurs de produits " blancs ", consistant à refuser à des revendeurs sur internet de proposer des produits au seul motif qu'ils les diffuseraient sur internet, ce qui constitue un indice de concertation anticoncurrentielle.

- le JLD a relevé la possibilité de la participation de Candy à un échange régulier, avec ses concurrents, d'informations commercialement sensibles

Il est argué que peu important que les documents sur lesquels le JLD s'est appuyé pour rendre son ordonnance proviennent de lui ou d'autres sources.

- la critique portant sur les termes de l'annexe n° 7 de l'ordonnance du JLD est sans objet, cette pièce devant être écartée du débat

Il est soutenu que les mentions concernant Candy contenues dans le cahier de M. Thierry ... (annexe n° 5), à savoir " Candy + + Nouveauté usine fermée une semaine sur quatre " établissent, pour le JLD, que lors de la réunion Gifam du 10 septembre 2009, la cote 423 de l'annexe n° 4 informe de ce que Candy a augmenté ses ventes en juillet et août, du fait des signes + + sous les rubriques 07 et 08, une nouveauté ayant été constatée lors de la réunion Gifam du 10 septembre 2009 concernant la fermeture de l'usine Candy une semaine sur 4 à compter de septembre. Cette référence n'est donc pas critiquable.

Par ailleurs, la mention " recréer = Relationnel avec les gds [grands] Patrons " ne concerne effectivement pas Candy, que le JLD ne cite pas lorsqu'il fait référence à cette mention de l'annexe n° 6. La critique est donc sans emport.

En conséquence, le Ministère public demande de rejeter l'ensemble des critiques portées par Candy concernant la légalité de l'ordonnance rendue le 21 mai 2014 par le JLD du TGI de Paris et, par voie de conséquence, l'ordonnance rendue sur commission rogatoire par le JLD du TGI de Bobigny le 23 mai 2014, autorisant la visite et les saisies dans les locaux.

SUR CE

1 - L'ordonnance doit être annulée en raison du caractère illicite et déloyal des pièces produites par l'Autorité au soutien de la requête

a) L'ordonnance est fondée sur des pièces illégalement saisies chez Samsung

Il est constant que le JLD de Paris a, dans la motivation de son ordonnance du 21 mai 2014, parfaitement décrit le cadre dans lequel s'inscrivait la délivrance de son autorisation de visite et de saisie à l'encontre des sociétés Groupe Candy Hoover, Whirlpool et Gifam.

En effet il indiquait que " cette requête nous est présentée à l'occasion de l'enquête susvisée demandée par la Rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence aux fins d'établir si lesdites entreprises et organisation professionnelle se livrent à des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 1°, 2° et 3° du Code de commerce et 101-1 a) et b) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE);

Qu'elle s'inscrit dans la suite des visites et saisies réalisées sur autorisation du JLD de Bobigny délivrée par ordonnance du 9 octobre 2013 dans le secteur de la distribution de produits " blancs " et " bruns " auprès des entreprises fagorbrandt, Eberhardt Frères, Samsung Electronics France,Groupe Seb France et groupe Seb Retailing, Miele, Smeg France, Indesit Compagny France, BSH Electroménager, Electrolux Home Products France et Electrolux France, LG Electronics France, GPDIS France Sud Est (enseigne SLD) et Pulsat Synthèse, Gemdis groupe Findis (anciennement Cocelec Rhône-Alpes), Établissements Darty et Fils aux fins d'établir si lesdites entreprises se livreraient à des pratiques d'ententes horizontales et verticales prohibées par les articles L. 420-1 1°, 2° et 3° du Code de commerce et 101-1 a) et b) TFUE ".

Il relevait que les documents communiqués par la Rapporteure générale de l'ADLC, à l'appui de sa requête, avaient été recueillis par les agents de l'Autorité ou de la DGCCRF en application des articles L. 450-2, L. 450-3, et L. 450-4 du Code de commerce, que les deux PV de visite et de saisie en date des 17 et 18 octobre 2013 (annexe 3 à la requête) avaient été établis par ces mêmes agents et qu'ils comportaient l'inventaire des pièces et documents saisis. Il précisait qu'il avait pu constater que les copies des pièces saisies étaient bien issues des scellés n° 2, 3, 4 en ce qui concernait Fagor Brandt et n° 11 s'agissant de Samsung.

Il ajoutait que les pièces présentées à la requête avaient une origine apparemment licite et qu'elles pouvaient être utilisées pour la motivation de la présente ordonnance puisqu'elles émanaient de la consultation de sites internet (...) et que les copies des pièces saisies utilisées pour la motivation de la présente ordonnance avaient été distraites de la précédente enquête réalisée en octobre 2013, à la demande des rapporteurs désignés, pour être versés au dossier de la nouvelle demande d'enquête de la Rapporteure générale du 13 mai 2014 susvisée.

Il retenait que trois pratiques prohibées présumées par les articles L. 420-1 1°, 2° et 3° du Code de commerce et 101-1 a) et b) TFUE étaient identifiées, les deux premières étant identiques à la première autorisation de visite et de saisie délivrée par le JLD de Bobigny le 9 octobre 2013, la troisième se basant sur les pièces saisies dans les locaux de Fagor Brandt et Samsung (annexe 7 à la requête annulée) lors de la première opération de visite et saisie mais également sur d'autres annexes à la requête. Il en déduisait qu'il existait des indices pouvant faire apparaître des présomptions selon lesquelles les fabricants de produits " blancs ", notamment Candy Hoover et ... France, seraient susceptibles d'échanger des informations sensibles entre concurrents lors de rencontres au sein du Gifam.

En délivrant son ordonnance le 21 mai 2014, il ne peut être fait grief au JLD de Paris de ne pas avoir accompli son office à cette date et lui reprocher de ne pas avoir anticipé l'annulation par la Cour de cassation le 4 mai 2017 des OVS menées en octobre 2013 dans les locaux de Samsung.

Il convient donc, par l'effet dévolutif de l'appel, de faire abstraction de l'annexe 7 représentant les documents saisis dans les locaux de Samsung et de déterminer si les autres annexes permettent de relever des indices faisant apparaître des présomptions de pratiques prohibées.

Il y a lieu de relever tout d'abord que ni la société Fagor Brandt ni le Gifam n'ont relevé appel de l'ordonnance ou exercé un recours contre les OVS dans leurs locaux respectifs de sorte que celles ont considérées comme étant régulières.

Le premier juge retenait des indices faisant apparaître des présomptions de pratiques prohibées en examinant notamment " in concreto " les annexes 4, et 5, qui seront développées infra (5 - présomptions de pratiques anticoncurrentielles à l'encontre de Candy Hoover).

Ainsi, il est inexact de soutenir, comme le fait l'appelante, que la motivation de l'ordonnance repose exclusivement sur l'annexe 7 composée d'extraits d'éléments saisis lors des OVS menées dans les locaux de la société Samsung.

D'autres indices mis en évidence dans les annexes précitées, soustraction faite de l'annexe 7, permettaient de laisser apparaitre des présomptions d'agissements prohibés et ont servi de fondement à la motivation de l'ordonnance contestée.

En outre, s'agissant de la pièce n° 3, si elle figure dans les annexes, le JLD de Paris ne l'a pas utilisée pour motiver les présomptions d'agissements prohibés relevés à l'encontre de Candy Hoover dans son ordonnance.

Enfin, concernant l'utilisation au soutien de la requête de pièces saisies hors du champ de la première ordonnance, il y a lieu de rappeler que l'autorisation du JLD de Paris visait des présomptions dans un " secteur " économique et non sur un ou des marchés pertinents et encore moins sur un segment de marché dont la délimitation relèvera de l'ADLC et qu'au stade de l'enquête préparatoire, le champ d'investigation de l'Autorité doit être relativement large.

En l'espèce, le JLD de Paris n'était pas tenu de circonscrire le champ d'application de son ordonnance et les pratiques suspectées à celui déterminé l'année précédente par le JLD de Bobigny.

En effet, les annexes n° 4 et 6 portent sur une pratique totalement différente par rapport à l'ordonnance du JLD de Bobigny, à savoir des échanges allégués d'informations qui seraient potentiellement sensibles sur le plan commercial entre concurrents et c'est de manière souveraine que le JLD de Paris a pu déduire de ces annexes la présomption d'échanges d'informations commercialement sensibles lors de réunions physiques ou téléphoniques intitulées Gifam et motiver en ce sens son ordonnance, sans que soit caractérisée une quelconque atteinte au principe de loyauté.

Au cas présent, le JLD de Paris a bien défini le secteur concerné comme étant le secteur des produits " blancs " et non un secteur indéterminé, étant précisé que la société Candy Hoover ne fabrique que ce type de produits à l'inverse de plusieurs sociétés visées dans l'ordonnance du JLD de Bobigny de 2013 qui faisait référence au secteur des produits " blancs " et " bruns ".

En conséquence, les annexes n° 4 et 6 rentrent bien dans le champ d'application de son ordonnance. Ce moyen sera rejeté.

b) Sur l'atteinte au droit au recours effectif de Candy Hoover contre les OVS d'octobre 2013 (locaux de Fagor Brandt)

L'article 450- 4 du Code de commerce dispose en son dernier alinéa que : " le déroulement des opérations de visite et saisie peut faire l'objet d'un recours devant le Premier président de la Cour d'appel dans le ressort de laquelle le juge a autorisé ces dernières, suivant les règles prévues par le code de procédure pénale. Le ministère public, la personne à l'encontre de laquelle a été prise l'ordonnance mentionnée au premier alinéa et les personnes mises en cause au moyen de pièces saisies au cours de ces opérations peuvent former ce recours. Ce dernier est formalisé par déclaration au greffe du tribunal de grande instance dans un délai de dix jours à compter de la remise ou de la réception du procès-verbal et de l'inventaire, ou, pour les personnes n'ayant pas fait l'objet de visite et de saisie et qui sont mises en cause, à compter de la date à laquelle elles ont reçu notification du procès-verbal et de l'inventaire et, au plus tard à compter de la notification de griefs prévue à l'article L. 463-2. Le recours n'est pas suspensif. L'ordonnance du Premier président de la Cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale. Les pièces saisies sont conservées jusqu'à ce qu'une décision soit devenue définitive ";

Il est constant qu'au stade de l'enquête préparatoire, le champ d'intervention de l'ADLC doit être relativement large, aucune accusation n'est formulée à l'encontre de la société visitée et encore moins à l'encontre de celle ou celles susceptibles de détenir des documents susceptibles de rattacher au champ de l'autorisation de visite et de saisie.

En l'espèce, il fait grief à l'ADLC de ne pas avoir notifié à la société Candy Hoover les pièces saisies dans les locaux de Fagor Brandt lors des OVS d'octobre 2013 autorisées par le JLD de Bobigny.

Or, lors de la saisie précitée, la société Candy Hoover n'était aucunement mise en cause et l'obligation de notification des OVS à son égard ne s'imposait pas de ce fait.

Par ailleurs, le dernier alinéa de l'article 450-4 du Code de commerce sus-mentionné précise que le délai de recours est de 10 jours à compter de la date à laquelle les personnes n'ayant pas fait l'objet de visite et de saisie - personnes morales tierces - et qui sont mises en cause et court à compter de la date à laquelle elles ont reçu notification du procès-verbal et de l'inventaire et, au plus tard à compter de la notification des griefs (...).

Dès lors, il ne peut être reproché à l'ADLC de ne pas avoir notifié à la société Candy Hoover dans un délai de 10 jours suivant le déroulement des OVS dans les locaux de la société Fagor Brandt cette dernière n'ayant par ailleurs formé aucun recours de sorte que les OVS la concernant sont régulières.

En conséquence, il n'y a pas eu de violation d'un droit au recours effectif de Candy Hoover contre les OVS d'octobre 2013.

Ce moyen sera écarté.

c) Sur la production d'éléments partiels au soutien de la requête

Il est reproché à l'ADLC de ne pas avoir présenté l'ensemble des éléments à sa disposition et produit que des extraits de scellés visant à justifier la production des annexes n° 4 à 6, manquant à son obligation de loyauté.

L'article L. 450-4 du Code de commerce dispose en son alinéa 2 que " le juge doit vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession du demandeur de nature à justifier la visite. Lorsque la visite vise à permettre la constatation d'infractions aux dispositions du livre IV du présent code en train de se commettre, la demande d'autorisation peut ne comporter que les indices permettant de présumer, en l'espèce, l'existence des pratiques dont la preuve est recherchée ".

Il est constant que les éléments d'information qui doivent être mis à la disposition du JLD sont les éléments utiles et relatifs à la société visée dans l'ordonnance.

S'agissant de l'annexe 4, il est mentionné qu'il s'agit du scellé n° 2 extrait du PV de visite et de saisie en date du 17/10/2013 dans les locaux de Fagor Brandt (cahier de note de M. ...) et l'intitulé de la page indique " Gifam du 10 septembre 2009 " avec des observations concernant plusieurs fabricants dont Candy Hoover (indication " usine fermée 1 semaine sur 4 ").

Concernant l'annexe 5, dans laquelle sont reproduits des extraits du cahier de notes de M. ... saisi dans les locaux de Fagor Brandt, il est indiqué : " Commission GEM du 16 novembre 2011 " " Candy : idem Gifam NOV + Décembre -" et la société Candy apparait dans un tableau intitulé " Relevé Sites Darty-But-Confo mai 2009 " qui intègre également les sociétés Indesit, Whirlpool, Laden, Elux (Electrolux) et BSH. L'analyse de ces éléments permettrait d'en déduire l'existence d'une veille concurrentielle entre les fabricants de produits blancs et la possible existence d'un accord sur des prix de revente aux grandes enseignes de distribution.

L'annexe 6 provient du cahier de notes de M. ... (PV de visite et de saisie du 17/10/2013 dans les locaux de Fagor Brandt) et comporte à plusieurs reprises le terme " black list ", à savoir un des indices laissant apparaitre des pratiques prohibées dans l'ordonnance du JLD de Bobigny de 2013 et, en page 2, l'intitulé Gifam avec des évolutions en pourcentage et des indications à la hausse ou à la baisse concernant les fabricants (dont Candy).

Ces éléments pris en faisceau constituent des éléments des éléments utiles mis à la disposition du JLD.

Enfin, il importait peu d'indiquer que l'ordonnance du JLD de Bobigny avait été contestée.

Dès lors, rien n'autorise la société appelante à affirmer que le JLD s'est affranchi de son obligation d'exercer un contrôle réel et effectif de la requête et de dire que les annexes produites étaient soient tronquées donc inexploitables.

Ainsi, aucun manquement à l'obligation de loyauté ne peut être caractérisé. Ce moyen sera rejeté.

2) l'ordonnance doit être annulée en raison du caractère disproportionné et non motivé du recours aux opérations de visite et saisie

L'article 8 de la CESDH, tout en énonçant le droit au respect de sa vie privée et familiale, est tempéré par son paragraphe 2, qui dispose que " il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

Il convient de rappeler également que l'ADLC n'a pas à rendre compte de son choix de recourir à la procédure, dite lourde, de l'article L. 450-4 du Code de commerce laquelle n'a pas un caractère subsidiaire par rapport aux autres procédures pouvant être utilisées.

Le juge des libertés et de la détention de Paris, qui n'est pas le juge du fond mais le juge de l'autorisation, a relevé dans l'ordonnance, après un examen in concreto des 13 annexes jointes à la requête selon la méthode dite " du faisceau d'indices ", qu'il existait des indices laissant apparaître des faisceaux de présomptions d'agissements prohibés justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d'une visite et de saisies et a ainsi estimé que les pouvoirs de l'article L. 450-3 du Code de commerce étaient en l'espèce insuffisants. En conséquence, il a effectué de fait un contrôle de proportionnalité.

Ce moyen ne saurait prospérer.

3) L'ordonnance doit être annulée en raison de la méconnaissance du standard de preuve applicable

C'est à bon droit que le JLD de Paris n'a pas invoqué la procédure de flagrance, mais a retenu la procédure normale de production d'indices laissant apparaitre une ou plusieurs présomptions de pratiques anticoncurrentielles et délivré une autorisation en vue de rechercher la ou les preuves de ces présomptions d'agissements prohibés.

Sur la production de tous les éléments que l'ADLC avait en sa possession, il a déjà été répondu à ce moyen supra en indiquant que seule la production d'éléments utiles suffisait.

S'agissant de la critique portée à l'encontre de la pièce 5 " cote 838 ", le même raisonnement peut être tenu. En effet, il est constant que les éléments d'information qui doivent être mis à la disposition du JLD sont les éléments utiles et relatifs à la société visée dans l'ordonnance. Ainsi, s'agissant de la société Candy Hoover, il ne serait pas pertinent de produire au JLD signataire de l'ordonnance la copie de l'ensemble des cahiers de notes, en l'espèce ceux saisis dans le bureau du directeur général de Fagor Brandt ou de son directeur commercial, étant précisé que ces cahiers concernent également des sociétés autres que celles visées dans la requête. De même, s'il est produit des tableaux situés à la page 838 d'un document et qui sont relatifs à Candy Hoover, il n'est pas utile de fournir au juge les 837 pages précédentes et les autres pages suivantes.

Ce moyen sera rejeté.

4) L'ordonnance doit être annulée en raison de l'absence de contrôle effectif par le JLD du bien-fondé de la requête et du caractère proportionné de la mesure autorisée

Le juge des libertés et de la détention signataire de l'ordonnance est également destinataire d'une copie numérique de celle-ci, lorsque la requête est déposée au greffe du tribunal. Entre le dépôt et la signature de l'ordonnance, il peut modifier à sa guise le modèle d'ordonnance qui lui est proposé en supprimant des arguments non-pertinents, en les remplaçant par une autre motivation et enfin, peut tout simplement refuser de faire droit à la requête de l'ADLC. En ayant cette possibilité de modifier, de rectifier ou de refuser de délivrer une autorisation, il s'approprie l'autorisation qu'il signe, son rôle ne se limitant pas à une simple mission de chambre d'enregistrement.

Il est précisé que la requête a été présentée le 16 mai 2014 et signée le 21 mai 2014, ce qui a laissé amplement le temps au juge des libertés et de la détention d'examiner la pertinence de la requête, d'étudier les pièces jointes à celle-ci, de vérifier les habilitations et le jour de la signature, de demander aux enquêteurs de l'ADLC toute information pertinente préalablement à la signature de son ordonnance.

Ce moyen sera écarté.

- Les pièces saisies hors du champ de la première ordonnance pendant les premières opérations de visite et saisie ne peuvent être utilisées

Il a déjà été répondu à ce moyen supra, rien n'interdisant d'utiliser des pièces saisies lors d'une première autorisation de visite et de saisie, au soutien d'une seconde autorisation.

Ce moyen ne saurait prospérer.

5) Les présomptions de pratiques anticoncurrentielles à l'encontre de Candy Hoover

Il convient de rappeler que, pour retenir des présomptions simples de pratiques anticoncurrentielles, il n'y a pas lieu d'examiner les éléments produits un par un mais de retenir la méthode de présomptions prises en faisceau, laquelle est beaucoup plus pertinente pour analyser un dossier dans sa globalité et non pas, comme le fait l'appelante, de déterminer si chaque élément présenté a un caractère probant ou non.

Ainsi, s'agissant des présomptions de pratiques anticoncurrentielles pouvant être relevées, il convient de se reporter à l'ordonnance contestée pour retenir l'existence d'un parallélisme de comportement s'agissant de la revente sur internet, lequel émane d'un document contenant un tableau comparatif de différents sèche-linges (cote 838) de marques BSH, Indesit, Candy Hoover, Laden, Whirlpool (marques Whirlpool et Laden) (...) dénommé " relevé sites Darty- But - Confo mai 2009 " saisi dans le bureau de M. Thierry ... sur lequel est inscrit " accord Gifam : pas de 9 kg en-dessous de 600; pas de condenseur en-dessous de 400 " (annexe 5), que l'intitulé " accord Gifam " laisserait à penser qu'un accord a été conclu entre les fabricants de produits " blancs " précités, membres du Gifam (annexe 8), en vue de se coordonner sur la détermination des prix de revente des grandes enseignes spécialisées de détail. De même, les informations sur les prix de revente imposés aux distributeurs internet seraient confortées par la référence à la " black list " dans les notes prises par M. ... de l'entreprise Fagor Brandt (6 à la requête).

Il était fait référence la transmission d'un tableau par M. ..., qui indiquait par courriel en date du 25 janvier 2013 ayant pour objet " catégorie jaune " et concernant la pratique supposée ayant pour objectif de circonscrire la concurrence sur internet (seconde pratique visée par l'ordonnance), notamment à propos de Candy Hoover dans la rubrique commentaires " interdictions partielles et contrôle de certains prix, aucun contact afin de distribuer les références sensibles ", ce tableau étant intitulé " tableau d'évolution des ventes par marques et groupes principaux montrant l'augmentation des contrôles de distribution sur internet fin 2010 et début 2011 " (annexe 12).

Concernant la troisième pratique prohibée consistant en un échange régulier d'informations sensibles au sein du Gifam entre concurrents relatives aux données sur l'évolution de leurs ventes et leurs stratégies commerciales, l'ordonnance relève qu'ainsi, Candy Hoover aurait précisé à la réunion du 10 septembre 2009, d'après les notes prises par M. Thierry ... : " Nouveauté Usine fermée 1 semaine sur 4 ! " (...) (annexe 4); que les notes manuscrites de M. David ..., prises à l'occasion de la réunion du Gifam du 17 novembre 2010, mentionnent les échanges d'informations entre concurrents concernant le mois de novembre 2010, au cours desquels chaque concurrent semble indiquer l'évolution de ses ventes par rapport à la référence que constituent les statistiques agrégées communiquées en début de réunion par le Gifam, qu'il ressort desdites notes que parmi les sociétés participant à cette réunion, Candy Hoover a indiqué une diminution de son " CA " (annexe 6) et qu'à la réunion du 16 novembre 2011, le cahier de M. Thierry ... mentionne pour Candy Hoover " idem Gifam ; Nov. + décembre = " (annexe 5).

Par ailleurs, le fait qu'aucun document joint en annexe n'émane directement de la société Candy Hoover est indifférent. C'est précisément l'objet d'une enquête dite " lourde " de rechercher par la délivrance d'une autorisation de visite et de saisie effectuée dans les locaux de la société visée dans l'ordonnance, des preuves des pratiques prohibées.

Au stade de l'enquête préparatoire, il est demandé au JLD de retenir des présomptions simples d'agissements prohibés étant précisé qu'une seule présomption simple suffit.

Dès lors, c'est à bon droit que le JLD de Paris a relevé des indices laissant apparaître, pris en faisceau, des présomptions de pratiques anticoncurrentielles à l'encontre de la société Candy Hoover et a rendu une ordonnance de visite et de saisie dans ses locaux.

Ce moyen sera écarté.

Enfin aucune considération ne commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : Statuant contradictoirement et en dernier ressort, Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Paris en date du 21 mai 2014 et celle subséquente rendue sur commission rogatoire par le juge des libertés et de la détention de Bobigny le 23 mai 2014. Rejetons toute autre demande, fin ou conclusion. Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile. Disons que la charge des dépens sera supportée par la société Candy Hoover.