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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 7 novembre 2017, n° 16-19504

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Newsmed (SAS)

Défendeur :

La Dépêche Vétérinaire (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

President :

M. Peyron

Conseillers :

Mme Douillet, M. Thomas

Avocats :

Mes Hardouin, Guillemin, Buret, Bertacchini

T. com. Paris, du 12 sept. 2016

12 septembre 2016

Exposé du litige

La société Newsmed, créée en 2012, édite et publie des revues à destination des professionnels de la santé animale, parmi lesquels son hebdomadaire La semaine vétérinaire créé en 1976 qui constitue son titre de référence, à côté du mensuel Le Point vétérinaire et du trimestriel Pratique vétérinaire équine.

La société La Dépêche vétérinaire exerce également son activité sur le marché des annonceurs vétérinaires, éditant un titre éponyme.

Le marché est relativement restreint, la semaine vétérinaire étant diffusée à environ 4 200 exemplaires, tout en étant fortement impactée par la crise économique frappant en particulier les recettes publicitaires qui chutent depuis 2007.

Dans le cadre de sa prospection commerciale, la société La Dépêche vétérinaire a diffusé, en 2014, à l'attention des annonceurs et agences de communication, un document de six pages dénommé " kit média " intitulé " la Dépêche Vétérinaire - Le plus gros punch pour vos campagnes publicitaires ".

Selon la société Newsmed, l'argumentaire développé au sein de ce kit media se fonde sur une exploitation tronquée et fallacieuse des résultats de deux études, l'une réalisée à l'initiative de plusieurs opérateurs du secteur par l'Institut Imago et l'autre par France Vet, et laisse abusivement entendre que La Dépêche Vétérinaire serait l'hebdomadaire le plus performant du secteur des professionnels de la santé animale en termes d'impact, de diffusion, de réception et de lecture.

C'est dans ces circonstances que la société Newsmed a assigné la société La Dépêche vétérinaire, par acte du 1er octobre 2014, devant le Tribunal de commerce de Paris, sur le fondement de l'article 1382 (devenu 1240) du Code civil, aux motifs de publicité comparative illicite et pratiques commerciales trompeuses.

Par un jugement rendu le 12 septembre 2016, le tribunal de commerce a :

dit l'assignation régulière et la société Newsmed recevable en son action, dit que la société La Dépêche vétérinaire s'est rendue coupable d'une faute engageant sa responsabilité en application de l'article 1382 du Code civil, condamné la société La Dépêche vétérinaire à payer à la société Newsmed la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts,

débouté la société Newsmed de ses autres demandes,

débouté la société La Dépêche vétérinaire de toutes ses demandes reconventionnelles,

condamné la société La Dépêche vétérinaire à payer à la société Newsmed la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

condamné la société La Dépêche vétérinaire aux dépens de l'instance.

Le 28 septembre 2016, la société Newsmed a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions numérotées 2 transmises par RPVA le 21 juin 2017, la société Newsmed demande à la cour :

de confirmer le jugement en ce qu'il a :

écarté la demande en nullité de l'assignation,

condamné la société La Dépêche vétérinaire pour avoir généré un trouble

commercial et d'image à son préjudice,

de l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau :

de juger qu'en diffusant un kit media intitulé " La Dépêche Vétérinaire - Le plus gros punch pour vos campagnes publicitaires ", la société La Dépêche vétérinaire s'est rendue coupable de pratiques commerciales trompeuses et de publicité comparative illicite à son encontre, agissements constituant une faute civile incriminable au titre de la concurrence déloyale,

de juger que la diffusion de ce kit media crée un trouble commercial, tant moral que matériel, à la société Newsmed,

de juger qu'en application de l'article L. 131-3 du Code des procédures d'exécution, les astreintes prononcées seront liquidées, s'il y a lieu, par la cour ayant statué sur la présente demande,

de débouter la société La Dépêche vétérinaire de l'ensemble de ses demandes,

de la condamner à lui payer la somme de 120 000 € en réparation de son préjudice, sauf à parfaire,

d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir en sur-couverture de 4 numéros consécutifs de l'hebdomadaire La Dépêche Vétérinaire, à des dates de parution choisies par la société Newsmed, en lettres noires sur fond blanc de type Arial de taille 14 et ce, sous astreinte de 1 500 € par jour de retard, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

d'ordonner l'inscription par extraits de l'arrêt à intervenir sur la page d'accueil du site internet www.depecheveterinaire.com, au sein d'une méga bannière de 980x90 pixels, et ce, pendant une durée de 6 semaines à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1500 € par jour de retard,

de condamner la société La Dépêche vétérinaire à lui payer la somme de 25 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par RPVA le 15 février 2017, la société La Dépêche vétérinaire demande à la cour : de confirmer le jugement en ce qu'il a :

débouté la société Newsmed de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 120 000 € de dommages et intérêts au titre du préjudice prétendument subi,

débouté la société Newsmed de sa demande d'interdiction de la diffusion de son kit media intitulé " La Dépêche Vétérinaire - Le plus gros punch pour vos campagnes publicitaires ",

débouté la société Newsmed de sa demande de la publication du jugement à intervenir en sur couverture de 4 numéros consécutifs de La Dépêche Vétérinaire,

débouté la société Newsmed de sa demande de publication du jugement sur le site Internet de la société La Dépêche vétérinaire,

d'infirmer le jugement en ce qu'il :

a retenu la validité de l'assignation du 15 octobre 2014,

l'a condamnée au paiement à la société Newsmed de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 1382 du Code civil et de celle de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

en tout état de cause :

de condamner la société Newsmed à lui verser la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

de condamner la société Newsmed à publier la décision à intervenir en sur couverture d'un numéro de " La Semaine Vétérinaire ", dans le mois qui suit le " jugement, en lettres noires sur fond blanc de type Arial de taille 14, et ce, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard, ainsi que sur le site Internet www.lepointveterinaire.fr au sein d'une méga bannière, dans le mois suivant le " jugement ", pendant une durée de 6 jours, et ce, sous astreinte de 1500 € par jour de retard.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 septembre 2017.

Motifs de l'arrêt

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées ;

Sur la validité de l'assignation de la société Newsmed

Considérant que la société La Dépêche vétérinaire poursuit la nullité de l'assignation de la société Newsmed au motif qu'elle ne permettrait pas d'identifier l'organe représentant cette dernière ;

Considérant qu'en application de l'article 648 du Code de procédure civile, tout acte d'huissier de justice indique, si le requérant est une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente, ces mentions étant prescrites à peine de nullité ;

Considérant qu'il est constant que l'assignation délivrée le 1er octobre 2014 par huissier de justice à la société La Dépêche vétérinaire mentionne : " la société Newsmed, société par action simplifiée à associé unique, au capital de 50 000 euros, immatriculée en RCS de Paris sous le numéro B 790007983, dont la siège social se situe 17 rue Tronchet 75008 Paris, agissant poursuite et diligences de son Président, domicilié en cette qualité audit siège " sans désigner nommément le président de la société Newsmed ;

Que cependant la mention du nom de la personne physique qui exerce les pouvoirs de représentant n'est pas exigée ;

Qu'en outre, conformément à l'article 114 du Code de procédure civile, la nullité pour omission de l'une des mentions exigées pour la désignation du requérant n'est encourue que si le destinataire établit que le vice lui cause un grief ; que ce grief n'est nullement établi en l'espèce, la société intimée se bornant à affirmer que la société Newsmed fait preuve d'opacité ;

Considérant, en conséquence, que le jugement infirmé sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de l'assignation présentée par la société La Dépêche vétérinaire et dit cette assignation régulière et la société Newsmed recevable en son action ;

Sur le fond

Sur les pratiques commerciales trompeuses et la publicité comparative illicite constitutives d'actes de concurrence déloyale

Considérant que la société Newsmed, se prévalant d'un rapport établi par la société MMZ Conseil, soutient que le kit media diffusé par la société La Dépêche vétérinaire est non seulement trompeur et de nature à altérer de façon substantielle le comportement économique de ses destinataires et à les induire en erreur, mais qu'il repose également, pour certaines informations qu'il véhicule, sur des méthodes de comparaison totalement subjectives, des données non vérifiables, non pertinentes ou inexactes ;

Que la société La Dépêche vétérinaire plaide, en s'appuyant sur un rapport établi par M. Poujol, l'absence de pratiques commerciales illicites, faisant valoir, en substance, que l'utilisation qu'elle a faite du rapport Imago était parfaitement licite et que la société Newsmed recourt à des pratiques commerciales similaires à celles qu'elle lui reproche;

Considérant que l'article L. 121-1 du Code de la consommation (L. 120-1 avant la refonte du Code de la consommation entrée en vigueur le 1er juillet 2016) dispose : " Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.

Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service.

(...).

Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 (...) " ;

Que l'article L. 121-2 (précédemment L. 121-1 I) du même code précise que :

" Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :

1° lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d'un concurrent ;

2° lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :

a) l'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;

b) les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service (...) ;

Considérant, par ailleurs, que l'article L. 122-1 (précédemment L. 121-8) du même code dispose :

Toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n'est licite que si :

1° Elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ;

2° Elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ;

3° Elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie " ;

Considérant que les griefs de la société Newsmed portent sur les argumentaires et éléments suivants figurant dans le " kit media " diffusé par la société La Dépêche vétérinaire :

1- L'argumentaire " Titre n° 1 en notoriété spontanée, tous les titres de la presse vétérinaire confondus "

Considérant que la société Newsmed fait valoir que s'il est exact, au regard des résultats de l'étude Imago, que la société La Dépêche vétérinaire bénéficie d'un taux de notoriété spontanée supérieur à ses concurrents (90 % contre 84 % pour La Semaine Vétérinaire), elle a cependant occulté le taux de notoriété " top of mind " qui est beaucoup plus exigeant, et donc représentatif, en termes de notoriété et qui est seulement de 26 % pour elle (contre 39 % pour La Semaine Vétérinaire), différence beaucoup plus importante et significative en langage statistique, où la significativité d'un résultat est "un indice fixe qui implique qu'il est improbable que le résultat soit dû à un hasard", alors qu'un résultat est dit "non significatif lorsqu'il est si peu important qu'il peut être dû à un aléa d'échantillon" ; qu'elle ajoute que l'institut Imago n'a relevé, dans son étude, aucun écart significatif entre les taux respectifs de 90 % et 84 % concernant La Dépêche Vétérinaire et La Semaine Vétérinaire, concluant que les deux titres sont sans conteste " les plus présents à l'esprit, La Semaine Vétérinaire étant toutefois plus souvent citée en 1er " ;

Que la société La Dépêche Vétérinaire répond notamment qu'elle était en droit de ne pas faire figurer les données relatives au " Top of mind " de l'étude Imago et de sélectionner les données qui lui étaient les plus favorables, sans pour autant travestir la réalité, l'argumentation de l'appelante relative à des notions de langage statistique étant non pertinentes, alors que le kit media s'adresse à des professionnels de la publicité ;

Considérant qu'il est constant qu'au regard des résultats de l'étude Imago, la société La Dépêche Vétérinaire bénéficie d'un taux de notoriété spontanée supérieur à ses concurrents (90 % contre 84 % pour La Semaine Vétérinaire) ; que l'affirmation contestée n'est donc pas inexacte en soi, même si la société Newsmed en conteste la pertinence d'un point de vue statistique ;

Que, par ailleurs, le kit media diffusé par la société La Dépêche vétérinaire est destiné, non pas aux vétérinaires comme l'a retenu le tribunal, mais aux annonceurs qui sont des professionnels de la publicité et du marketing et dont on peut raisonnablement penser qu'ils sont coutumiers du fait que les opérateurs économiques qui s'adressent à eux ont tendance à mettre en avant des informations qu'ils jugent les plus avantageuses et qu'ils se reporteront à l'enquête Imago à laquelle le kit litigieux fait expressément référence et qui est d'ailleurs citée en bas de la page sur laquelle figure l'argumentaire incriminé ;

2- L'argumentaire " La meilleure diffusion - Premier titre payant reçu par les vétérinaires "

Considérant que la société Newsmed fait valoir que la société La Dépêche vétérinaire manipule ici le destinataire du kit en le trompant sur les réelles performances de son hebdomadaire, en mélangeant volontairement deux notions totalement distinctes : la réception et la diffusion ; qu'elle explique qu'à lire le slogan, on comprend que La Dépêche Vétérinaire représenterait la majorité des achats/abonnements auxquels souscrivent les vétérinaires, ce qui est faux puisque l'étude Imago enseigne que parmi les vétérinaires qui reçoivent la presse spécialisée, La Dépêche Vétérinaire n'est que le 6e titre en termes d'abonnement payant avec 57 %, loin derrière Le Point Vétérinaire et La Semaine Vétérinaire qui représentent respectivement 84 % et 74 % ;

Que la société La Dépêche vétérinaire répond notamment que la donnée contestée est parfaitement exacte puisque son titre bénéficie d'un taux de réception de 78 %, étant dépassé seulement par une revue gratuite ;

Considérant que la société La Dépêche vétérinaire justifie que l'étude Imago la classe en deuxième position (en pourcentage de " oui ") au titre des résultats correspondant à la question " Recevez-vous les revues suivantes " [suivent 12 titres de la presse du secteur concerné] ; que la société Newsmed se prévaut vainement des résultats correspondant à la question " Recevez-vous gratuitement ou sur abonnement payant... " posée au panel interrogé, au titre desquels La Dépêche Vétérinaire arrive effectivement en 6e position seulement, puisque l'affirmation contestée ne concerne que les titres payants ; que l'affirmation contestée ne vise pas les abonnements ; que la société La Dépêche Vétérinaire n'est pas illégitime, par ailleurs, à passer sous silence le fait que L'Essentiel, qui est une parution gratuite, arrive en première position pour le taux de réception ;

Que la société Newsmed argue que la notion de " diffusion " est une notion très encadrée, relevant exclusivement de l'association pour le contrôle de la diffusion des media (OJD), organisme de référence en matière de certification de la diffusion et de la distribution de la presse qui contrôle et garantit que le nombre de journaux ou magazines imprimés puis diffusés (de manière gratuite et/ou payante) correspond effectivement aux chiffres revendiqués auprès du public ; qu'est produite une lettre en date du 21 septembre 2015 adressée à la société La Dépêche vétérinaire par l'OJD, dans laquelle cette dernière rappelle à l'intimée qu'elle ne peut utiliser le terme " diffusion " dans un sens générique et lui demande d'apporter, en tant que membre de l'OJD, les rectifications qui s'imposent dans sa communication ; que cependant, dans l'argumentaire litigieux, l'utilisation générique du terme " diffusion " est précisée par la mention " Premier titre payant reçu par les vétérinaires " qui se réfère expressément à la notion de " réception " et il n'est pas contesté que la société La Dépêche vétérinaire a modifié la formulation de son nouveau kit media et remplacé le mot " diffusion " par le terme " réception " ;

3 - L'argumentaire " Une visibilité optimale de vos publicités - Premier titre lu par les vétérinaires "

Considérant que la société Newsmed fait valoir que la société La Dépêche vétérinaire revendique être le titre le plus lu par les vétérinaires alors que cela ne ressort nullement de l'étude Imago qu'elle cite pourtant à titre de source ;

Considérant que la société La Dépêche vétérinaire justifie cependant qu'elle s'est appuyée sur des données Imago concernant exclusivement le taux de lecture dernière période (LDP) qui la font apparaître comme ayant obtenu le taux le plus élevé (47 %) à la question posée : " Au cours des 7 derniers jours, avez-vous lu les hebdomadaires suivants " ;

Que la société Newsmed oppose alors qu'elle ne pouvait avoir connaissance de ces données, s'agissant d'une annexe du rapport Imago élaborée à l'attention exclusive de la société La Dépêche Vétérinaire et que les dispositions du Code de la consommation relatifs à la publicité comparative exigent une comparaison des caractéristiques des produits ou services vérifiables, ce qui implique que la source des informations soit indiquée sans ambiguïté sur le document ; que cependant, comme il a été dit, les consommateurs visés par le kit media litigieux sont des annonceurs qui sont des professionnels de la publicité qui s'intéresseront à la source des informations diffusées ;

Que l'appelante observe que la question posée au panel interrogé ne concernait pas les titres mais seulement les hebdomadaires ; que toutefois, l'intimée produit un courriel en date du 3 novembre 2015 de l'Institut Imago qui précise : " (...) La LDP est à ma connaissance une construction établie à partir de la DDL (date de dernière lecture), en regroupant pour un hebdomadaire tous les lecteurs ayant communiqué une date de lecture inférieure à 8 jours, pour un mensuel tous les lecteurs ayant communiqué une date de lecture inférieure ou égale à 1 mois etc. Votre question permet une approche plus simple et intuitive, en demandant directement au vétérinaire s'il a lu les titres au cours des 7 derniers jours (...) " ; qu'en outre, il est constant que la société La Dépêche Vétérinaire a modifié son nouveau kit media, indiquant désormais " l'hebdomadaire le plus lu en dernière période " ;

4- L'argumentaire " Plus long temps de lecture moyen des 3 hebdomadaires, plus long temps de lecture par page "

Considérant que la société Newsmed fait valoir, en premier lieu, que La Dépêche Vétérinaire revendique le " plus long temps de lecture " par rapport à ses concurrents alors qu'il n'est supérieur, sur un temps de lecture d'environ 30 minutes, que d'une minute par rapport à " La Semaine Vétérinaire ", ce qui n'est pas significatif d'un point de vue statistique, l'Institut Imago n'ayant d'ailleurs pas établi de différence entre les deux titres en indiquant " La Dépêche vétérinaire et La Semaine bénéficient d'un temps moyen de lecture très légèrement supérieur à celui de L'Essentiel " ; qu'en second lieu, l'appelante soutient que l'affirmation relative au temps de lecture par page n'est pas pertinente puisque le nombre de pages est grossièrement évalué et que le temps de lecture par page dépend d'autres variables telles que le type et la taille de la police, le format des pages, la présence ou non d'images... ;

Que la société La Dépêche Vétérinaire soutient que la formule est exacte ;

Considérant que la société La Dépêche Vétérinaire arrive en tête (27 minutes) dans l'étude Imago dans les réponses à la question " En moyenne, combien de temps consacrez-vous à la lecture des hebdomadaires suivants " devançant de peu sa concurrente La Semaine Vétérinaire (26 minutes) ; que cette différence, fût-elle minime, rend légitime l'utilisation de l'argumentaire reproché, nonobstant le caractère prétendument non significatif de la différence en matière de statistiques, étant observé que dans sa communication publicitaire, chaque opérateur cherche inévitablement à se distinguer en mettant en avant les informations qui sont les plus avantageuses pour lui, ce qui n'est pas contraire, en soi, aux usages loyaux du commerce ; qu'il est par ailleurs rappelé que le public visé est ici constitué de professionnels de la publicité à même de se reporter à l'étude Imago citée sur la page même de la formule litigieuse et de relativiser la position de la société La Dépêche Vétérinaire par rapport à sa concurrente la plus proche ;

Qu'en ce qui concerne le temps de lecture par page, la société Newsmed explique que lorsqu'on divise le temps de lecture par le nombre de pages (20 pages pour La Dépêche Vétérinaire, 22 pages et demi pour L'Essentiel et 28 pages pour La Semaine Vétérinaire), elle obtient le plus haut score ; que cette présentation n'est pas fausse en soi, d'un point de vue mathématique, et les considérations développées ci-dessus quant au temps de lecture moyen peuvent lui être intégralement appliquées ;

5- L'argumentaire " Un impact fracassant ! Premier titre payant en " impact " (= taux de réception x lecture systématique) "

Considérant que la société Newsmed, se fondant sur le rapport MMZ, fait valoir que la société La Dépêche Vétérinaire a repris une formule imaginée par l'Institut Imago qui ne possède aucune validité et/ou reconnaissance sur le marché et ne renvoie pas à la définition habituelle de la notion d'impact en marketing ; qu'elle soutient qu'en détournant la notion d'impact de sa définition courante, et en lui associant une formule de calcul inexacte, la société La Dépêche Vétérinaire joue volontairement sur ces approximations afin d'induire le lecteur en erreur ;

Que la société La Dépêche vétérinaire rétorque qu'elle est transparente quant à la méthode de calcul utilisée et qu'en multipliant son taux de réception de 78 % par son taux de lecteurs réguliers de 68 %, elle obtient le taux d'impact le plus élevé ;

Considérant que la société La Dépêche vétérinaire produit un courriel émanant de l'Institut Imago du 3 novembre 2015 duquel il ressort que la méthode retenue par elle est " envisageable " mais qu'il existe d'autres indicateurs ; que l'intimée fait valoir à juste raison que la méthode litigieuse est expressément explicitée, de sorte que les destinataires du support, des professionnels de la publicité, sont mis en mesure de prendre tout le recul nécessaire pour l'analyser et en apprécier la pertinence, peu important, par conséquent, que cette méthode ne soit pas celle utilisée habituellement en marketing ; qu'il est au surplus observé que le terme "impact" est entre guillemets ;

6 - L'argumentaire Premier sur les résultats d'impact de la campagne France Vet' et les informations des pages 3 et 4 du kit media

Considérant que la société Newsmed fait valoir que la présentation confuse du kit media ne permet pas au lecteur de déterminer clairement l'architecture et l'ordre de lecture de la plaquette, s'agissant en particulier des informations relatives à la campagne France Vet figurant en pages 2, 3 et 4, et qu'en tout état de cause, les références sont incomplètes pour permettre au lecteur d'accéder facilement à la source et de vérifier l'exactitude des informations et la fiabilité de l'étude ; qu'elle ajoute que les messages véhiculés sont trompeurs, le kit ne mentionnant pas les questions posées ayant permis de conclure sur " l'impact " de La Dépêche Vétérinaire ;

Que l'intimée, s'appuyant sur le rapport Poujol, répond que l'appelante procède par photomontage à partir de la plaquette litigieuse pour faire apparaître une ambiguïté qui n'existe pas et que les données litigieuses sont fidèles aux informations transmises par France Vet ;

Considérant que l'argumentaire " Premier sur les résultats d'impact de la campagne France Vet " figurant en bas de la page 2 renvoie à la campagne France Vet effectuée en décembre 2012 et janvier 2013 comme précisé grâce à un astérisque en bas de page ; que les pages 3 et 4 de la plaquette concernent respectivement " Le choix payant sur la canine " et " La référence en rurale " ; que le bas des pages 3 (" Mesure d'impact de la campagne France Vet - Méthode ") et 4 (" Résultats ") explicite l'argumentaire précité " Premier sur les résultats d'impact de la campagne France Vet " ; que la société Newsmed ne démontre pas que les informations données en " Résultats " soient fausses par rapport aux informations transmises par France Vet (pièce 21 de l'intimée) ; que la société La Dépêche vétérinaire justifie que les données figurant dans le corps des pages 3 et 4 (" Premier titre payant reçu par les vétérinaires canins et mixtes canins ", " Premier titre payant lu par les vétérinaires canins et mixtes canins ", " Plus long temps de lecture par page "...) sont tirées des annexes du rapport Imago (ses pièces 18 à 20) ; qu'à ce titre, ces données sont vérifiables et accessibles pour les professionnels de la publicité et du marketing auxquels s'adresse le kit litigieux ;

7- Les tableaux récapitulatifs de la page 5 du kit média

Considérant que la société Newsmed fait valoir que dans ces tableaux, la société La Dépêche Vétérinaire associe abusivement, parmi d'autres inexactitudes, le terme " pénétration " à " taux de réception " et l'acronyme " LDP " à " taux de lecture " ;

Considérant cependant que la société La Dépêche vétérinaire justifie que les données du tableau sont issues des annexes du rapport Imago (ses pièces 18 à 20) ; que la formule " Taux de réception = pénétration " permet au lecteur du kit, professionnel de la publicité, de se faire une opinion sur la pertinence de cette affirmation quand bien même la notion de " pénétration " aurait une signification autre dans le domaine des médias et de la publicité ; qu'il en est de même de la formule " Taux de lecture (LDP) " ; que les critiques relatives aux notions de " taux de lecture " et de " temps de lecture/page " seront écartées pour les raisons exposées supra ;

Considérant que pour l'ensemble des raisons qui viennent d'être exposées, les argumentaires, informations et présentations contestés n'apparaissent pas susceptibles de contrevenir aux dispositions précitées, étant observé qu'à l'occasion de cette instance, la société La Dépêche Vétérinaire adresse à sa concurrente Newsmed des reproches concernant des pratiques commerciales similaires à celles qui viennent d'être examinées ;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Newsmed de ses demandes formées du chef des pratiques commerciales trompeuses et de la publicité comparative illicite ;

Sur le non-respect par la société La Dépêche vétérinaire des prescriptions de l'Institut Imago

Considérant que, comme l'ont retenu à juste raison les premiers juges, la société La Dépêche Vétérinaire a indûment fait figurer dans les tableaux de la page 5 de son kit media des initiales permettant d'identifier facilement ses concurrents (DV pour Dépêche vétérinaire, SV pour Semaine vétérinaire, E pour Essentiel) ; qu'à la page 3 du kit est utilisée en outre la mention " Campagne presse identique sur les 3 hebdomadaires (Dépêche vétérinaire, Semaine vétérinaire, Essentiel) " ; que la société La Dépêche Vétérinaire n'était toutefois pas autorisée par l'Institut Imago à citer ses concurrents ;

Que dans un courrier du 16 mai 2014 à la société Newsmed, l'Institut Imago précise en effet:

" Votre courriel du 28 avril accompagné de la photocopie d'une plaquette commerciale éditée par la Dépêche Vétérinaire a retenu toute notre attention. Concernant l'usage des résultats du tronc commun de notre étude en souscription consacrée à l'impact et à la perception de la presse professionnelle vétérinaire. Les mêmes règles prévalent naturellement à l'égard de l'ensemble de notre clientèle : le rapport est remis aux adhérents souscripteurs pour leur usage propre et toute publication totale ou partielle des résultats est formellement subordonnée à un accord écrit préalable de notre part, dans ce contexte. Nous avons toujours accepté que les éditeurs de presse clients de l'enquête publient les résultats obtenus par leurs titres à condition de ne jamais citer de titres concurrents (...) " ;

Qu'il est constant que le kit média litigieux n'a été diffusé qu'auprès d'annonceurs et que dans son nouveau kit media, la société La Dépêche vétérinaire ne nomme plus ses concurrents ;

Que cependant le non-respect des prescriptions de l'Institut Imago par la société La Dépêche Vétérinaire a entraîné pour la société Newsmed un trouble commercial et d'image du fait de l'avantage concurrentiel que s'est ainsi indûment octroyé l'intimée en faisant apparaître sa concurrente comme moins performante ; que les premiers juges ont procédé à une exacte appréciation de ce préjudice en octroyant à la société Newsmed la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts ;

Que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Sur la publication de la décision

Considérant que les circonstances de l'espèce ne rendent pas nécessaire la mesure de publication sollicitée ;

Que le jugement sera confirmé sur ce point également et les demandes présentées en appel de ce chef rejetées ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Considérant que la société Newsmed qui succombe en son recours sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées ;

Que l'équité ne commande pas de faire droit à la demande de la société La Dépêche Vétérinaire formée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne la société Newsmed aux dépens d'appel, Déboute la société La Dépêche vétérinaire de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile.