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Décisions

Cass. 1re civ., 8 novembre 2017, n° 16-23.005

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Avocats :

Me Le Prado, SCP Rousseau, Tapie

Grenoble, du 28 juin 2016

28 juin 2016

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 28 juin 2016), que, le 14 mars 2009, M. X (l'acquéreur) a acquis de M. Y (le vendeur) un bateau de plaisance ayant fait l'objet d'une expertise préalable réalisée, en présence du vendeur, par le Centre méditerranéen d'expertises et diagnostics (CMED) ; que, le 8 juillet 2009, le bateau a subi une voie d'eau ; que l'acquéreur a sollicité une mesure d'expertise judiciaire et assigné le vendeur en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés ;

Sur le premier moyen : - Attendu que le vendeur fait grief à l'arrêt de prononcer la résolution de la vente et de le condamner à restituer le prix de vente, alors, selon le moyen : 1°) que, suivant l'article 1642 du Code civil, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même ; que, pour retenir que le vice était caché, la cour d'appel a énoncé que l'acquéreur, si son attention a été attirée sur l'existence d'un problème ponctuel de corrosion, n'était pas en mesure de percevoir le vice dans toute son importance, de sorte que celui-ci était caché à ses yeux ; que, si, dans son rapport, l'expert judiciaire concluait que " le cratère, origine de la perforation, ne pouvait en aucune manière être constaté sans les travaux importants que demande la dépose du lest ", il précisait que " le rapport du CMED indiquait que des tôles sous le niveau de la flottaison (puits de dérive) étaient affectées par électrolyse et que ce rapport précise qu'une surveillance est nécessaire pour vérifier qu'il n'y pas d'évolution rapide du phénomène avant l'intervention de toute façon nécessaire, ce point [étant] marqué par un signe "panneau de signalisation de danger" " ; que l'expert concluait encore que " plusieurs zones visibles des fonds montrant des cratères dus à un phénomène électrolytique (à différents degrés de développement), ainsi que la présence d'enduit grossier sur les fonds avant tribord, qui date d'avant novembre 2008, devaient faire craindre que des fonds non visibles également attaqués par l'électrolyse " ; qu'il concluait également que " les traces d'humidité sur le puits de dérive (déjà visibles en novembre 2008), démontrent que les fonds de ce navire ont été couverts d'eau dans le passé " ; qu'en s'abstenant de rechercher s'il ne s'inférait pas de ces conclusions expertales, jointes à celles du rapport du CMED, et invoquées par le vendeur que le vice était connu, en ce compris son évolution prévisible, par l'acheteur, au moment de la vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ; 2°) que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que, pour retenir que le vice était caché, la cour d'appel a énoncé que s'il est exact que le CMED a attiré l'attention du futur acquéreur sur l'existence de traces de corrosion et a préconisé une intervention sur celles-ci, il est également souligné le bon état du bateau ainsi qu'une épaisseur constante de la coque dans les quatre secteurs évalués et que les termes employés présentent une certaine ambiguïté puisqu'il n'est pas retenu de danger immédiat, le bateau étant déclaré apte à naviguer sous réserve de la vérification de l'évolution du problème d'électrolyse ; que, pourtant, le rapport du CMED concluait : " Ce bateau est en bon état d'entretien général, en bon état mécanique et apte à naviguer sous réserve de l'exécution des travaux ci-dessus et du strict respect de toutes les réglementations en vigueur ", lesdits travaux étant notamment, suivant les recommandations du CMED : " Eliminer les traces d'électrolyse " ; qu'en statuant comme elle l'a fait, cependant que l'expertise du CMED conditionnait l'aptitude à la navigation du navire à la réalisation de travaux d'élimination des traces d'électrolyse, la cour d'appel, qui l'a dénaturé, a violé l'article 1134 du Code civil ; 3°) que, suivant l'article 1642 du Code civil, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même ; que, dans ses écritures d'appel, le vendeur a invoqué les motifs du jugement suivant lesquels : " Si l'existence de la perforation de la coque ne peut être affirmée avec certitude au jour de la vente, compte tenu de la voie d'eau qu'elle entraîne alors que le bateau a navigué pendant le mois suivant son acquisition, à tout le moins doit-il être considéré que ce vice se trouvait en germe à cette date, la structure étant alors déjà affectée par une corrosion visible ayant déjà entamé une réduction de l'épaisseur des tôles, comme le notait le CMED en page 6 de son rapport " ; que le rapport du CMED, invoqué par le vendeur comporte les constatations suivante : " Nous trouvons des traces de corrosion sur une tôle de maintien du lest sous le plancher de la cuisine et des cavités de type électrolytiques sur le puits de dérive dans la zone de l'axe de dérive. En l'état, il ne semble pas qu'il y ait danger immédiat avec des cavités de 2 mm maxi dans une tôle de 5 mm. Une surveillance est nécessaire pour vérifier qu'il n'y a pas d'évolution rapide du phénomène avant l'intervention de toute façon nécessaire ", assorties du signal "panneau de signalisation de danger" ; que l'expert judiciaire relevait : " Le rapport CMED attirait l'attention sur la menace potentielle d'infiltration d'eau par les flancs du puits de dérive et était donc alarmant sur ce point. Cette observation n'a pas été prise en considération par l'acheteur " ; que diverses constatations du rapport d'expertise judiciaire, rapportées par le vendeur, établissaient la visibilité de l'électrolyse ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces éléments, établissant que le vice, dans toute son étendue, était décelable au moment de la vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ; 4°) que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motivation ; que, dans ses écritures d'appel, le vendeur a invoqué les constatations du CMED, suivant lesquelles " une surveillance est nécessaire pour vérifier qu'il n'y a pas d'évolution rapide du phénomène avant l'intervention de toute façon nécessaire " ; qu'il invoquait encore celles de l'expert judiciaire, suivant lesquelles : " le rapport CMED attirait l'attention sur la menace potentielle d'infiltrations d'eau par les flancs du puits de dérive et a été donc alarmant sur ce point ", " il est surprenant qu'aucune intervention n'ait été diligentée après l'observation des pertes d'épaisseur de tôle de 40 % sous le niveau de la flottaison ", " une perte d'épaisseur de 20 % demande une intervention sans délai " et que " dès lors que le rapport CMED indiquait des réparations de toute façon nécessaires (des cratères de 40 % d'épaisseur de la tôle sous le niveau de la flottaison) le navire aurait dû être mis en chantier dès l'achat en 2009 pour réparation de ces tôles " ; qu'il ajoutait que le CMED avait préconisé des travaux de suppression des traces d'électrolyse, conditionnant l'aptitude à naviguer du navire ; qu'il invoquait le défaut d'exécution par l'acheteur de ces travaux, constaté par l'expert judiciaire, lequel, en particulier a considéré que " dès lors que le rapport CMED indiquait les réparations de toute façon nécessaire (des cratères de 40 % de l'épaisseur de la tôle sous le niveau de la flottaison), le navire aurait dû être mis en chantier dès l'achat en 2009 pour réparation de ces tôles " et que " lors de cette réparation du puits de dérive, il est manifeste que le chantier aurait attiré l'attention de M. X sur la présence d'un nombre non négligeable de chancres sur les tôles des fonds (déjà visibles en 2008) et nous pouvons imaginer que la remise en état de ces tôles aurait été effectuées à cette même occasion " ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ces éléments propres à établir la responsabilité de l'acheteur dans la survenance du défaut qu'il avait dénoncé, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 5°) que, suivant l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ; que, dans ses écritures d'appel, le vendeur a fait valoir que le vice invoqué par l'acheteur était lié à l'usure normale du navire en aluminium et était facilement réparable, sans en compromettre l'usage, l'expert judiciaire ayant chiffré le coût de la réparation à la somme de 3 800 euros ; qu'en prononçant cependant la résolution de la vente, sans se prononcer sur ces chefs de conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;

Mais attendu que l'arrêt relève qu'il ressort de l'expertise du CMED, dont les termes présentent une certaine ambiguïté, que le bateau était en bon état mécanique et en bon état d'entretien général, qu'il ne semblait pas présenter de danger immédiat et était apte à naviguer, sous réserve de l'élimination des traces d'électrolyse présentes sur une tôle de maintien du lest et sur le puits de dérive, ainsi que du strict respect de toutes les réglementations en vigueur, et qu'une surveillance était nécessaire afin de vérifier une évolution trop rapide du phénomène avant toute intervention, de toute façon nécessaire ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a souverainement estimé que, si l'attention de l'acquéreur avait été attirée sur l'existence d'un problème ponctuel de corrosion au moment de la conclusion de la vente, il ne s'était pas trouvé, en revanche, en mesure de percevoir le vice dans toute son importance, de sorte que ce dernier revêtait, à cette date, le caractère d'un vice caché ; qu'elle a ainsi, sans dénaturer le rapport de l'expert du CMED, et répondant aux conclusions du vendeur, légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé : - Attendu que le vendeur fait grief à l'arrêt de le condamner à reprendre possession du bateau à ses frais et en l'état, en son stationnement actuel ;

Attendu qu'après avoir prononcé la résolution de la vente du bateau, l'arrêt énonce que les frais de transport de celui-ci jusqu'à Saint-Malo n'ont pas à être pris en charge, son stationnement pouvant être maintenu à Port Saint-Louis ; que la cour d'appel, qui a fait ressortir que la restitution du bateau par l'acquéreur, au lieu de son stationnement, satisfaisait à l'obligation de la remise des parties en l'état où elles se trouvaient avant la vente, a pu en déduire que le vendeur pouvait en reprendre possession en ce lieu et à ses frais ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé : - Attendu que le vendeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à l'acquéreur la somme de 3 717,83 euros au titre des frais d'assurance et de conservation du voilier ;

Attendu qu'ayant relevé que le vendeur soutenait que les désordres affectant le bateau étaient connus avant la vente, la cour d'appel, qui a fait ressortir que le vendeur n'ignorait pas les vices de la chose vendue, a pu décider qu'il devait payer à l'acquéreur les frais par lui exposés pour assurer et conserver le bateau ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.