CA Versailles, 14e ch., 9 novembre 2017, n° 17-00923
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Multipass (SAS)
Défendeur :
Smartbox Group Limited (Sté), Smartbox Group (Sasu) , Dakota Éditions (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bouvier
Conseillers :
Mmes Grison-Pascail, Soulmagnon
Faits et procédure,
Les sociétés concurrentes Multipass SAS (la société Multipass) et Smartbox group ltd (la société Smartbox) ont pour activité la commercialisation de coffrets contenant des "chèques-cadeaux", échangeables contre un panel d'activités et de prestations négociées auprès de divers partenaires commerciaux.
Les produits de la société Multipass sont dénommés " Wonderbox" ; ceux de la société Smartbox, " Smartbox ".
En octobre 2015, la société Smartbox a acquis la marque " Dakotabox " et a commercialisé les coffrets Dakotabox aux côtés des produits Smartbox.
Au début de l'année 2016, la société Multipass a mis à jour sa charte graphique. Ces nouvelles éditions ont été présentées aux revendeurs à compter de mai 2016.
Quelques semaines plus tard, la société Smartbox a introduit sur le marché de nouvelles éditions des coffrets " Dakotabox ", après en avoir modifié le " packaging " (format, conditionnement, charte graphique) ainsi que les intitulés thématiques.
Estimant que la société Smartbox se livrait à des actes de concurrence déloyale, dans le cadre d'une stratégie délibérée, en commercialisant des coffrets Dakotabox similaires à ses coffrets Wonderbox, la société Multipass a déposé le 7 octobre 2016 devant le président du Tribunal de commerce de Nanterre une requête fondée sur les dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile aux fins de désignation d'un huissier de justice chargé de se rendre dans les locaux des sociétés Smartbox Group France et Dakota Editions et de prendre copie de " l'ensemble des correspondances électroniques envoyées ou reçues par tout employé, salarié, prestataire et/ou dirigeant des deux sociétés, entre le 1er octobre 2015, date du rachat de la marque Dakotabox et la date d'exécution de la mesure, comportant l'un ou plusieurs des mots clés définis ".
Par une ordonnance du 11 octobre 2016, le juge des requêtes a accueilli la demande en ordonnant le séquestre des documents appréhendés.
Les opérations de constat ont été réalisées le 4 novembre 2016.
En parallèle et afin de mettre un terme aux agissements de sa concurrente, la société Multipass a saisi le 13 octobre 2016 le juge des référés du Tribunal de commerce de Nanterre afin de voir ordonner la cessation sous astreinte de la commercialisation des coffrets Dakotabox et obtenir le paiement d'une provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.
Par un arrêt du 18 mai 2017, cette cour a infirmé l'ordonnance rendue le 9 novembre 2016 ayant débouté la société Multipass de ses prétentions, a fait interdiction à la société Smartbox Group Ltd de mettre sur le marché la nouvelle édition des coffrets cadeaux commercialisés sous la marque Dakotabox, a ordonné en conséquence à la société Smartbox de retirer du marché l'intégralité des nouvelles éditions de ces coffrets cadeaux, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, un mois après la signification de l'arrêt, pendant quatre mois, a dit n'y avoir lieu à publication d'un communiqué et a condamné la société Smartbox à payer à la société Multipass la somme de 10 000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice.
Un pourvoi a été formé contre cet arrêt.
Par assignation délivrée le 21 novembre 2016, les sociétés Smartbox Experience limited et Group France et la société Dakota Editions ont sollicité la rétractation de l'ordonnance rendue sur requête.
Par ordonnance du 27 janvier 2017, le juge de la rétractation du Tribunal de commerce de Nanterre a :
- débouté la société Multipass de nom commercial " Wonderbox " de sa demande en nullité de l'acte introductif d'instance ;
- rétracté partiellement l'ordonnance rendue le 11 octobre 2016 et réduit le champ de la mesure sollicitée à la saisie et au séquestre dans les conditions posées par l'ordonnance attaquée des courriers électroniques reçus ou émanant des salariés ou employés en charge de l'élaboration de la charte graphique ;
- enjoint à l'huissier de justice en charge du séquestre de rendre aux sociétés Smartbox Expérience Limited et Smartbox Group France l'ensemble des autres courriers électroniques saisis ;
- débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné la société Multipass aux dépens.
Par déclaration du 31 janvier 2017, la société Multipass a relevé appel de cette décision.
Par déclaration séparée du 9 février 2017, les sociétés Smartbox et Dakota ont également relevé appel de l'ordonnance du 27 janvier 2017.
Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 22 mai 2017.
Aux termes de ses dernières conclusions reçues au greffe le 23 juin 2017, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens soulevés, la société Multipass demande à la cour :
- d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a débouté la société Multipass de sa demande de nullité de l'acte introductif d'instance qui lui a été signifié le 21 novembre 2016 ;
Statuant à nouveau,
- de constater que l'acte introductif d'instance délivré à la société Multipass n'a pas été établi, daté et signé par un huissier de justice dûment habilité ;
- de dire que le président du Tribunal de commerce de Nanterre n'a pas été régulièrement saisi de la présente instance ;
- de débouter les sociétés Smartbox experience limited, Smartbox group France et Dakota Editions de l'ensemble de leurs demandes visant à faire rétracter totalement ou partiellement l'ordonnance rendue sur requête le 11 octobre 2016 ;
- de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue sur requête le 11 octobre 2016 ;
Subsidiairement,
- de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a jugé que les circonstances de l'espèce justifiaient que la mesure ordonnée sur requête le 11 octobre 2016 ne soit pas prise contradictoirement ;
- d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a réduit le champ de la mesure ordonnée à la saisie et au séquestre des courriers électroniques reçus ou émanant des salariés ou employés en charge de l'élaboration de la charte graphique ;
Statuant à nouveau,
- de constater la régularité et le bien-fondé de l'ordonnance du 11 octobre 2016 rendue sur requête de la société Multipass et la confirmer en toutes ses dispositions ;
- de débouter les sociétés Smartbox et Dakota de l'ensemble de leurs demandes ;
En toute hypothèse,
- de débouter les sociétés Smartbox et Dakota de l'ensemble de leurs demandes ;
- de condamner les sociétés Smartbox et Dakota à payer, chacune, à la société Multipass la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;
- de condamner les sociétés Smartbox et Dakota aux entiers dépens.
La société Multipass soutient à titre principal que l'assignation qui lui a été signifiée le 21 novembre 2016 est affectée d'une nullité de fond, ne nécessitant pas la preuve d'un grief, et que par voie de conséquence, l'ordonnance sur requête doit être confirmée.
Subsidiairement, elle fait valoir :
- qu'il existe des circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire, eu égard à la nature des documents visés par la mesure et au risque de déperdition des preuves ;
- qu'il existe des motifs légitimes justifiant la mesure d'instruction critiquée qui a pour objet d'établir l'illicéité suspectée des motifs ayant présidé à la refonte de l'image des coffrets " Dakotabox " par la société Smartbox et la volonté de parasitage de l'image de Wonderbox afin de nuire à sa concurrente ; qu'une telle stratégie n'a pas pu être décidée par les seules équipes chargées d'élaborer la charte graphique des coffrets " Dakotabox ", de sorte qu'il n'y a pas lieu de réduire le champ de la mesure sollicitée aux seuls courriels échangés par ces équipes ;
- que la mesure d'instruction critiquée est légalement admissible ; qu'en l'espèce, l'ensemble des documents que l'huissier a pu recueillir au sein des locaux des sociétés Smartbox et Dakota Editions ont été conservés en séquestre et n'ont vocation à être remis à la société Multipass que dans le cadre d'un débat contradictoire ;
- que la mesure d'instruction a un caractère suffisamment circonscrit dans l'espace et dans le temps, qu'elle est précise quant aux personnes concernées, comporte des mots-clés dûment définis et en nombre restreint correspondant à sa dénomination sociale, la référence à sa marque et aux intitulés des coffrets " Wonderbox " imités par la nouvelle édition des coffrets " Dakotabox ".
Les sociétés Smartbox group limited, Smartbox group France et Dakota Editions, aux termes de leurs dernières conclusions reçues au greffe le 23 juin 2017, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens soulevés demandent à la cour de :
- dire que ni la requête, ni l'ordonnance rendue sur son fondement ne caractérisent les circonstances susceptibles de justifier " que ne soit pas respecté le principe du contradictoire au cas d'espèce " ;
- dire que les mesures d'instruction ordonnées ne sont pas légalement admissibles quand bien même leur champ aurait été réduit par le juge de la rétractation ;
En conséquence,
- recevoir Smartbox en l'ensemble de ses demandes ;
- confirmer l'ordonnance rendue le 27 janvier 2017 en ce qu'elle a rejeté le moyen de la société Multipass tiré de la nullité de l'acte introductif d'instance ;
- l'infirmer en toutes ses autres dispositions ;
Et statuant à nouveau,
- déclarer Smartbox recevable et bien fondée en sa demande de rétractation de l'ordonnance rendue le 11 octobre 2016 ;
- condamner la société Multipass à payer la somme de 8 000 euros à Smartbox au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Les sociétés intimées soutiennent essentiellement qu'aucune nullité n'est encourue dès lors que l'assignation comprend l'ensemble des mentions requises à peine de nullité ; que les conditions d'application de l'article 145 du Code de procédure civile ne sont pas réunies en ce que ni la requête ni l'ordonnance ne justifient qu'il soit dérogé au principe du contradictoire et alors même que les mesures ordonnées ne sont pas légalement admissibles, même après leurs modifications partielles par le juge de la rétractation ; qu'en effet, elles se heurtent à un empêchement légitime résidant dans la violation du secret professionnel et des affaires, s'analysent en des mesures générales d'investigation qui ne sont pas limitées aux seuls éléments strictement nécessaires à la démonstration des faits de concurrence déloyale allégués.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 septembre 2017.
Motifs de la décision,
La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de " constatations " qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques.
I- Sur la nullité de l'assignation
La société Multipass, après avoir rappelé, selon les articles 55, 56 et 648 du Code de procédure civile, que l'assignation est un acte d'huissier de justice qui doit contenir des mentions obligatoires à peine de nullité et revêtir la signature de l'huissier, fait valoir que l'assignation qui lui a été délivrée le 21 novembre 2016 comporte à la 20ème page une mention " Fait à Paris, le 14/11/2016 " suivie d'une signature non identifiée qui diffère de celle portée sur l'acte de signification daté du 21 novembre 2016, de sorte qu'il est impossible de déterminer qui de l'avocat ou de l'huissier a élaboré cet acte ; qu'il s'agit d'un vice de fond, contrairement à l'analyse du premier juge, qui ne nécessite pas la démonstration d'un grief.
En l'espèce, et ainsi que le soulignent les intimées, l'assignation litigieuse comporte l'ensemble des mentions requises prescrites à peine de nullité et s'il existe une signature qui aurait été portée par l'avocat dans le corps de l'assignation, celle-ci n'est pas susceptible d'entraîner l'annulation de l'acte, dont il n'est pas contesté qu'il a été délivré régulièrement par l'huissier de justice.
En outre, la nullité invoquée par la société Multipass ne peut être qualifiée de nullité de fond compte tenu du caractère limitatif des irrégularités de fond énumérées à l'article 117 du Code de procédure civile, et alors même que l'acte a été valablement remis par l'huissier de justice qui a cette qualité pour agir.
De fait, la signature surabondante portée à la fin du corps de l'assignation n'a causé aucun grief à la société Multipass, ainsi qu'en a décidé exactement le premier juge, dès lors que la société a été en mesure de répondre aux prétentions et moyens de la partie adverse et de connaître les moyens de droit ou de fait sur lesquels s'appuie son adversaire.
Le moyen tiré de la nullité de l'assignation sera donc écarté et l'ordonnance, confirmée en ce qu'elle a débouté la société Multipass de sa prétention sur ce point.
II- Sur les mérites de la requête
Selon l'article 145 du Code de procédure civile, " s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ".
Le juge, saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile et tenu d'apprécier au jour où il statue les mérites de la requête, doit s'assurer de l'existence d'un motif légitime, au jour du dépôt de la requête initiale et à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui, à ordonner la mesure probatoire et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement.
L'urgence n'est pas une condition requise pour que soient ordonnées sur requête des mesures d'instruction sur le fondement de l'article 145 ; l'existence de contestations sérieuses ne constitue pas un obstacle à la mise en œuvre de la mesure sollicitée, l'application de cet article n'impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé.
Il résulte enfin de l'article 145 que le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure " in futurum " est destinée à les établir, mais qu'il doit justifier d'éléments rendant crédibles les griefs allégués.
A- Sur les circonstances justifiant une dérogation au principe de la contradiction
Selon l'article 493 du Code de procédure civile, l'ordonnance sur requête est une décision rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.
Les mesures d'instruction prévues à l'article 145 du Code de procédure civile ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement.
Il appartient au juge de la rétractation, au besoin d'office, de rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe de la contradiction. Les circonstances susceptibles d'autoriser une telle dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou dans l'ordonnance.
Au cas d'espèce, l'ordonnance, qui adopte les motifs de la requête, se limite à énoncer que les éléments recherchés ne sont pas " pérennes " et " susceptibles d'être détruits si un effet de surprise n'est pas préservé ".
En revanche, la requête, expressément visée par l'ordonnance, expose notamment en pages 16 et 17 les circonstances justifiant, in concreto, qu'il soit dérogé au principe de la contradiction, en l'occurrence l'attitude de la société Smartbox, qui " a déjà pris pour parti de nier en bloc les accusations de la société Multipass ", se prétendant au contraire victime des agissements parasitaires de la société Multipass, et qui n'a pas déféré à la sommation qui lui a été faite le 27 septembre 2016 de lui communiquer des éléments quantitatifs relatifs aux produits incriminés, et précise qu'il existe un risque de destruction des preuves contenues dans les systèmes informatiques des sociétés concernées relatives à " la stratégie ayant présidé la refonte des coffrets Dakotabox et/ou permettant d'établir l'étendue du préjudice en résultant pour la société Multipass ".
La requérante explique que sa demande, qui tend à démontrer que la transformation profonde des coffrets Dakotabox s'inscrit dans une véritable stratégie délibérée et planifiée du groupe Smartbox pour nuire à son concurrent historique, implique nécessairement une mesure d'instruction menée de manière non contradictoire, alors même que le groupe Smartbox prétend n'avoir eu d'autre intention que de faire converger les coffrets Dakotabox vers une présentation plus proche de ses coffrets Smartbox, conduisant à considérer que la similitude avérée des coffrets concurrents ne serait que le fruit d'un concours de circonstances ou le résultat d'un plagiat émanant au contraire de la société requérante, de sorte que le comportement des sociétés concernées par la mesure permet de douter de leur propension à faire preuve de transparence sur la stratégie poursuivie à l'occasion de la refonte des coffrets Dakotabox, potentiellement constitutive de manœuvres déloyales.
Ces éléments propres au cas d'espèce, étayés par les pièces produites au soutien de la requête, justifient la dérogation au principe de la contradiction eu égard à la nature même des documents ayant vocation à être appréhendés (des correspondances électroniques envoyées ou reçues par essence volatiles) qui rendent leur dissimulation et/ou leur destruction très aisée et rapide à mettre en œuvre.
B-Sur l'existence d'un motif légitime
Les sociétés Smartbox et Dakotabox ne formulent aucune critique sur l'existence du motif légitime fondant la mesure d'instruction sollicitée, en vue d'un procès éventuel en concurrence déloyale.
Il sera simplement rappelé que la société Multipass fait état dans sa requête d'indices plausibles au soutien de ses accusations à l'encontre du groupe Smartbox, en démontrant à travers les pièces annexées à la requête que depuis l'origine, les coffrets Wonderbox et Dakotabox étaient différenciés, ne créant aucun risque de confusion dans l'esprit du consommateur, mais que les modifications apportées par Smarbox après son rachat de Dakotabox rendent désormais difficilement identifiables les deux marques, ce qui a été confirmé, dès leur mise sur le marché en septembre 2016, par des enseignes distribuant les coffrets cadeaux, le magasin Cultura à Saint Malo et la Fnac de Strasbourg.
Ce risque de confusion est conforté par les pièces complémentaires versées aux débats par la requérante, une enquête d'opinion réalisée le 9 novembre 2016 à la demande de la société Multipass et un procès-verbal de constat établi le 14 octobre 2016 par maître G., huissier de justice, faisant état d'une similitude avérée entre les coffrets, par une présentation et un format quasiment identiques, ne permettant pas de les distinguer " au premier coup d'œil ".
Par ailleurs si le groupe Smartbox prétend que sa démarche n'a été guidée que par le souci de faire converger les coffrets Dakotabox vers une présentation plus proche de ses coffrets Smartbox, il ne peut qu'être constaté que la nouvelle version des coffrets Dakotabox est en rupture avec les éditions précédentes et ne reprend pas le format carré spécifique des coffrets Smartbox, tandis qu'elle présente des ressemblances évidentes avec le format, le conditionnement et la charge graphique des coffrets Wonderbox, dont les modifications s'inscrivent en revanche dans la continuité.
Il résulte de ce faisceau d'indices concordants rendant plausibles les griefs de concurrence déloyale et parasitaire susceptibles d'engager la responsabilité du groupe Smartbox que la société Multipass justifie d'un motif légitime à vouloir démontrer, par la mesure requise, que, contrairement à ce qui est soutenu par sa concurrente, la ressemblance évidente entre les coffrets Wonderbox et Dakotabox n'est pas le fruit d'un concours de circonstances et d'agissements involontaires et non prémédités mais au contraire résulte d'une stratégie délibérée et planifiée du groupe Smartbox pour lui nuire et gagner des parts de marché.
C- Sur les mesures ordonnées par le juge des requêtes
Au sens de l'article 145, les mesures légalement admissibles sont celles prévues par les articles 232 à 284-1 du Code de procédure civile et elles ne doivent pas porter une atteinte disproportionnée aux intérêts légitimes du défendeur.
La mission confiée à la SCP d'huissiers de justice associés Venezia consistait à se faire assister de tout experts en informatique de son choix et à se rendre dans les locaux de la société Smartbox group France et en même temps de la société Dakota Editions, afin notamment de :
- se faire communiquer les codes d'accès administrateurs et tout autre code permettant d'accéder à l'intégralité des postes et réseaux informatiques sur place,
- extraire et conserver copie de l'ensemble des correspondances électroniques envoyées et/ou reçues par tout employé, salarié, prestataire et/ou dirigeant des sociétés Smartbox group Ltd, Smartbox group France et Dakota Editions entre le 1er octobre 2015, date du rachat de la marque Dakotabox et la date d'exécution de la mesure, comportant l'un ou plusieurs des mots clés suivants : WBX, Wonder, Multipass et vingt intitulés thématiques utilisés par la société Multipass pour ses coffrets cadeaux,
- procéder tout au long de la mission à toutes constatations et démarches utiles à celle-ci en vue notamment de se faire produire et prendre copie des documents nécessaires à la manifestation de la vérité.
Le juge de la rétractation, dans son ordonnance du 27 janvier 2017, a restreint la mission confiée à l'huissier de justice " à la saisie et au séquestre dans les conditions posées par l'ordonnance attaquée des courriers électroniques reçus ou émanant des salariés ou employés en charge de l'élaboration de la charte graphique ".
Les sociétés Smartbox et Dakotabox font valoir que les mesures ordonnées, même réduites dans leur champ d'application, ne sont pas légalement admissibles, en ce qu'elles permettent à leur concurrente d'avoir accès à des informations confidentielles, en particulier à des informations sur la stratégie commerciale qu'elles mènent depuis le 1er octobre 2015 comprenant évidemment des références à Wonderbox, qui est leur unique concurrent ; que ces mesures conduisent également à prendre copie de la boîte mail du directeur administratif et financier, de la directrice juridique et du directeur marketing dans lesquelles se trouvent des correspondances avocat/client, de la documentation produite par les commissaires aux comptes ou des documents bancaires, couverts par le secret professionnel.
Elles ajoutent que les mesures ordonnées par le juge des requêtes sont disproportionnées et dépassent le cadre du litige opposant les parties, alors même que le terme " Dakotabox " n'est pas répertorié dans les mots clés, qu'il n'existe aucune sélection quant aux personnes visées, aucune combinaison entre les mots clés, permettant ainsi à la société Multipass d'accéder à l'intégralité des données de la société Smartbox à travers le seul mot clé désignant sa concurrente ; que la recherche réduite par le juge de la rétractation n'échappe pas à l'imprécision et va nécessairement renvoyer à des échanges en lien direct avec la stratégie commerciale du groupe Smartbox pour ses coffrets Dakota.
La société Multipass s'oppose à toute restriction des mesures ordonnées, considérant que la limitation aux seuls employés du service marketing prive la mesure de sa substance, s'agissant de révéler la stratégie mise en œuvre par la société Smartbox lors de la refonte des coffrets Dakotabox qui excède les seules prérogatives des équipes marketing.
La cour rappelle que ni le secret des affaires, ni le secret des correspondances ne constituent en eux-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile dès lors que les mesures ordonnées procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées.
Les mesures ordonnées sont en l'espèce circonscrites dans le temps et sur une période pertinente, soit à compter du 1er octobre 2015, date du rachat de la marque Dakotabox par la société Smartbox, permettant de couvrir la période durant laquelle ladite société a travaillé sur le nouveau " packaging " Dakotabox précisément critiqué par l'appelante.
Dans les termes de l'ordonnance sur requête, elles constituent en revanche des mesures d'investigation générale qui excèdent les prévisions de l'article 145, en ce qu'elles visent à appréhender " l'ensemble des correspondances électroniques envoyées et/ou reçues " au sein des sociétés Smartbox et Dakota Editions :
- par tout le personnel des sociétés mises en cause désignés comme " employé ", " salarié " ou " dirigeant ", et leurs prestataires, sans aucune précision sur l'identification des personnes pouvant être concernées par la recherche ;
- comprenant l'un ou plusieurs des mots clés énumérés, dont les mots clés " Multipass ", " Wonder " et " WBX ", qui désignent la société concurrente du groupe Smartbox et qui, utilisés seuls, pourrait permettre d'appréhender l'intégralité des informations confidentielles et stratégiques des sociétés Smartbox, sur un marché hautement concurrentiel.
C'est donc très justement que le juge de la rétractation a considéré qu'il était nécessaire de réduire le champ des mesures sollicitées afin de les circonscrire aux faits dont pourrait dépendre la solution du litige et éviter une atteinte excessive ou non légitime au secret des affaires.
Il apparaît néanmoins nécessaire de modifier l'ordonnance en ce qu'elle a réduit le champ de la mesure sollicitée à la saisie et au séquestre " des courriers électroniques reçus ou émanant des salariés ou employés en charge de l'élaboration de la charte graphique ", cette réduction n'apparaissant pas pertinente au regard du but poursuivi par la société Multipass.
S'agissant pour la société Multipass de rechercher des preuves sur l'étendue de la stratégie déployée par les sociétés Smartbox pour mieux la concurrencer, à travers la mise sur le marché des nouveaux coffrets Dakotabox, dont la similitude avec les coffrets Wonderbox commercialisés par la société Multipass génère de toute évidence un risque de détournement de sa clientèle, qui est accru par une différentiation de prix, il convient de limiter la mission de l'huissier de justice à l'extraction et la copie de l'ensemble des correspondances électroniques envoyées à et/ou reçues par les dirigeants-mandataires sociaux des sociétés Smartbox group Ltd, Smartbox group France et Dakota Editions, comportant les mots clés " WBX ", " Wonder " ou " Multipass " associés au mot clé " Dakotabox " et l'un ou plusieurs des mots clés correspondant à la liste inchangée des 20 intitulés thématiques, non contestés, des coffrets Wonderbox, qui sont naturellement discriminants, comme correspondant à des produits non exploités par les sociétés Smartbox.
Il convient également de supprimer le chef de mission trop général mentionné dans l'ordonnance sur requête, libellé comme suit : " Procéder, tout au long de sa mission, à toutes constatations et démarches utiles à celle-ci en vue notamment de se faire produire et prendre copie des documents nécessaires à la manifestation de la vérité ".
Enfin la mesure de séquestre entre les mains de l'huissier de justice des éléments recueillis " jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné par décision du juge du fond qui sera saisi, ou jusqu'à accord amiable entre les parties ", selon les termes de l'ordonnance sur requête, est de nature à éviter toute atteinte à une liberté fondamentale et à exclure de la communication des éléments de preuve les correspondances couvertes par un secret professionnel légalement protégé.
En conséquence, l'ordonnance sur requête du 11 octobre 2016 sera partiellement rétractée dans les termes du dispositif ci-après.
Il convient également d'infirmer l'ordonnance rendue le 27 janvier 2017 en ce qu'elle a réduit le champ de la mesure sollicitée à la saisie et au séquestre des courriers électroniques reçus ou émanant des salariés ou employés en charge de l'élaboration de la charte graphique et de la confirmer pour le surplus qui n'est pas spécialement critiqué.
III- Sur les autres demandes
Aucune considération tirée de l'équité ne commande de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit des parties au litige.
En outre, celles-ci conserveront à leur charge les dépens par elle exposés.
Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, confirme l'ordonnance rendue le 27 janvier 2017 par le juge de la rétractation sauf en ce qu'elle a réduit le champ de la mesure sollicitée à la saisie et au séquestre des courriers électroniques " reçus ou émanant des salariés ou employés en charge de l'élaboration de la charte graphique ", Statuant À Nouveau sur ce chef de décision infirmée, et y ajoutant, Rétracte partiellement l'ordonnance sur requête rendue le 11 octobre 2016, en ce qu'elle a donné pour mission à l'huissier de justice d'extraire et conserver copie par tout moyen de son choix de l'ensemble des correspondances électroniques envoyées à et/ou reçues par tout employé, salarié, prestataire, et/ou dirigeant des sociétés Smartbox group Ltd, Smartbox group France et Dakota Editions, comportant l'un ou plusieurs des mots spécialement énumérés et de procéder, tout au long de sa mission, à toutes constatations et démarches utiles à celle-ci en vue notamment de se faire produire et prendre copie des documents nécessaires à la manifestation de la vérité, Dit que l'huissier de justice désigné aura pour mission d'extraire et conserver copie par tout moyen de son choix de l'ensemble des correspondances électroniques envoyées à et/ou reçues par les dirigeants-mandataires sociaux des sociétés Smartbox group Ltd, Smartbox group France et Dakota Editions, entre le 1er octobre 2015, date du rachat de la marque Dakotabox et la date d'exécution de la mesure, comportant : * les mots clés " WBX ", " Wonder " ou " Multipass " associés au mot clé " Dakotabox " * l'un ou plusieurs des mots clés correspondant aux 20 intitulés thématiques des coffrets Wonderbox tels qu'énumérés dans l'ordonnance sur requête, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toute autre demande, Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens par elle exposés. Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile et signé par Madame Odette-Luce Bouvier, président et par Madame Agnès Marie, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.