Cass. soc., 16 novembre 2017, n° 16-15.860
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Maillot
Défendeur :
Verlingue (SAS), Axelliance business services (SAS), Ovatio courtage (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Frouin
Rapporteur :
Mme Barbé
Avocat général :
M. Boyer
Avocats :
SCP Gatineau, Fattaccini, SCP Lyon-Caen, Thiriez, Me Ricard
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Axelliance Risk, devenue Axelliance business services (la société Axelliance) a acquis, le 25 juillet 2012, le portefeuille de clientèle constituant l'activité "médias" de la société de Clarens, dont M. Maillot était salarié en qualité de directeur de cette activité ; que le 30 mai 2012, la société de Clarens et le salarié ont signé une convention de rupture du contrat de travail avec une clause de non-concurrence ; que la rupture des relations de travail était fixée au 31 décembre 2012, le salarié restant au service de la société de Clarens qui le mettait à la disposition du cessionnaire afin de faciliter le transfert de l'activité cédée ; que la société Axelliance a fait assigner devant le tribunal de commerce M. Maillot, la société Ovatio courtage et la société de Clarens afin que soit ordonnée la cessation, par le salarié et la société Ovatio courtage, des actes de concurrence déloyale ainsi que la réparation de son préjudice ; que M. Maillot a soulevé l'incompétence du tribunal qui s'est déclaré incompétent au profit du conseil de prud'hommes sur les demandes formées à son égard par la société Axelliance et par la société de Clarens, aux droits de laquelle se trouve la société Verlingue ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Verlingue : - Attendu que la société de Clarens, devenue Verlingue, fait grief à l'arrêt de déclarer le contredit formé par elle partiellement fondé, de dire le conseil de prud'hommes compétent pour connaître de son éventuelle action récursoire à l'encontre de M. Maillot, alors, selon le moyen : 1°) que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que l'action de la société de Clarens à l'encontre de M. Maillot et de la société Ovatio, " action récursoire dans l'hypothèse où elle serait contrainte d'indemniser la société Axelliance pour des actes de concurrence déloyale dont son ex-salarié serait reconnu coupable à l'égard de la cessionnaire ", était une action en garantie ainsi que l'exposait clairement la société de Clarens dans ses conclusions sur contredit de compétence ; qu'en considérant que l'action récursoire de la société de Clarens à l'égard de M. Maillot était fondée sur une inexécution fautive d'une clause de non concurrence, la cour d'appel a dénaturé les conclusions claires et précises de la société de Clarens en violation des articles 4 du Code de procédure civile et 1134 du Code civil ; 2°) que l'action récursoire intentée par une société à l'encontre d'un ancien salarié pour des faits de concurrence déloyale qu'il a pu commettre à l'encontre d'un tiers garanti par cette société ne relève pas de la compétence du conseil des prud'hommes ; que tel était le cas de l'action de la société de Clarens - " action récursoire dans l'hypothèse où elle serait contrainte d'indemniser la société Axelliance pour des actes de concurrence déloyale dont son ex-salarié serait reconnu coupable à l'égard de la cessionnaire " - fondée sur son engagement de garantir la société Axelliance d'éventuels actes de concurrence déloyale de son ancien salarié, dans la limite de 350 000 euros ; qu'en considérant néanmoins que l'action récursoire de la société de Clarens à l'égard de M. Maillot relève de la compétence exclusive de la juridiction prud'homale, la cour d'appel a violé les articles 49 du Code de procédure civile et L. 1411-1 du Code du travail ; 3°) que les actes constitutifs de concurrence déloyale émanant d'un ancien salarié ne relèvent pas de la compétence du conseil des prud'hommes dès lors qu'ils sont intervenus postérieurement à la rupture du contrat de travail ; que l'action récursoire de la société de Clarens tendait à la garantir des éventuelles condamnations qui seraient prononcées à son encontre du fait des agissements de concurrence déloyale reprochés à son ancien salarié, postérieurement à la rupture de son contrat de travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 49 du Code de procédure civile et L. 1411-1 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a relevé que la société de Clarens avait signé avec M. Maillot, alors salarié, une convention de rupture du contrat de travail dans laquelle était prévue une clause de non-concurrence, a, sans méconnaître les termes du litige, exactement décidé que le conseil des prud'hommes était compétent pour connaître de l'action récursoire dirigée par la société contre celui-ci, peu important que les actes de concurrence déloyale reprochés aient été commis postérieurement à la rupture effective des relations de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de M. Maillot : - Vu l'article L. 1224-1 du Code du travail ; - Attendu que pour déclarer le contredit formé par la société Axelliance fondé et dire le tribunal de commerce compétent pour connaître des demandes formées par la société Axelliance à l'encontre de M. Maillot et la société Ovatio Courtage, l'arrêt retient que le contrat de travail de M. Maillot a pris fin à la signature de la convention de rupture du 30 mai 2012, soit antérieurement à la cession, le 25 juillet 2012, de l'activité "médias" à laquelle il était rattaché, en sorte que les dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail n'étaient pas applicables, quand bien même la convention de rupture prévoyait une mise à disposition de ce dernier dans l'entreprise cessionnaire afin de faciliter le processus de transmission des contrats de cette activité, tout en le maintenant salarié de l'entreprise cédante jusqu'au 31 décembre 2012, et que M. Maillot n'a pas contesté les termes de cette convention devant les juridictions prud'homales avant d'être attrait devant le tribunal de commerce pour des actes allégués de concurrence déloyale par la société Axelliance ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la rupture du contrat de travail de l'intéressé avait été fixée au 31 décembre 2012 et que la cession de l'activité de la société de Clarens à laquelle il était affecté était intervenue le 25 juillet 2012, en sorte que son contrat de travail était alors en cours, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et Annule, mais seulement en ce qu'il dit le contredit par la société Axelliance fondé et le tribunal de commerce compétent pour connaître des demandes formées par la société Axelliance à l'encontre de M. Maillot, l'arrêt rendu le 23 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la société Verlingue, venant aux droits de la société de Clarens, aux dépens ; Vu l'article 700 du Code de procédure civile, condamne la société Verlingue, venant aux droits de la société de Clarens, à payer à M. Maillot la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé.