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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 22 novembre 2017, n° 15-00754

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Restauration du midi (SARL)

Défendeur :

Domino's Pizza France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Lallement, Boccon Gibod, Mounier

T. com. Paris, du 17 déc. 2014

17 décembre 2014

Faits et procédure

Le 1er février 2006, la société Restauration du midi, constituée par Mme Rebecca Alonso, a signé un contrat de franchise avec la société Domino's Pizza France concernant l'exploitation d'un magasin à Avignon. Le document d'information pré-contractuelle (DIP) lui avait été remis le 14 avril 2003.

Selon les dires de la société Domino's Pizza, la société Restauration du midi n'aurait pas réglé toutes ses factures de redevance ni de fourniture de matières premières entre 2010 et 2013.

N'étant plus livrée en matière première, la société Restauration du midi s'est approvisionnée auprès d'autres fournisseurs, hors du réseau Domino's Pizza France.

La société Restauration du midi estime que ses difficultés financières sont dues à la non rentabilité du concept Domino's Pizza qui lui aurait été dissimulée entre la remise du DIP et la signature effective de son contrat, et, ainsi, que son consentement a été vicié.

C'est ainsi que la société Restauration du midi a assigné la société Domino's Pizza par acte du 7 aout 2012, devant le Tribunal de commerce de Paris.

Le 12 novembre 2013, la société Domino's Pizza a résilié le contrat en cours de procédure, pour violation, notamment, de la clause d'approvisionnement exclusif.

Par jugement du 17 décembre 2014, le Tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la société Restauration du midi de sa demande de 1 000 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- constaté que le contrat de franchise est résilié de plein droit depuis le 12 novembre 2013,

- condamné la société Restauration du midi à payer à la société Domino's Pizza France la somme de 45 799 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- condamné la société Restauration du midi à payer à la société Domino's Pizza France la somme de 10 000 euros au titre de la clause pénale,

- condamné la société Restauration du midi à payer à la société Domino's Pizza France la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné la société Restauration du midi aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.

Le tribunal a estimé que la société Domino's Pizza France avait bien respecté les obligations d'information pré-contractuelle en avril 2003, ayant notamment remis ses comptes au 31 décembre 2000 et au 31 décembre 2001. Au franchisé qui prétendait que Domino's Pizza lui avait caché l'importance de ses créances clients au moment de la signature du contrat de franchise, en l'absence de publication de ses comptes sociaux, le tribunal répond qu'aucune obligation d'actualisation ne pesait sur le franchiseur et que, de 2001 à 2004, la créance nette de Domino's Pizza sur chacun de ses franchisés était restée stable. En toute hypothèse, il juge que l'information en cause n'aurait pas changé la perception de Mme Alonso sur la situation du réseau. Le tribunal a donc rejeté l'action en nullité de la société Restauration du midi. En revanche, il a estimé que le contrat avait été résilié aux torts du franchisé pour retards de paiement de factures et violation de la clause d'approvisionnement exclusif.

LA COUR

Vu l'appel interjeté par la société Restauration du midi et ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 7 avril 2015 par lesquelles il est demandé à la cour de : vu l'article L 330-3 du Code de commerce, vu l'article 1382 du Code civil,

- infirmer le jugement rendu en première instance, statuant à nouveau,

- dire que la société Domino's Pizza France a commis un dol à l'égard de la société Restauration du midi,

- condamner la société Domino's Pizza France à payer à la société Restauration du midi la somme de 1 000 000 € à titre de dommages et intérêts,

- débouter la société Domino's Pizza France de toutes ses demandes,

- condamner la société Domino's Pizza France à payer à la société Restauration du midi la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP Bolling Durand Lallement conformément à l'article 699 du Code de procédure civile ;

Le dossier de la société Restauration du midi n'a pas été remis à la cour, malgré relance du greffe.

Vu les dernières conclusions de la société Domino's Pizza France, intimée, déposées et notifiées le 18 septembre 2017 par lesquelles il est demandé à la cour de : vu les articles 1116, 1134 et 1382 du Code civil, vu les articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce,

- donner acte à la société Domino's que la société Restauration du midi ne conteste pas avoir reçu un document d'information pré-contractuelle conforme aux dispositions des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce,

- constater que la gérante de la société Restauration du midi dispose d'une expertise en matière financière ainsi qu'en matière de direction dans le secteur de la restauration,

- constater que le réseau de franchise " Domino's Pizza " est parfaitement rentable, ainsi qu'en a déjà jugé le tribunal de commerce de Paris les 5 juin 2013, 29 avril 2014 et 21 mai 2014,

- constater que la société Restauration du midi a commis de nombreux manquements dans l'exécution de son contrat de franchise et l'exploitation du savoir-faire transmis par son franchiseur,

- constater que le contrat de franchise est résilié de plein droit depuis le 12 novembre 2013, en conséquence,

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté la société Restauration du midi de l'ensemble de ses demandes et prétentions,

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné la société Restauration du midi à payer la somme de 45 799 euros en principal augmentée des intérêts au taux légal à compter dudit jugement,

- réformer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné la société Restauration du midi à payer 10 000 euros à Domino's en application de l'article 6-2 du contrat, statuant à nouveau,

- condamner la société Restauration du midi à payer 30 500 euros à Domino's en application de l'article 6-2 du contrat, en tout état de cause :

- condamner la société Restauration du midi à payer la somme de 20 000 euros à la société Domino's, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Restauration du midi aux entiers dépens de la procédure, dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles, en application de l'article 699 du Code de procédure civile ;

SUR CE

Sur le dol commis par la société Domino's Pizza France à l'égard de la société Restauration du midi

La société Restauration du midi indique que les articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce imposent au franchiseur de remettre, avant la signature du contrat de franchise, un document d'information pré-contractuelle au candidat à la franchise (DIP). L'appelante soutient que ce document permettant au franchisé de se déterminer en connaissance de cause doit lui être remis 20 jours avant la conclusion du contrat. Se fondant sur la jurisprudence, la société Restauration du midi soutient que le défaut d'information pré-contractuelle est sanctionné " s'il résulte que le défaut d'information résulte d'une volonté délibérée de la part du franchiseur ayant vicié le consentement du franchisé et qu'il s'analyse donc en un dol ". Au cas particulier, la société appelante indique que l'intimée lui a remis le 14 avril 2003 un document contenant ses bilans pour les exercices clos les 31 décembre 2000 et 2001. Or, elle indique ne pas avoir été destinataire des comptes de l'intimée aux 31 décembre 2002, 2003, 2004 et 2005, lorsqu'elle a signé le contrat 3 ans plus tard. La société indique qu'à cette date, la dette des franchisés à l'égard de la société Domino's Pizza avait été multipliée par plus de 3. Ainsi, la société Restauration du midi affirme que l'intimée se devait de lui donner cette information qu'elle considère comme primordiale. De plus, la société Restauration du midi soutient que la société Domino's Pizza a délibérément violé les dispositions du Code de commerce en matière de publicité des comptes, afin de cacher cette évolution de la dette de ses franchisés à son égard. Elle allègue qu'elle n'aurait pas signé le contrat de franchise dans de telles conditions si elle avait été loyalement informée.

La société Domino's Pizza soutient à titre liminaire que le réseau " Domino's Pizza " est rentable et a judiciairement été constaté comme tel. En premier lieu, elle relève que l'appelante n'a subi aucun dol, car elle a respecté son obligation d'information pré-contractuelle en soumettant à l'appelante un DIP conforme aux exigences légales. En deuxième lieu, elle soutient que le franchisé a un devoir d'information et qu'enfin, l'appelante ne rapporte pas la preuve que son consentement aurait été vicié au moment de la conclusion du contrat, au regard, notamment, de l'expérience professionnelle de sa gérante.

La méconnaissance, par un franchiseur, de son obligation pré-contractuelle d'information peut être constitutive d'un dol et d'une réticence dolosive de nature à vicier le consentement du franchisé.

L'article L. 330-3 du Code de commerce dispose que " toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause ". Selon les dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce, le document d'information pré-contractuelle (ci-après DIP), " dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités ". Selon l'article R. 330-1 du Code de commerce, " Le document prévu au premier alinéa de l'article L. 330-3 contient les informations suivantes :

1° L'adresse du siège de l'entreprise et la nature de ses activités avec l'indication de sa forme juridique et de l'identité du chef d'entreprise s'il s'agit d'une personne physique ou des dirigeants s'il s'agit d'une personne morale ; le cas échéant, le montant du capital ;

2° Les mentions visées aux 1° et 2° de l'article R. 123-237 ou le numéro d'inscription au répertoire des métiers ainsi que la date et le numéro d'enregistrement ou du dépôt de la marque et, dans le cas où la marque qui doit faire l'objet du contrat a été acquise à la suite d'une cession ou d'une licence, la date et le numéro de l'inscription correspondante au registre national des marques avec, pour les contrats de licence, l'indication de la durée pour laquelle la licence a été consentie ;

3° La ou les domiciliations bancaires de l'entreprise. Cette information peut être limitée aux cinq principales domiciliations bancaires ;

4° La date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants.

Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché.

Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ou, pour les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les rapports établis au titre des deux derniers exercices en application du III de l'article L. 451-1-2 du code monétaire et financier ;

5° une présentation du réseau d'exploitants qui comporte : a) la liste des entreprises qui en font partie (...) ; b) l'adresse des entreprises établies en France (...) ; c) le nombre d'entreprises qui (...) ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document, (...) ; (...) ".

La société Domino's Pizza a remis à Mme Alonso 14 avril 2003 un DIP conforme aux dispositions de ces articles ; celui-ci contenait une copie des comptes sociaux du franchiseur au titre des exercices 2000 et 2001, seuls disponibles à l'époque.

Contrairement à ce qui est prétendu par la société appelante, le franchiseur n'avait pas à lui communiquer une copie de ses comptes sociaux relatifs aux exercices 2003, 2004 et 2005 au moment de la conclusion du contrat le 1er février 2006. Il appartenait à la société franchisée de se renseigner sur le réseau entre la signature du DIP et celle du contrat de franchise. Elle en avait la pleine capacité, Mme Alonso, titulaire d'un diplôme d'expertise comptable, ayant exercé pendant plusieurs années des fonctions financières au sein de deux banques d'investissement et ayant été directrice commerciale pendant cinq ans d'une société du secteur de la restauration.

La société Restauration du midi ne démontre pas que son consentement aurait été vicié au moment de la conclusion du contrat de franchise par une réticence du franchiseur sur ses comptes.

En effet, si elle soutient que la société Domino's Pizza détenait des " créances clients " d'un montant de 7 712 550 € en 2005 alors que ce montant était de 2 390 000 euros en 2001 et que si elle avait connu ce chiffre au moment de la signature du contrat, elle n'aurait pas contracté, la société Domino's Pizza démontre au contraire que, rapporté au nombre de franchisés (passé de 35 en 2001 à 79 en 2004), ce poste de " créances clients " n'a cessé de diminuer proportionnellement au chiffre d'affaires réalisé par Domino's et, qu'il ne traduit aucunement la détérioration de la situation financière du réseau.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce que, au terme d'une motivation que la cour adopte, il a rejeté la demande de la société Restauration du midi fondée sur le dol.

Sur les demandes reconventionnelles de la société Domino's Pizza France à l'encontre de la société Restauration du midi

La société Domino's Pizza estime que la dette de la société Restauration du midi à son égard était de 45 799,12 euros au 23 octobre 2013 et que cette créance est certaine, liquide et exigible. Elle rappelle que l'appelante n'a pas respecté son obligation d'approvisionnement exclusif et sollicite la mise en œuvre de la clause pénale à cet égard.

La société Restauration du midi soutient que la résiliation du contrat de franchise par la société Domino's Pizza au 12 novembre 2013 est empreinte de mauvaise foi et ne visait qu'à accélérer sa déconfiture, estimant pour sa part avoir toujours respecté ses obligations contractuelles.

De plus, elle expose que la société intimée a refusé de la livrer alors même qu'elle était à jour du règlement des matières premières et qu'ainsi, elle a été obligée de s'approvisionner auprès d'autres magasins franchisés du réseau, puis d'autres fournisseurs.

Il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Restauration du midi à payer la somme de 45 799 € à la société Domino's Pizza, avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 17 décembre 2014, ni les états des factures ni leur montant n'étant utilement contestés par la société Restauration du midi.

Par ailleurs, la société Restauration du midi a reconnu par courrier du 20 août 2013 qu'elle s'approvisionnait en dehors du réseau Domino's Pizza, en violation de l'article 6-2 du contrat de franchise, par lequel le franchisé s'engageait " expressément à ne s'approvisionner qu'auprès du franchiseur ou des fournisseurs référencés par le franchiseur (...) ". À la suite de cette violation, la société Domino's a résilié le contrat de franchise de Restauration du midi par courrier du 23 octobre 2013 à effet au 12 novembre 2013. L'article 6-2 stipule qu'" en cas de non-respect des dispositions du présent article, le franchisé sera considéré comme portant une atteinte grave à l'image de marque Domino's Pizza et devra payer au franchiseur la somme de 30 500 € euros HT à titre de clause pénale ".

La cour approuve les premiers juges d'avoir considéré la clause pénale comme manifestement excessive au regard de l'obligation en cause et de l'avoir réduite à la somme de 10 000 €.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société Restauration du midi, succombant au principal, sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société Domino's la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, condamne la société Restauration du midi aux dépens de l'instance d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, condamne la société Restauration du midi à payer à la société Domino's Pizza France la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.