CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 23 novembre 2017, n° 16-03312
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Dufour, Assurance Crédit Devilleneuve Dufour (Sté) ; Cera (ès qual.)
Défendeur :
Assurtis (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Schaller
Conseillers :
Mmes du Besset, Lucat
Avocats :
Mes Teytaud, Bellet, Lallement, Riere Thiebault
FAITS ET PROCÉDURE
La société Assurtis est une société spécialisée dans la distribution conjointe de contrats d'assurance et de crédits à la consommation, résultant de la fusion de la société April spécialisée en assurance et de la société Mediatis spécialisée dans le crédit à la consommation. Créée en 2005 suite à ce rapprochement, elle a mis en place la distribution de ces produits liant l'assurance et le crédit dans le cadre d'un réseau de franchise. Seuls les franchisés avaient un accès exclusif aux produits Assurtis et aux Codes Mediatis.
En 2010, 17 des 66 franchisés ont mené une action en justice contre Assurtis, sur le fondement d'un défaut allégué d'information pré-contractuelle de la part du franchiseur. Une première série de jugements a été rendue par le Tribunal de commerce de Paris en 2010, puis en 2011, une autre série, dont fait partie le jugement rendu à l'égard de Monsieur Dufour et de Maître Silvestri, mandataire liquidateur de la société ACDD, qui les a déboutés de toutes leurs demandes.
La Cour d'appel de Paris a rendu six arrêts le 19 février 2014, dont l'arrêt concernant Monsieur Dufour, contre lesquels pourvoi a été interjeté et que la Cour de cassation a cassés.
La Cour d'appel de Paris est saisie du renvoi de ces affaires. En l'espèce, dans le cas de Monsieur Dufour, ce dernier a reçu le 19 janvier 2006 le document d'information précontractuelle relatif au projet de franchise sous l'enseigne "Assurtis" ("le Franchiseur"). Il a créé en juin 2006 la société à responsabilité limitée ACDD dans le but de souscrire un contrat de franchise au sein de ce réseau, ce qu'il a fait le 7 août 2006, concluant un contrat de franchise pour une durée de cinq ans. Il a ouvert le 2 avril 2007 son agence à Biganos (33).
Le 1er juillet 2009, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société ACDD par jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux. Le 16 décembre 2009, le juge commissaire a autorisé la cession du fonds comprenant le contrat de franchise Assurtis au cabinet Pujol Hexafi. Le 24 février 2010, la société ACDD a été placée en liquidation judiciaire, Monsieur Silvestri étant nommé liquidateur judiciaire. A ce jour, un mandataire ad'hoc, Maître Cera, a été désigné pour représenter la société ACDD liquidée.
Par acte du 22 décembre 2010, la société ACDD et Monsieur Dufour ont assigné devant le Tribunal de commerce de Paris la société Assurtis pour voir prononcer la résiliation du contrat de franchise à ses torts exclusifs et en paiement de dommages-intérêts.
Par jugement du 19 octobre 2011, le Tribunal de commerce de Paris a :
- dit Maître Silvestri ès qualités et Monsieur Dufour irrecevables à demander la résiliation ou la nullité du contrat mais recevables à demander l'indemnisation de leurs préjudices ;
- débouté Maître Silvestri ès qualités et Monsieur Dufour de toutes leurs demandes ;
- dit la société Assurtis irrecevable en ses demandes en paiement dirigées à l'encontre de Maître Silvestri ès qualités ;
- débouté la société Assurtis de sa demande en résiliation du contrat de franchise ;
- condamné Monsieur Dufour à payer à la société Assurtis la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- condamné Monsieur Dufour aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de : 105,49 euros TTC (dont 17,07 euros de TVA).
Le 10 novembre 2011, Monsieur Dufour et Maître Silvestri ès qualités ont relevé appel de ce jugement.
Par arrêt du 19 février 2014, la Cour d'appel de Paris a :
- confirmé en toutes ses dispositions le jugement du 19 octobre 2011,
- condamné Monsieur Dufour à payer à la société Assurtis la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel,
- condamné Monsieur Dufour et la société ACDD représentée par son mandataire liquidateur Monsieur Silvestri aux entiers dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Monsieur Dufour et Maitre Silvestri, ès qualité de liquidateur judiciaire de la société ACDD, ont formé un pourvoi à l'encontre de cette décision.
Par décision du 5 janvier 2016, la Cour de cassation a :
- cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de dommages- intérêts de Maître Silvestri, ès qualités, et de Monsieur Dufour au titre des manquements précontractuels de la société Assurtis et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 février 2014 (RG n° 11/20167), entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remis, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée ;
- condamné la société Assurtis aux dépens, a rejeté sa demande et l'a condamnée à payer à Monsieur Dufour et à Monsieur Silvestri, la somme globale de 3 000 euros vu l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu la déclaration de renvoi après cassation du 2 février 2016 de Monsieur Dufour et Maître Silvestri ès qualités, Vu les dernières conclusions signifiées le 27 juin 2017 par la société ACDD et Monsieur Dufour par lesquelles il est demandé à la cour de :
- dire et juger que Maître Serge Cera, ès qualités de Mandataire ad'hoc de la société ACDD, et Monsieur Serge Dufour, sont recevables en leur action ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages-intérêts formées sur le fondement délictuel par la société ACDD, alors représentée par son liquidateur judiciaire, et par Monsieur Serge Dufour au titre des manquements précontractuels commis par la société Assurtis et, statuant à nouveau ;
- dire et juger que la société Assurtis a vicié le consentement de Monsieur Serge Dufour et de la société ACDD par l'effet du dol commis par cette dernière, en :
* ne les informant pas loyalement de l'absence d'expérimentation de son concept,
* ne dressant pas l'état local du marché des produits (assurance et crédit), objets du contrat,
* ne déterminant pas les perspectives de développement sur la durée du contrat,
* fournissant des objectifs de contrats d'assurance et de crédit et des chiffres prévisionnels qui ne correspondaient pas à la rentabilité du concept et du réseau.
- dire et juger que la société ACDD, aujourd'hui représentée par Maître Serge Cera, ès qualité de Mandataire ad'hoc, par le biais de Monsieur Serge Dufour, a commis, lors de la conclusion du contrat de franchise, une erreur substantielle sur la rentabilité de l'activité de son entreprise qui a vicié son consentement dès lors qu'elle s'est exclusivement engagée, sur la foi notamment des informations prévisionnelles fausses qui lui ont été communiquées par la société Assurtis, en considération d'un niveau d'activité qui n'a jamais été atteint du fait du défaut de rentabilité général du réseau de franchise Assurtis ;
- dire et juger que cette erreur sur la rentabilité procède d'une faute de la société Assurtis, qui a fourni, a minima, avec une légèreté blâmable des chiffres prévisionnels détachés de la?rentabilité réelle de son concept, d'une part, et qui a fait signer le contrat de franchise sans?avoir jamais éprouvé ni expérimenté son concept et dans des conditions ayant conduit son?franchisé à commettre une erreur sur la future rentabilité de son agence et sur le niveau?d'activité qu'il serait capable d'atteindre en exploitant le concept Assurtis, d'autre part ;
- dire et juger que la société Assurtis s'est rendue coupable de manquements précontractuels avérés ayant conduit Monsieur Dufour et la société ACDD, aujourd'hui représentée par?Maître Serge Cera, ès qualité de Mandataire ad'hoc, à entrer dans les liens de la franchise?avec Assurtis sur la base d'un consentement vicié ;
En conséquence :
- condamner la société Assurtis à payer à la société ACDD, représentée par Maître Serge Cera, ès qualité de Mandataire ad'hoc, la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de mieux investir ses fonds, de développer sa clientèle et de parvenir aux objectifs fixés ;
- condamner la société Assurtis à payer à Monsieur Serge Dufour la somme de 85 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de mieux investir ses fonds et de percevoir une juste rémunération de ses efforts ;
- dire que les condamnations pécuniaires mises à la charge de la société Assurtis porteront intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation, valant mise en demeure, avec capitalisation des intérêts échus par application de l'article 1154 du Code civil ;
- débouter la société Assurtis de toutes ses demandes, fins, moyens et conclusions ;
- condamner la société Assurtis à payer à Monsieur Serge Dufour la somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la société Assurtis aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Teytaud, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
Vu les dernières conclusions signifiées le 13 juin 2017 par la société Assurtis par lesquelles il est demandé à la cour de :
- constater que l'arrêt de la cour d'appel du 19 février 2014 a autorité de chose jugée en ce qu'elle a constaté l'absence de manquements contractuels de la part de la société Assurtis et débouté la société ACDD et Monsieur Serge Dufour de leurs demandes indemnitaires à ce titre ;
Statuant à nouveau : In limine litis,
- déclarer Monsieur Dufour irrecevable en l'ensemble de ses demandes présentées à titre personnel, ce dernier ne pouvant invoquer la jurisprudence selon laquelle " le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage " dans la mesure où il a été justement jugé qu'aucun manquement contractuel ne pouvait être reproché à la société Assurtis ;
Au fond,
- constater que la société Assurtis n'a commis aucun agissement constitutif de dol ;
- constater que les manquements allégués n'ont pu, en toutes hypothèses, vicier le consentement du candidat à la franchise compte tenu du caractère particulièrement aguerri de ce dernier ;
- dire et juger que la société Assurtis n'a, en toute hypothèse, commis aucune faute dans ses obligations précontractuelles qui serait de nature à avoir vicié le consentement de la société ACDD et de Monsieur Serge Dufour ;
et notamment dire:
- que ces derniers ont été informé par la société Assurtis, avant la signature du contrat, de l'absence d'expérimentation préalable du concept ;
- que ni l'expérimentation préalable du concept, ni l'étude de marché ne sont des éléments obligatoires au regard des textes ;
- que la société ACDD et Monsieur Christian Morel [sic] s'étaient engagés contractuellement à effectuer sous leur propre responsabilité, une étude de marché, et une étude d'implantation dans la zone de recherche ;
- que par conséquent, ils ne peuvent prétendre que leur consentement aurait été vicié du fait de cette carence qui leur est imputable à eux seuls ;
- qu'aucun compte d'exploitation prévisionnel n'a été remis au franchisé par Assurtis, cette exigence n'étant pas requise par les textes ;
- qu'en matière de franchise, aucune obligation de rentabilité n'est imposée au franchiseur ;
- constater que Maître Jean-Denis Silvestri, pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ACDD et Monsieur Serge Dufour ne peuvent se prévaloir d'une quelconque erreur sur la rentabilité de l'activité entreprise ;
- dire et juger Maître Jean-Denis Silvestri, prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ACDD mal fondé en ses demandes en réparation d'une perte de chance de ne pas contracter, de faire une meilleure utilisation de ses ressources, d'obtenir des gains, de réaliser des objectifs et encore de développer sa clientèle ;
- dire et juger Monsieur Serge Dufour mal fondé en ses demandes en réparation d'une perte de chance de mieux investir ses fonds et de percevoir une " juste " rémunération ;
- dire et juger en toute hypothèse que la preuve d'un préjudice et d'un lien de causalité avec les manquements reprochés n'est pas établie ;
- débouter en tout état de cause, Maître Jean-Denis Silvestri, pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ACDD et Monsieur Serge Dufour de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires ;
À titre subsidiaire :
- prononcer la connexité des créances et consécutivement la compensation des sommes dues par Monsieur Serge Dufour au titre des condamnations prononcées à son encontre par le Jugement (soit 5 000 euros au titre de l'article 700) avec les sommes éventuellement dues par Assurtis au titre de l'arrêt à intervenir ;
En tout état de cause,
- condamner Maître Jean-Denis Silvestri, pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ACDD et Monsieur Serge Dufour à payer à la société Assurtis la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner Maître Jean-Denis Silvestri, pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ACDD et Monsieur Serge Dufour aux dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Frédéric Lallement, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée, et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
Sur ce, LA COUR,
Considérant qu'il y a lieu de prendre acte de la désignation d'un mandataire ad'hoc, Maître Serge Cera, représentant la société ACDD, suivant ordonnance du 20 juin 2017, aux lieux et place de Maître Silvestri ;
Considérant qu'aux termes de l'article 624 du Code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ;
Qu'aux termes de l'article 625 du même code, sur les points qu'elle atteint, "la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé" ;
Considérant qu'en l'espèce, en limitant expressément la cassation à la seule demande de dommages-intérêts formée par le franchisé au titre des manquements précontractuels du franchiseur, seule est remise en débat ladite demande de dommages et intérêts, sur le fondement des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce, les autres points jugés par le tribunal et confirmés par la cour, à l'exception de l'article 700 et des dépens, étant définitivement tranchés ;
Que seule reste dans le débat l'appréciation faite par la cour, que la Cour de cassation a estimée dénuée de base légale, du non-respect de l'obligation précontractuelle de renseignement incombant au franchiseur au regard notamment de la présentation du marché local et ses perspectives de développement, la cour n'ayant pas précisé en quoi l'expérience du franchisé, acquise dans le seul secteur de l'assurance, était suffisante pour lui permettre d'apprécier l'état du marché local d'un concept novateur alliant crédit et assurance ;
Que ne sont plus dans le débat les demandes fondées sur le dol ou les vices du consentement allégués et écartés par la cour, ni les manquements contractuels relatifs à l'exécution du contrat, ni la validité du concept Assurtis au regard des règles de la franchise, seuls les manquements à l'obligation précontractuelle d'information prévue aux articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce, - selon laquelle il appartient au franchiseur de fournir, préalablement à la signature de tout contrat de franchise un document donnant des informations sincères qui permettent au franchisé de s'engager en connaissance de cause -, restant soumis à l'appréciation de la cour de renvoi ;
Que le champ délibérément restreint de la saisine de la cour de renvoi est rappelé expressément par la Cour de cassation, seule l'appréciation au cas par cas de la connaissance qu'a pu avoir chaque franchisé de l'étendue de son engagement restant à définir en application des articles susvisés ;
Qu'aux termes desdits articles, les informations précontractuelles qui font partie de l'obligation de renseignement du franchiseur portent notamment sur l'état et les perspectives de développement du marché concerné, outre l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités ;
Qu'il est constant que ces dispositions ne mettent pas à la charge du franchiseur de fournir un "compte d'exploitation prévisionnel" ni une "étude du marché local" mais seulement de mettre le franchisé en mesure de s'engager "en connaissance de cause", ce qui implique pour le franchiseur de tenir compte du degré d'expérience et de connaissance dont dispose déjà le franchisé, afin de pouvoir apprécier les informations qu'il doit lui donner pour remplir son obligation pré-contractuelle d'information ;
Qu'en outre, il y a lieu de tenir compte du caractère novateur ou non de la franchise mise en place ;
Qu'enfin, nonobstant le caractère d'ordre public des dispositions sus rappelées, le franchisé est un commerçant indépendant et responsable de sa gestion, bénéficiant certes d'un encadrement légal protecteur, mais libre d'exercer son choix d'adhérer ou non à un réseau de franchise ;
Qu'en l'espèce, il résulte des documents d'information précontractuelle remis à Monsieur Dufour le 19 janvier 2006 qu'il a bien été destinataire des documents d'information préalable requis par la loi, qu'il était rappelé la nature du contrat de franchise qui associe une entreprise propriétaire d'une enseigne (le Franchiseur) à plusieurs commerçants indépendants (les Franchisés), qualité revendiquée par Monsieur Dufour, et que seuls le contenu desdits documents et le niveau de connaissance qu'a pu en avoir Monsieur Dufour étaient contestés ;
Qu'il résulte des pièces versées aux débats que les franchisés du réseau Assurtis étaient des professionnels, triés sur la base de leur expérience acquise soit dans le domaine de l'assurance, soit dans le domaine du crédit, cette exigence faisant partie des pré-requis pour valider la candidature des courtiers souhaitant devenir des franchisés Assurtis ;
Qu'à ce titre, certains candidats ont été recalés lors de la constitution du réseau ;
Que Monsieur Dufour, qui a fourni son curriculum vitae mentionnant sa grande expérience non seulement dans le domaine de l'Assurance mais aussi du courtage et de mandats de compagnies bancaires (Cofica en 1988 et UCB en 1990), sur des secteurs variés comme Arcachon, la région de Bordeaux, la région Rhône-Alpes et les Antilles, a été retenu au sein du réseau des franchisés en cours de constitution ;
Qu'il n'est pas contesté que ce réseau de franchise était totalement novateur et constituait une expérience originale, ce que le franchiseur a clairement exposé dans la documentation d'information précontractuelle ;
Qu'il n'a pas été occulté que ce projet ne pouvait dès lors se fonder sur des bilans ou des comptes de résultats antérieurs, ni sur un budget prévisionnel, le réseau Assurtis étant en cours de constitution, ce qui était clairement énoncé dans tous les documents d'information ;
Que son originalité provenant du mariage inédit de l'assurance et du crédit ne permettait en effet pas d'établir des prévisions certaines, ni de recruter des candidats disposant déjà de cette double expérience, au demeurant inexistante, ce qui était clairement indiqué dans les documents d'information précontractuels distribués et qui a justifié que les professionnels recrutés provenaient soit du secteur des assurances, soit du secteur du crédit, mais chacun ayant déjà acquis une bonne connaissance locale des secteurs concernés, et chacun étant informé de l'offre de formation dont il allait pouvoir bénéficier dans le domaine du crédit (la plupart des agents recrutés provenant du secteur de l'assurance) ;
Qu'au titre de la communication faite par Assurtis sur son concept (pièces communes communiquées par Assurtis - cote 2), notamment dans un document intitulé "April Développement et Mediatis lancent le premier réseau de franchise en assurances et crédits " figuraient les offres de formation en crédit proposées par Assurtis au bénéfice des candidats déjà spécialisés en assurance: "l'offre Assurtis : une large gamme de produits en assurance : assurance auto quel que soit le profil de clientèle, assurance habitation, assurance santé, assurance moto... et en crédit : rejoindre Assurtis c'est bénéficier d'une formation permettant d'obtenir la carte de démarchage crédit pour distribuer crédits revolving, crédits amortissables, regroupement de créances";
Qu'ainsi, cette offre de formation dans le crédit impliquait nécessairement pour le candidat à l'adhésion au réseau de franchise qu'une connaissance de la matière serait requise pour exploiter, de sorte qu'il ne pouvait ignorer que, soit il devait déjà s'y connaître, soit il devra se former ;
Qu'enfin, il n'est pas contesté que la documentation s'adressait à des professionnels expérimentés, soit de l'assurance (pour la plupart, dont Monsieur Dufour), soit du crédit, réputés dès lors être suffisamment avisés pour comprendre les termes de ladite documentation ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que chacun des franchisés a été recruté sur un secteur géographique qu'il maîtrisait ou qu'il envisageait de développer sur la base de ses propres connaissances, au regard de son expérience plus ou moins longue mais certaine, et que chacun des franchisés s'était engagé à réaliser une étude de marché et une étude d'implantation préalable, ce qu'ils n'ont pas fait, une trame vierge contenant déjà les formules de calcul et des explications précises sur l'élaboration d'un budget prévisionnel leur ayant été fournie dans la documentation précontractuelle d'information ;
Qu'il est établi par les articles de presse et documents publicitaires versés aux débats que ce réseau a bien fonctionné pendant les trois premières années, affichant une belle progression et un bon maillage territorial, et que le réseau a compté jusqu'à 66 agences sur tout le territoire français ;
Qu'en l'espèce, ainsi que cela résulte du CV qu'il avait fourni, Monsieur Dufour travaillait dans le domaine de l'assurance depuis 1975, qu'il a eu quelques mandats dans le domaine du crédit et a couvert plusieurs régions ;
Qu'il a notamment travaillé plus de huit années dans le secteur de Bordeaux (33), couvrant le territoire de l'agence Assurtis qu'il a ouverte à Biganos (33) qui se situe à environ 38 km de Bordeaux ;
Que Monsieur Dufour n'a pas réalisé l'étude de marché et l'étude d'implantation auxquelles il s'était engagé, mais qu'il a attendu sept mois avant d'ouvrir son agence, ce qui lui a permis d'effectuer ses propres analyses, ainsi que son propre budget prévisionnel sur la base des trames fournies, sans pour autant en référer à Assurtis, qui n'en a pas connu les résultats ;
Que certes il n'était pas un spécialiste du crédit, mais qu'il a eu une expérience dans ce domaine et qu'il est un spécialiste de l'assurance ;
Qu'il est démontré que Monsieur Dufour a été informé des aléas liés au caractère novateur du réseau Assurtis par la documentation remise ;
Qu'en effet, les documents remis à ce titre étaient tout à fait explicites et ne permettaient pas à Monsieur Dufour de se méprendre sur l'absence de résultats chiffrés, ni sur l'absence d'exploitation préalable du concept ;
Que la société Assurtis n'avait assuré aucune garantie de rentabilité dont il appartenait à chaque franchisé d'apprécier, en toute autonomie et au regard de sa propre expérience, la valeur économique du projet ;
Qu'au vu des éléments sus rappelés et de l'engagement de formation proposé par Assurtis dans le domaine du crédit dont il pouvait bénéficier, c'est dès lors en toute connaissance de cause qu'il s'est engagé ;
Qu'en conséquence, et en l'absence de preuve de tout manquement aux obligations précontractuelles sus rappelées, la société ACDD et Monsieur Dufour doivent être déboutés de leur demande de dommages et intérêts à ce titre ;
Qu'ils conserveront la charge des dépens et de leurs frais irrépétibles et devront indemniser Assurtis à ce titre ;
Que la décision des premiers juges sera dès lors confirmée sur les points remis en débat, l'arrêt de la cour d'appel du 19 février 2014 étant définitif sur les autres points ;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, sur renvoi après cassation, statuant sur la demande dommages-intérêts au titre de manquements précontractuels, sur l'article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens, Donne acte de la désignation d'un mandataire ad'hoc, Maître Serge Cera, pour représenter la société ACDD, suivant ordonnance du 20 juin 2017, aux lieux et place de Maître Silvestri ; Confirme la décision entreprise sur les chefs discutés, Condamne Monsieur Serge Dufour et la société ACDD prise en la personne de son mandataire ad'hoc Monsieur Serge Cera, à payer à la société Assurtis la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne Monsieur Serge Dufour et la société ACDD prise en la personne de son mandataire ad'hoc Monsieur Serge Cera, aux dépens dont distraction au profit de Maître Lallement, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.