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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 30 novembre 2017, n° 15-19388

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Equilibre Implant Chirurgical (SARL)

Défendeur :

Biomet (SAS), Zimmer Biomet France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mmes Schaller, du Besset

Avocats :

Mes Regnier, André, Etevenard, Por

T. com. Lille, du 8 sept. 2015

8 septembre 2015

Faits et procédure :

Le 14 mars 2007, la société Equilibre Implant Chirurgical (EIC), ayant pour activité le commerce d'articles médicaux, chirurgicaux et orthopédiques, et la société Biomet France ont conclu un contrat dénommé "contrat d'agent d'affaires" pour une durée indéterminée, consistant, pour la société EIC en la recherche de clients pour le compte de Biomet, en contrepartie du versement d'une commission de 35 % sur le montant hors taxes des ventes de produits réalisées par Biomet France grâce à l'entremise d'EIC sur le territoire de la France métropolitaine.

Entre le 26 novembre 2008 et le 12 juillet 2013, cinq avenants au contrat d'agent d'affaires du 14 mars 2007 ont modifié le périmètre géographique d'exercice et le montant des commissions qu'EIC avait vocation à percevoir.

Le 8 juillet 2013, la société Biomet a notifié à la société EIC la résiliation du contrat du 14 mars 2007. La société EIC a contesté les motifs de cette rupture par courrier du 1er août 2013 et, par acte du 15 juillet 2014, a saisi le Tribunal de commerce de Lille Métropole pour rupture injustifiée et brutale, par la société Biomet, du contrat d'agent d'affaires.

Par jugement du 8 septembre 2015, le Tribunal de commerce de Lille Métropole a :

débouté la société Biomet de son exception de nullité de l'assignation ;

débouté la société EIC de ses demandes au titre de la rupture brutale des relations commerciales avec la société Biomet ;

condamné la société EIC à payer à la société Biomet une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société EIC a régulièrement interjeté appel le 30 septembre 2015 à l'encontre de ce jugement.

Par acte délivré le 20 juin 2017, la société EIC a assigné en intervention forcée la société Zimmer Biomet France, venant aux droits de la socité Biomet par suite d'une fusion absorption à effet du 30 novembre 2016.

Prétentions des parties :

La société Equilibre Implant Chirurgical (EIC), par dernières conclusions signifiées le 20 juin 2017, demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondée la société EIC en son assignation en intervention forcée à l'encontre de la société Zimmer Biomet France, venant aux droits de la société Biomet à la suite d'une fusion-absorption à effet au 30 novembre 2016 ;

- dire la société EIC recevable en son appel et l'en déclarer bien fondée ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Biomet de son exception de nullité de l'assignation ;

- l'infirmer pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- constater que la résiliation sans préavis effectuée par la société Biomet n'est pas fondée ;

- constater l'existence d'une rupture brutale des relations commerciales établies entre la société EIC et la société Biomet ;

En conséquence,

- fixer la durée du préavis à un an ;

- condamner la société Biomet à verser à la société EIC la somme de 826 840,95 euros représentant une année de préavis ;

A titre subsidiaire,

- constater que la résiliation sans préavis effectuée par la société Biomet n'est pas fondée ;

- dire que la rupture du contrat d'agent commercial ouvre droit, au bénéfice de la société EIC, à un préavis de trois mois ;

- condamner la société Biomet à verser à la société EIC la somme de 170 478,87 euros ;

- dire que la rupture du contrat d'agent d'affaires par la société Biomet ouvre droit au versement d'une indemnité compensatrice du préjudice subi au bénéfice de la société EIC ;

- condamner la société Biomet à verser à la société EIC la somme de 826 840,95 euros en réparation de l'intégralité du préjudice subi ;

En tout état de cause,

- débouter la société Biomet de toutes ses demandes incidentes et reconventionnelles ;

- condamner la société Biomet à payer à la société EIC la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Bruno Régnier, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Sur la demande de nullité de l'assignation, elle oppose l'incapacité de Biomet à invoquer le moindre grief ou de justifier d'une quelconque impossibilité d'exercer normalement ses droits en défense résultant de cette omission.

EIC invoque l'existence, entre les parties, d'une relation commerciale établie : elle fait valoir que les deux sociétés n'ont pas cessé d'entretenir des relations depuis le 14 mars 2007 et que ce n'est que de manière soudaine que la société EIC a été informée d'une résiliation unilatérale du contrat la liant à la société Zimmer Biomet, que cette rupture est intervenue sans préavis, sans indemnité ni information préalable, que la rupture est intervenue après six ans de relations commerciales au cours de laquelle aucun reproche n'a été formulé par écrit à la société EIC.

Sur son prétendu refus de renouveler son adhésion à la politique de lutte contre la corruption, elle fait valoir qu'elle a toujours respecté son obligation d'adhérer à cette politique depuis le début des relations commerciales en 2007. Elle indique que :

- si elle a reçu, le 26 avril 2013, un courriel de Madame X, Compliance Liaison Officer, précisant qu'une procédure de renouvellement de la Due Diligence devait être effectuée, les courriers échangés ne mentionnaient aucune date butoir ou d'échéance pour la réalisation de la procédure, et la date du 8 juillet 2013 a été fixée unilatéralement par Biomet, cette dernière n'ayant d'ailleurs pas attendu l'expiration du délai pour résilier unilatéralement le contrat ;

- Biomet n'a jamais mis en demeure EIC de réaliser cette procédure ;

- en tout état de cause, l'absence de renouvellement ne saurait constituer un manquement suffisamment grave d'EIC qui rendrait la poursuite du contrat impossible, l'obligation en cause n'étant, au plus, qu'une obligation accessoire au contrat d'agent d'affaires.

Elle conteste, de même, tout manquement à son obligation de transmission aux instances ordinales des informations relatives aux avantages procurés aux professionnels de santé, telle que prévue par le décret n° 2013-414 du 21 mai 2013 ; elle souligne qu'elle n'était pas informée de cette obligation, que, si Biomet a, par courriel du 30 mai 2013, informé ses partenaires concernant l'entrée en vigueur du décret du 21 mai 2013, le message n'a été transmis qu'à un commercial d'EIC qui n'avait pas qualité pour être destinataire d'un tel courriel. Elle ajoute qu'en tout état de cause, le retard de déclaration ne saurait être un motif suffisant pour justifier d'une rupture des relations commerciales sans préavis.

EIC expose par ailleurs que la violation de l'obligation de non concurrence n'est caractérisée pour aucune des cliniques citées par Biomet, établissements qu'elle n'a, à aucun moment, démarchés pour la fourniture d'implants concurrents de ceux de Biomet.

Elle soutient que, dans l'hypothèse où le contrat serait requalifié en contrat d'agent commercial, et non contrat de courtage, il conviendrait, en application des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, de considérer que la lettre recommandée avec accusé de réception du 1er août 2013 adressée par le conseil de la société EIC empêche toute déchéance de son action indemnitaire, que, lorsque les parties souhaitent mettre fin à la relation commerciale, un préavis doit être accordé et une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi comprenant toutes les rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties doit être allouée, seule la faute grave de l'agent commercial est susceptible d'écarter l'octroi de cette indemnité compensatrice.

EIC conteste les fautes invoquées par Biomet ; elle indique que les remarques des clients sur son comportement n'ont jamais été portées à sa connaissance, en outre, l'article 2 du contrat lui interdit d'agir comme mandataire de la société Biomet et justifie ainsi qu'elle n'ait pas eu à fournir d'informations aux clients prospectés.

La SAS Zimmer Biomet France, par dernières conclusions signifiées le 28 juin 2017, demande à la cour de :

- la déclarer recevable en son intervention volontaire ;

In limine litis,

- annuler l'assignation que la société EIC a fait délivrer à la société Biomet SAS le 8 juillet 2013 ;

Subsidiairement,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société EIC de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

Plus subsidiairement,

- avant dire droit, désigner tel expert qu'il plaira à la cour, avec pour mission de :

se faire communiquer l'ensemble des éléments comptables d'EIC ;

se faire remettre par la société Zimmer Biomet France les éléments justifiant l'existence d'une clientèle propre à Zimmer Biomet France ;

déterminer si EIC a reçu des paiements de quelque sorte que ce soit au titre d'opérations contraires aux termes de l'article 8 du contrat en étant associée à la commercialisation de produits concurrents des produits exclusifs sur le territoire exclusif, l'article 1 de l'avenant n° 4 au contrat, en étant associée de quelque manière que ce soit à la commercialisation de produits dans les départements du Pas de Calais, du Nord, de la Somme, de l'Aine, de l'Oise et du Val d'Oise, l'article 5 du contrat en étant associée à la commercialisation de produits à destination de la clientèle propre à Zimmer Biomet France ;

En tout état de cause,

- infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau :

- condamner la société EIC à payer à la société Zimmer Biomet France la somme de 100 000 euros à titre de dommages intérêts ;

- condamner la société EIC à payer à la société Zimmer Biomet France la somme de 50 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de l'assignation délivrée à l'initiative d'EIC, en application de l'article 855 du Code de procédure civile, pour omission de la mention de l'article 861-2 du Code de procédure civile.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies, elle fait valoir que les manquements contractuels graves d'EIC justifiaient la résiliation immédiate du contrat :

- d'une part, la violation, par EIC, de ses obligations réglementaires en matière de validation de la certification liée au respect de la politique globale du groupe Biomet de lutte contre la corruption (Biomet Global Policy) et de déclaration d'intérêt en application du décret n° 2013-414 du 21 mai 2013 ;

- d'autre part, les manquements contractuels répétés aux prescriptions de non concurrence et de non démarchage, pendant toute la durée de la relation contractuelle ;

- l'utilisation, par EIC, de la qualité de représentant ou de mandataire de Biomet, alors que l'article 5 § 4 du contrat prévoit le rôle de la société EIC qui devait se limiter à la mise en relation avec des clients et ne devait, en aucun cas, être présentée comme représentant ou comme mandataire de Biomet ;

- enfin, les manquements d'EIC à son obligation d'apporter aux clients potentiels toutes informations et conseils utiles sur la gamme de produits de Biomet, les caractéristiques de ces produits, leurs conditions d'utilisation, ainsi que leur prix, Biomet ayant reçu plusieurs plaintes de ses clients au sujet du manque de professionnalisme du personnel d'EIC.

Sur la demande subsidiaire fondée sur la rupture du contrat d'agent commercial, Biomet affirme que les demandes sont présentées pour la première fois par la société EIC alors que les parties ont toujours été d'accord pour considérer que le contrat qui les liait était un contrat de courtage ; elle indique en outre que les manquements d'EIC sont en tout état de cause suffisants pour caractériser l'existence d'une faute grave de cette dernière.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.

MOTIFS :

Considérant qu'il convient de déclarer la SAS Zimmer Biomet France recevable en son intervention ;

Sur la nullité de l'assignation délivrée à l'initiative de la société EIC

Considérant que l'article 855 du Code de procédure civile dispose que " L'assignation contient, à peine de nullité, outre les mentions prescrites par l'article 56 : l'acte introductif d'instance mentionne en outre les conditions dans lesquelles le défendeur peut se faire assister ou représenter, s'il y a lieu, le nom du représentant du demandeur ainsi que lorsqu'il contient une demande en paiement, les dispositions de l'article 861-2 " ; que l'article 861-2 du même code prévoit que " Sans préjudice des dispositions de l' article 68, la demande incidente tendant à l'octroi d'un délai de paiement en application de l'article 1244-1 du Code civil peut être formée par déclaration faite, remplie ou adressée au greffe, où elle est enregistrée. L'auteur de cette demande doit justifier avant l'audience que l'adversaire en a eu connaissance par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Les pièces que la partie invoque à l'appui de sa demande de délai de paiement sont jointes à la déclaration. " ;

Que l'article 1244-1 du Code civil relatif aux délais de paiement dispose que " (...) compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. " ;

Considérant que, s'il n'est pas contesté par la société EIC que l'assignation délivrée à son initiative le 30 janvier 2013 à la société Biomet ne comporte pas de référence à l'article 861-2 du Code de procédure civile, Biomet ne justifie pas du grief que lui aurait causé l'absence de visa de cet article sur l'acte litigieux ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Biomet de son exception de nullité ;

Sur la demande principale de la société EIC fondée sur la rupture brutale de la relation commerciale établie

Considérant que l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce dispose qu' " engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) 5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'Economie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure " ;

Considérant que, le 8 juillet 2013, la société Biomet a notifié à la société EIC la résiliation du contrat du 14 mars 2007 ; qu'il est constant que Biomet n'a notifié aucun préavis de rupture ; que Biomet a invoqué, dans sa lettre de résiliation du contrat, un manquement contractuel caractérisé, délibéré et d'une particulière gravité ; qu'elle invoque, au soutien de l'absence de préavis, les manquements de la société EIC à ses obligations contractuelles, en l'espèce, la violation, par EIC, de ses obligations en matière de lutte contre la corruption, la violation de son obligation de non-concurrence ;

Sur la certification de Due Diligence associée au contrat

Considérant que l'article 14 " Respect de la réglementation " du contrat du 14 mars 2007 prévoit EIC s'engage, de manière générale, à exercer ses activités dans le respect des règles applicables. En particulier, EIC reconnaît être informée des dispositions de l'article L. 4113-6 du Code de la santé publique et s'engage à en respecter scrupuleusement les termes " ; qu'EIC a souscrit, le 15 août 2010, à la politique globale de lutte contre la corruption du groupe Biomet (Biomet Global Anticorruption Policy) qui stipule notamment : " Tous les collaborateurs de Biomet seront tenus de signer régulièrement une certification de leur adhésion à la politique, ainsi que de participer de façon satisfaisante à des formations portant sur la législation applicable à la lutte contre la corruption " ; qu'il résulte de ces éléments qu'EIC était informée de ses obligations dans le domaine de la lutte anticorruption ;

Considérant que, par courriel du 26 avril 2013, Madame X, CL Officer de la société Biomet, a informé EIC, que la certification de Due Diligence associée au contrat arriverait à échéance le 8 juillet 2013, lui demandant de remplir, signer et retourner des documents, remplir un questionnaire en ligne, et effectuer une formation en ligne, une fois le questionnaire validé ; que, par courriel du 30 mai 2013, Madame X a, à nouveau, adressé à Monsieur Y la documentation, a indiqué la procédure à suivre et rappelé la date d'échéance du 8 juillet 2013 ; que, par courriel du 4 juin 2013, Madame X a envoyé un nouveau formulaire à remplir, précisant à Monsieur Y la nouvelle procédure à suivre, sans qu'il puisse se déduire de ce courriel qu'il s'agissait d'une nouvelle procédure, ni qu'était remise en cause la date butoir du 8 juillet 2013 ; qu'EIC ne conteste pas ne pas avoir donné suite à ces diverses demandes ; qu'EIC n'est pas fondée à justifier son comportement par le fait que, malgré ses relances, elle n'a jamais reçu communication d'une version française des documents concernés, dès lors que :

- elle avait déjà souscrit un engagement de même nature en 2010 au vu de documents dont elle ne conteste pas qu'ils étaient rédigés en anglais ;

- elle ne rapporte pas la preuve qu'elle ait réclamé à Biomet des documents traduits en français ;

Considérant que la société EIC ne conteste pas qu'ainsi que l'indique Biomet :

- le groupe Biomet, dont la société mère est de droit américain, est notamment soumis, aux Etats Unis, aux règles issues du " United States Foreign Corrupt Practices Act " (" FCPA ") de 1977 interdisant aux sociétés visées de commettre des actes de corruption d'agents publics étrangers ;

- " le 26 mars 2012, Biomet a mis un terme aux enquêtes de la DOJ (Department of Justice) et de la SEC (Security and Exchange Commission) en concluant un accord de poursuites différées (APD) avec la DOJ et un consentement au jugement définitif, ou consentement, avec la SEC. Aux termes de l'APD, la DOJ a accepté de différer les poursuites engagées contre Biomet concernant cette affaire, à condition que Biomet respecte les obligations contractées dans le cadre de l'accord, pendant toute la durée de l'APD. La DOJ a par ailleurs accepté de mettre un terme à ces poursuites et d'annuler sa mise en accusation, à condition que Biomet respecte ses obligations dans le cadre de l'accord, pendant toute la durée de l'APD. L'APD a été conclu pour une durée de trois ans, mais prévoit que cette durée puisse être prorogée d'une année supplémentaire, sur simple demande de la DOJ. (...) Le respect des termes de l'APD requiert une coopération substantielle de la part de nos employés, distributeurs et agents commerciaux avec les professionnels de santé avec lesquels ils interagissent. " (extrait du rapport annuel 10- K du groupe Biomet pour l'exercice clos le 31 mai 2014 - pièce Biomet n°1) ;

- Biomet était susceptible de voir sa responsabilité engagée en cas de non-respect des règles établies dans la cadre du programme de compliance et adoptées dans l'APD ;

Que Biomet rapporte, dans ces conditions, la preuve du caractère essentiel de la souscription, incombant à EIC, à la politique globale de lutte contre la corruption du groupe Biomet ; que le non-respect, par EIC, professionnel du secteur médical, des dispositions régissant la certification de Due Diligence constituait un manquement d'une gravité suffisante pour autoriser la résiliation du contrat sans préavis ;

Sur la déclaration des liens d'intérêts avec les professionnels de santé

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1453-1 du Code de la santé publique, issu de la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (dite loi Bertrand), les entreprises produisant ou commercialisant des produits de santé ou assurant des prestations associées à ces produits doivent rendre publics, sur un site internet public unique, leurs liens d'intérêts avec neuf catégories de professionnels de santé ; que le décret n° 2013-414 du 21 mai 2013 relatif à la transparence des avantages accordés par les entreprises produisant ou commercialisant des produits à finalité sanitaire et cosmétique destinés à l'homme, entré en vigueur le 23 mai 2013, prévoit la mise en place d'un site internet public unique via lequel doivent être publiées l'ensemble des informations concernant les conventions et les avantages dont le montant est égal ou supérieur à 10 euros TTC ;

Considérant qu'EIC admet qu'aux termes de ces dispositions, elle aurait dû procéder à une déclaration aux ordres professionnels (puis à l'autorité responsable du site internet public unique, une fois celui-ci lancé), au plus tard le 1er juin 2013 ; qu'il est constant qu'EIC n'a procédé à aucune déclaration à ce titre ; qu'EIC ne peut soutenir n'avoir pas été informée par Biomet de cette obligation, alors qu'il est constant que Biomet a, le 30 mai 2013, adressé un courriel à l'attention de tous les distributeurs, courtiers, agents d'affaires et agents commerciaux dont l'objet était : Important : dispositif transparence issu de la loi Xavier Bertrand du 29 décembre 2011 (pièce EIC n° 38), le message ayant été transmis, pour EIC, à Monsieur Christophe Z, cadre en charge de la prospection de clients pour Biomet et responsable de la région parisienne, personne habilitée à recevoir l'information communiquée ; que ces éléments établissent le manquement d'EIC à son obligation à ce titre ;

Considérant que l'ensemble des manquements d'EIC en matière de souscription au dispositif de lutte contre la corruption et de déclaration des liens d'intérêts avec les professionnels de santé étaient d'une gravité suffisante pour autoriser la résiliation du contrat sans préavis ; que, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs formulés par Biomet à l'encontre de EIC, la cour confirmera le jugement entrepris en ce qu'il a débouté EIC de ses demandes au titre de la rupture brutale des relations commerciales ;

Sur la demande subsidiaire de la société EIC fondée sur la rupture du contrat d'agent commercial

Considérant que le contrat du 14 mars 2007 (" contrat d'agent d'affaires ") stipule :

- en son article 2 § 2 " Objet ", qu' " EIC ne se voit confier aucune mission de représentation de Biomet le mandant et ne peut ni négocier ni conclure au nom de Biomet France un quelconque contrat avec les clients potentiels concernés. " ;

- en son article 5 § 5 " Obligations d'EIC ", qu' " EIC s'abstiendra, dans les relations avec tous tiers dont les clients potentiels, de se présenter comme mandataire ou représentant de Biomet France. " ;

Que la qualification de contrat d'agent commercial ne peut, dans ces conditions, être retenue ; qu'EIC sera déboutée de sa demande sur ce fondement ;

Sur la demande reconventionnelle de Biomet

Considérant que Biomet, se bornant à indiquer que les agissements d'EIC ont contribué à désorganiser son activité, ne rapporte pas la preuve du préjudice allégué ; que la décision déférée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a débouté EIC de sa demande de ce chef ;

Considérant que l'équité commande de condamner EIC à payer à Biomet la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, REÇOIT la SAS Zimmer Biomet France en son intervention ; Confirme le jugement entrepris ; Déboute la SARL Equilibre Implant Chirurgical de ses demandes ; Condamne la SARL Equilibre Implant Chirurgical à payer à la SAS Zimmer Biomet France la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; Condamne la SARL Equilibre Implant Chirurgical aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.