CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 30 novembre 2017, n° 16-02353
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Satrav (SARL)
Défendeur :
Unil Opal (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Conseillers :
Mmes Schaller, du Besset
Avocats :
Mes Henry, Buffet, Boccon Gibod, Hannard
Faits et procédure :
La société Unil Opal, spécialisée dans la fabrication et la distribution de produits lubrifiants, a entretenu, pendant de nombreuses années, une relation commerciale avec la société de transports routiers Satrav.
Le 31 mai 2012, la société Unil Opal a commandé à la société Lubrizol trois catégories de produits identifiés sous les codes suivants : LZ9990A, LZ7077P, LZ4980A. Le 11 juin 2012, la société Satrav a procédé à l'enlèvement d'un des trois produits chez Lubrizol à Oudalle (76). Le 12 juin 2012, elle a effectué l'enlèvement des deux derniers produits chez Lubrizol à Rouen (76). L'ensemble des produits a été livré le même jour à l'établissement d'Unil Opal sis à Rochereau (86170).
Lors de la livraison, il a été procédé à une inversion des tuyaux de déchargement de la citerne, cette inversion entraînant un mélange des produits et la pollution de plusieurs tonnes de produits de la société Unil Opal.
En effet, les cuves dans lesquelles ont été versés les produits contenaient déjà des liquides. Unil Opal ne s'est pas rendue compte de suite du problème, et aucune remarque n'a été faite sur les bordereaux de livraison.
Ce n'est que le 13 juin 2012 que le dommage a été constaté par Unil Opal. Le même jour, la société Satrav a déclaré le sinistre auprès de sa compagnie d'assurance. Le 18 juin 2012, l'assureur de la société Satrav, la société Axa, a confirmé l'enregistrement de la déclaration de sinistre.
Le 27 juin 2012, une expertise contradictoire diligentée par l'assureur Axa s'est déroulée en présence de l'expert mandaté par l'assureur d'Unil Opal. Le 22 novembre 2012, l'expert a rendu son rapport. Le 28 mai 2013, l'assureur d'Unil Opal a écrit à l'assureur de la société Satrav afin de connaître " ses intentions de règlement ". L'assureur de la société Satrav lui demandé quelles étaient ses réclamations. Le 11 juin 2013, l'assureur de la société Unil Opal a transmis ses demandes chiffrées. Le 25 juin 2013, la société Satrav, s'inquiétant de l'avancée du dossier, était informée par son assureur du traitement prochain de l'affaire.
Le 3 juillet 2013, la société Unil Opal a indiqué à Satrav qu'elle cesserait immédiatement ses relations commerciales avec la société Satrav si elle n'obtenait pas règlement du litige à bref délai. La société Satrav a répondu avoir immédiatement fait le nécessaire auprès de sa compagnie d'assurance Axa, et a communiqué à la société Unil Opal les coordonnées de l'assureur en charge du dossier. Le 4 juillet 2013, la compagnie d'assurance Axa a informé son assurée de la prescription de la demande de la société Unil Opal et donc de l'impossibilité de couverture par l'assurance. Le 2 décembre 2013, la société Unil Opal a rompu la relation commerciale avec la société Satrav.
Par jugement rendu 29 octobre 2013 par le Tribunal de commerce de Poitiers, la société Satrav a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ; la société AJ Partenaires, représentée par Maître Rousseau, a été désignée administrateur judiciaire et Maître Capel mandataire judiciaire. Un plan de sauvegarde de la société Satrav a été adopté le 4 novembre 2014.
Le 22 septembre 2014, la société Satrav a assigné la société Unil Opal devant le Tribunal de commerce de Rennes pour rupture brutale de la relation commerciale. La société Unil Opal a reconventionnellement demandé l'indemnisation de son préjudice occasionné par l'incident du 12 juin 2012.
Par jugement du 10 novembre 2015, le Tribunal de commerce de Rennes :
dit que la société Unil Opal a rompu brutalement ses relations commerciales établies avec la société Satrav sans préavis écrit et que, ce faisant, elle a commis une faute ;
condamné la société Unil Opal à payer à la société Satrav la somme de 12 536 euros au titre du préavis non effectué et débouté la société Satra du surplus de sa demande ;
débouté la société Satrav de sa demande formée au titre des investissements réalisés ;
débouté la société Satrav de sa demande formée au titre de l'atteinte à l'image de la société ;
condamné la société Satrav à verser à la société Unil Opal la somme de 29 881 euros à titre de dommages et intérêts et déboute la société Unil Opal du surplus de sa demande ;
dit qu'il y a lieu d'ordonner la compensation entre les créances réciproques ;
dit que la créance de la société Unil Opal sur la société Satrav sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de celle-ci ;
débouté les parties de leurs autres demandes, fins ou conclusions ;
dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et que chaque partie gardera à sa charge ses frais d'ester en justice ;
dit n'y avoir lieu de prononcer l'exécution provisoire ;
dit que les dépens de l'instance seront partagés en part égale entre les parties.
La société Satrav a interjeté appel de cette décision le 18 janvier 2016. La société Unil Opal a formé appel incident.
Prétentions des parties :
La société Satrav, par dernières conclusions signifiées le 20 septembre 2017, demande à la cour de :
- dire la société Satrav recevable et bien fondée en son appel, y faisant droit ;
- confirmer partiellement le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Rennes en date du 10 novembre 2015 en ce qu'il a dit que la société Unil Opal a rompu brutalement ses relations commerciales établies avec la société Satrav sans préavis écrit et que ce faisant elle a commis une faute ;
- réformer pour le surplus le jugement dont appel et statuant à nouveau,
- condamner la société Unil Opal à payer à la société Satrav la somme de 173 509,11 euros de dommages et intérêts ;
- débouter la société Unil Opal de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société Satrav ;
- débouter la société Unil Opal de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société Unil Opal à payer à la société Satrav la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel.
Elle fait valoir que la société Unil Opal n'a, à aucun moment, notifié sa volonté de cesser ses relations commerciales avec la société Satrav, alors que le préavis de rupture doit, en application de l'article L. 442-6 I 5° du commerce, faire l'objet d'une notification avec un point de départ.
Satrav soutient qu'en vertu de l'ancienneté de la relation commerciale avec la société Unil Opal, de plus de 25 ans, un préavis de 24 mois aurait dû être appliqué.
Sur le respect de ses obligations, elle soutient que le sinistre survenu le 12 juin 2012 ne peut caractériser une inexécution de ses obligations, ni un cas de force majeure. Elle indique qu'elle a procédé à une déclaration de sinistre auprès de son assureur et à toutes les diligences nécessaires, et que l'absence de garantie au titre du sinistre tient à Unil Opal et à son assureur.
Sur le préjudice subi, Satrav soutient que le préjudice réparable est celui qui a été causé par la rupture brutale ; il doit être évalué au regard de la marge bénéficiaire brute que la victime de la rupture était en droit d'escompter en l'absence de rupture de leur relations commerciales, que, sa marge brute bénéficiaire étant de 16,82 %, en prenant en compte la moyenne du chiffre d'affaires hors taxe réalisé au cours des trois années précédant la rupture, le préjudice résultant de la rupture sans préavis peut être évalué à 84 796,57 euros.
Elle ajoute que, depuis la rupture des relations commerciales, les deux citernes appartenant à la société Satrav n'ont plus été utilisées car il s'agit de citernes spécifiquement destinées au transport d'huile, la société Unil Opal étant la seule cliente de la société Satrav pour ce type de transport, les deux ont été vendues entraînant une perte financière.
Sur la demande reconventionnelle de la société Unil Opal, la société Satrav estime que le tribunal de commerce a justement fait référence à la prescription annuelle en matière de droit des transports. Les sociétés Satrav et son assureur Axa n'ont rien reconnu. En revanche la société Unil Opal et son assureur ont été défaillants dans le règlement du litige.
La société Unil Opal, appelante à titre incident, par ses dernières conclusions signifiées le 7 septembre 2017, demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Rennes du 10 novembre 2015 en ce qu'il a dit que la société Unil Opal avaient rompu de manière brutale sa relation commerciale avec la société Unil Opal ;
En conséquence, et statuant à nouveau,
- constater que la société Unil Opal a respecté un délai de préavis de six mois avant de rompre la relation commerciale qu'elle entretenait avec la société Satrav et, par suite, qu'elle n'a commis aucune faute au sens des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;
En conséquence,
- débouter la société Satrav de sa demande d'indemnisation sur ce fondement ;
- A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour devait constater l'existence d'une rupture brutale de relation commerciale à l'initiative de la société Unil Opal ; débouter la société Satrav de sa demande de dommages et intérêts au motif qu'elle ne justifie pas d'éléments suffisants permettant d'évaluer son préjudice ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu la société Satrav responsable du préjudice de la société Unil Opal résultant de l'incident du 12 juin 2012 ;
En conséquence, et statuant à nouveau,
- condamner la société Satrav à payer à la société Unil Opal la somme de 59 763 euros à titre de dommages et intérêts ;
En tout état de cause,
- condamner la société Satrav à payer à la société Unil Opal la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel.
Elle fait valoir que, par le courriel du 3 juillet 2013 - le courriel étant une notification valable - Unil Opal a manifesté son souhait de ne plus poursuivre la relation commerciale. Elle souligne que la rupture avait pour but de mettre fin à un litige résultant d'un incident inhérent à l'erreur d'un chauffeur de la société Satrav, erreur qui n'avait donné lieu à aucune réparation ; ainsi, la rupture n'est ni soudaine, ni imprévisible pour la société Satrav qui était parfaitement informée des intentions de la société Unil Opal, laquelle demandait l'indemnisation de son préjudice découlant de la livraison du 12 juin 2012.
Par ailleurs, la société Unil Opal a accordé à la société Satrav un préavis de six mois, durée conforme aux dispositions de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 (loi LOTI) et du contrat-type approuvé par le décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003, applicable aux transports routiers de marchandises par un sous-traitant, ainsi qu'à celles du décret du 31 mars 2017 applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat type spécifique. Elle observe enfin que la société Satrav n'est pas en situation de dépendance vis-à-vis de la société Unil Opal dès lors que Unil Opal ne représente que 5 % de son chiffre d'affaires et que l'activité principale de Satrav reste le négoce de carburants.
A titre subsidiaire, la société Unil Opal soutient que la société Satrav est défaillante dans la fixation de la durée du préavis, que, si Satrav se prévaut d'une antériorité de 25 ans avec la société Unil Opal, elle ne démontre pas le caractère établi de cette relation qui doit être stable et habituelle ; Unil Opal conteste l'existence d'une relation commerciale qui puisse être considérée comme établie depuis l'année 1988.
Elle soutient que Satrav procède à une évaluation erronée de son préjudice. La présentation n'est volontairement pas conforme à la relation qu'ont entretenue les parties puisqu'avant l'année 2010, le chiffre d'affaires de la société Satrav généré par les transports confiés par la société Unil Opal était largement inférieur à ces montants. Sur les prétendues investissements spécifiques, la société Satrav ne saurait en revendiquer aucune somme, le matériel étant totalement amorti. Sur le préjudice d'image invoqué par Satrav, celle-ci ne justifie d'aucun préjudice distinct de celui résultant de la rupture de la relation commerciale qu'elle entretenait avec la société Unil Opal.
A titre reconventionnel, la société Unil Opal sollicite la condamnation de la société Satrav au titre de l'incident du 12 juin 2012 : elle soutient que le chauffeur de la société Satrav est le seul responsable de cette faute commise au moment de la livraison des marchandises ; ainsi que l'a relevé l'expert mandaté par la compagnie d'assurance d'Unil Opal, la société Satrav a reconnu sa responsabilité lors de l'expertise amiable qui s'est tenue le 27 juin 2012 sur le site de Rochereau de la société Unil Opal. Cela a également été confirmé par l'expert mandaté par la compagnie d'assurance de la société Satrav, ainsi qu'il ressort d'un courriel du 28 août 2012. Dès lors, la société Unil Opal est bien fondée à rechercher la responsabilité de la société Satrav.
Enfin, la prescription annuelle ne s'applique qu'aux produits transportés par la société Satrav et, en aucun cas aux produits présents dans les cuves de la société Unil Opal pollués par les produits livrés par la société Satrav. L'action n'étant pas prescrite, la société Satrav devra être condamnée à indemniser le préjudice de la société Unil Opal sur le fondement de l'article 1147 du Code civil et du contrat type pour le transport public routier en véhicules citernes, approuvé par le décret n° 2000-527 du 16 juin 2000, dès lors qu'il n'existait pas de contrat spécifique entre les sociétés Satrav et Unil Opal.
Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.
MOTIFS :
Sur la demande principale de la société Satrav fondée sur la rupture brutale de la relation commerciale établie
Considérant que l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce dispose qu' " engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) 5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'Economie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure " ; que ces dispositions exigent que l'auteur de la rupture adresse à son partenaire un écrit notifiant son intention de rompre la relation et fixant la durée du préavis qu'il entend octroyer ;
Sur la rupture brutale de la relation commerciale établie
Considérant que la relation s'est poursuivie entre Satrav et Unil Opal de 2004 à 2013 ; que, si Satrav invoque l'antériorité de la relation qui aurait débuté en 1988 avec la société Blondel et se serait poursuivie avec la société Ontario, laquelle a fusionné avec Unil Opal en 1994, les éléments de la procédure n'établissent ni qu'Unil Opal vient aux droits de la société Blondel - Satrav se bornant, sur ce point, à soutenir qu'Unil Opal " a de toute évidence a repris cette entreprise " (page 11 de ses conclusions) - ni qu'un courant d'affaires stable existait entre Satrav et Ontario, qu'Unil Opal avait repris les engagements d'Ontario et qu'elle avait continué la relation initialement nouée ; que c'est en conséquence à raison que les premiers juges ont dit que la relation était établie sur la période de 2004 à 2013 ;
Considérant que, par courriel en date du 3 juillet 2013, Monsieur Pascal X a indiqué à Monsieur Dominique Y, tous deux de la société Unil Opal, avec demande de faire suivre à Satrav : " Merci de prendre contact avec le patron des transports Vivien et lui annoncer que si le problème n'est pas réglé par son assurance avant la fin de la semaine, nous arrêtons de travailler avec lui. Aucun délai supplémentaire, soit c'est réglé vendredi ou sinon c'est totalement interdit de travailler avec ce transporteur " ; que courriel du 3 juillet 2013 a été adressé en copie à ; qu'il n'était toutefois pas une information directe de la société Satrav ; que, faisant seulement état de l'intention d'Unil Opal de mettre un terme à la relation commerciale en cas de non résolution de leur litige à bref délai, il ne comporte ni annonce d'une décision ferme et sans équivoque de rompre la relation, ni notification d'un préavis ; que le courriel du 3 juillet 2013 ne constitue pas une notification de la rupture de la relation commerciale conforme aux prescriptions de l'article L. 442-6 I, 5° ; qu'il est, par ailleurs, indifférent que la relation se soit poursuivie entre les 3 juillet et 2 décembre 2013, date de la dernière commande passée par Unil Opal, cette poursuite n'ayant pas été davantage accompagnée d'une notification, par Unil Opal, de la date de fin de la relation ; que le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a retenu la rupture brutale de la relation commerciale établie ;
Considérant, sur la durée du préavis, qu'Unil Opal n'est pas fondée à invoquer les stipulations du contrat-type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, approuvé par le décret du 26 décembre 2003, la relation ayant existé entre Unil Opal et Strav ne relevant pas de la sous-traitance ; qu'Unil Opal n'est pas davantage fondée à invoquer l'application du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 relatif à l'annexe II à la partie 3 réglementaire du Code des transports concernant le contrat-type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat-type spécifique, ce dispositif n'étant entré en vigueur que le 1er mai 2017 ;
Considérant qu'un préavis d'une durée de six mois doit être regardé comme adapté au regard de l'ancienneté de la relation commerciale de neuf ans ;
Sur le préjudice
Considérant qu'en cas de rupture brutale de la relation commerciale, le préjudice en résultant est évalué en considération de la marge brute correspondant à la durée du préavis jugé nécessaire ;
Considérant que Satrav est fondée à prendre en compte les chiffres d'affaires réalisés au cours des trois années précédant la rupture de la relation : 271 320 euros en 2011, 280 548 euros en 2012, 204 344 euros en 2013, soit un chiffre d'affaires moyen de (271 320 + 280 548 + 204 344)/3 = 252 070,66 euros ; qu'Unil Opal n'oppose aucun élément au taux de marge brute de 16,82 % communiqué par Maître Rousseau ès qualités d'administrateur judiciaire ; que Satrav est en conséquence fondée à obtenir un montant de dommages et intérêts de 252 070,66 euros x 16,82 % x 6/12 = 21 199,14 euros ; que la décision déférée sera réformée sur ce point ;
Considérant que l'article L. 442-6 I, 5° ne permet d'obtenir réparation que du préjudice entraîné par le caractère brutal de la rupture, et non du préjudice découlant de la rupture elle-même ; que le jugement entrepris, dont la cour adopte sur ce point les motifs, sera confirmé en ce qu'il a débouté Satrav de ses demandes au titre de deux citernes que Satrav a été conduite à revendre et au titre d'un préjudice d'image, Satrav ne rapportant pas la preuve du lien direct de ces chefs de préjudice avec la brutalité de la rupture ;
Sur la demande reconventionnelle de la société Unil Opal
Considérant que toutes les actions auxquelles le contrat de transport peut donner lieu sont soumises à la prescription annale prévue à l'article L. 133-6 du Code de commerce ; que tel est le cas du transport litigieux ; que la prescription court à partir du jour où la marchandise a été livrée ; qu'en l'espèce, la livraison est intervenue le 12 juin 2012 ; qu'Unil Opal a présenté sa demande reconventionnelle devant le tribunal de commerce postérieurement à l'acte introductif d'instance du 22 septembre 2014 ;
Considérant que Satrav oppose la fin de non recevoir tirée de la prescription annale ; qu'Unil Opal soutient que le délai de prescription a été interrompu par l'effet de la reconnaissance, par Satrav, de sa responsabilité dans le sinistre du 12 juin 2012 ;
Considérant qu'en application de l'article 2240 du Code civil, le délai de prescription est interrompu par la reconnaissance non équivoque par le débiteur du droit contre lequel il prescrit ; qu'aux termes de l'article 2231 du même code, l'interruption fait courir un délai de même durée que l'ancien ;
Considérant que n'est en l'espèce constitutive d'une reconnaissance de responsabilité de Satrav :
- ni la déclaration de sinistre en date du 14 juin 2012 - d'un contenu purement factuel - faite par Satrav à son assureur (pièce Satrav n° 10) ;
- ni l'attestation établie le 30 juin 2012 par Monsieur A, chauffeur salarié de Satrav (pièce Satrav n° 9), qui n'engageait pas Satrav ;
- ni le courriel de Satrav du 18 avril 2013 : " Comme nous venons de nous entretenir au téléphone, nous vous transférons le message reçu de notre compagnie d'assurance, confirmant n'avoir reçu aucune réclamation de la part de la vôtre. " (Pièce Unil Opal n° 10) ;
- ni le courriel de Satrav à son assureur Axa du 4 juin 2013 : " Vous trouverez ci-dessous les échanges de mails concernant notre dossier commun. Votre assurance ne donne pas suffisamment d'éléments pour faire avancer le dossier. Dès que votre assurance détermine et communique les éléments chiffrés, notre assurance pourra se positionner et effectuer un règlement. Sans cela nous ne pouvons avancer. Merci de votre compréhension. " (Pièce Unil Opal n° 12) ;
Qu'au surplus, en admettant que la déclaration de sinistre en date du 14 juin 2012 ait comporté une reconnaissance, par Satrav, de sa responsabilité, le cours d'un nouveau délai d'un an était insuffisant pour rendre l'action d'Unil Opal recevable ; que, la prescription annale étant en conséquence acquise à la date à laquelle Unil Opal a présenté sa demande reconventionnelle devant le tribunal de commerce, Unil Opal sera déclarée irrecevable en sa demande ; que le jugement entrepris sera infirmé en ce sens ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, confirme le jugement entrepris, sauf sur les dommages et intérêts alloués en réparation de l'absence de préavis de rupture et sur la demande reconventionnelle de la SAS Unil Opal ; Statuant à nouveau des chefs infirmés ; condamne la SAS Unil Opal à payer à la SARL Satrav la somme de 21 199,14 euros en réparation de l'absence de préavis de rupture ; déclare la demande reconventionnelle la SAS Unil Opal irrecevable comme prescrite ; déboute les parties du surplus de leurs demandes ; dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; fait masse des dépens d'appel et les met à la charge des parties, chacune pour moitié.