CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 30 novembre 2017, n° 16-03369
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Groupe Go Sport (SAS), Courir France (SAS)
Défendeur :
Etablissements F. Pfirter (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Conseillers :
Mmes Schaller, du Besset
Avocats :
Mes Meynard, Mazet, Bordes, de Maussion
Faits et procédure :
La société des Etablissements F. Pfirter (Pfirter), fabricant de produits d'entretien pour le cuir et accessoires pour chaussures, a vendu ses produits aux sociétés Go Sport et Courir France.
Après sept ans de collaboration, les sociétés Go Sport et Courir France ont entendu rompre leur relation commerciale avec le société Pfirter.
Le 21 mai 2014, la société Pfirter a assigné les sociétés Go Sport et Courir France pour rupture brutale de la relation commerciale établie.
Par jugement du 14 décembre 2015, le Tribunal de commerce de Lyon a :
dit partiellement irrecevables les demandes de la société Pfirter formulées à l'encontre de la société Courir France ;
reçu la société Pfirter en sa demande et l'en a déclaré partiellement fondée ;
constaté la rupture abusive des relations commerciales entre la société Pfirter et des sociétés Go Sport et Courir France à leurs initiatives ;
condamné la société Go Sport à payer à la société Pfirter la somme de 94 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Pfirter concernant un préjudice moral ;
constaté l'engagement de la société Courir France de prendre le stock de nettoyants et graisses pour un montant de 7 634,16 euros et l'a condamnée à exécuter ledit engagement au profit de la société Pfirter ;
condamné la société Go sport à reprendre le stock de fonds et couvercles détenu par la société Pfirter au prix global de 6 528 euros HT ;
prononcé l'exécution provisoire de la présente décision, nonobstant appel ou opposition et sans caution ;
laissé à chaque partie la charge de sa défense et rejette toutes demandes en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
condamné solidairement les sociétés Go Sport et la société Courir France aux dépens ;
débouté l'ensemble des parties de leurs autres demandes, fins et conclusions.
Les sociétés Go Sport et Courir France ont régulièrement interjeté appel le 4 février 2016 à l'encontre de cette décision.
Prétentions des parties :
Les sociétés Go Sport et Courir France, par dernières conclusions signifiées le 5 septembre 2017, demandent à la cour, au visa de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, de :
- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Lyon en date du 13 décembre 2015 ;
A titre principal,
- dire que la société Go Sport a valablement notifié à la société Pfirter la cessation des relations commerciales compte tenu de l'appel d'offres lancé sur les produits commercialisés par la société Pfirter pour la saison printemps été 2014 ;
- dire que les commandes passées en janvier 2014 ne peuvent être valablement interprétées comme une poursuite de la relation, mais doivent être considérées comme l'exécution normale du préavis ;
- dire que les produits commercialisés par la société Pfirter à la société Go Sport ne peuvent être qualifiés de produits à marque de distributeur en l'absence de caractéristiques techniques définies par la société Go Sport ou Courir, les produits commercialisés par la société Pfirter faisant partie par ailleurs de son catalogue général ;
- en conclusion, dire que la société Pfirter n'a subi aucun préjudice au titre de la rupture des relations commerciales ;
A titre subsidiaire,
- infirmer le jugement entrepris sur le calcul du préjudice subi, et notamment :
relever que l'assiette de calcul doit être fondée sur le chiffre d'affaires réalisé lors des trois années précédant la rupture, (et non de deux années) ;
relever que le taux de marge brute s'établit plus vraisemblablement à 30 % compte tenu des informations publiées relatives aux comptes de la société Pfirter et à la nécessaire déduction des coûts variables ;
constater que la société Go Sport a respecté un préavis d'au moins 4,5 mois ;
- retenir la somme de 5 431 euros comme marge brute maximale par mois de préavis à accorder, en déduisant la marge brute réalisées au cours de 4,5 mois de préavis accordé par les défenderesses à la société Pfirter ;
- confirmer le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Pfirter concernant un préjudice moral ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la reprise des stocks de nettoyants et graisses et de fonds et couvercles ;
Enfin,
- condamner la société Pfirter à verser à chacune des sociétés Go Sport et Courir France la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elles font valoir que Go Sport a régulièrement notifié à la société Pfirter la cessation de la relation commerciale, que Go Sport a lancé un appel d'offres relatif aux produits vendus par la société Pfirter, que cet appel d'offres vaut notification de rupture de la relation commerciale et doit constituer le point de départ du délai de préavis situé au 17 septembre 2013. Le tribunal qui conclut au caractère brutal de la rupture de la relation commerciale n'a pas pris en compte la mise en concurrence. Les commandes postérieures au 17 septembre 2013 correspondent à une exécution conforme du préavis. En effet, pendant cette période durant laquelle Go Sport est tenue de maintenir un niveau de chiffre d'affaires comparable à celui observé dans les mois précédents la rupture. Ainsi, le respect d'une période de 4,5 mois va s'étendre jusqu'au 28 janvier 2014 afin d'être effectif pour la saison printemps été.
Sur le délai de préavis, les sociétés Go Sport et Courir France soutiennent que l'ancienneté de la relation commerciale constitue le critère essentiel d'appréciation du préavis, de même que la situation de dépendance économique. Contrairement à ce qu'avance la société Pfirter, l'octroi d'un préavis de six mois pour une relation de sept ans ne revêt aucune automaticité, Go Sport ne représente en effet qu'une part marginale du chiffre d'affaires de Pfirter et cette dernière n'a pas souffert de la cessation de cette relation commerciale, en particulier grâce à sa capacité de reconversion avec le développement de Famaco. Elles ajoutent que Pfirter n'est pas fondée à solliciter le doublement du délai de préavis au motif qu'elle aurait fourni des produits à marque de distributeur, que, contrairement à ce que prétend la société Pfirter, la jurisprudence exige que soient définies par le distributeur " les caractéristiques techniques ", ce qui, en l'espèce, n'a pas été le cas.
A titre subsidiaire, sur le montant des dommages et intérêts, le tribunal a alloué une somme de 94 500 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales, ce qui est contesté, par les sociétés Go Sport et Courir France. Elles préfèrent une méthode de calcul dont l'assiette est le taux de marge brute à retenir qui doit être appliqué à la moyenne du chiffre d'affaires annuel des trois dernières années alors que le jugement a retenu les marges brutes réalisées au titre des deux derniers exercices. La seule finalité de ce mode de calcul a été de favoriser la société Pfirter en gonflant artificiellement l'assiette ayant servi de base de calcul au préjudice. Ainsi, conformément à une pratique décisionnelle établie, l'assiette qui devra être prise en compte sera le chiffre d'affaires réalisé pendant les trois années précédant la rupture, soit de 2011 à 2013. Compte tenu des chiffres d'affaires réalisés en 2011 (93 807 euros HT), en 2012 (221 719 euros HT) et en 2013 (336 196 euros HT), le chiffre d'affaires moyen annuel réalisé durant les trois dernières années s'établit donc à 217 241 euros (et non à 278 957 euros).
La société Pfirter, appelante à titre incident, par dernières conclusions signifiées le 13 septembre 2017, demande à la cour, au visa des articles L. 442-6 I 5° du Code de commerce et L. 112-6 du Code de la consommation, de :
A titre préalable,
- infirmer la position du Tribunal de commerce de Lyon en ce qu'il a distingué les condamnations prononcées à l'encontre des sociétés Go Sport et Courir France ;
- constater l'existence d'un principe de solidarité entre les sociétés Go Sport et Courir France qui auraient dû respecter un préavis qui ne saurait être inférieur à 12 mois dans le cadre de la rupture de leurs relations commerciales avec les établissements Pfirter ;
Sur la rupture abusive des relations commerciales :
- constater que les sociétés Go Sport et Courir France auraient dû respecter un préavis qui ne saurait être inférieur à 12 mois dans le cadre de la rupture de leurs relations commerciales avec la société Pfirter ;
En conséquence,
A titre principal,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'absence de préavis de rupture ;
- l'infirmer en ce qu'il fixé la durée du préavis de rupture à 9 mois ;
- condamner solidairement les sociétés Go Sport et Courir à verser à la société Pfirter une somme qui ne saurait être inférieure à 126 000 euros à titre de dommages intérêts correspondant à un préavis d'une durée minimum de 12 mois, outre les intérêts au taux légal à compter du 19 février 2014, date de la mise en demeure ;
A titre subsidiaire,
- constater l'insuffisance du préavis de 2 mois ;
- condamner solidairement les sociétés Go Sport et Courir à verser à la société Pfirter une somme qui ne saurait être inférieur à 105 000 euros à titre de dommage intérêts en réparation du préjudice subi, correspondant à un préavis d'une durée minimum de 10 mois, outre les intérêts au taux légal à compter du 19 février 2014, date de la mise en demeure ;
Sur le préjudice moral
- infirmer, le jugement du Tribunal de commerce de Lyon en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de la société Pfirter au titre du préjudice moral ;
- condamner solidairement les sociétés Go Sport et Courir à verser à la société Pfirter la somme de 30 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral ;
Sur la reprise des stocks:
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les sociétés Go Sport et Courir France à reprendre les stocks de nettoyants et graisses et de fonds et couvercles ;
- l'infirmer en ce qu'il a scindé la condamnation entre la société Go Sport au titre des fonds et couvercles et la société Courir au titre des nettoyants et graisses ;
- condamner solidairement les sociétés Go Sport et Courir à reprendre l'intégralité des stocks dans les conditions suivantes :
4 584 nettoyants 250 ml à 1,38 euros HT, soit un total de 6 325,92 euros HT ;
1 023 graisses 100 ml à 1,38 euros HT, soit un total de 1 411,74 euros HT ;
15 653 couvercles et fonds à 0,40 euros HT, soit un total de 6 261,20 euros HT ;
En tout état de cause,
- en tout état de cause, condamner solidairement les sociétés Go Sport et Courir à verser la somme de 12 000 euros à la société Pfirter au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Les sociétés Go Sport et Courir France ont entendu rompre les relations commerciales qu'elles entretenaient avec la société Pfirter depuis 7 ans. En application de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, elles auraient dû notifier par écrit cette rupture et par la même occasion notifier le préavis ainsi que sa durée. Elles ont préféré passer par le biais d'une annonce d'un appel d'offres en date du 17 septembre 2013. Néanmoins la seule mention d'appel d'offres est insuffisante à déclencher un préavis ; l'appel d'offres allégué doit en effet être réel et son organisateur doit justifier d'une véritable mise en concurrence avec communication de toutes les informations utiles au prestataire pour lui permettre de répondre à l'appel d'offres, ce qui n'est nullement le cas en l'espèce ; la procédure d'appel d'offres suppose l'envoi d'une même demande à plusieurs fournisseurs afin de pouvoir obtenir une proposition complète. Ainsi, un cahier des charges dans lequel il est défini précisément ses besoins et objectifs ainsi que les prestations attendues (caractéristiques des produits, volume, quantité) doit être à la disposition des fournisseurs, ce qui n'est pas le cas en l'espèce : les informations sur les besoins et objectifs de l'appel d'offres ainsi que celle sur la concurrence ont été diffusées très tardivement, de sorte que cette consultation n'a pas donné lieu à une véritable mise en concurrence et n'a été qu'un prétexte pour évincer brutalement la société Pfirter. Elles précisent qu'en cas d'appel d'offres irrégulier, il ne peut plus constituer le point de départ du préavis de la rupture de relation commerciale.
Pfirter reproche aux sociétés Go Sport et Courir France de l'avoir entretenue dans l'illusion de la poursuite d'une relation commerciale, comportement injustifiable dès lors que le nouveau fournisseur, successeur de la société Pfirter, était désigné.
Elle invoque l'absence, en tout état de cause, de préavis de rupture d'une durée suffisante ; elle considère que la durée du préavis est incertaine, quatre mois et demi selon les sociétés Go Sport et Courir, que cette durée est insuffisante et que, pour une relation commerciale de sept ans, le préavis doit être compris entre six mois et 1 an pour être considéré comme raisonnable.
Sur la fourniture de produits sous marque " Courir France ", la société Pfirter soutient que les produits fabriqués par elle pour la société Courir France relèvent des fournitures de produits sous marque de distributeur lui permettant de doubler la durée du préavis de rupture. Elle ajoute que, sur le préjudice et la reprise du stock, le tribunal a, à juste titre, alloué des dommages intérêts à la société Pfirter.
Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.
Motifs :
Considérant qu'il n'est pas contesté que les commandes passées à la société Pfirter l'ont été par la société Go Sport, centrale d'achats ; que Pfirter ne rapporte la preuve d'une relation commerciale directe avec la société Courir France, distributeur ; que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit la société Pfirter irrecevable en ses demandes dirigées à l'encontre de la société Courir France ;
Considérant que l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce dispose qu' " engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) 5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'Economie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure " ; que ces dispositions exigent que l'auteur de la rupture adresse à son partenaire une lettre notifiant son intention de rompre la relation et fixant la durée du préavis qu'il entend octroyer ;
Sur la brutalité de la rupture
Considérant qu'il n'est pas discuté qu'entre 2007 et 2013, les Etablissements F. Pfirter ont été le fournisseur exclusif des sociétés Go Sport, centrale d'achats, et Courir, distributeur, pour quatre types de produits d'entretien pour chaussures : les imperméabilisants, les désodorisants, les nettoyants et les graisses ; que l'existence d'une relation commerciale établie n'est pas contestée ;
Considérant que, par courriel en date du 17 septembre 2013, Madame X, chef de produits Courir, a informé les Etablissements F. Pfirter qu'un appel d'offres serait lancé prochainement sur les produits d'entretien et lui a demandé de lui communiquer l'état des stocks sur ces produits ;
Considérant que la notification du recours à un appel d'offres vaut notification de rupture de la relation commerciale et constitue le point de départ du préavis ;
Considérant qu'en notifiant à la société Pfirter leur recours à un appel d'offres pour choisir leur fournisseur, Go Sport et Courir ont manifesté leur intention de ne pas poursuivre les relations contractuelles dans les conditions antérieures ;
Mais considérant que cette notification n'a été assortie d'aucun délai de préavis ; qu'il ne résulte d'aucun élément que Go Sport et Courir aient informé Pfirter de la date à laquelle serait choisie l'entreprise retenue à l'issue de la consultation, ni de celle de fin de leur relation ; que l'instauration d'une procédure d'appels d'offres ne dispense pas de la notification d'un préavis compatible avec la durée antérieure de la relation commerciale établie ; que, si la relation s'est poursuivie jusqu'au 31 janvier 2014, date de la dernière commande passée à Pfirter, Go Sport et Courir, en s'abstenant de notifier la durée du préavis qu'elles entendaient octroyer, n'ont pas mis Pfirter en mesure de mettre à profit un préavis de rupture ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que la rupture présentait un caractère brutal ;
Considérant qu'un préavis de quatre mois et demi doit être regardé comme adapté au regard de l'ancienneté de la relation commerciale de sept ans ;
Considérant que Pfirter soutient que, la relation commerciale portant sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée du préavis doit être double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur ;
Mais considérant que l'article L. 112-6, alinéa 2, du Code de la consommation prévoit qu' " est considéré comme produit vendu sous marque de distributeur le produit dont les caractéristiques ont été définies par l'entreprise ou le groupe d'entreprises qui en assure la vente au détail et qui est le propriétaire de la marque sous laquelle il est vendu " ; que la qualification de produit sous marque distributeur est soumise à deux conditions cumulatives : d'une part, que le distributeur soit propriétaire de la marque sous laquelle le produit est vendu, d'autre part, que les caractéristiques du produit aient été définies par le distributeur ;
Qu'en l'espèce, Go Sport et Courir indiquent qu'elles sont propriétaires de la marque apposée sur les produits de Pfirter, la marque "Courir" ; que toutefois Pfirter ne produit aucun cahier des charges établi par le distributeur et communiqué au fabricant et ne conteste pas avoir elle-même défini les caractéristiques des articles vendus ; qu'elle ne démontre pas que Go Sport et Courir ont défini les caractéristiques techniques des produits en cause ; que le seul conditionnement personnalisé des articles est insuffisant à en faire des produits sous marque de distributeur ; que le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu'il a retenu la qualification de produits vendus sous marque de distributeur ;
Sur le préjudice
Considérant qu'en cas de rupture brutale de la relation commerciale, le préjudice en résultant est évalué en considération de la marge brute correspondant à la durée du préavis jugé nécessaire ;
Considérant que Go Sport est fondée à prendre en compte les chiffres d'affaires réalisés par Pfirter avec la société Go Sport au cours des trois années précédant la rupture de la relation, soit de 2011 à 2013 : 93 807 euros HT en 2011, 221 719 euros HT en 2012 et 336 196 euros HT en 2013, soit un chiffre d'affaires moyen annuel de 217 241 euros ; qu'elle n'oppose aucun élément pertinent à l'attestation du commissaire aux comptes de Pfirter du 19 mai 2017 (pièce Pfirter n° 37) aux termes de laquelle le taux de marge brute de Pfirter s'établit à 44,90 % au titre de 2012 et de 46,11 % au titre de 2013 ; que Pfirter est dès lors fondée à demander la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu un taux de 44 % ; qu'il sera alloué à un montant de dommages et intérêts de 217 241 euros x 44 % x 4,5/12 = 35 844,76 euros ; que la décision déférée sera réformée en ce sens ;
Considérant que l'article L. 442-6 I, 5° ne permet d'obtenir réparation que du préjudice entraîné par le caractère brutal de la rupture, et non du préjudice découlant de la rupture elle-même ; que Pfirter ne rapporte pas la preuve du lien direct avec la brutalité de la rupture des demandes présentées au titre du préjudice moral et de la reprise des stocks ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Pfirter de sa demande au titre du préjudice moral ; que la cour déboutera Pfirter de sa demande au titre de la reprise des stocks et infirmera en ce sens la décision déférée ;
Considérant que l'équité commande de condamner Go Sport à payer à Pfirter la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit la SAS Société des Etablissements F. Pfirter irrecevable en ses demandes dirigées à l'encontre de la société Courir France, a dit que la rupture présentait un caractère brutal et a débouté de sa demande au titre du préjudice moral ; l'infirme pour le surplus ; Statuant à nouveau ; dit que la SAS Groupe Go Sport a rompu brutalement la relation commerciale établie entretenue avec la SAS Société des Etablissements F. Pfirter ; fixe à 4,5 mois le préavis de rupture qui aurait dû être respecté ; condamne la SAS Groupe Go Sport à payer à la SAS Société des Etablissements F. Pfirter la somme de 35 844,76 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la rupture de la relation commerciale établie ; déboute la SAS Société des Etablissements F. Pfirter de ses demande au titre de la reprise des stocks ; condamne la SAS Groupe Go Sport à payer à la SAS Société des Etablissements F. Pfirter la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; condamne la SAS Groupe Go Sport aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.