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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 29 novembre 2017, n° 15-01174

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Chavane de Dalmassy (ès qual.), Dinatel (SA)

Défendeur :

Kawasaki Motors Europe NV (Sté), Imeq (SARL), Teck Racing Import (SARL), Khyks (SARL), VB Racing (SARL), Zimmermann Motorcycles (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Etevenard, Caron, Barbier, Tiourtite, Gast, Pachalis, Peufaillit, Szmukler, Regnier, Saget

T. com. Paris, du 4 déc. 2014

4 décembre 2014

Faits et procédure

La société Kawasaki Europe Motors NV (ci-après " la société Kawasaki ") a pour activité l'importation en Europe de véhicules motorisés à deux roues ainsi que des pièces et accessoires relatifs à ces motocyclettes qui sont fabriquées par la société de droit japonais Kawasaki Motors. Elle distribue ces produits par l'intermédiaire d'un réseau de concessionnaires, dont, notamment, depuis 1976, la société Dinatel.

Le 22 mars 2004, un contrat de concession multimarque a été conclu permettant à la société Dinatel de bénéficier d'une exclusivité de vente des produits Kawasaki dans diverses communes des départements des Hauts de Seine (92), des Yvelines (78) et du Val d'Oise (95).

Le 27 février 2009, les parties ont régularisé un contrat de concession d'exclusivité de marque, la société Dinatel devant dès lors s'approvisionner exclusivement auprès de la société Kawasaki, renonçant ainsi à toute distribution de produits concurrents.

Le 26 janvier 2010, la société Kawasaki a sollicité de la société Dinatel le paiement d'arriérés de factures et le 17 février 2010, les parties se sont rencontrées afin d'étudier les possibilités d'apurement par la société Dinatel de son passif. Le 18 mars 2010, elles ont conclu un protocole d'accord fixant un plan de remboursement et un encadrement des encours et des délais de paiement.

Le 4 janvier 2011, le Tribunal de commerce de Versailles a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Dinatel et a fixé la date de cessation des paiements au 1er novembre 2010. Le redressement judiciaire sera converti en liquidation judiciaire par jugement du 5 juillet 2011.

Le 18 janvier 2011, la société Kawasaki a déclaré sa créance pour une somme de 486 823,72 euros.

En juin 2011, soutenant que la société Kawasaki avait exécuté de mauvaise foi le contrat de concession et que des sociétés à l'initiative d'importations parallèles avaient commis des actes de concurrence déloyale, la société Dinatel a assigné la société Kawasaki et 6 autres sociétés devant le Tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 5 juillet 2011, le Tribunal de commerce de Versailles a ouvert une procédure de liquidation judiciaire au bénéfice de la société Dinatel et a désigné Maître Chavane de Dalmassy en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement du 4 décembre 2014, le Tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la société Zimmermann Motorcycles de son exception d'incompétence,

- donné acte à la société SMJ prise en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel, de son désistement d'instance vis-à-vis de la société MX2K,

- débouté la société SMJ prise en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel, de ses demandes de dommages et intérêts formulées à l'encontre de la société Kawasaki Motors Europe NV,

- débouté la société SMJ prise en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel de ses demandes de dommages et intérêts formulées à l'encontre des sociétés Imeq, Teck Racing Import, Khyks, VB Racing et Zimmermann Motorcycles,

- dit irrecevable la demande de constat de l'existence d'une créance résiduelle formulée par la société Kawasaki Motors Europe NV,

- débouté les société Kawasaki Motors Europe NV et Zimmermann Motorcycles de leurs demandes de condamnation pour procédure abusive,

- condamné la société SMJ prise en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel à payer à la société Kawasaki Motors Europe NV la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société SMJ prise en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel à payer à la société Zimmermann Motorcycles la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société SMJ prise en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel, aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 246,24 euros dont 40,82 euros de TVA.

Vu la déclaration d'appel et les dernières conclusions signifiées le 20 septembre 2017 par la selarl SMJ prise en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Dinatel, appelant, par lesquelles il est demandé à la cour, au visa des articles 1134, 1147, 1382 et 1383 du Code civil, de :

- déclarer la société SMJ prise en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel, recevable et bien fondé en son appel,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

en conséquence,

- dire que la société Dinatel a subi un préjudice s'élevant à la somme de 733 985 euros, sauf à parfaire,

- condamner la société Kawasaki Motors Europe NV à payer à la société SMJ prise en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel la somme de 733 985 euros à titre de dommages intérêts,

- constater les actes de concurrence déloyale commis à l'encontre de la société Dinatel commis par les sociétés Imeq, Teck Racing Import, Khyks, VB Racing, Zimmermann Motorcycles,

- condamner solidairement les sociétés Imeq, Teck Racing Import, Khyks, VB Racing, Zimmermann Motorcycles à payer à la société SMJ prise en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel la somme de 680 000 euros à titre de dommages intérêts,

- débouter la société Kawasaki Motors Europe NV de son appel incident, et en conséquence, l'en débouter,

- débouter la société VB Racing de son appel incident, et en conséquence l'en débouter,

- débouter la société Khyks de son appel incident, et en conséquence l'en débouter,

- condamner la société Kawasaki Motors Europe Nv à payer à la société SMJ prise en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens dont le recouvrement pourra être poursuivi par Maître Frédérique Etevenard, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 2 octobre 2017 par la société Kawasaki Motors Europe NV, intimée ayant formé appel incident, par lesquelles il est demandé à la cour, au visa de l'article 1134 (ancien) du Code civil dans sa rédaction alors applicable au litige, de :

- recevoir Kawasaki en ses demandes et l'y déclarer bien fondée,

- dire mal fondé l'appel interjeté par la société SMJ pris en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel,

à titre principal,

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 4 décembre 2014 en ce qu'il a débouté la société SMJ pris en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel, de l'intégralité de ses demandes formulées à l'encontre de Kawasaki,

à titre incident,

- réformer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 4 décembre 2014 et, statuant à nouveau,

- constater l'existence d'une créance résiduelle de Kawasaki à l'encontre de Dinatel d'un montant de 350 823,72 euros, déclarée au passif de la société Dinatel et non contestée,

- condamner la société SMJ pris en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel, au versement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive,

en tout état de cause,

- condamner la société SMJ pris en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel, au paiement de la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société SMJ pris en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel, aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Marion Barbier conformément aux termes de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 16 juin 2015 par la société Khyks, intimée ayant formé appel incident, par lesquelles il est demandé à la cour, au visa des articles 1382 et 1383 du Code civil, 713-4 du code de la propriété intellectuelle et 559 du Code de procédure civile et de la directive 89/104/CEE de 1988,

- confirmer la décision de première instance du tribunal de commerce Paris du 4 décembre 2014, en ce qu'il a débouté la société SMJ pris en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel, de l'ensemble de ses demandes et notamment celles de dommages et intérêts pour concurrence déloyale,

- constater que l'appel diligenté par la société SMJ pris en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel, est abusif,

- condamner la société SMJ pris en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel, à payer à la société Khyks la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,

en tout état de cause,

- condamner la société Dinatel au paiement de la somme de 10 000 euros à la société Khyks sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société SMJ pris en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel, aux entiers dépens et frais d'instance, dont distraction au profit de la société Recamier représentée par Maître Chantal Bodin Casalis, avocat à la cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,

- condamner la société SMJ pris en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel, à verser à la société Khyks les sommes précitées sous astreinte de 1 000 euros HT par jour de retard à compter de 8 jours suivant la signification de la décision à intervenir ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 1er juin 2015 par la société VB Racing, intimée ayant formé appel incident, par lesquelles il est demandé à la cour, au visa des articles 1382 et 1383 du Code civil et 559 du Code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement du 4 décembre 2014 en ce qu'il a débouté la société SMJ pris en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel, de ses demandes de dommages et intérêts pour concurrence déloyale,

- constater que l'appel diligenté par la société SMJ pris en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel, est abusif,

- condamner la société SMJ pris en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel, à payer à la société VB Racing la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,

en tout état de cause,

- condamner la société SMJ pris en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel, à payer à la société VB Racing la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions signifiées le 19 mai 2015 par la société Zimmermann Motorcycles, intimée ayant formé appel incident, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en tant qu'il a débouté la demanderesse de l'ensemble de ses chefs de demande,

- confirmer le jugement entrepris en tant qu'il a condamné la société SMJ pris en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel, à payer à la société Zimmermann Motorcycles, la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société SMJ pris en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel, à payer à la société Zimmermann Motorcycles, la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la société SMJ pris en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel, la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile augmenté des entiers frais et dépens, pour la procédure d'appel ;

Vu l'absence de constitution d'avocat en appel des sociétés Imeq et Teck Racing Import ;

SUR CE

Sur l'exécution de mauvaise foi du contrat de concession reprochée par la société Dinatel à la société Kawasaki

La société Dinatel soutient que ses difficultés financières sont la conséquence de l'absence de prise en compte par la société Kawasaki du phénomène des importations parallèles de motocyclettes sur le marché français. Elle lui reproche plus précisément de ne pas avoir pris en compte ce phénomène pour revoir les clauses d'objectifs incluses dans le contrat de concession de sorte qu'ayant maintenu des objectifs difficilement atteignables, elle l'a privée de ses primes d'objectifs. Elle ajoute qu'en mettant fin également à l'usage commercial qu'elle lui avait précédemment consenti lui permettant de lisser les enregistrements des motocyclettes, notamment de type cross, et en modifiant les conditions de paiement, la société Kawasaki l'a asphyxiée commercialement et financièrement.

La société Kawasaki réplique en rappelant que, comme le tribunal l'a retenu, selon le droit européen, les importations parallèles sont licites et qu'il lui est interdit, ainsi qu'à ses concessionnaires, d'empêcher l'introduction sur le territoire exclusif de l'un des concessionnaires des produits de la marque Kawasaki issus d'importations parallèles ou d'en fixer le prix de revente. Elle affirme qu'elle a toujours pris les mesures nécessaires pour assurer à la société Dinatel la jouissance paisible du territoire qui lui a été concédé, ses contrats de concession, validés au regard des règles du droit de la concurrence par le Conseil de la concurrence dans sa décision du 25 juillet 2007 cumulant les caractéristiques de la distribution exclusive et de la distribution sélective, en s'assurant du respect par les membres de son réseau de l'interdiction de revente de ses produits en dehors du territoire exclusif concédé. Elle considère qu'elle ne pouvait pas agir de façon efficace dès lors que la société Dinatel ne lui fournissait aucune information précise et concrète susceptible de lui permettre de procéder à des investigations sur d'éventuelles importations parallèles illicites. Elle précise qu'elle a modifié à de nombreuses reprises les objectifs de la société Dinatel, acceptant de les revoir à la baisse au cours de plusieurs périodes. Elle ajoute qu'elle n'a jamais autorisé le report de l'enregistrement de la garantie des véhicules et qu'elle conteste fermement l'existence d'un tel " usage commercial ".

Ceci étant exposé, c'est par de justes motifs que la cour adopte, aucun élément nouveau n'étant produit en cause d'appel, que les premiers juges ont considéré que la société Dinatel ne rapportait pas la preuve d'un comportement déloyal de la société Kawasaki.

Rappelant à raison, le principe de la licéité de l'importation parallèle de produits couverts par un accord de distribution sélective et/ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence, comme tel est le cas en l'espèce du réseau Kawasaki, ils ont relevé que la société Dinatel ne produisait aux débats aucune pièce de nature à apprécier, à tout le moins, la réalité de ventes de motocyclettes Kawasaki intervenues sur le territoire qui lui était concédé. La cour constate que la société Dinatel n'en justifie pas plus en appel, se contentant d'affirmer, à partir de captures d'écran sur internet, l'existence de nombreuses importations parallèles de motocyclettes type cross (250 et 450 cm3) sur le marché français à des prix particulièrement bas par des vendeurs hors du réseau Kawasaki sans démontrer qu'elles sont intervenues sur le territoire que lui a concédé la société Kawasaki à titre exclusif. En outre, le seul fait que la société Kawasaki ait expliqué que, compte tenu de l'existence de la procédure initiée en 2003 par le Conseil national des professions de l'automobile qui lui reprochait des pratiques anticoncurrentielles visant à fermer le marché et qui a donné lieu à la décision du Conseil de la concurrence du 25 juillet 2007 lequel, après examen des contrats de concession Kawasaki, a considéré que des atteintes aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code du commerce et 81 du traité CE n'étaient pas établies, elle n'avait pris aucune mesure entre 2003 et juillet 2007 pour faire respecter de manière stricte des stipulations contractuelles qui, in fine, auraient pu être qualifiées de pratiques anticoncurrentielles, est insuffisant à démontrer une ou des atteintes à la jouissance paisible du territoire qui lui a été concédé.

Aucun comportement déloyal de la société Kawasaki, à ce titre, n'est donc avéré.

Par ailleurs, c'est pertinemment que les premiers juges ont relevé que la société Kawasaki avait plusieurs fois ajusté les quotas annuels de vente pour tenir compte de la baisse des marchés dans des proportions significatives et que la société Dinatel avait perçu des primes d'objectifs, chaque année de 2004 à 2009, comparables en pourcentage à l'ajustement des baisses des quotas.

Enfin, la société Dinatel fait grief à la société Kawasaki de l'avoir asphyxiée financièrement en mettant fin, par courrier du 25 février 2010, à l'usage commercial permettant au concessionnaire de faire enregistrer la garantie des véhicules vendus à ses propres clients de manière lissée sur l'année pour préserver sa trésorerie, l'enregistrement de la garantie déclenchant l'exigibilité du paiement du prix d'achat à la société Kawasaki, et non pas immédiatement à la suite de leur vente à ses clients, et en lui imposant dans le cadre du protocole d'accord du 18 mars 2010, qu'elle a été contrainte de signer, la réduction des délais habituels de paiement à 60 jours en les faisant passer à 30 jours ainsi que l'augmentation du montant des engagements de caution du gérant.

Mais, comme l'ont relevé les premiers juges, d'une part, la société Dinatel ne produit aucune pièce justifiant d'un accord de la société Kawasaki pour déroger à l'obligation essentielle fixée par l'article 10 du contrat imposant au concessionnaire d'enregistrer par internet le véhicule immédiatement après sa livraison, et ce indépendamment de son éventuelle immatriculation, cet enregistrement permettant non pas seulement le déclenchement de la garantie pour l'acquéreur mais également pour la société Kawasaki d'être immédiatement informée de la vente et par suite, de demander le paiement de la facture correspondante. Les lettres produites aux débats établissent le contraire. Ainsi, par lettre adressée le 7 mai 2009, la société Kawasaki, rappelant à la société Dinatel les conditions générales de vente du contrat de financement, l'a invitée à enregistrer dès la livraison toutes les unités vendues afin de lui permettre de déclencher les prélèvements. Par lettre du 26 janvier 2010 en réponse à une demande de la société Dinatel de reporter les échéances de véhicules vendus, elle lui a indiqué que si elle pouvait, à sa demande, reporter les échéances sur des motos non vendues, par contre les factures étaient exigibles dès la vente de la moto. Enfin, par lettre du 25 février 2010, en suite de la visite de son commercial, la société Kawasaki a mis en demeure la société Dinatel de cesser sa pratique, constatée par ce commercial et consistant à lisser les enregistrements afin de retarder artificiellement l'exigibilité de sa dette envers la société Kawasaki.

D'autre part, il est établi que fin 2009, la société Dinatel a souhaité résilier le contrat de financement mis en place par la société Kawasaki qu'elle avait souscrit le 23 novembre 2006, au motif qu'il n'était pas approprié à sa situation, de sorte que les conditions définies au contrat de concession ont trouvé à s'appliquer de nouveau (paiement à 60 jours, date de la facturation) et par ailleurs qu'au 1er mars 2010, les factures échues impayées s'élevant à 128 632,23 euros, les parties ont convenu d'un plan d'apurement suivant protocole du 18 mars 2010 modifiant notamment en contrepartie les conditions de paiement (article 2 réduction des délais de paiement de 60 jours à 30 jours pour les nouvelles motos, avec retour à 60 jours à compter du 1er juillet 2010 si aucun incident de paiement n'était intervenu entre temps). Par suite, les premiers juges ont justement estimé que les modifications de paiement n'étaient que la conséquence de la montée des impayés et de la décision de la société Dinatel d'abandonner le service de financement mis en place.

En conséquence de l'ensemble de ces éléments, faute de justifier d'un quelconque comportement déloyal, le jugement entrepris sera confirmé et la selarl SMJ, ès qualités, sera déboutée des demandes formées à ce titre.

Sur les actes de concurrence déloyale

La société Dinatel soutient que les sociétés Khyks, VB Racing, Teck Racing, Zimmermann Motorcycles et Imeq ont importé des motocyclettes achetées directement auprès du constructeur qu'elles revendent au prix d'achat de la société Kawasaki. Elle se prévaut d'annonces publicitaires parues sur des sites internet. Elle en conclut qu'elles se sont rendues coupables d'actes de concurrence déloyale, lui causant ainsi un préjudice en ce qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité de réaliser ses quotas de vente de motocyclettes, dès lors qu'elle ne bénéficiait d'aucune marge de manœuvre sur les prix qu'elle devait pratiquer.

La société Khyks réplique qu'elle importe de manière légale des motos, notamment de marque Kawasaki auprès du réseau officiel Kawasaki européen et qu'il ne saurait lui être reproché de vendre ses produits moins chers que la société Dinatel. Elle rappelle qu'il est de jurisprudence constante que l'importation parallèle ne peut constituer en elle-même un acte de concurrence déloyale dans la mesure où cela aurait vocation à porter atteinte au principe de liberté de concurrence et de libre circulation des marchandises. Concernant le préjudice allégué par la société Dinatel, elle estime que celle-ci n'établit pas en quoi elle serait responsable de son préjudice dont le chiffrage ne repose sur rien.

Les sociétés Zimmermann Motorcycles et VB Racing reprennent l'argumentation de la société Khyks.

Il y a lieu de rappeler qu'à le supposer établi, le seul fait de commercialiser hors réseau des produits authentiques couverts par un contrat de distribution exclusive et/ou sélective n'est pas fautif dès lors que la revente concerne des produits acquis régulièrement et que par suite, l'action en concurrence déloyale n'est possible que si à la distribution hors réseau s'ajoute une faute imputable au distributeur hors réseau.

La cour constate que la société Dinatel invoque l'existence de ventes constitutives d'actes de concurrence déloyale de manière générale sans en caractériser aucune (date, lieu...) et il ne ressort d'aucun élément que les sociétés Khyks, Zimmermann Motorcycles et VB Racing qui exercent leur activité de vente de motocycles en France métropolitaine, en dehors du réseau Kawasaki et indiquent se fournir directement auprès de revendeurs et négociants européens, aient livré des motocyclettes Kawasaki sur le territoire qui a été concédé à la société Dinatel.

En outre, le fait pour un distributeur non agréé ni autorisé de vendre des motocyclettes Kawasaki dont l'approvisionnement illicite n'est pas établi, à des prix inférieurs à ceux pratiqués par les membres du réseau, n'est pas constitutif en soi, en l'absence d'autres éléments, d'un acte de concurrence déloyale.

Par suite, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Maître Chavane de Dalmassy, ès qualités, de ses demandes en dommages et intérêts pour concurrence déloyale.

Sur les demandes reconventionnelles des intimées

La demande de la société Kawasaki au titre d'une créance résiduelle

Les premiers juges ont débouté la société Kawasaki de sa demande tendant à voir constater l'existence d'une créance résiduelle en sa faveur à hauteur de 350 823,72 euros dans le cadre de la liquidation judiciaire au motif que l'entrée en procédure de la société Dinatel étant antérieure à l'engagement de la procédure devant le tribunal de commerce, seul le juge commissaire était compétent pour statuer sur un telle demande.

Devant la cour, la société Kawasaki réitère sa demande sans toutefois argumenter sur la compétence du juge commissaire, faisant seulement valoir que sa créance a été déclarée et jamais contestée. La selarl SMJ ès qualités conclut, de manière lapidaire, au rejet de cette demande.

Il ressort des pièces versées aux débats que par lettre du 18 janvier 2011, la société Kawasaki a déclaré sa créance au passif de la société Dinatel à hauteur de 486 823,72 euros, entre les mains du mandataire judiciaire lequel lui en accusé réception par lettre du 25 janvier 2011 et que par ordonnance du 8 mars 2012, le juge commissaire, constatant qu'une procédure était en cours devant le Tribunal de commerce de Paris, a sursis à statuer dans l'attente de la décision.

Il y a lieu de rappeler qu'en application des dispositions des article L. 622-21 et suivants du Code de commerce dans leur rédaction applicable en l'espèce, les créances pour lesquelles aucune instance n'était en cours lors de l'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, sont soumises à la seule procédure de vérification des créances à laquelle il est procédé par le représentant des créanciers sous le contrôle du juge commissaire. Si le juge commissaire est compétent pour la vérification des créances et plus précisément pour trancher les difficultés induites par la législation sur les entreprises en difficultés (forme de la déclaration de créance, signataire et délégation de pouvoir, respect du délai...) ainsi que sur la nature de la créance (chirographaire, privilégiée...), en revanche, il n'a pas compétence pour apprécier le bien-fondé de la créance ou pour trancher un litige portant sur la créance elle-même. Dans ce cas, avant de prendre sa décision d'admission ou de rejet, il doit surseoir à statuer dans l'attente de la décision du tribunal.

Par suite, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de la société Kawasaki tendant à voir constater l'existence de sa créance déclarée et il convient d'examiner le bien-fondé de cette créance.

Il résulte des pièces versées aux débats, non contestées par l'appelante, et notamment de la déclaration de créance, des factures et du relevé de compte que la créance résiduelle de la société Kawasaki s'élève à la somme de 350 823,72 euros.

Les demandes en dommages et intérêts des sociétés Kawasaki, Khyks, VB Racing, et Zimmermann Motorcycles pour procédure abusive

L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits ne caractérise pas à elle seule l'abus du droit d'agir. En l'espèce, sociétés Kawasaki, Khyks, VB Racing, et Zimmermann Motorcycles qui ne caractérisent pas la mauvaise foi alléguée à l'encontre de la société Dinatel ne démontre pas en quoi la procédure engagée serait abusive. Elles seront donc déboutées de la demande formée à ce titre et le jugement entrepris sera également confirmé de ce chef.

En définitive, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande tendant à voir constater l'existence d'une créance résiduelle de la société Kawasaki.

La société Dinatel qui succombe également en appel, en supportera les dépens et devra verser à chacune des sociétés intimées la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande tendant à voir constater l'existence d'une créance résiduelle de la société Kawasaki ; statuant à nouveau, constate l'existence d'une créance résiduelle de la société Kawasaki Europe Motors NV à l'encontre de la société Dinatel à hauteur de 350 823,72 euros ; et y ajoutant, condamne la selarl SMJ pris en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel aux dépens d'appel ; autorise Maîtres Marion Barbier, Christophe Pachalis, avocats, à recouvrer les dépens dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ; condamne la selarl SMJ pris en la personne de Maître Olivier Chavane de Dalmassy, ès qualités de liquidateur de la société Dinatel à verser à chacune des sociétés Kawasaki Europe Motors NV, Khyks, VB Racing, et Zimmermann Motorcycles, la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.