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Décisions

CA Dijon, 1re ch. civ., 28 novembre 2017, n° 17-00120

DIJON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Caisse d'Epargne de Bourgogne Franche-Comté , Compagnie Générale de Location d'équipements (SA), Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Petit

Conseillers :

Mmes Dumurgier, Lavergne Pillot

Avocats :

Mes Brosseau, Schaffer, Chiron, Lambert, Héritier

TGI Dijon, JEX, du 4 janv. 2017

4 janvier 2017

Faits, procédure et prétentions des parties

Monsieur et Madame X sont appelants, en vertu de deux déclarations reçues au greffe les 19 janvier 2017 et 24 janvier 2017, d'un jugement d'orientation rendu le 4 janvier 2017 par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Dijon qui, sur l'assignation qui leur a été délivrée le 9 mai 2016 par la Caisse d'épargne de Bourgogne Franche-Comté, pour obtenir la vente forcée du bien immobilier leur appartenant visé par le commandement à fin de saisie immobilière délivré le 10 février 2016 et publié le 9 mars 2016 au Service de la publicité foncière de Dijon volume 2016 S n° 9, a constaté que les conditions légales prévues pour la saisie immobilière étaient réunies, a retenu la créance de la Caisse d'épargne de Bourgogne Franche-Comté fondée sur un acte notarié de prêt reçu le 16 juillet 2013, pour la somme totale de 83 747,14 €, et a autorisé les débiteurs saisis à vendre à l'amiable l'immeuble <adresse>, cadastré section AB n° 140 et 141, au prix minimum de 180 000 € et fixé au 3 mai 2017 la date de l'audience à laquelle l'affaire sera rappelée pour le constat de la vente amiable.

Le juge de l'exécution a autorisé la vente amiable de l'immeuble saisi au vu des mandats de vente signés par les deux époux X et en l'absence d'opposition du créancier poursuivant.

Les appelants ont présenté une requête aux fins d'être autorisés à assigner à jour fixe le 26 janvier 2017.

L'autorisation leur a été donnée par ordonnance du premier président du 27 janvier 2017.

Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 26 janvier 2017.

Ils ont fait assigner à jour fixe la Caisse d'épargne de Bourgogne Franche-Comté, créancier poursuivant, la Compagnie générale de location d'équipements (CGL) et la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Champagne-Bourgogne, créancier inscrit, par actes des 6 et 7 février 2017.

Aux termes de leur dernières écritures notifiées le 16 septembre 2017, les époux X demandent à la cour, au visa des articles R. 311-7 et R. 322-19 du Code des procédures civiles d'exécution, 455, 561 et 919 du Code de procédure civile, 564 du Code de procédure civile, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives, des articles L. 212-1 du Code de la consommation, L. 511-1 et R. 511- l, R. 321-3 et R. 532-5 du Code des procédures civiles d'exécution, 1134 et 1184 du Code civil, L. 31 l-22 et R. 312-3 alinéa 1er du Code de la consommation, 1152 du Code civil, L. 313-1 du Code de la consommation, et R. 313-1 du même code, de :

- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel,

- les recevoir en leur contestation,

- annuler et à défaut réformer le jugement rendu par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Dijon en ce qu'il a dit que la Caisse d'épargne de Bourgogne Franche-Comté disposait d'une créance liquide et exigible et remplissait les conditions légales pour entreprendre une procédure de saisie immobilière,

Et, statuant à nouveau,

- dire et juger que la déchéance du terme du contrat de crédit a été irrégulièrement prononcée par la Caisse d'épargne de Bourgogne Franche-Comté,

- dire que la Caisse d'épargne de Bourgogne Franche-Comté ne pouvait entreprendre d'acte d'exécution forcée à défaut d'être en possession d'une créance exigible, faute d'avoir préalablement mis en demeure les débiteurs de régulariser les échéances impayées et faute d'avoir prononcé la déchéance du terme,

- dire qu'elle ne pouvait en conséquence entreprendre une mesure de saisie immobilière faute d'exigibilité de la créance,

- dire en tout état de cause qu'elle ne justifie pas être en possession d'une créance liquide en raison de l'irrégularité du TEG du contrat de crédit et en raison de l'irrégularité de la clause d'intérêts conventionnels calculée sur 360 jours,

- annuler en conséquence le commandement aux fins de saisie vente en date du 10 février 2016,

Sur l'absence de liquidité de la créance et le décompte,

- juger que le TEG mentionné au contrat de crédit initial est erroné,

- dire et juger que le calcul des intérêts conventionnels sur 360 jours est illégal,

En conséquence,

- annuler la clause d'intérêts conventionnels et subsidiairement prononcer la déchéance des intérêts,

- déclarer inopposable le décompte produit par la Caisse d'épargne de Bourgogne Franche-Comté en raison de l'irrégularité du taux effectif global et inviter le créancier poursuivant à émettre un nouveau tableau d'amortissement appliquant l'intérêt au taux légal, en imputant les paiements intervenus sur le principal de la dette et non sur les intérêts,

- dire et juger qu'en conséquence, la créance dont elle se prévaut n'est pas liquide et annuler en conséquence le commandement de saisie immobilière,

- écarter l'application de l'article R. 322-5 du Code des procédures civiles d'exécution s'il devait les empêcher de demander au juge de contrôler le caractère abusif d'une clause comme contraire au droit de l'Union européenne (directive 93/13/CEE) en application de l'article 55 de la Constitution et de l'arrêt Fraisse de la Cour de cassation du 2 juin 2000,

- dire et juger que la clause d'intérêts conventionnels stipulée sur une période de 360 jours s'analyse en une clause abusive en ce qu'elle crée un déséquilibre au détriment du consommateur,

- réduire à 1 € et infiniment subsidiairement à plus juste proportion la clause pénale par application des dispositions de l'article 1152 du Code civil dans sa rédaction applicable en la cause,

- laisser à la charge de la Caisse d'épargne de Bourgogne Franche-Comté l'ensemble des frais liés à la mesure d'exécution et la condamner à supporter les frais associés aux mesures de mainlevée du commandement de payer du 10 février 2016,

- à titre infiniment subsidiaire et si par extraordinaire la cour ne faisait pas droit à la demande d'annulation du commandement et de déchéance des intérêts conventionnels, confirmer le jugement en ce qu'il les a autorisés à procéder à la vente amiable des biens et droits saisis,

- dire que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la Caisse d'épargne de Bourgogne Franche-Comté aux entiers dépens.

Aux termes d'écritures notifiées le 17 mars 2017, la SA Compagnie générale de location d'équipements demande à la Cour de :

- constater qu'aucun grief n'est soulevé par les époux X à l'encontre de sa créance,

- statuer ce que de droit sur la recevabilité et le bien-fondé de l'appel des époux X,

- condamner solidairement les époux X à lui verser une somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par écritures notifiées le 3 juillet 2017, la Caisse d'épargne de Bourgogne Franche-Comté demande à la Cour, au visa des articles R. 311-7 et R. 322-19 du Code des procédures civiles d'exécution, de :

- dire et juger irrecevable l'appel formé par Monsieur X et par Madame X à l'encontre du jugement du juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Dijon du 4 janvier 2017,

- dire et juger que le TEG fixé dans l'offre de crédit à la consommation en date du 27 mai 2013 est conforme aux dispositions du Code de la consommation,

- dire et juger que le taux conventionnel fixé dans l'offre de crédit à la consommation en date du 27 mai 2013 est calculé sur 365 jours,

- débouter Monsieur X et Madame X de leurs entières demandes et prétentions,

- condamner solidairement Monsieur X et Madame X à lui verser une somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Champagne-Bourgogne bien qu'ayant constitué avocat, n'a pas conclu.

En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions visées ci-dessus.

SUR QUOI

Attendu que l'appel, régularisé dans les quinze jours de la signification du jugement et diligenté selon la procédure à jour fixe, est recevable ;

Attendu que le créancier poursuivant excipe de l'irrecevabilité des contestations soulevées par les époux X postérieurement à l'audience d'orientation, en application de l'article R. 322-5 du Code des procédures civiles d'exécution, faisant valoir que les débiteurs saisis n'ont formulé aucune contestation sur la créance fondant la saisie immobilière lors des deux audiences devant le juge de l'exécution et qu'ils se sont contentés de solliciter l'autorisation de vendre amiablement l'immeuble ;

Que le créancier inscrit relève également que les débiteurs saisis sollicitent différentes choses devant la cour qu'ils n'ont jamais demandées devant le premier juge et rappelle, qu'en vertu d'une jurisprudence constante, l'ensemble des contestations doit être élevé lors de l'audience d'orientation, pour conclure que les contestations qui n'ont pas été élevées devant le premier juge et ne sont soulevées que devant la Cour sont irrecevables, s'agissant d'une irrecevabilité d'office ;

Attendu qu'en réponse à la fin de non-recevoir opposée à leurs contestations, sur le fondement de l'article R. 322-5 du Code des procédures civiles d'exécution, les appelants objectent qu'ils se sont défendus seuls devant le premier juge et qu'ils ont invoqué le seul moyen de défense qu'ils pouvaient opposer sans l'assistance d'un avocat, à savoir la vente amiable de leur bien ;

Qu'ils affirment qu'en application de l'article 564 du Code de procédure civile, ils peuvent soumettre à la Cour de nouvelles prétentions dès lors qu'elles tendent à faire écarter les prétentions adverses ;

Que, se prévalant de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, les époux X soutiennent que les dispositions légales nationales qui interdisent l'examen de la contestation d'un consommateur en cause d'appel ne sont pas conformes au droit de l'Union européenne, soulignant qu'il appartient au juge national d'apprécier d'office le caractère abusif d'une clause dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel, en l'absence de décision revêtue de l'autorité de chose jugée sur ce point, dès lors qu'il est valablement saisi, en relevant qu'en l'espèce, le juge de l'exécution n'a pas apprécié le caractère abusif de la clause d'intérêt lombarde ;

Qu'ils estiment qu'on ne peut leur opposer les dispositions de droit interne de l'article R. 322-5 du Code des procédures civiles d'exécution pour refuser d'apprécier le caractère abusif de ladite clause, cet article étant contraire au droit de l'Union européenne ;

Attendu que, selon l'article R. 311-5, et non R. 322-5, du Code des procédures civiles d'exécution, les contestations ou demandes incidentes ne peuvent être formées après l'audience d'orientation, à moins qu'elles ne portent sur des actes de procédure postérieurs à celle-ci, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ;

Qu'en application de ces dispositions spéciales, dérogeant aux dispositions générales de l'article 564 du Code de procédure civile, le débiteur saisi n'est pas recevable à formuler pour la première fois devant la cour d'appel des moyens de fait ou de droit tendant à contester les poursuites, et ce que le débiteur ait comparu ou non en première instance et qu'il ait ou non été assisté par un avocat ;

Que les époux X n'ayant pas discuté devant le premier juge du défaut d'exigibilité de la créance de la Caisse d'épargne, en l'absence de déchéance du terme régulièrement acquise, ils seront déclarés irrecevables en leur contestation sur ce point ;

Attendu que la règle édictée par l'article R. 311-5 du Code des procédures civiles d'exécution n'est pas contraire au droit de l'Union européenne et notamment au principe de recours effectif au juge, le principe de protection juridictionnelle des consommateurs visant le droit d'accès non pas à un double degré de juridiction mais seulement à un tribunal, pas plus que cette règle n'est contraire au principe du procès équitable et d'accès à un juge institué par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, étant observé qu'en première instance, les époux X qui ont valablement comparu en personne, et qui étaient régulièrement informés par l'exploit introductif d'instance que leurs contestations devaient être formulées par conclusions d'avocat, au plus tard lors de l'audience d'orientation, à peine d'irrecevabilité, n'ont à aucun moment fait part au premier juge de leur souhait d'être assisté d'un conseil afin de soulever des contestations ;

Qu'à cet égard, il n'est pas inutile de rappeler que l'appel du jugement d'orientation n'est pas un procès ou une instance ordinaire où l'appel produit son plein effet dévolutif dès lors qu'il porte sur une mesure d'exécution forcée dont le juge contrôle le bon déroulement et tranche les incidents éventuels ;

Que les époux X n'ayant pas soulevé le caractère abusif de la clause de stipulation d'intérêts devant le premier juge, ils seront déclarés irrecevables en leur contestation sur ce point ;

Attendu que le jugement entrepris n'est pas remis en cause en ce qu'il a autorisés les débiteurs saisis à vendre l'immeuble <adresse>, au prix minimum de 180 000 € ;

Qu'il sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu que les époux X qui succombent supporteront la charge des dépens de la procédure d'appel ;

Qu'il n'est par ailleurs pas inéquitable de mettre à leur charge une partie des frais de procédure exposés par les intimées et non compris dans les dépens ;

Qu'ils seront ainsi condamnés in solidum à leur payer à chacune la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, Déclare Monsieur et Madame X recevables mais mal fondés en leur appel, Déclare Monsieur et Madame X irrecevables en leurs contestations portant sur l'exigibilité et la liquidité de la créance de la Caisse d'épargne de Bourgogne Franche-Comté, Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 janvier 2017 par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Dijon, Y ajoutant, Renvoie l'affaire devant le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Dijon pour la poursuite de la procédure de saisie immobilière, Condamne in solidum Monsieur et Madame X à payer à la Caisse d'épargne de Bourgogne Franche-Comté et à la SA Compagnie générale de location d'équipements chacune la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne in solidum Monsieur et Madame X aux dépens d'appel.