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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 29 novembre 2017, n° 15-00745

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Viandes Service (SARL)

Défendeur :

RLPG Développement (Sasu), Lafi Hard Discount (SAS), Distri Sud-Ouest (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Gary, Sabouret-Menan, Olivier, Soulier

T. com. Rennes, du 9 déc. 2014

9 décembre 2014

Faits et procédure

La société Viandes Service a été créée au mois de décembre 1992 et a pour activité la transformation et le négoce de toutes viandes de boucherie sous toutes ses formes. Depuis sa création, la société a notamment approvisionné en viande des magasins dits de hard discount exploités sous l'enseigne Leader Price.

La société RLPG Développement a démarré son activité le 3 juillet 2008 et fait partie du groupe RLPG qui contrôle 29 magasins dits de hard discount exploités sous l'enseigne Leader Price. Elle a pour activité une activité de holding et de centrale de référencement au service des sociétés exploitant les 29 magasins de distribution alimentaire du groupe RLPG.

La société RLPG Développement a signé en 2012 avec la société Viandes Service un contrat de référencement pour cette année pour la fourniture de produits de découpe de viandes bovines, porcines et abats frais ou surgelés.

La société Lafi Hard Discount est une société holding qui contrôle 73 magasins à l'enseigne Leader Price.

Le 5 juin 2013, la société Lafi Hard Discount a fait savoir à la société Viandes Service que les 29 magasins de la société RLPG avaient été intégrés à 100 % au groupe Leader Price, et que de ce fait, ils seraient amenés à travailler avec la centrale d'achat du groupe. Elle a donc annoncé à la société Viandes Service la fin de leur relation commerciale et lui a demandé de faire connaître le préavis dont elle avait besoin dans le cadre de cette rupture.

La société Viandes Service a répondu par courrier du 11 juin 2013, en demandant un préavis " qui ne peut être inférieur à deux ans ", au vu de la relation commerciale, qui avait, selon elle, duré plus de vingt ans.

Dans un courrier en réponse du 18 juin 2013, la société Lafi Hard Discount a contesté cette durée et a offert un préavis de six mois prenant fin au 6 décembre 2013.

C'est dans ces conditions que par acte du 24 octobre 2013, la société Viandes Service a assigné la société RLPG Développement devant le Tribunal de commerce de Rennes en vue d'obtenir réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.

Parallèlement, la société Viandes Service a assigné par acte du 11 juin 2014 la société Lafi Hard Discount devant le Tribunal de commerce de Rennes en vue d'obtenir réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et en vue d'obtenir la jonction de l'instance engagée à l'encontre de la société RLPG Développement.

Le 4 septembre 2014, le Tribunal de commerce de Rennes a prononcé la jonction des deux affaires. Par jugement du 9 décembre 2014, le Tribunal de commerce de Rennes a :

· reçu la société Viandes Service en ses demandes dirigées contre les sociétés RLPG Développement et Lafi Hard Discount

· dit qu'une relation commerciale a bien existé entre les sociétés Viandes Service et RLPG Développement

· dit que cette relation commerciale n'a pas été rompue brutalement et qu'un préavis écrit suffisant a été accordé,

En conséquence,

· débouté la société Viandes Service de sa demande de dommages et intérêts de 2 060 000 euros, formée sur les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,

· condamné la société Viandes Service à payer à la société RLPG Développement la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et débouté les sociétés RLPG Développement et Lafi Hard Discount du surplus de leur demande à ce titre,

· débouté les sociétés Viandes Service RLPG Développement et Lafi Hard Discount de toutes leurs autres demandes, fins ou conclusions,

· dit qu'il n'y a pas lieu à prononcer l'exécution provisoire,

· condamné la société Viandes Service aux entiers dépens de l'instance.

La société Viandes Service a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe du 8 janvier 2015.

La procédure devant la cour a été clôturée le 3 octobre 2017.

LA COUR

Vu les conclusions du 24 juillet 2017 par lesquelles la société Viandes Service appelante, invite la cour, au visa de l'article L. 442-6 I-5 du Code de commerce, à :

- prendre acte de l'intervention volontaire de la société SAS Distri Sud-Ouest

- prendre acte que cette société vient aux droits de la société Lafi HD,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* dit que la relation commerciale n'a pas été rompue brutalement et qu'un préavis suffisant a été accordé,

En conséquence :

* débouté la société Viandes Service de sa demande de dommages et intérêts de 2 060 000 euros formés sur les dispositions de l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce,

* condamné la société Viandes Services à payer à la société RLPG Développement la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et déboute les sociétés RLPG Développement et Lafi HD du surplus de leur demande à ce titre,

* débouté les sociétés Viandes Service RLPG Développement et Lafi HD de toutes leurs autres demandes, fins ou conclusions,

Statuant à nouveau sur ces points,

- dire que les sociétés RLPG Développement et Lafi HD ont rompu brutalement son contrat de référencement, sans respecter un préavis suffisant au regard de l'ancienneté de la relation et de ses spécificités,

- dire qu'il s'agit d'une rupture brutale de relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce, qui engage leur responsabilité et les oblige à réparer le préjudice subi,

Par conséquent,

- condamner solidairement les sociétés RLPG Développement et Distri Sud-Ouest, venant aux droits de la société Lafi HD, à lui payer la somme de 2 542 040 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale de son contrat de référencement, sur la base du taux de marge brute globale dont il est comptablement justifié, Subsidiairement,

- condamner solidairement les sociétés RLPG Développement et Distri Sud-Ouest, venant aux droits de la société Lafi HD, à lui payer la somme de 2 060 000 euros à titre de dommages-intérêts correspondant à la marge brute qu'elle aurait dû réaliser pendant la durée de préavis de deux ans qui aurait dû lui être accordée, sur la base du taux de marge spécifiquement calculé pour l'activité Leader Price,

Dans les deux cas,

- condamner solidairement les sociétés RLPG Développement et Distri Sud-Ouest venant aux droits de la société Lafi HD à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner solidairement les sociétés RLPG Développement et Distri Sud-Ouest venant aux droits de la société Lafi HD aux entiers dépens de l'instance, qui comprendront les frais de constat d'huissier du 12 septembre 2013 (377,53 euros TTC) ;

Elle a fait valoir que :

- sa demande à l'encontre de la société RLPG Développement est recevable dès lors que la présente procédure est précisément afférente à la rupture du contrat de référencement conclu avec cette dernière,

- la société de référencement initiatrice d'un réseau de distribution est tenue responsable de la rupture brutale des relations commerciales établies avec le fournisseur partie au contrat de vente lorsqu'elle a donné des instructions à tout le réseau de ne plus passer commande auprès de lui et que le réseau s'approvisionne auprès d'autres fournisseurs qu'elle référence,

- ses demandes de condamnation à l'encontre des sociétés RLPG Développement et Lafi HD sont formées à titre solidaire, dans la mesure où ces deux sociétés gèrent de concert la centralisation des achats pour les magasins Leader Price depuis 2013,

- depuis cette date, elles ont été l'une et l'autre ses interlocutrices en leur qualité de centrale de référencement des magasins Leader Price,

- la société Lafi HD n'était pas simplement mandataire de la société RLPG Développement même si l'existence de la société RLPG Développement semble fictive puisque la gestion de l'ensemble de ses activités " administratives, commerciales et autres " a été transférée à la société Lafi HD,

- la société Lafi HD ayant repris l'intégralité de l'activité de la société RLPG Développement a repris les contrats et obligations en découlant, que la société RLPG Développement avait notamment avec elle,

- l'examen des comptes des sociétés Distri Sud-Ouest, Lafi HD et RLPG Développement démontre la reprise de l'activité de la société RLPG Développement par la société Lafi HD,

- le chiffre d'affaires réalisé pour la première fois en 2014 par la société Distri Sud-Ouest à hauteur de 8 407 631 euros correspond, non pas au seul chiffre d'affaires réalisé par la société Lafi HD, qui a fait l'objet d'une opération de fusion-absorption à son profit, mais également au chiffre d'affaires perdu en 2014 par la société RLPG Développement

- elle demande à la société Distri Sud-Ouest de verser aux débats les éléments de son chiffre d'affaires retenus à l'occasion des comptes de fusion,

- l'intervention de la société Lafi HD dans ses relations avec elle et notamment dans la notification brutale de la rupture des relations commerciales établies ne se limite pas à un simple mandat pour le compte de la société RLPG Développement

- les pièces du dossier permettent de mettre en évidence que :

* la société Lafi HD lui a notifié la cessation de leurs relations commerciales et lui a demandé quel délai de préavis elle souhaitait voir appliquer,

* la société Lafi HD lui a refusé le délai de préavis qu'elle revendiquait et lui a notifié un délai de préavis de 6 mois,

* la société Lafi HD lui a notifié la cessation d'approvisionnement des magasins sur certains produits dès le 8 juillet 2013,

* la société Lafi HD parle elle-même des " magasins du groupe Lafi " lorsqu'elle évoque les magasins affiliés à la centrale de référencement,

- la société Lafi HD a joué un rôle important dans la décision de rupture des relations commerciales, étant à ce titre responsable avec la société RLPG Développement des décisions prises à son égard et des conséquences qui en découlent,

A titre subsidiaire,

- s'il était retenu que la société Lafi HD est intervenue en tant que mandataire de la société RLPG Développement sa responsabilité est engagée, en ce que le mandataire est personnellement responsable envers les tiers lésés des délits ou quasi-délits qu'il peut commettre à leur préjudice, même sur les instructions du mandant dans l'accomplissement de sa mission,

- elle a intérêt à agir à l'encontre de la société Lafi HD, solidairement avec la société RLPG Développement

- les relations commerciales doivent être considérées depuis son référencement Leader Price en 1992, pour apprécier son ancienneté,

- la relation commerciale telle qu'elle se traduisait à la date de la rupture, soit 29 magasins affiliés à cette date, doit servir de base au calcul du préjudice subi par la victime pour fixer l'indemnité qui lui revient,

- la relation commerciale que constitue le contrat de référencement, intervient entre le fournisseur agréé, et l'entité de référencement, qu'elle soit juridiquement organisée en centrale de référencement ou non,

- le contrat de référencement permet exclusivement au fournisseur agréé par l'entité de référencement, de proposer ses produits aux magasins Leader Price, qui ne peuvent se fournir auprès du fournisseur que s'il est agréé par l'entité de référencement,

- les achats/ventes de marchandises entre le fournisseur agréé et les magasins Leader Price ne sont que la conséquence directe de l'existence du contrat de référencement entre le fournisseur agréé (Viandes Service et l'entité de référencement (RLPG Développement et Lafi HD), qui est la base nécessaire et exclusive de l'activité du fournisseur agréé auprès des magasins affiliés à la centrale,

- dans les organisations comme celle du groupe Leader Price, les magasins affiliés ne sont pas libres de choisir eux-mêmes les fournisseurs auxquels ils s'adressent et si les magasins affiliés Leader Price ont cessé de s'approvisionner auprès d'elle, ce n'est pas parce qu'ils ont chacun, individuellement décidé de ne plus s'approvisionner auprès de cette dernière mais que c'est bien la centrale de référencement qui a pris cette décision et la lui a notifiée en juin 2013,

- une relation commerciale est établie même si l'identité des parties a évolué au cours du temps,

- lorsqu'une même relation commerciale se poursuit avec des partenaires successifs, le contractant est fondé à opposer à son dernier partenaire en date l'ancienneté de la relation commerciale depuis son origine,

- de 1992 à 2008, le référencement des fournisseurs pour les magasins affiliés au groupe Leader Price était géré par une seule et même famille (Guenant, Guerin et Nougein), à compter de 2008, il a été géré par la centrale de référencement RLPG Développement et depuis 2013, il a été géré par la centrale de référencement RLPG Développement et Lafi HD,

- la relation de référencement qui existe à son profit depuis 1992 de manière continue, quels que soient les changements opérés dans l'identité juridique de la centrale de référencement,

- elle démontre l'ancienneté à 1992 des relations commerciales par des attestations émanant, non seulement de l'ancien dirigeant de l'époque de Viandes Service et d'anciens salariés présents dans l'entreprise depuis cette époque, mais également d'un ancien directeur de magasins Leader Price de 1993 à 2009,

- au regard du volume d'activité engendré par le contrat de référencement (ratio d'activité de 35 % de son chiffre d'affaires), elle se trouvait dans un état de dépendance économique vis-à-vis de la centrale de référencement, au regard de la structure du marché et de la difficulté pour l'appelante de trouver une solution de substitution,

- cette dépendance économique doit être prise en compte dans la détermination de la durée du préavis qui devait lui être accordée ainsi que les difficultés spécifiques rencontrées pour trouver de nouveaux clients dans le secteur de la grande distribution dite hard discount en raison de la concentration des moyens de production et de distribution,

- ses produits sont particulièrement adaptés au hard discount et à une segmentation particulière de la grande distribution, ce qui réduit les possibilités de trouver de nouveaux débouchés, d'autant plus que très peu d'enseignes externalisent les barquettes dans la grande distribution,

- la durée dont elle aurait dû bénéficier pour lui laisser le temps nécessaire pour retrouver un niveau d'activité identique à celui qu'elle connaissait antérieurement à la rupture, ne saurait être inférieure à deux années,

- la rupture d'une relation commerciale établie en fixant un préavis insuffisant au regard de la durée de la relation commerciale caractérise la rupture brutale au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,

- en cessant toute livraison à compter du 26 juillet 2013, elle a seulement pris acte de la rupture des relations commerciales intervenues de fait à l'initiative des sociétés RLPG Développement et Lafi HD depuis le début du mois de juillet 2013,

- dès la notification de la résiliation du contrat, les sociétés intimées ont modifié les conditions contractuelles appliquées jusqu'alors entre les parties, et son chiffre d'affaires a brutalement chuté,

- le fait que la société RLPG Développement lui ait proposé un échange partiel d'activités, qu'elle a refusé, est sans incidence sur l'appréciation du litige puisque celle-ci n'avait aucune obligation d'accepter la proposition,

- la modification des conditions contractuelles pendant la durée du préavis constitue une rupture brutale partielle des relations commerciales au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,

- la rupture partielle de la relation est caractérisée par le défaut total ou quasi-total des commandes, traduisant un déréférencement, par la diminution progressive des commandes jusqu'à leur arrêt total, sans notification préalable,

- la rupture est constatée par la chute significative du volume des commandes pendant la durée de préavis et par la chute soudaine du chiffre d'affaires,

- les intimées n'avaient aucune intention de lui confier une activité " agneau ", leur volonté étant de l'évincer de tous les approvisionnements du groupe Leader Price,

- elle a légitimement pris acte de la rupture du contrat du fait des manquements graves des intimées à leurs obligations pendant la durée du préavis insuffisant,

- le quantum du préjudice subi doit être évalué en considération de la perte de marge brute que le fournisseur pouvait prétendre réaliser auprès des distributeurs affiliés à la centrale de référencement pendant la durée de préavis qui aurait dû lui être accordée,

- elle a réalisé une marge de 509 688 euros les six premiers mois de l'année 2013 soit, pour une année entière, une marge de 1 019 376 euros ;

Vu les conclusions du 23 juillet 2015 par lesquelles les sociétés RLPG Développement et Distri Sud-Ouest, intervenante volontaire, venant aux droits et obligations de la société Lafi Hard Discount intimées ayant formé appel incident, demandent à la cour, au visa des articles L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, et 328 et suivants, 122 du Code de procédure civile, de :

- déclarer recevable et bien fondée la société Distri Sud-Ouest venant aux droits de la société Lafi Hard Discount en son intervention volontaire,

- réformer le jugement attaqué,

- déclarer irrecevable l'action engagée par la société Viandes Service à l'encontre de la société Lafi Hard Discount

- mettre en conséquence la société Distri Sud-Ouest venant aux droits de la société Lafi Hard Discount hors de cause ;

- déclarer l'action engagée par la société Viandes Service à l'encontre de la société RLPG Développement mal fondée,

- dire que l'ancienneté de la relation commerciale avec les magasins référencés concernés par la rupture en litige, et l'application des critères de la dépendance économique, ne justifiaient pas un délai de préavis supérieur à six mois,

- dire que l'interruption à l'initiative de la société Viandes Service de la relation commerciale en cours de préavis a été fautive, et lui interdit de solliciter réparation de son manque à gagner pendant cette période,

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a jugé que le préavis de six mois accordé par la société RLPG Développement était suffisant, et que la société Viandes Service a mis fin au préavis accordé,

en conséquence,

- débouter la SARL Viandes Service de ses fins et prétentions.

Très subsidiairement,

- ordonner une expertise comptable pour vérifier la sincérité des éléments comptables avancés au soutien des demandes de la société Viandes Service et apprendre l'évolution de son activité depuis le 26 juillet 2013,

- condamner la société Viandes Service à leur payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Viandes Service aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par la SCP Septime en application de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Elles expliquent que :

- la société Lafi HD a géré l'activité de sa société sur, la société RLPG Développement en qualité de mandataire,

- ni les actifs, ni l'activité n'ont changé de mains, l'existence de la société RLPG Développement n'étant pas fictive,

- le contrat de mandat n'exige pas l'écrit comme condition de validité,

- c'est à la société Viandes Service qu'il appartient de démontrer la réalité de son affirmation et à cet égard, les sommations de communiquer qu'elles formulent sont dépourvues de fondement,

- l'appelante ne rapporte pas la preuve d'un transfert d'activité,

- la société Lafi HD, n'ayant pas repris pour son compte l'activité de la société RLPG Développement n'ayant agi dans les courriers produits que comme représentant de cette dernière, n'ayant jamais entretenu pour son propre compte de relation commerciale avec la société Viandes Service n'a pas pu engager sa responsabilité à l'égard de l'appelante et n'a pas pu en son nom propre, ni commettre de faute, ni causer de dommage,

- l'appelante ne démontre pas de fautes distinctes commises par la société Lafi HD qui ont concouru à la réalisation d'un même dommage,

- il n'est pas contesté que sur les 28 magasins répertoriés et concernés, RLPG Bourgueil exclue, 9 seulement avaient débuté la relation avec le fournisseur Viandes service depuis plus de cinq années, 12 autres l'ayant débutée en 2011 et 7 en 2012, donc depuis quelques mois,

- l'appelante entend faire supporter un délai de préavis de deux années à 20 sociétés avec lesquelles elle avait noué une relation commerciale depuis une ou deux années alors même que le fait que les sociétés référencées appartiennent à un groupe, ou relèvent d'une enseigne que la société appelante a approvisionné de longue date est indifférent et ne permet pas de faire supporter à une personne morale une obligation qui ne lui incombe pas ni par l'effet du contrat, ni par celui de la loi,

- chacune des sociétés affiliées, seule concernée par la rupture de la relation avec la société Viandes Service, doit supporter, à travers la centrale de référencement, un préavis adapté à l'ancienneté de sa propre relation avec celui-ci,

- la dépendance économique, quand elle est caractérisée, relève d'une responsabilité partagée des partenaires à la relation commerciale,

- la société Viandes Service ne travaillait plus qu'à 35 % de son activité pour la société RLPG développement à l'époque du litige, à raison d'une diversification de sa clientèle encouragée par ses clients,

- la société Viandes Service n'est pas fondée à prétendre avoir été en situation de dépendance économique en considération du seul indicateur que constitue le ratio du chiffre d'affaires réalisé avec elle par les magasins référencés par la société RLPG Développement

- l'état de dépendance économique est caractérisé par l'impossibilité pour une entreprise de développer une relation commerciale équivalente avec un nouveau client, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, ni la société RLPG Développement ni la société Viandes Service n'étant tenues à l'exclusivité,

- le nombre d'acteurs économiques intéressés par la fonction de l'appelante est important, puisqu'il comprend l'ensemble des enseignes de la grande distribution et les collectivités,

- étant une entreprise de négoce et de conditionnement, la société Viandes Service peut par conséquent travailler indifféremment avec toutes les enseignes de la grande distribution et toutes les collectivités exprimant les mêmes besoins,

- ni la dépendance économique, ni l'ancienneté de la relation commerciale ne peuvent justifier la revendication d'un préavis de deux années,

- les magasins affiliés à la société RLPG Développement ont continué à s'approvisionner en viande bovine jusqu'au 22 juillet 2013, soit jusqu'à la rupture de la relation,

- la baisse du courant d'affaires observée n'est imputable qu'à l'arrêt de livraison de viande bovine, et au décrochage de certains magasins pour les abats et le porc,

- la société appelante n'est pas non plus fondée à prétendre que la demande de la société RLPG Développement consistait en une modification substantielle de la relation commerciale,

- la modification de la nature des commandes était admissible, dès lors qu'elle entrait dans le champ contractuel, défini de manière extensive le 2 mars 2012,

- cette modification n'emportait ni changement d'organisation, ni diminution de la rémunération et la réduction temporaire d'activité en résultant ne rendait pas impossible le maintien de la relation durant l'exécution du préavis,

- pour déterminer le préjudice subi en raison d'une rupture brutale des relations commerciales, la moyenne des trois dernières années doit être prise en compte,

- l'appelante n'est pas fondée à projeter une évolution du chiffre d'affaires de 2 % annuel, alors que la conjoncture des ventes de viande dans la grande distribution dite de hard discount sur la période a été en crise, et non pas en progression,

- l'appelante ne démontre pas son taux de marge applicable de manière probante ;

Par conclusions signifiées le 4 octobre 2017, les sociétés RLPG Développement et Distri Sud-Ouest, intervenante volontaire, venant aux droits et obligations de la société Lafi Hard Discount sollicitent notamment le rabat de l'ordonnance de clôture intervenue le 3 octobre 2017, suite à une erreur matérielle.

Par conclusions signifiées le 5 octobre 2017 par la société Viandes Services a demandé le rejet des conclusions et le maintien de l'ordonnance de clôture du 3 octobre 2017, au motif que les intimées ne démontrent pas de causes graves justifiant le rabat de l'ordonnance de clôture, en application de l'article 784 alinéa 1er du Code de procédure civile.

Sur ce

LA COUR se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Sur la recevabilité des conclusions signifiées le 4 octobre 2017 par les sociétés RLPG Développement et Distri Sud-Ouest, intervenante volontaire, venant aux droits et obligations de la société Lafi Hard Discount

L'article 783 du Code de procédure civile dispose que " après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ".

Aux termes de l'article 784 du même code, " l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation ".

Il ressort des éléments de la procédure que la date de clôture et des plaidoiries a été fixée dès le 18 novembre 2015, et que les dernières conclusions de l'appelante ont été signifiées le 24 juillet 2017.

Une erreur matérielle ne constitue pas une cause grave pouvant motiver le rabat de l'ordonnance de clôture, les intimées ayant eu largement le temps de répondre aux conclusions de l'appelante avant la date de clôture connue de longue date.

Il y a donc lieu de rejeter la demande de rabat de l'ordonnance de clôture et de déclarer irrecevables les conclusions signifiées le 4 octobre 2017 par les sociétés RLPG Développement et Distri Sud-Ouest, intervenante volontaire, venant aux droits et obligations de la société Lafi Hard Discount

Sur la recevabilité des demandes de la société Viandes Service à l'encontre de la société Lafi Hard Discount

Il convient de relever à titre liminaire que la société RLPG Développement ne soulève plus, contrairement à la première instance, l'irrecevabilité des demandes de la société Viandes Service à son encontre.

Les intimées soutiennent que la société Viandes Service est dépourvue d'intérêt à agir à l'encontre de la société Lafi Hard Discount en ce qu'elle n'est que le mandataire de la société RLPG Développement et qu'elle ne peut être déclarée responsable à côté ou à la place de son mandant.

La société Viandes Service estime au contraire que ses demandes sont recevables également à l'égard de la société Lafi Hard Discount au motif qu'elle a, avec la société RLPG Développement géré la centralisation des achats pour les magasins à enseigne Leader Price depuis 2013. Elle conteste la qualité de mandataire invoquée par la société Lafi Hard Discount en ce que cette dernière ne démontre pas l'existence de son mandant et qu'elle a, au contraire, joué un rôle important dans la décision de rupture des relations commerciales avec elle. Elle allègue également que la société Lafi Hard Discount gère les activités de la société RLPG Développement. Subsidiairement, elle explique que la responsabilité de la société Lafi Hard Discount pourrait être engagée en qualité de mandataire.

L'article 122 du Code de procédure civile énonce que " constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ".

En l'espèce, l'action engagée par la société Viandes Service dans le cadre de cette instance porte sur la réparation du préjudice qu'elle invoque en raison d'une rupture des relations commerciales qu'elle considère comme ayant été brutale.

Il ressort des pièces du dossier que la société Lafi Hard Discount a expliqué à la société Viandes Service par courrier du 5 juin 2013, sans préciser en quelle qualité et en employant le terme " nous ", que les 28 magasins, qui sont ses partenaires commerciaux, sont désormais intégrés à 100 % au groupe Leader Price, et que ces magasins doivent travailler avec les outils de la centrale d'achat du groupe pour maîtriser la sécurisation des produits en termes d'origine et de traçabilité. Elle demande ainsi à la société Viandes Service de lui indiquer de quel délai de préavis elle aurait besoin pour organiser l'arrêt leur collaboration commerciale.

Par courrier du 18 juin 2013, la société Lafi Hard Discount a signifié à la société Viandes Service que le préavis de 6 mois prendra fin au 6 décembre 2013.

Par ailleurs, il ressort des différents échanges de courriels que les sociétés RLPG Développement et Lafi Hard Discount ont indifféremment échangé avec la société Viandes Service sur les conditions de la rupture des relations commerciales, la poursuite des relations commerciales pendant le préavis et les commandes passées.

Dans ces conditions, il apparaît que la société Lafi Hard Discount a participé aux négociations relatives aux relations commerciales avec la société Viandes Service et s'est présentée comme l'interlocuteur commercial au même titre que la société RLPG Développement. Ces seuls éléments suffisent à caractériser l'intérêt à agir de la société Viandes Service à l'encontre de la société Lafi Hard Discount sans qu'il y ait lieu d'examiner la question de son mandant éventuel ou celle du transfert d'activité.

La société Viandes Service a donc un intérêt à agir à l'encontre de la société Lafi Hard Discount. En conséquence, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société Viandes Service à l'encontre de la société Lafi Hard Discount doit être rejetée. Le jugement doit donc être confirmé sur ce point.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

La société Viandes Service soutient qu'elle a entretenu avec les intimées une relation commerciale établie à compter de l'année 1992. Elle explique que les magasins sous enseigne Leader Price ne peuvent se fournir qu'auprès de fournisseurs agréés au travers de contrats de référencement. Elle relève que la société de référencement initiatrice du réseau de distribution est tenue responsable de la rupture brutale des relations commerciales établies avec ce fournisseur, lorsqu'elle a donné des instructions à tout le réseau de ne plus passer commande auprès de lui et que le réseau a souscrit un engagement d'approvisionnement exclusif auprès des fournisseurs référencés.

Les sociétés RLPG Développement et Lafi Hard Discount contestent la durée de la relation commerciale établie au motif que doit être prise en compte la durée des relations commerciales avec chaque magasin dont la société Viandes Service était le fournisseur au moment de la rupture. Elles allèguent que la société Viandes Service a fautivement dénoncé le contrat dans le cadre du préavis.

Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce :

" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".

La société RLPG Développement ne conteste pas le principe d'une relation commerciale avec la société Viandes Service.

Les parties s'opposent sur la durée des relations commerciales et plus précisément sur la nature des relations commerciales à prendre en compte pour déterminer cette durée, mais aussi sur la brutalité de la rupture et sur la durée du préavis dont aurait dû bénéficier, le cas échéant, la société Viandes Service.

Sur la durée des relations commerciales établies

La société qui se prétend victime de cette rupture doit établir au préalable le caractère suffisamment prolongé, régulier, significatif et stable du courant d'affaires ayant existé entre elle et l'auteur de la rupture, qui pouvait lui laisser augurer que cette relation avait vocation à perdurer.

Le contrat de référencement du 2 mars 2012, concernant les relations contractuelles entre la société Viandes Service et la société RLPG Développement pour l'année 2012, seul contrat produit signé entre les parties pour établir les relations commerciales entre elles, précise que " la société RLPG Développement intervient en tant que centrale de référencement pour tous les supermarchés à enseigne Leader Price des sociétés du Groupe RLPG. Dans ce cadre, la société RLPG Développement a pour rôle d'engager et de mener à bien des négociations commerciales avec les fournisseurs pour le compte des sociétés du Groupe RLPG ".

Le contrat ne limite pas le nombre de magasins et ne liste pas ceux du Groupe RLPG qui peuvent se fournir auprès de la société Viandes Service.

Ainsi, c'est donc bien la durée des relations contractuelles entre la société Viandes Service et la société RLPG Développement sur la base du contrat de référencement qui les liait, qui doit être appréciée pour déterminer la durée de leurs relations commerciales, peu importe que les magasins s'étant fournis auprès de la société Viandes Service aient changé. En effet, le contrat de référencement constitue le seul support juridique des magasins sous enseigne Leader Price pour se fournir auprès de la société Viandes Service les relations commerciales entre elles sont donc indépendantes.

La société RLPG Développement a été créée au mois de juillet 2008 et il n'est pas contesté que dès cette date, elle a entretenu des relations commerciales avec la société Viandes Service Il est donc établi que les relations commerciales entre les parties ont débuté en 2008.

Toutefois, la société Viandes Service ne démontre pas que la société RLPG Développement a souhaité reprendre les relations commerciales que la société Viandes Service entretenait avec d'autres sociétés gérant des magasins sous enseigne Leader Price, en ce que la continuité des échanges et des clients n'est pas établie. La seule circonstance que la société Viandes Service ait été créée en 1992 pour fournir des magasins sous enseigne Leader Price et qu'elle fournit certains magasins depuis 2001 ne peut suffire à démontrer que les liens contractuels ont été ininterrompus au moins depuis l'année 2001, alors que la société Viandes Service ne justifie pas à quelle entité juridique la société RLPG Développement aurait succédé, ni quels étaient leurs liens contractuels antérieurs pour fournir ces magasins, ni que cette dernière avait la volonté de poursuivre ces relations commerciales, les seules attestations communiquées n'étant pas probantes sur ces points.

Il y a donc lieu de considérer que la durée des relations commerciales établies entre la société Viandes Service et la société RLPG Développement a commencé au mois de juillet 2008.

Sur la brutalité de la rupture

Il ressort de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures. L'évaluation de la durée du préavis à accorder est fonction de toutes les circonstances de nature à influer son appréciation au moment de la notification de la rupture, notamment de l'ancienneté des relations, du volume d'affaires réalisé avec l'auteur de la rupture, du secteur concerné, de l'état de dépendance économique de la victime, des dépenses non récupérables dédiées à la relation et du temps nécessaire pour retrouver un partenaire sur le marché de rang équivalent.

En l'espèce, il est constant que la société Lafi Hard Discount a par courrier du 5 juin 2013 signifié la fin des relations commerciales avec la société Viandes Service et que, par courrier du 18 juin 2013, elle a notifié à l'appelante un délai de préavis de 6 mois, celui-ci prenant ainsi fin le 6 décembre 2013.

La société Viandes Service soutient être en état de dépendance économique à l'égard de la société RLPG Développement.

Or, il n'apparaît pas que l'appelante était en situation de dépendance économique à l'égard de la société RLPG Développement celle-ci ne démontrant d'ailleurs pas que la structure du marché de la transformation et du négoce de produits de boucherie de toute viande sous toutes formes est particulière.

Par ailleurs, il ressort des éléments comptables de la société Viandes Service que la part de chiffre d'affaires de la société RLPG Développement dans son chiffre d'affaires total était de 29 % entre le 1er juillet 2011 et le 30 juin 2012 et de 35 % sur la période suivante.

Dès lors, au regard du secteur considéré, de la durée des relations commerciales établies, de la part la société RLPG Développement dans la réalisation du chiffre d'affaires total de la société Viandes Service de la nature de l'activité considérée, de la réalité du marché concerné, en l'absence d'accord d'exclusivité entre les parties et à défaut de la justification d'une dépendance, il y a lieu de considérer que le préavis de 6 mois était suffisant pour permettre à la société Viandes Service de se réorganiser.

Toutefois, la société Viandes Service soutient que le préavis accordé par les intimées n'a pas été effectif, les conditions d'exécution ayant été modifiées par les intimées. Elle ne démontre cependant pas que les nouvelles conditions que lui demandaient les intimées dans le contrat de référencement relatif à l'année 2013, qu'elle a refusé de signer, lui ont été appliquées pendant la durée du préavis.

En revanche, il est établi par des courriels des :

· 2 juillet 2013 envoyé par un représentant de la société Lafi Hard Discount que la société Viandes Service est informée de ce que les produits doivent être désormais d'origine France, qu'à compter du 8 juillet 2013 un autre fournisseur de viande bovine serait sollicité, et que deux magasins essaieraient un nouveau fournisseur en viande ovine,

· 3 juillet 2013 envoyé par un représentant de la société Lafi Hard Discount que la société Viandes Service est informée d'une commande en gamme Abats et/ou Agneau en origine France,

· 22 juillet 2013 envoyé par un représentant de la société RLPG Développement que la société Viandes Service est informée de ce que les produits de la gamme agneau lui étaient également supprimés au même titre que ceux de la viande bovine.

Ces échanges permettent de démontrer que la nouvelle exigence quant à l'origine des produits de viande bovine et ovine ainsi que la suppression sans préavis de ces produits des commandes réalisées auprès de la société Viandes Service constituent des modifications substantielles des conditions commerciales entre les parties à compter du mois de juillet 2013 sans préavis, alors qu'il n'est pas établi par les intimées que ces demandes avaient été formulées préalablement à la société Viandes Service afin de lui permettre de s'organiser et que les commandes ont réellement perduré malgré ces annonces. Il n'est pas établi en revanche que pendant, le premier mois de préavis, celui-ci n'a pas été respecté par les intimées.

En outre, par ces différents échanges, la société Lafi Hard Discount a démontré sa volonté de prendre, aux côtés de la société RLPG Développement la poursuite des échanges commerciaux avec la société Viandes Service. Elles ont à ce titre agi de concert.

Dans ces conditions, les intimées, qui assurent ensemble la gestion des relations commerciales avec l'appelante et définissent indifféremment les nouvelles conditions commerciales pour la poursuite des relations commerciales pendant le préavis, n'ont pas exécuté intégralement le préavis accordé à la société Viandes Service

Il ressort des pièces comptables de la société Viandes Service dont la valeur probante n'est pas utilement contestée, le commissaire aux comptes justifiant les chiffres qu'il avance, ce d'autant que les intimées ont connaissance de ceux-ci puisqu'ils portent sur leurs relations commerciales, qu'au premier trimestre 2013 les viandes ovines et bovines ont constitué 40 % du chiffre d'affaires de la société Viandes Service réalisés avec les intimées. En outre, celles-ci ne démontrent pas que la baisse des commandes est due, comme elles le prétendent, à une baisse de la consommation sur ces produits sur la même période.

Il y a donc lieu de considérer que les sociétés RLPG Développement et Lafi Hard Discount ont partiellement exécuté le préavis pendant 5 mois.

Aussi, le 22 juillet 2013 la société Viandes Service a signifié aux intimées cesser immédiatement toutes relations commerciales avec elles au regard de la baisse partielle des commandes et les relations commerciales ont totalement cessé à compter de cette date.

Cette rupture sur l'autre partie des familles de viande, à savoir les 60 % restant, pour laquelle il n'est pas établi que les intimées n'entendaient pas respecter le préavis, n'est pas imputable aux sociétés RLPG Développement et Lafi Hard Discount la société Viandes Service étant à l'origine de cette rupture. Il y a lieu de considérer que cette rupture partielle de la société Viandes Service est fautive, le non-respect du préavis par les intimées sur certains types de produits ne pouvant justifier la décision de la société Viandes Service de ne pas les fournir sur les autres produits durant la fin du préavis.

Dès lors, la société Viandes Service ne peut prétendre qu'à la réparation de la violation partielle du préavis par les intimées, sur les 40 % de son activité.

Il est constant que le préjudice, résultant du non-respect du préavis, qui aurait dû lui être accordé, est constitué par la perte de la marge dont la victime pouvait escompter bénéficier pendant ce même préavis.

Le chiffre d'affaires, non utilement contesté, réalisé par la société Viandes Service avec la société RLPG Développement s'est élevé à la somme de 4 207 732 euros HT entre le 1er juillet 2011 et le 30 juin 2012 et de 5 395 421euros HT sur la période suivante, soit une moyenne annuelle de 4 801 576,50 euros et mensuelle de 400 131,37 euros HT. Ainsi, la société Viandes Service peut valablement prétendre à la marge perdue pendant 5 mois sur les 40 % du chiffre d'affaires moyen réalisés, correspondant à ce qu'elle aurait dû percevoir si les intimées n'avait pas réduit partiellement la famille des viandes commandées. La société Viandes Service démontre avoir réalisé un taux de marge brute moyen de 18,89 % en 2013 avec les intimées, les chiffres ayant été communiqués par le commissaire aux comptes de la société Viandes Service suivant une étude de la comptabilité de la société qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause.

Dès lors, au regard du secteur d'activité et des éléments du dossier, il y a lieu de fixer le taux de marge de la société Viandes Service à 18,89 %. Le préjudice mensuel de la société Viandes Service s'élève donc à la somme de 30 233,92 euros (160 052,54 x 18,89 %) soit sur 5 mois à la somme totale de 151 169,62 euros.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a dit que cette relation commerciale n'a pas été rompue brutalement, et débouté la société Viandes Service de sa demande de dommages et intérêts de 2 060 000 euros, fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.

En conséquence, il y a lieu de condamner solidairement la société RLPG Développement et la société Distri Sud-Ouest venant aux droits de la société Lafi Hard Discount à verser à la société Viandes Service la somme de 151 169,62 euros en réparation de son préjudice pour défaut d'exécution partielle du préavis et de débouter la société Viandes Service du surplus de ses demandes.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à réformer le jugement déféré sur le sort des dépens et des frais irrépétibles.

La société RLPG Développement et la société Distri Sud-Ouest venant aux droits de la société Lafi Hard Discount parties perdantes, doivent être condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer la somme de 8 000 euros à la société Viandes Service par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du Code de procédure civile formulée par les sociétés RLPG Développement et Distri Sud-Ouest.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant dans les limites de l'appel, rejette la demande de rabat de l'ordonnance de clôture tendant à déclarer irrecevables les conclusions signifiées le 4 octobre 2017 par les sociétés RLPG Développement et Distri Sud-Ouest, intervenante volontaire, venant aux droits et obligations de la société Lafi Hard Discount, confirme le jugement sauf en ce qu'il a : · dit que cette relation commerciale n'a pas été rompue brutalement, · débouté la société Viandes Service de sa demande de dommages et intérêts de 2 060 000 euros, formée sur les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, · condamné la société Viandes Service à payer à la société RLPG Développement la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et débouté les sociétés RLPG Développement et Lafi Hard Discount du surplus de leur demande à ce titre, · débouté les sociétés Viandes Service RLPG Développement et Lafi Hard Discount de toutes leurs autres demandes, fins ou conclusions, · condamné la société Viandes Service aux entiers dépens de l'instance, L'infirmant sur ces points, Statuant à nouveau, condamne solidairement les sociétés RLPG Développement et Distri Sud-Ouest à verser à la société Viandes Service la somme de 151 169,62 euros en réparation de son préjudice pour défaut d'exécution partielle du délai de préavis, déboute la société Viandes Service du surplus de ses demandes, condamne in solidum les sociétés RLPG Développement et Distri Sud-Ouest aux entiers dépens de première instance, Y ajoutant, condamne les sociétés RLPG Développement et Lafi Hard Discount in solidum aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer la somme de 8 000 euros à la société Viandes Service par application de l'article 700 du Code de procédure civile, rejette toute autre demande.