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Décisions

Cass. 1re civ., 6 décembre 2017, n° 16-14.974

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

UFC - Que Choisir Isère (Association)

Défendeur :

Franfinance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Rapporteur :

M. Vitse

Avocat général :

M. Drouet

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, SCP Célice, Soltner, Texidor, Périer

Grenoble, 1re ch. civ., du 26 janv. 2016

26 janvier 2016

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 11 juillet 2012, l'association Union fédérale des consommateurs - Que Choisir de l'Isère (l'UFC 38) a assigné la société Franfinance en suppression de clauses illicites ou abusives contenues dans le contrat de crédit renouvelable proposé par celle-ci aux consommateurs ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal : - Attendu que l'UFC 38 fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à l'insertion d'une clause rappelant la possibilité, pour le consommateur, de conclure un crédit amortissable aux lieu et place d'un crédit renouvelable, alors, selon le moyen : 1°) que le consommateur à qui est proposé un crédit renouvelable pour financer l'achat de biens ou de prestations de services particuliers pour un montant supérieur à 1 000 euros doit être informé de la possibilité de conclure un contrat de crédit amortissable ; que cette possibilité doit être mentionnée dans l'offre de prêt ; qu'en relevant, néanmoins, que l'offre de crédit n'était pas destinée à vérifier si le prêteur avait rempli son obligation d'information quant à la possibilité de conclure un contrat de crédit amortissable prévue par l'article L. 311-8-1 du Code de la consommation, la cour d'appel a violé l'ancien article L. 311-8-1 du Code de la consommation (actuel article L. 312-62) ; 2°) que le consommateur à qui est proposé un crédit renouvelable pour financer l'achat de biens ou de prestations de services particuliers pour un montant supérieur à 1 000 euros doit être informé de la possibilité de conclure un contrat de crédit amortissable ; qu'il doit pouvoir exprimer, dans l'offre de crédit, le choix du crédit pour lequel il opte ; qu'en relevant, pour écarter la demande de l'UFC 38, que la dernière version du contrat n'encourait pas la critique puisqu'elle rappelait la possibilité de conclure un contrat de crédit amortissable, cependant que la protection du consommateur suppose que le consommateur puisse, une fois informé sur les caractéristiques des deux types de contrat, exprimer par écrit, lors de la conclusion de l'offre, le contrat pour lequel il a opté, au besoin en cochant une case préimprimée dans l'offre de crédit, la cour d'appel a violé l'ancien article L. 311-8-1 du Code de la consommation (actuel article L. 312-62) ; 3°) qu'une association de consommateurs peut critiquer l'illicéité d'un contrat qui n'est plus en vigueur ; qu'en relevant, pour écarter la demande de l'UFC 38, que la dernière version du contrat n'encourait pas la critique puisqu'elle rappelait la possibilité de conclure un contrat de crédit amortissable, cependant qu'elle constatait que les deux précédents contrats ne comprenaient pas cette mention, la cour d'appel a violé l'ancien article L. 421-6 du Code de la consommation ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a exactement retenu que le prêteur n'était pas tenu de rappeler, dans l'offre préalable, la faculté d'option entre crédit renouvelable et crédit amortissable ;

Qu'ensuite, contrairement à ce que soutient la dernière branche, la cour d'appel n'a pas, en relevant que l'ultime version du contrat-type rappelait la faculté d'option offerte à l'emprunteur, dénié la possibilité pour l'UFC 38 d'agir en suppression des clauses abusives ou illicites figurant dans les versions antérieures ; d'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa dernière branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen du même pourvoi : - Attendu que l'UFC 38 fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à l'adjonction d'une mention désignant le bien acquis et son prix au comptant, alors, selon le moyen, que le contrat de crédit conclu afin de financer l'acquisition de biens ou services déterminés doit préciser le bien acquis et son prix comptant ; que ces principes s'appliquent au contrat de crédit renouvelable conclu lors d'une acquisition d'un bien ou d'un service ; qu'en jugeant néanmoins que bien que les contrats de crédit renouvelables litigieux soient proposés à l'occasion d'un achat, la société Franfinance n'avait pas à préciser la nature et la valeur du bien acquis, dans la mesure où les fonds disponibles pouvaient être utilisés pour d'autres achats et pour des retraits d'argent en espèces, la cour d'appel a violé l'ancien article R. 311-5, I, 2°, j), du Code de la consommation (actuel article R. 312-10) ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le concours litigieux présentait les caractères d'un crédit renouvelable, la cour d'appel en a exactement déduit que l'offre n'avait pas à comporter une mention désignant le bien acquis et son prix au comptant ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du même pourvoi : - Attendu que l'UFC 38 fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir déclarer abusive la clause du contrat, dans sa version 11/2013, prévoyant le remboursement du crédit renouvelable par prélèvement automatique sur le compte bancaire de l'emprunteur, sauf convention contraire des parties, alors, selon le moyen : 1°) que, dans ses conclusions d'appel, l'UFC 38 critiquait la rédaction de l'article 3.1 issue du contrat 11/2013, selon laquelle " sauf convention contraire entre vous et Franfinance, le remboursement s'effectuera par prélèvement sur votre compte bancaire. En signant le mandat de prélèvement SEPA, joint au présent contrat de crédit, vous autorisez Franfinance à prélever mensuellement les échéances de crédit sur votre compte bancaire ", en soulignant que cette clause ne laissait pas au consommateur une réelle possibilité d'opter pour un mode de paiement, dans la mesure où l'autorisation de prélèvement était signé parallèlement, de sorte que l'ajout de la mention " sauf convention contraire " était inutile ; qu'en jugeant, néanmoins, que la société Franfinance ne contestait pas la validité de cette clause, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du Code de procédure civile ; 2°) que le juge est tenu d'examiner d'office le caractère abusif des clauses contractuelles invoquées par une partie dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ; qu'en retenant, pour refuser d'examiner la validité de l'article 3.1 relatif aux modalités de remboursement des échéances de crédit, dans sa version issue du contrat 11/2013, que l'UFC 38 ne critiquait pas la nouvelle rédaction de la clause, cependant qu'il lui appartenait d'examiner, au besoin d'office, son caractère abusif, la cour d'appel a violé l'ancien article L. 421-6 du Code de la consommation (nouvel article L. 621-2) ;

Mais attendu que la clause litigieuse permet aux parties de convenir, lors de la conclusion du contrat de crédit renouvelable, d'un mode de paiement différent du prélèvement automatique, dont l'éventuelle autorisation peut toujours être suspendue par l'emprunteur, de sorte que ladite clause ne crée aucun déséquilibre significatif au détriment du consommateur ; que le moyen, inopérant en ses deux branches, ne peut être accueilli ;

Sur le cinquième moyen du même pourvoi : - Attendu que l'UFC 38 fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir déclarer abusive la clause contractuelle autorisant la cession du contrat de crédit par simple endos, alors, selon le moyen, que sont présumées abusives, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de permettre au professionnel de procéder à la cession de son contrat sans l'accord du non-professionnel ou du consommateur, lorsque cette cession est susceptible d'engendrer une diminution des droits du non-professionnel ou du consommateur ; qu'en relevant, pour juger valables les clauses d'endos contenues dans l'ensemble des versions du contrat de crédit, que " les droits du consommateur qui seraient susceptibles d'être affectés par la cession du contrat ou ses obligations susceptibles d'être aggravées n'étant pas précisés, il n'y a pas lieu d'interdire les stipulations litigieuses ", la cour d'appel a fait peser sur l'UFC 38 le soin de démontrer que les droits du consommateur étaient affectés par l'éventuelle cession du contrat et a inversé la charge de la charge de la preuve, en violation de l'ancien article R. 132-2, 5°, du Code de la consommation (actuel article R. 212-2, 5°, du Code de la consommation) ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que les conditions posées par l'article R. 132-2, 5°, devenu R. 212-2, 5°, du Code de la consommation, étaient cumulatives, de sorte qu'il incombait à l'UFC 38 d'établir que l'éventuelle cession du contrat litigieux était susceptible d'engendrer une diminution des droits du consommateur ; que le moyen, qui reproche à tort une inversion de la charge de la preuve, n'est pas fondé ;

Sur le sixième moyen du même pourvoi : - Attendu que l'UFC 38 fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir déclarer illicite ou abusive la clause interdisant la diminution du montant des mensualités restant dues en cas de remboursement anticipé partiel, alors, selon le moyen, que le consommateur qui rembourse de manière anticipée une partie d'un crédit renouvelable doit pouvoir choisir si le remboursement entraînera une diminution de la durée du crédit ou du montant des échéances à venir ; qu'en jugeant, néanmoins, que l'UFC 38 ne démontrait pas en quoi la clause selon laquelle " le remboursement partiel anticipé ainsi effectué ne modifie pas le montant de vos mensualités mais emporte réduction de la durée du remboursement " créait un déséquilibre significatif au détriment du consommateur puisque celui-ci n'avait aucune obligation d'effectuer un remboursement anticipé et que la réduction de la durée du remboursement se traduirait par une réduction du coût du crédit, la cour d'appel a violé l'article L. 311-22 du Code de la consommation (disposition reprise par l'actuel article L. 312-34) ;

Mais attendu, d'abord, que l'article L. 311-22, devenu L. 312-34 du Code de la consommation, ne permet pas à l'emprunteur d'imposer au prêteur la diminution du montant des échéances à venir en cas de remboursement partiel anticipé d'un crédit renouvelable ;

Et attendu, ensuite, que l'arrêt retient exactement que cette clause n'entraîne pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au détriment du non-professionnel ou du consommateur, dès lors que celui-ci n'a aucune obligation d'effectuer un remboursement anticipé et que la diminution de la durée du remboursement se traduit par une réduction du coût du crédit ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le septième moyen du même pourvoi : - Attendu que l'UFC 38 fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir juger illicite ou abusive la clause relative aux moyens d'utilisation du crédit, alors, selon le moyen, qu'est abusive la clause dont l'ambigüité est de nature à induire le consommateur en erreur sur ses droits ; qu'en se bornant à retenir que la clause selon laquelle le consommateur est responsable de la conservation de son Code était régulière, dès lors qu'elle ne dérogeait pas aux dispositions de l'article L. 133-19 du Code monétaire et financier exonérant l'utilisateur des conséquences d'une utilisation frauduleuse de ses moyens de paiement, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la clause ne laissait pas le consommateur penser qu'il était responsable des retraits effectués grâce à l'utilisation de son Code confidentiel, même en cas de fraude, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1 du Code de la consommation (nouvel article L. 212-1) ;

Mais attendu qu'en retenant que la clause litigieuse ne rendait pas l'emprunteur responsable de tout usage frauduleux de la carte dont il était titulaire en vertu du contrat de crédit renouvelable, et lui rappelait uniquement la nécessité de préserver la confidentialité du Code secret nécessaire à l'utilisation de cette carte, la cour d'appel a implicitement mais nécessairement considéré que ladite clause ne souffrait d'aucune ambiguïté, répondant ainsi au moyen prétendument délaissé ; que la décision est légalement justifiée de ce chef ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident : - Attendu que la société Franfinance fait grief à l'arrêt de déclarer illicite l'article 2 du contrat de crédit renouvelable, dans sa version 11/2013, en ce qu'il ne précise pas les conditions de révision du taux débiteur, alors, selon le moyen : 1°) que les dispositions de l'article R. 311-5, I, 2°, e), qui prévoit que l'offre doit préciser " le cas échéant tout indice ou taux de référence qui se rapporte au taux débiteur initial, ainsi que les périodes, conditions et procédures d'adaptation du taux " s'appliquent dans l'hypothèse d'un crédit consenti à taux variable et non à un crédit renouvelable stipulé à un taux révisable en fonction des variations du taux de base du prêteur, pour lequel il existe une procédure spécifique d'adaptation du taux ; qu'en conséquence, en faisant application des dispositions précitées au crédit renouvelable consenti par la société Franfinance, la cour d'appel a violé l'article R. 311-5 du Code de la consommation (actuel article R. 312-10) ; 2°) que l'information due à l'emprunteur sur " les périodes, conditions et procédures d'adaptation du taux " prévue par l'article R. 311-5, I, 2°, e), n'impose pas au prêteur qui consent un crédit renouvelable dont le taux est révisable en fonction des variations du taux de base de préciser les critères en considération desquelles celui-ci est déterminé ; qu'en conséquence, en jugeant la clause de variation du taux illicite dès lors qu'elle n'expose pas les critères de variation du taux, la cour d'appel a violé l'article R. 311-5, I, 2°, e), du Code de la consommation (actuel art. R. 312-10) ;

Mais attendu que c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que l'article R. 311-5, I, 2°, e), devenu R. 312-10, 2°, e), du Code de la consommation, dont le premier alinéa régit le crédit renouvelable, imposait à la société Franfinance d'indiquer dans l'offre les critères de variation du taux de base appliqué aux opérations de même nature ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du même pourvoi : - Attendu que la société Franfinance fait grief à l'arrêt de déclarer abusif l'article 8.5 du crédit renouvelable, dans sa version 11/2013, relatif à la tarification, alors, selon le moyen : 1°) que l'offre à laquelle se réfère la cour d'appel prévoit expressément que le coût des assurances est calculé en considération du taux mensuel révisable et que les " taux de cotisation initiaux (sont) susceptibles de révision " (article 7) ; qu'elle renvoie expressément à ce dernier égard à l'article 8.5 du contrat relatif à la tarification lequel offre aux consommateurs le droit de refuser le changement de tarification ; qu'en jugeant cette rédaction ambiguë dès lors qu'elle ne permet pas d'identifier les éléments susceptibles d'être révisés, pour en déduire son caractère abusif, la cour d'appel a méconnu les termes dépourvus d'équivoque du contrat de crédit et a violé l'article L. 132-1 (aujourd'hui L. 212-1) du Code de la consommation, ensemble l'article 1134 du Code civil ; 2°) qu'aucune exigence de détermination n'est applicable aux frais et coûts liés à un contrat de crédit ; que, de surcroît, l'article R. 311-5, I, 2°, g), prévoie expressément la possibilité de modifier les frais liés à l'exécution du contrat de crédit ; qu'en conséquence, en considérant que le prêteur n'a pas de " possibilité de modifications en cours de contrat " sauf en ce qui concerne le taux d'intérêt, pour empêcher toute modification de la tarification, en ce compris le coût des assurances, la cour d'appel a violé les articles R. 311-5 du Code de la consommation (aujourd'hui R. 312-10), ensemble l'article 1129 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la clause litigieuse ne permettait pas d'identifier les éléments dont le tarif était susceptible d'être révisé, ce dont il résultait qu'elle était imprécise, la cour d'appel en a exactement déduit son caractère abusif ; que le moyen, inopérant en sa seconde branche, ne peut être accueilli ;

Mais sur le quatrième moyen du pourvoi principal : - Vu l'article L. 113-2, 2°, du Code des assurances ; - Attendu, selon ce texte, que l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions précises posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel celui-ci l'interroge, lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à lui faire apprécier les risques qu'il prend en charge ;

Attendu que, pour rejeter la demande de l'UFC 38 tendant à voir déclarer illicite ou abusive la clause comportant une déclaration d'état de santé à remplir par l'emprunteur qui adhère à l'assurance proposée par le prêteur, l'arrêt assimile cette déclaration à un questionnaire, en le jugeant clair et dénué d'ambiguïté ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le consommateur n'était pas seulement invité à apposer sa signature au bas d'un formulaire préimprimé, sans répondre à des questions précises, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de l'association Union fédérale des consommateurs - Que Choisir de l'Isère tendant à voir déclarer illicite ou abusive la clause incluant une déclaration d'état de santé sans procéder par voie de questionnaire, l'arrêt rendu le 26 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée.