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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 15 décembre 2017, n° 14-02445

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Socopa (SARL)

Défendeur :

Trioplast SMS (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lis Schaal

Conseillers :

Mme Bel, M. Picque

Avocats :

Mes de La Taille, Botbol Lalou, Abadie, Lugosi, Boisnard

T. com. Rennes, du 16 janv. 2014

16 janvier 2014

Faits et procédure

Par l'intermédiaire de la centrale d'achat Alliance Appro, la société Socopa a, les 25, 27 et 28 février 2013, passé commande de 2 095 bobines à la société Trioplast SMS. 8 bons de commande ont ainsi été régularisés.

Le 5 mars 2013, la société Trioplast SMS a informé la centrale d'achat Alliance Appro qu'elle ne pourrait pas honorer les commandes de la société Socopa avant le mois de juillet 2013.

Par lettre du 15 mars 2013, la société Socopa a mis en demeure la société Trioplast SMS de procéder à la livraison de bobines commandées. Cette mise en demeure est restée sans effet.

Par assignation délivrée le 23 mai 2013 à la société Trioplast SMS, la société Socopa a saisi le Tribunal de commerce de Rennes d'une demande visant à condamner la société Trioplast SMS à lui payer la somme de 75 000 euros à titre de dommages et intérêts pour avoir sciemment refuser d'honorer les ventes conclues ou, à titre subsidiaire, pour avoir rompu de manière brutale leurs relations commerciales établies.

Par jugement rendu le 16 janvier 2014, le Tribunal de commerce de Rennes a :

- débouté la société Socopa de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamné la société Socopa à payer à la société Trioplast SMS la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté la société Trioplast SMS du surplus de sa demande ;

- condamné la société Socopa aux entiers dépens.

Le Tribunal de commerce de Rennes a décidé que la société Socopa ne pouvait prétendre être la cliente de la société Trioplast SMS puisque tous les bons de commande et toutes les factures étaient libellées au nom de la société Alliance Appro. Les premiers juges ont constaté que c'est la société Alliance Appro qui acquittait la totalité des factures de la société Trioplast SMS, avant de les refacturer à la société Socopa. Ils ont alors jugé que la vente des bobines était parfaite entre la société Alliance Appro et Trioplast.

Le Tribunal de commerce de Rennes a ensuite estimé que la société Trioplast SMS n'avait pas refusé de prendre en compte la commande la société Socopa passée par l'intermédiaire de la centrale d'achat Alliance Appro, mais avait simplement imposé un délai de livraison en raison d'une rupture de stock. Les premiers juges ont constaté que la quantité de bobines commandée était beaucoup plus importante que les autres années. Ils ont également souligné la rapidité à laquelle la société Alliance Appro avait, pour pallier la rupture de stock de la société Trioplast SMS, passé commande auprès d'un autre fournisseur.

Le Tribunal de commerce de Rennes a enfin jugé que le seul fait de ne pas pouvoir répondre favorablement à une demande de livraison et de proposer un délai plus éloigné ne constituait pas une rupture brutale des relations commerciales. Les premiers juges ont également fait remarquer que l'existence d'une relation commerciale établie entre les sociétés Socopa et Trioplast SMS n'était pas établie.

La société Socopa a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 4 février 2014.

Prétentions des parties

Par ses conclusions signifiées par RPVA le 2 octobre 2017, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, de leurs moyens et de leur argumentation, la société Socopa sollicite de la Cour de :

recevoir la société Socopa en son appel et y faisant droit,

infirmer le jugement rendu le 16 janvier 2014 par le Tribunal de commerce de Rennes en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Vu les dispositions des articles 1583 et suivants du Code civil,

constater que la société Trioplast SMS a sciemment refusé d'honorer les ventes conclus avec la société Socopa dans les délais d'usage alors même qu'elle s'était engagée à tout le moins à hauteur de 1800 bobines

en conséquence, condamner la société Trioplast SMS à payer à la société Socopa la somme de 75 000 euros à titre de dommages et intérêts

Subsidiairement,

Vu les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

juger qu'en refusant d'honorer les ventes litigieuses dans les délais d'usage, la société Trioplast SMS a mis fin de manière brutale à des relations commerciales établies avec la société Socopa,

en conséquence, condamner la société Trioplast SMS à payer à la société Socopa la somme de 75 000 euros à titre de dommages et intérêts,

En tout état de cause,

débouter la société Trioplast SMS de l'ensemble de ses prétentions,

condamner la société Trioplast SMS à payer à la société Socopa la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

condamner la société Trioplast SMS aux entiers dépens,

Sur l'existence d'une relation contractuelle entre les sociétés Socopa et Trioplast SMS,

La société Socopa soutient qu'elle a passé commande auprès de la société Trioplast SMS et que la société Alliance Appro n'est qu'un intermédiaire. Elle explique que la société Trioplast SMS la livre directement et que les factures émises sont directement libellées à son nom. Elle explique également que les confirmations de commande de la société Trioplast SMS mentionne son nom " par Alliance Appro ", preuve que la centrale d'achat n'est qu'un intermédiaire de commande et de paiement.

Sur le non-respect de ses engagements par la société Trioplast SMS,

La société Socopa soutient que le 20 février 2013 la société Trioplast SMS a confirmé un accord oral intervenu par lequel cette dernière s'engageait auprès de la centrale d'achat Alliance Appro à fournir 1.800 bobines.

Elle prétend qu'un délai de paiement de 5 mois pour un produit saisonnier ne pouvant être utilisé qu'avant le mois d'avril constitue un refus de vente pur et simple. Or elle affirme que les parties s'étaient accordées sur la chose et le prix, rendant ainsi parfaite la vente de bobine. Elle ajoute que la société Trioplast SMS a bien confirmé par écrit la commande par son courriel en date du 20 février 2013. Elle en déduit que la société Trioplast SMS ne pouvait dès lors refuser d'exécuter la vente dans les délais d'usage. Elle rappelle que la société Trioplast SMS l'a toujours livré dans les semaines suivant la commande.

Elle soutient que la société Trioplast SMS ne prouve pas que son stock était insuffisant. Elle rappelle que la commande qu'elle a passé ne représente qu'une fraction de 0,01% du chiffre d'affaires annuel de la société Trioplast SMS. Elle explique que cette dernière aurait pu la livrer partiellement mais qu'elle a refusé. Elle rappelle qu'elle avait besoin d'être livrée pour pouvoir assurer sa récolte d'avril et qu'il était totalement aberrant de lui proposer un délai de livraison au mois juillet.

Elle explique qu'en raison du refus de livraison de la société Trioplast SMS, elle n'a pu livrer ses propres clients et a ainsi perdu une marge annuelle de 25 512 euros, à laquelle s'ajoute une perte de marge sur la vente litigieuse de 8 800 euros.

Sur la rupture brutale d'une relation commerciale établie,

La société Socopa soutient qu'elle entretient avec la société Trioplast SMS une relation commerciale établie puisque de nombreuses ventes ont été conclus entre elles depuis 2011.

Elle prétend qu'elle n'a été avertie que tardivement et sans préavis aucun que la société Trioplast SMS ne pourrait honorer la commande. Elle estime donc que cette dernière a rompu brutalement leur relation commerciale établie.

Elle affirme avoir subi un préjudice d'image du fait de cette rupture brutale.

Par ordonnance du 09 avril 2015, les conclusions en date du 17 décembre 2014 et les pièces de la société Trioplast ont été déclarées irrecevables en application de l'article 909 du Code de procédure civile.

Cette ordonnance a été confirmée par arrêt du 18 décembre 2015.

SUR CE;

Sur la demande principale de Socopa;

Considérant que la société Socopa soutient que la société Trioplast SMS a commis une faute en refusant de la livrer dans les délais et que la vente était parfaite sur le fondement de l'article 1583 du Code civil qui dispose que " (la vente) est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé. ",

qu'en l'espèce, si les commandes et les pourparlers pour la livraison avaient lieu avec Alliance Appro, il n'en demeure pas moins que les factures étaient libellées au nom de Socopa qui apparaissait comme l'acheteur et le destinataire final à qui la marchandise devait être livrée,

que la société Alliance Appro agissait donc pour le compte de la société Socopa comme centrale d'achat,

que les commandes litigieuses de février 2013 portaient toutes en outre le nom de la société Socopa comme ayant commandé la marchandise,

que la société Socopa était donc bien la cliente de la société Trioplast à qui elle avait passé plusieurs commandes qui avaient été acceptées,

Mais considérant qu'il n'est pas démontré que la société Trioplast SMS ait opposé un refus de vente à la société Socopa, ou tout du moins qu'elle ait refusé de livrer dans les délais d'usage après que la vente ait été conclue,

qu'en effet, il résulte du jugement entrepris que la société Trioplast a informé la société Alliance Appro par courrier du 5 mars 2013 qu'elle n'était pas en mesure de livrer avant le mois de juillet 2013 (soit 5 mois après) la commande passée, au vu de l'importance de la quantité de marchandise demandée,

que la société Socopa n'a établi aucun manquement à ses obligations par la société Trioplast SMS, le délai d'usage de livraison en la matière n'étant pas démontré,

qu'il y a donc lieu à confirmer le jugement entrepris qui a débouté la société Socopa de sa demande;

Sur la demande subsidiaire de Socopa;

Considérant que la société Socopa agit à titre subsidiaire sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales en application de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,

que l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce dispose :

" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan :

5°) De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminé, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (...) ",

que l'application de ces dispositions suppose l'existence d'une relation commerciale qui s'entend d'échanges commerciaux conclus directement entre les parties, revêtant un caractère suivi, stable et habituel laissant raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine pérennité dans la continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux,

qu'en outre la rupture doit avoir été brutale, soit sans préavis écrit soit avec un délai de préavis trop court ne permettant pas à la partie qui soutient en avoir été la victime de pouvoir trouver des solutions de rechange et de retrouver un partenaire commercial équivalent ;

Considérant que si la relation commerciale entre Socopa et Trioplast SMS peut revêtir les caractères de suivie, stable et habituelle quoique que peu ancienne et que les échanges commerciaux étaient directs, un report de livraison ne peut s'analyser en une rupture brutale des relations commerciales alors qu'aucune rupture ne peut être soutenue et qu'il n'y a eu ni non-respect de la vente ni refus de livraison de la part de la société Trioplast SMS,

que l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ne peut trouver application en l'espèce,

qu'il convient en conséquence de débouter la société Socopa et de confirmer le jugement entrepris

Considérant que la société Socopa ayant succombé, il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile à son profit;

Par ces motifs ; LA COUR, confirme le jugement entrepris ; déboute les parties de leurs plus amples prétentions ; dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile ; condamne la société Socopa aux entiers dépens.