CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 6 décembre 2017, n° 15-11606
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Leader Concept-Organisation (SAS)
Défendeur :
Orange (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mmes Mouthon Vidilles, Comte
Avocats :
Mes Fromantin, Sarrauste, Eslami Nodouchan
FAITS ET PROCÉDURE
La société Leader Concept-Organisation (ci-après " LCO ") est spécialisée dans les services téléphoniques offerts aux grands comptes depuis 20 ans.
A la suite du rachat par la société France Télécom de la société Orange PLC, dont Hutchinson Télécom était actionnaire, la société Leader Concept-Organisation a travaillé pour la société Orange France.
Deux contrats liant la société Leader Concept-Organisation à la société Orange France ont été conclus le 17 janvier 2005 et ont généré les dernières années des chiffres d'affaires de 4,7 millions d'euros environ : un contrat de distribution organisant la commercialisation des offres et produits d'Orange ; un contrat de grossiste relatif à la fourniture de prestations de logistique et support auprès des détaillants du réseau Orange.
Chaque contrat prévoyait une faculté de modification, à l'initiative d'Orange, de la rémunération du partenaire en fonction de critères objectifs liés à l'évolution du marché de la téléphonie mobile.
À partir de 2010, la société Orange France a exprimé le souhait de renégocier les contrats en cours avec la société Leader Concept-Organisation, soutenant que l'évolution du marché de la téléphonie mobile impliquait la modification des conditions de rémunération de ses prestataires, elle-même subissant des baisses importantes sur les ouvertures de lignes. Ces négociations n'ont jamais abouti. Le 4 juin 2010, la société Orange France a fait état de ses difficultés à maintenir les tarifs existants. Dans un courrier du 11 mai 2011, la société LCO faisait part de ses craintes relatives à la baisse de certaines de ses rémunérations. Le 9 novembre 2011, Orange France offrait à la société LCO la faculté de poursuivre leur partenariat, avec engagement de l'accompagner dans les évolutions proposées au niveau financier ou commercial. Par mail du 2 juillet 2012, Orange France lui proposait un projet de contrat-cadre de prestations de services.
Le 27 février 2013, la société Orange France a résilié, avec un préavis de 18 mois, les deux contrats la liant à la société Leader Concept-Organisation.
Par acte du 10 avril 2013, la société Leader Concept-Organisation a assigné la société Orange France devant le Tribunal de commerce de Paris en vue d'obtenir réparation de la dénonciation des contrats.
Par jugement du 13 avril 2015, le Tribunal de commerce de Paris a :
- débouté la société Leader Concept-Organisation de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société Leader Concept-Organisation à payer à la société Orange France la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire sans garantie d'office,
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif,
- condamné la société Leader Concept-Organisation aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.
LA COUR
Vu l'appel interjeté par la société Leader Concept-Organisation et ses dernières conclusions signifiées le 18 septembre 2017, par lesquelles il est demandé à la cour de :
vu les dispositions de des articles 1143 et suivants du Code civil,
vu les dispositions de l'article L. 420-2 2e paragraphe du Code de commerce,
vu les dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce,
- dire et juger la Société Leader Concept-Organisation recevable et bien fondée en son appel,
- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 avril 2015 par le Tribunal de commerce de Paris,
statuant de nouveau,
- déclarer la société Orange France irrecevable, en tout cas mal fondée, concernant l'ensemble de ses moyens, fins, conclusions et demandes,
- l'en débouter,
- constater que la société Orange France a dénoncé de manière unilatérale et brutale, à ses torts exclusifs, les accords contractuels du 17 janvier 2005 et ce, à effet au 1er septembre 2014,
- constater et au besoin dire et juger que par cette dénonciation des contrats, la société Orange France s'est rendue coupable d'un abus de dépendance économique prohibé par l'article L. 420-2, 2e paragraphe du Code de commerce,
- juger que la société LCO a agi en qualité de mandataire d'Orange France pour l'ouverture de lignes téléphoniques et requalifier par conséquent cet aspect des accords contractuels en contrat d'agent commercial,
- juger que cette même dénonciation des contrats en cours a conduit à la liquidation de la société LCO,
en conséquence de ce qui précède,
- condamner la société Orange France à verser à la société LCO une somme de 9 757 120 euros (neuf millions sept cent cinquante-sept mille cent vingt euros) à titre de dommages et intérêts, tous chefs de préjudice confondus, montant qui correspond à 2 années de chiffre d'affaires de la société LCO calculé sur la base de la moyenne des trois derniers exercices,
- condamner la société Orange France à verser à la société LCO la somme de 10 000 euros (dix mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Orange France à supporter les dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Edmond Fromantin, avocat postulant ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 9 octobre 2017 par la société Orange France, intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de :
vu l'article L. 420-2 du Code de commerce,
vu les articles 1134 et 1984 et suivants du Code civil,
vu les contrats en date du 17 janvier 2005,
vu les arguments développés et les pièces annexées,
- dire et juger mal fondées les prétentions de la société Leader Concept-Organisation, par conséquent,
- débouter la société Leader Concept-Organisation de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- confirmer le jugement du 13 avril 2015 du Tribunal de commerce de Paris,
y ajoutant,
- condamner la société Leader Concept-Organisation à verser à la société Orange une somme complémentaire de 20 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maitre Emmanuel Eslami, avocat postulant ;
SUR CE
Sur la situation de dépendance économique et l'abus de dépendance économique allégués par l'appelante
La société LCO estime que la société Orange France, en connaissance de sa situation de dépendance économique, a tenté de lui imposer de manière unilatérale, des conditions contractuelles qui auraient abouti à une diminution de son chiffre d'affaires de l'ordre de 60 %. La société LCO affirme qu'est également constitutif d'un abus de dépendance économique, la rupture effective desdits contrats.
La société Orange France réplique que la société LCO ne démontre ni être en situation de dépendance économique, ni avoir subi une exploitation abusive de celle-ci. En effet, elle soutient que l'abus ne peut résider dans la rupture des relations commerciales, chaque partie étant libre de procéder à la résiliation d'accords contractuels à durée indéterminée moyennant un délai de préavis raisonnable.
L'article L. 420-2 du Code de commerce prévoit en son alinéa 2 que " est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées au I de l'article L. 442-6 ou en accords de gamme ".
L'abus de dépendance économique peut se définir comme une entrave à la concurrence exercée par une entreprise placée en situation de force sur un marché à l'encontre de ses partenaires commerciaux qui ne peuvent se passer de cette coopération, car elles ne disposent pas de solution alternative dans des conditions économiques raisonnables.
L'application de cet article suppose ainsi d'établir, dans un premier temps, l'état de dépendance économique d'une entreprise à l'égard d'une autre, dans un deuxième temps, l'abus commis par cette dernière, et enfin la potentialité d'affectation du fonctionnement ou de la structure de la concurrence.
La seule circonstance qu'un distributeur réalise une part très importante, voire exclusive, de son approvisionnement auprès d'un seul fournisseur ne suffit pas à caractériser son état de dépendance économique au sens de l'article L. 420-2, alinéa 2, du Code de commerce. Celle-ci résulte de la notoriété de la marque du fournisseur, de l'importance de sa part de marché, de l'importance de la part du fournisseur dans le chiffre d'affaires du revendeur et, enfin, de la difficulté pour le distributeur d'obtenir d'autres fournisseurs des produits équivalents, ces conditions devant être simultanément remplies, sans que la circonstance que cette situation de dépendance économique résulte de clauses volontairement souscrites puisse être opposée à la victime.
Il n'est pas contesté que plus de 90 % du chiffre d'affaires de la société LCO était réalisé avec la société Orange France. La notoriété de la marque et l'importance du chiffre d'affaires de la société Orange dans le secteur concerné par les contrats ne sont pas davantage débattues. En revanche, les parties s'opposent sur la faculté, pour la société LCO, de trouver des solutions alternatives.
La société LCO soutient que, maintenue dans une relation d'exclusivité avec Orange France et s'étant spécialisée, à sa demande, dans un secteur très particulier, elle ne pouvait trouver des solutions alternatives.
Elle prétend que, dès l'origine, le contrat de distribution conclu par elle avec la société Hutchinson Télécom comportait une clause de non-concurrence qui avait pour effet de faire d'elle son partenaire exclusif et que l'objectif poursuivi par la suite par Orange a toujours été de la contraindre à des relations exclusives.
Mais la société Orange souligne à juste raison que la société LCO ne démontre l'existence d'aucune exclusivité contractuelle imposée par elle. Les articles 4.2 des contrats de distribution et de grossiste disposent en effet : " A titre déterminant du consentement d'Orange France à la conclusion des présentes, le distributeur déclare qu'il n'a souscrit aucun engagement vis-à-vis de quelque tiers que ce soit, en ce compris les opérateurs concurrents de Orange France, leurs mandataires, leurs grossistes ou leurs distributeurs, qui aurait pour effet, directement ou indirectement, d'empêcher ou d'affecter l'exécution loyale et de bonne foi des obligations visées aux présentes " (la formulation du contrat de grossiste est à peu près identique).
Ces dispositions visaient à prémunir la société Orange France, au moment de la conclusion des deux contrats, de tout engagement de non-concurrence ou d'exclusivité qu'aurait pris son partenaire antérieurement à la conclusion des contrats et lui permettaient de s'assurer que la personne avec laquelle elle s'apprêtait à contracter ne violait aucune obligation d'exclusivité ou de non-concurrence souscrite antérieurement avec l'un de ses concurrents. Si un tel cas venait à se réaliser, elle pourrait en effet être considérée comme complice de la violation de l'exclusivité précédemment consentie par son partenaire contractuel, susceptible d'engager à cet égard sa responsabilité civile.
La société LCO a d'ailleurs reconnu l'absence de dispositions contractuelles prévoyant des relations exclusives, dans son courrier du 11 mai 2011 (pièce 7 de la société Orange) : " cette exclusivité ne résulte pas à proprement parler des documents contractuels, mais d'une pratique constante et avérée : plus de 90 % du chiffre d'affaires des signataires dans le domaine de la distribution est effectué avec le groupe France Telecom et le reste avec des clients de votre groupe, à votre demande ".
Elle ne démontre pas davantage qu'existerait un engagement d'exclusivité de fait imposé par la société Orange France.
S'agissant des possibilités de diversification de la société LCO, il apparaît qu'elle aurait pu, en premier lieu, exploiter et développer le marché afférent à son contrat de grossiste. Or, il résulte du dossier que celui-ci est resté en sommeil. Elle aurait pu, en deuxième lieu, conclure un partenariat avec un autre opérateur opérant sur le marché de gestion de flotte de téléphonie mobile pour les grands comptes, la société SFR constituant à cet égard le concurrent principal de la société Orange France, et aucun élément du dossier ne démontrant que le passage des clients grands comptes de l'une à l'autre société soit difficile. Elle aurait pu, en troisième lieu, proposer des offres de téléphonie mobile différentes des offres d'Orange aux grands comptes, en s'adressant à Free ou à Bouygues, à un des multiples MVNO ou à des sociétés grossistes. Enfin, il lui était possible de réorienter son activité sur le marché des PME/PMI ou sur le marché de la téléphonie fixe et des offres convergentes.
Il n'est donc pas établi l'absence, sur le marché pertinent, de solutions de remplacement pour la société LCO, pour des produits identiques ou voisins, et à des conditions comparables. En conséquence, elle ne démontre pas sa situation de dépendance économique à l'égard d'Orange France.
Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société LCO de sa demande fondée sur l'abus de dépendance économique.
Sur la demande de requalification du contrat en mandat d'intérêt commun ou d'agent commercial
La société LCO estime avoir agi dans le cadre de ses relations contractuelles avec la société Orange en tant que mandataire d'intérêt commun, ce qui l'autoriserait à demander la requalification de son contrat en contrat d'agent commercial, avec les conséquences financières qui découlent de la rupture de contrat. L'appelante soutient qu'elle a subi un préjudice équivalant à deux années de chiffre d'affaires, calculé sur la base de la moyenne des trois dernières années (14 635 681/3= 4 878 560 x 2= 9 757 120 euros).
Mais aux termes de l'article 1984 du Code civil alors en vigueur, le mandat est un contrat par lequel le mandant confère à une personne qui en accepte la charge le pouvoir et la mission d'accomplir pour elle et en son nom un acte juridique et non pas de simples actes matériels, sans pouvoir de représentation.
Il y a mandat d'intérêt commun lorsque les deux parties ont un égal intérêt dans l'opération juridique que le mandataire est chargé de négocier ou de conclure pour le compte et au nom du mandant.
En l'espèce, l'article 1.2 alinéa 2 du contrat de distribution du 17 janvier 2005 stipule que " à ce titre, le distributeur agit en son nom et pour son compte, à ses risques et périls, à l'aide de ses moyens d'exploitation propres ". En outre, la société Orange France expose à juste titre que la société LCO n'a pas agi en tant que mandataire d'intérêt commun, car elle n'a pas reçu pouvoir de négocier les termes des contrats d'ouverture des lignes, en son nom et pour son compte.
Il ressort de ces dispositions contractuelles qui font la loi des parties et qu'aucun élément de fait ne contredit, que la société LCO ne démontre pas avoir eu un pouvoir de conclure au nom et pour le compte de la société Orange France un contrat avec un client, de sorte qu'elle intervenait en qualité de simple intermédiaire sans avoir la qualité de mandataire.
En conséquence, faute de démonstration de l'existence d'un mandat entre les parties, les sociétés appelantes ne peuvent revendiquer aucun mandat d'intérêt commun. Elles ne peuvent pas plus revendiquer l'existence d'un contrat d'agence commerciale dès lors que l'article L 134-1 du Code de commerce dispose que : " L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestations de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux ".
Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a refusé de qualifier de mandat d'intérêt commun ou d'agence commerciale les services rendus par la société LCO.
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
La société LCO soutient que les relations commerciales avec la société Orange remontent à 1993 et ont donc duré 21 ans, les conditions de la rupture devant être appréciées au regard de cette ancienneté. Elle affirme avoir tenté d'obtenir des explications sur les aménagements contractuels que la société Orange souhaitait lui imposer, sans aucun succès. Un délai théorique de 18 mois de préavis serait, selon elle, insuffisant pour mettre un terme à une relation contractuelle de 21 ans, d'autant plus que son chiffre d'affaires n'a pas été maintenu pendant la période de préavis.
La société Orange soutient que les refus systématiques de la société LCO dans le cadre des négociations en cours l'ont contrainte à résilier leurs engagements contractuels en lui accordant 18 mois de prévenance, délai plus que suffisant. Elle expose qu'il appartient à l'appelante, laquelle se prévaut d'une ancienneté de 20 ans dans ses relations commerciales, de démontrer qu'il s'agit bien de la même relation qui s'est poursuivie.
Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce : " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ''.
Le principe des relations commerciales établies n'est pas contesté par les parties, qui s'opposent sur leur durée, et la brutalité de la rupture.
Le 27 février 2013, la société Orange France a résilié avec un préavis de 18 mois les deux contrats la liant à la société Leader Concept-Organisation.
Il convient ainsi de déterminer si ce délai de préavis de 18 mois est suffisant.
La durée du préavis doit être fixée à une durée suffisante pour permettre à l'entreprise de se réorienter, c'est-à-dire pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une autre solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, le volume d'affaires réalisé et la progression du chiffre d'affaires, le secteur concerné, les investissements effectués, les relations d'exclusivité, la spécificité des produits et la dépendance économique. Le délai du préavis suffisant s'apprécie au moment de la notification de la rupture.
La société Orange soutient à juste raison que la société LCO ne justifie pas que le flux d'affaires entamé avec la société Hutchinson Télécom ait continué avec les sociétés FTMS, puis Orange, l'objet des contrats signés avec Hutchinson étant la distribution de cartes SIM et de radiotéléphones portables, fixes et portatifs, à savoir un objet différent de celui des contrats postérieurement signés (pièces 36 à 46 de LCO).
Les relations ont donc commencé le 17 janvier 2005 ; elles ont durée huit ans.
Compte tenu de cette durée, du pourcentage du chiffre d'affaires de la société LCO réalisé avec Orange, de plus de 90 %, et des caractéristiques du marché, le préavis de 18 mois est raisonnable, de sorte que la rupture n'a pas été brutale.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris sur ce point.
Sur l'effectivité du préavis
La société LCO soutient que son chiffre d'affaires n'a pas été maintenu pendant la période de préavis et que la société Orange a mis en œuvre des procédés déloyaux, depuis la date de résiliation des conventions, pour la déstabiliser, notamment :
- des retards de paiements et erreurs en sa défaveur dans le calcul des rémunérations dues,
- la reprise des clients LCO par la société Orange en direct,
- la privation de moyens (suppression des états de parcs, suppression des accès au service de traitement des demandes émanant des distributeurs, suppression de la remise des fichiers quotidiens et cessation des commandes).
La société Orange réplique que le volume d'affaire de LCO réalisé avec elle a été maintenu durant l'exécution du préavis : pendant les 19 mois précédant la période de préavis, elle a versé à LCO une somme de 7 233 002,08 euros en règlement de ses prestations et pendant les 18 mois de préavis la somme de 7 782 878,11 euros en règlement de ses prestations, outre les régularisations à intervenir ultérieurement.
Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qui est soutenu par la société LCO (pièce 238 de LCO), le volume d'affaires exécuté avec la société Orange durant le préavis est sensiblement équivalent à celui exercé pendant la période antérieure (pièce 35 de la société Orange).
Par ailleurs aucune volonté de captation de la clientèle n'est établie de la part d'Orange, celle-ci justifiant avoir au contraire sollicité LCO pour traiter avec les clients Malakoff Mederic, Facteo, Kingfisher, System U et Euro Information. D'autre part, les réclamations portant sur les rémunérations de LCO n'ont pas fait l'objet de traitements plus longs durant le préavis que durant la période antérieure.
Les autres griefs qui sont imputés à la société Orange France sont insuffisamment documentés par la société LCO, voire totalement contredits par la société Orange (pièce Orange n° 30).
En conséquence, la société LCO ne démontre pas que le préavis de 18 mois qui lui a été accordé n'aurait pas été effectif.
Sur les dépens et frais irrépétibles
La société LCO, succombant au principal, sera condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société Orange la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, y ajoutant, Juge que le préavis consenti a été effectif, Déboute la société LCO de toutes ses demandes, Condamne la société LCO aux dépens de l'instance d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne la société LCO à payer à la société Orange la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.